Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, près de quatre ans après l’épidémie de covid-19, les effets délétères de celle-ci sur la santé mentale des Français sont toujours palpables, comme ceux d’une onde de choc.
Les enfants et les jeunes font indéniablement partie des catégories les plus fragilisées sur le plan psychologique, entre dépression, anxiété chronique, bipolarité, phobies ou pensées suicidaires.
Pour eux, il y a clairement eu un avant et un après covid-19 : entre 2019 et 2021, les admissions aux urgences pédiatriques ont augmenté de 40 %, avec une saturation des lits en pédopsychiatrie. La prévalence des troubles psychiques a doublé parmi les 15-24 ans. La part des étudiants en situation de détresse psychologique est passée de 29 % à 43 %.
L’impact de la covid-19 et des confinements successifs sur ces publics vulnérables a fait l’objet, dès le printemps 2020, d’alertes par des professionnels de santé, dont la prise en compte par les pouvoirs publics a cependant été tardive. Rappelons que la campagne nationale de prévention n’a été lancée qu’au printemps 2021, soit un an après le début de la pandémie !
La crise sanitaire, par son ampleur inédite, a surtout mis en lumière les difficultés bien connues de notre modèle de prise en charge que sont le manque de lisibilité, les cloisonnements, les disparités territoriales et les inégalités d’accès ou encore le déficit chronique de financement.
Il est grand temps d’y prêter toute notre attention, comme le Sénat a d’ailleurs commencé à le faire dès 2021, avec le rapport d’information de nos collègues Victoire Jasmin et Jean Sol, qui contenait de premières propositions concrètes.
Il est tout d’abord indispensable de pouvoir détecter les troubles psychiques dès le plus jeune âge. Pour cela, la médecine scolaire doit être confortée, car elle est un outil décisif de prévention et d’orientation des enfants vers un parcours de soins adapté. Les actions de soutien à la parentalité doivent aussi être érigées en priorité, afin d’améliorer l’accompagnement et le repérage précoce des troubles chez l’enfant et l’adolescent.
La méconnaissance et, par voie de conséquence, les préjugés qui entourent la santé mentale chez les jeunes retardent l’accès à une prise en charge, voire entraînent un non-recours aux soins. La prévention primaire est encore trop sous-développée en France, à défaut notamment de statut spécifique pour les métiers qui s’y consacrent ou de structure adaptée.
Il est aujourd’hui nécessaire de renforcer le rôle des psychologues, acteurs clés de la prise en charge de premier niveau en santé mentale. La profession s’estime, à raison, mal reconnue et insuffisamment valorisée dans le système de soins. Si la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a généralisé la prise en charge par l’assurance maladie des séances réalisées avec un psychologue dès l’âge de 3 ans, les conditions financières restent cependant peu attractives et la condition de prescription médicale peut encore constituer un frein.
La psychiatrie est également le parent pauvre de la médecine. Chacun peut imaginer le désarroi dans lequel se trouvent les familles quand on leur annonce qu’il faut attendre parfois jusqu’à deux ans pour obtenir une place dans un centre médico-psycho-pédagogique, comme c’est le cas chez moi, au CMPP de Gauchy, dans l’Aisne.
Il convient aussi de promouvoir de nouveaux métiers en santé facilitant l’orientation des patients dans le système de soins et œuvrant en faveur de la prévention. Je pense en particulier aux infirmiers en pratique avancée, qui peuvent, depuis 2019, obtenir une mention en santé mentale et psychiatrie.
Pour faciliter l’accès aux soins des adolescents et des jeunes, qui restent un public très difficile à capter, il faut soutenir la pratique de l’« aller vers », une démarche proactive qui permet d’aller à la rencontre des jeunes, là où ils se trouvent, afin de les sensibiliser et de les orienter vers des professionnels de santé.
Dans l’espace numérique, sur les lieux de vie des jeunes ou encore dans la rue pour les mineurs en errance, des initiatives intéressantes méritent d’être encouragées. La médecine universitaire ne doit pas non plus être oubliée, car elle contribue fortement à rassurer et à aider les étudiants en pleine incertitude quant à leur avenir.
L’approche de jeune à jeune, de pair à pair, offre aussi une solution de remplacement efficace aux prises en charge classiques. Elle crée un nouveau rapport fondé sur la confiance et la dimension communautaire de l’accompagnement.
Mes chers collègues, quand la société ne va pas bien, nos jeunes ne vont pas bien. Se préoccuper de la santé mentale de nos jeunes, c’est se prémunir contre la délinquance de plus tard ; c’est leur donner une chance de s’insérer dans la vie professionnelle. Pour grandir, nos jeunes ont besoin de savoir où ils sont et où ils vont.
Pour ces raisons, nous soutiendrons évidemment la proposition de résolution déposée par notre collègue Nathalie Delattre.