Madame la présidente, monsieur le ministre, madame l'ambassadrice, mes chers collègues, la diplomatie parlementaire est précieuse. Elle permet à des élus d'échanger en toute bienveillance, ainsi que de partager leurs espoirs, leurs doutes et leurs angoisses.
Je pense que mes collègues du Sénat et moi y contribuons activement au sein du groupe interparlementaire d'amitié France-Arménie, que j'ai l'honneur de présider. Notre groupe est l'un des plus actifs de la Haute Assemblée grâce à l'engagement extraordinaire de tous ses membres. Je veux leur rendre hommage.
Je souhaite aussi remercier tout particulièrement le président Gérard Larcher, qui a toujours soutenu nos initiatives.
Je salue également l'engagement sincère et l'aide efficace de Bruno Retailleau.
J'exprime enfin ma reconnaissance aux présidents de l'ensemble des groupes politiques du Sénat. Ils ont accepté de cosigner ce texte, faisant la démonstration, par cette belle unanimité, que la cause arménienne dépasse les clivages politiques.
En effet, cette cause renvoie à l'universel. Elle se rapporte à la défense des droits de l'Homme, par opposition au funeste projet génocidaire de l'Azerbaïdjan et de la Turquie ; elle a trait à la défense de la démocratie contre la dictature, ainsi qu'à la défense de l'ordre international et de la diplomatie contre l'emploi de la force et le retour des logiques de puissance.
Comme je l'indiquais il y a un instant, la diplomatie parlementaire a parfois une longueur d'avance sur la diplomatie officielle, grâce aux liens de confiance et de fraternité qui se tissent entre parlementaires.
Grâce à ces liens, nos amis députés arméniens nous ont livré avec une grande franchise leurs réflexions sur la situation de leur pays. À plusieurs reprises, notamment en 2019, ils nous ont alertés sur les risques d'une agression militaire. Leurs craintes étaient fondées. Nous les avons relayées auprès des autorités françaises, mais elles n'ont pas toujours été entendues, en tout cas pas assez tôt.
Par conséquent, je défends cette proposition de résolution avec une certaine solennité et avec le devoir moral de témoigner du sentiment d'urgence absolue exprimé par nos collègues parlementaires arméniens.
Cette proposition fait suite à l'offensive militaire menée par l'Azerbaïdjan en septembre dernier, en violation de l'accord de cessez-le-feu.
En apparence, le contexte a évolué ces dernières semaines, avec la libération de trente-deux prisonniers et la volonté affichée des deux pays de trouver une voie de conciliation. Nous soutiendrons bien sûr toute initiative allant dans le sens d'une paix équitable et sincère.
Il n'en demeure pas moins absolument nécessaire de dénoncer ce qu'ont vécu et que vivent encore les 120 000 Arméniens d'Artsakh. Après plus de dix mois d'un blocus qui les a privés de tout, tous ont été contraints de quitter leur terre et leur maison. Ce que notre ancienne ministre des affaires étrangères a qualifié d'« épuration ethnique » a, en réalité, toutes les caractéristiques d'un véritable projet génocidaire.
Comme l'exode contraint des populations n'était pas suffisant, le président Aliev est venu piétiner leur drapeau et effacer toute trace de leur présence à Stepanakert, en détruisant le patrimoine arménien et en rebaptisant les rues du nom des auteurs du génocide de 1915. Ces actes odieux nous ont glacé le sang.
Aujourd'hui, souhaitant faire acter une position acquise illégitimement par la violence, l'Azerbaïdjan assure vouloir faire la paix. Cette intention revient à entériner l'annexion du Haut-Karabagh et l'épuration ethnique qui s'est ensuivie. Nous ne pouvons nous y résoudre.
Tel est le sens de la résolution qui vous est présentée, mes chers collègues.
Premièrement, elle vise à condamner l'offensive militaire de septembre dernier, condamnation dont il devrait logiquement résulter l'application d'un régime de sanctions au niveau européen et international.
Deuxièmement, elle tend à appeler à la libération immédiate des autorités politiques démocratiquement élues du Haut-Karabagh ainsi que de tous les prisonniers de guerre.
Troisièmement, elle a pour objet de souligner l'impérieuse nécessité de garantir aux populations arméniennes du Haut-Karabagh un droit au retour en toute sécurité.
Quatrièmement, la résolution vise à alerter sur les menaces qui pèsent sur le patrimoine arménien du Haut-Karabagh.
Cinquièmement, et enfin, l'Arménie doit avoir les moyens de se défendre pour prévenir toute nouvelle tentative d'agression et de violation de son intégrité territoriale. La coopération militaire mise en place cet automne entre nos deux pays va dans ce sens.
Il faut ne rien lâcher et résister, malgré les menaces, les peurs et le désespoir. Alors que Missak Manouchian entrera dans quelques semaines au Panthéon pour avoir défendu les valeurs de notre pays et de notre république, nous nous devons à notre tour de défendre la République d'Arménie et les valeurs démocratiques qu'elle incarne dans cette région tourmentée du Caucase, voisine de l'Europe.
Mes chers collègues, je vous remercie de soutenir cette résolution.