Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, la pandémie de covid-19, avec ses multiples impacts dans différentes sphères de la vie, a nui à la santé mentale, notamment celle des adolescents et des étudiants ; de nombreuses études nationales et internationales l’ont démontré.
Quels que soient les indicateurs considérés, les profils les plus en difficulté sont majoritairement les 18-24 ans. Les recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires restent en effet à un niveau élevé chez nos jeunes. Ces derniers étaient plus de 20 % à être concernés par la dépression en 2021, contre moins de 12 % en 2017.
À cela, s’ajoute le fait que ces jeunes se préoccupent moins de leur santé mentale ou de leur bien-être – comme d’ailleurs de leur santé en général – que leurs aînés. Les récentes données recueillies témoignent donc d’une dégradation de leur équilibre psychologique, mais également d’un tabou encore perceptible autour de ces problématiques.
Ces résultats avaient conduit Santé publique France à renforcer la surveillance et la mise en œuvre d’actions ciblées pour libérer la parole autour du mal-être. Aujourd’hui, un nouvel axe a été abordé, qui consiste à sensibiliser les jeunes aux activités et aux comportements bénéfiques à leur santé mentale.
Par ailleurs, chez les 18-24 ans, les principaux freins à la consultation d’un psy sont le coût, la difficulté à se confier, la crainte de ce qu’ils pourraient découvrir sur eux ou encore celle que l’entourage ne l’apprenne.
Le programme Santé psy étudiant, mis en place pendant la pandémie de covid-19, a constitué un début de réponse, mais la limitation à huit séances remboursées et la liste réduite de psychologues ayant accepté le dispositif – seulement 1 100 –, n’a permis d’accompagner que 58 000 étudiants.
Promouvoir la santé mentale, prévenir l’apparition de troubles psychiques et lutter contre la stigmatisation sont des enjeux de santé publique sur lesquels nous devons nous engager pleinement pour accompagner les adultes de demain.
Pour appuyer mon propos, je souhaite maintenant évoquer la situation alarmante de l’offre de soins et d’accompagnement en santé mentale de nos enfants les plus jeunes. En effet, les enjeux de la santé mentale de ces enfants sont d’autant plus importants qu’ils affectent tous les aspects de la vie : émotions, rapport au langage, au corps, aux savoirs, à soi-même et aux autres, liens familiaux et sociaux.
Mise en exergue par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) dans son rapport de mars 2023, la consommation de médicaments psychotropes par des enfants et adolescents est devenue très importante. La consommation d’antidépresseurs a augmenté de 62 %, celle des psychostimulants de 78 % et celle des hypnotiques et sédatifs de 155 % !
De plus, l’enfant en souffrance psychique pâtit d’un effet ciseaux, avec la baisse de l’offre de soin conjuguée à l’augmentation de la demande ; cela a pour conséquence un déficit de prise en charge, au détriment de l’enfant et de sa famille. Faute de spécialistes, les consultations pour enfant sont en majorité réalisées par des médecins généralistes. Seuls 30 % des enfants sont reçus par un pédiatre, spécialité habituellement concentrée sur les moins de 2 ans.
La situation de la médecine scolaire est également très altérée, ce qui ne permet pas aux médecins et infirmiers scolaires d’assurer leurs missions d’accueil, de dépistage et de suivi individuel de l’ensemble des enfants qui le demanderaient. Il paraît nécessaire, la Cour des comptes l’indique dans son rapport sur la pédopsychiatrie de mars 2023, d’améliorer l’organisation de l’offre de soins psychiques infanto-juvéniles, et de remédier à une gouvernance peu opérationnelle.
Certes, le ministère de la santé a manifesté récemment sa volonté de renforcer l’accès à cette offre de soins, avec la feuille de route de la santé mentale. Cependant, ce programme ne se fixe pas d’objectifs clairs, du point de vue tant quantitatif que qualitatif ; surtout elle ne prévoit pas de programmation calendaire pour sa mise en œuvre. L’adoption d’objectifs nationaux de santé mentale infanto-juvénile associés à un calendrier précis et à des indicateurs permettrait une évaluation de l’organisation des soins de pédopsychiatrie. Ces objectifs aideraient à mieux structurer et planifier cette politique. C’est indispensable.