Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le suicide est l'une des premières causes de mortalité chez les 15-24 ans. Entre 2020 et 2021, une explosion des syndromes dépressifs a été observée chez les jeunes, ainsi qu'une augmentation du nombre des tentatives de suicide, notamment chez les moins de 15 ans.
Nous ne pouvons pas accepter que des personnes à l'aube de leur vie en arrivent à perdre, à ce point, toute confiance en l'avenir.
Bien sûr, la crise sanitaire a eu un effet désastreux sur l'équilibre psychologique des jeunes et ses conséquences sont encore bien réelles aujourd'hui, les addictions liées au manque de perspectives, au stress ou au désespoir se multipliant.
Cependant, il serait imprudent de justifier les difficultés de la jeunesse par la seule persistance des effets des confinements successifs et de la désocialisation qui en a résulté. Les causes de la dégradation de leur état de santé psychique sont multiples et complexes et s'enchevêtrent parfois.
Le passage à l'adolescence peut être une période particulièrement difficile et cette longue transition vers l'âge adulte peut sembler insurmontable pour certains jeunes.
Les violences intrafamiliales, qui ont explosé durant la crise sanitaire, ont aussi eu un rôle prépondérant dans l'évolution de la santé psychique des jeunes. Que l'enfant en soit victime directement ou indirectement, elles représentent un traumatisme qui aura de très lourdes répercussions sur sa vie et sur son équilibre.
C'est un sujet qui me tient à cœur et sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler dans le cadre de la réalisation d'un rapport d'information par la délégation sénatoriale aux droits des femmes.
J'évoquerai par ailleurs la précarité des étudiants, dont nous avons débattu, il y a quelques semaines encore, lors de l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études.
Le nombre croissant et alarmant d'étudiants ayant recours à l'aide alimentaire ne peut nous laisser indifférents. La précarité, qui mène souvent à l'isolement, est un facteur indéniable de troubles psychologiques.
Je rappellerai également les effets des réseaux sociaux, dont la nocivité n'est plus à démontrer depuis l'avènement des smartphones, qui permettent aux jeunes d'être connectés en permanence, bien souvent avec des amis virtuels.
Toutes les études sur le sujet en attestent : plus un jeune passe de temps sur certaines applications, plus les conséquences délétères sur sa santé mentale sont importantes.
Il faut enfin citer le harcèlement scolaire, lourdement aggravé par les réseaux sociaux, dont 800 000 à 1 million d'enfants sont victimes chaque année. Notre groupe est d'ailleurs très investi sur ce sujet, sur lequel notre ancienne collègue Colette Mélot avait publié un excellent rapport en 2021.
J'espère que la ministre de l'éducation nationale nouvellement nommée saura poursuivre ce combat prioritaire, afin que nous n'ayons plus à déplorer de suicides liés au harcèlement scolaire, de tels drames étant épouvantables.
L'école a un rôle majeur à jouer dans la détection des altérations de la santé mentale chez les jeunes. Plus les troubles sont détectés tôt, plus les chances de guérison augmentent.
Cependant, la médecine scolaire est en très grande difficulté. Le nombre de médecins scolaires a baissé de 20 % en dix ans, et seuls 20 % des élèves ont eu accès à la visite médicale obligatoire de la sixième année, selon un récent rapport d'information de l'Assemblée nationale.
La détection des troubles de santé mentale n'est pas à la hauteur des enjeux, et le risque est qu'un certain nombre d'enfants et d'adolescents ayant échappé aux actions de prévention ne se retrouvent dans un parcours de soins psychiatriques quelques années plus tard.
Le Gouvernement nous explique que les moyens ne manquent pas : les postes existent, mais ils ne sont pas pourvus, le taux de couverture étant d'à peine 50 %.
Ce problème d'attractivité dissimule une question de revalorisation de la fonction, même s'il faut admettre que le manque de médecins concerne effectivement la majeure partie du territoire, et non pas seulement le secteur de la santé scolaire.
Nous devons malheureusement dresser le même constat s'agissant de la psychiatrie des enfants et des adolescents, la situation de ce secteur étant particulièrement alarmante.
Chaque année, le Défenseur des droits dénonce dans son rapport l'insuffisance du nombre de places. De ce fait, des enfants, quand ils parviennent à être pris en charge, se retrouvent parfois hospitalisés avec des adultes, dans les mêmes conditions qu'eux.
L'Essonne n'est pas épargnée par la désertification médicale. Le manque de personnels dans le secteur psychiatrique est criant, comme me l'a confirmé le chef du pôle psychiatrie de groupe hospitalier Nord-Essonne.
Allouer des moyens supplémentaires à la prise en charge au long cours des jeunes est indispensable. Cela passe par le recrutement de médecins, y compris étrangers, d'infirmiers formés en psychiatrie et de psychologues. Cela suppose également de favoriser l'internat dans la discipline et de rendre le métier plus attractif. En un mot, il s'agit de redonner du sens à ces métiers.
La prise en charge en psychiatrie infante juvénile est également l'une des missions de l'établissement public de santé Barthélemy Durand dans l'Essonne. Celui-ci offre un ensemble de structures de soins réparties territorialement permettant d'articuler actions de prévention et actes de soins au plus près de l'environnement familial et social des personnes.
Pour conclure, je rappelle que nos jeunes méritent que l'on traite les causes de leurs difficultés, autant que leurs symptômes.
La santé mentale reste le parent pauvre de notre politique de santé, et les nombreux rapports sénatoriaux sur le sujet, notamment celui de notre collègue Alain Milon, n'ont guère été suivis d'effets. Nous le déplorons, mais nous espérons que cette proposition de résolution sera prise en considération et donnera lieu, enfin, à des mesures concrètes.
Nous remercions notre collègue Nathalie Delattre d'avoir pris l'initiative de déposer cette proposition de résolution, que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien évidemment.