Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au 1er janvier 2023, notre pays comptait plus de 14 millions d’enfants et d’adolescents, qui représentent 21 % de la population.
Les troubles psychiques toucheraient 13 % des enfants et adolescents, soit plus de 1, 6 million de personnes.
Selon l’étude Global Burden of Disease, les troubles mentaux étaient en 2019 la première cause de perte d’années de vie en bonne santé pour les 5-24 ans dans les pays de l’OCDE.
La crise du covid-19 a entraîné une dégradation de la santé mentale des jeunes. L’enquête EpiCov a montré que la part des grands adolescents, âgés de plus de 16 ans, et des jeunes adultes présentant un syndrome dépressif a doublé entre 2019 et mai 2020. À Paris, le nombre de tentatives de suicide a augmenté de 40 % après 2020.
Pour toutes ces raisons, la santé mentale des jeunes doit être une priorité de l’action publique.
J’insisterai sur deux points en particulier.
Tout d’abord, il est nécessaire de renforcer le repérage des troubles pour accompagner les jeunes le plus tôt possible. Les médecins généralistes doivent davantage être formés en ce sens. Les services de santé scolaire et les psychologues de l’éducation nationale doivent être renforcés de manière significative.
Ensuite, le secteur de la pédopsychiatrie doit être soutenu. La Cour des comptes, dans son rapport de mars 2023, rappelait l’intérêt de ces soins, non seulement, pour leur dimension thérapeutique immédiate, mais également pour leur bénéfice préventif en santé à long terme.
En effet, 48 % des pathologies psychiatriques des adultes commenceraient avant l’âge de 18 ans. Les maladies psychiques représentent un coût économique de 81, 3 milliards d’euros pour la France, soit 3, 7 % du PIB. Pourtant, la Cour estime les dépenses consacrées à la prise en charge psychiatrique en établissement à seulement 10, 4 milliards d’euros, dont 1, 8 milliard d’euros pour le secteur infante juvénile.
Malheureusement, nous manquons de personnels. Selon l’Ordre des médecins, il y aurait 2 039 pédopsychiatres en France en 2022, soit 34 % de moins qu’en 2010. Cela représente un praticien pour 294 à 392 besoins de prise en charge.
La situation ne va pas aller en s’améliorant : 47 % des médecins habilités à exercer en pédopsychiatrie sont âgés de plus de 60 ans. À continuer ainsi, on comptera moins de 1 000 praticiens d’ici à 2035.
Des réformes doivent être entreprises pour accroître les effectifs et rendre l’offre des soins accessible. La Cour des comptes en a brossé les grandes lignes ; nous attendons qu’elles soient mises en œuvre.
La santé mentale des jeunes nécessite un effort collectif de notre société. Nous partageons les observations et les conclusions des auteurs de ce texte. Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de résolution, qu’il remercie le groupe du RDSE d’avoir déposée et inscrite à l’ordre du jour de nos travaux.
Cependant, nous ne sommes pas dupes. Les grandes causes nationales n’ont malheureusement pas eu d’effets apparents lors du quinquennat précédent et ne semblent pas en avoir davantage au cours de celui qui est en cours. J’en veux pour preuve que l’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause nationale lors du premier quinquennat, n’est manifestement plus une priorité de l’action gouvernementale depuis le dernier remaniement…
Si la santé mentale des jeunes mérite d’être érigée en grande cause nationale, elle nécessite surtout, comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution, un effort global pour rétablir les droits et un investissement massif pour former et recruter des psychiatres et des psychologues, pour les rendre accessibles. Enfin, elle suppose une réforme de la santé scolaire pour qu’elle redevienne attractive et présente pour les enfants.
À cet égard, le Gouvernement va-t-il réellement agir ? Je vous laisse, madame la ministre, le bénéfice du doute, et j’espère que vous allez me répondre sur ce point.
Par ailleurs, comme cela est souligné dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, la précarité, en particulier celle des étudiants, est un facteur de dégradation de la santé mentale. D’une part, elle est une cause d’anxiété ; de l’autre, elle freine l’accès aux soins. Il va falloir agir pour résoudre ce problème.
En conclusion, comme la Cour des comptes l’a indiqué, il y a un manque de pilotage et de coordination des politiques de santé mentale dans notre pays. Nos collègues Alain Milon et Michel Amiel l’avaient déjà souligné en 2017.
À cet égard, le Gouvernement serait bien inspiré de se doter d’un ou d’une secrétaire d’État à la santé mentale, en complément du délégué ministériel, qui devrait être interministériel. Qui d’autre peut piloter une grande cause nationale ?