Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque secteur de notre économie et de notre société est confronté à la nécessité de produire un effort sans précédent pour la transition écologique.
On ne peut y faire face sans réaffirmer la nécessité de mettre en place et de consolider des politiques de solidarité pour accompagner cette transition.
Nous redisons donc ici la centralité de l’enjeu du « pouvoir de vivre » des Français, ainsi que celle de la répartition de l’effort à consentir pour mener à bien la transition écologique.
Cette centralité implique que les plus précaires fassent l’objet d’une attention renforcée. Souvent plus durement affectés que les autres par la dégradation de l’environnement, ils disposent de moins de moyens pour remédier à ses conséquences.
Une étude que vient de publier le ministère de la santé souligne ainsi que les banlieues et les communes habitées par les plus modestes sont particulièrement exposées à la pollution de l’air, dont l’impact délétère est très sensible chez les plus jeunes.
Les communes pauvres, quant à elles, sont plus touchées par la pollution des sols que celles où résident les riches. Cette pollution touche 80 % des villes moyennes situées dans les 10 % de communes les moins riches, selon une étude publiée par l’Observatoire des inégalités en mars 2023.
Or nous savons que les plus précaires ne sont pas ceux dont l’empreinte environnementale est la plus préoccupante ou dont le bilan carbone pèse le plus lourd.
Philippe Coulangeon, sociologue et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), synthétise une partie du problème en soulignant que « la frugalité sans intention (…) pèse lourd chez 27 % de ménages sans préoccupations environnementales affirmées, souvent des catégories populaires précarisées et dont le bilan carbone reste faible, puisqu’ils consomment peu du fait de faibles revenus ».
Il souligne par ailleurs, concernant les efforts à consentir en faveur de la transition écologique, que l’acceptabilité sociale est un enjeu extrêmement important, estimant que « des mesures mal préparées, inéquitablement réparties, sont source de résistance ». Il en prend pour exemple la taxe carbone, qui a fait perdre un temps considérable et qui a dévoilé la très profonde crise que traverse notre pays.
Dans leur rapport remis au Gouvernement en mai 2023, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz soulignent par ailleurs que, « quand on sait à quel point les sociétés avancées se sont montrées incapables de distribuer équitablement les gains induits par la mondialisation, on ne peut qu’être dubitatif sur leur capacité à répartir les coûts de la transition de manière équitable ».
La social-écologie est pourtant une réponse à ces enjeux. Ce concept a été théorisé au début des années 2010 par Éloi Laurent, qui souligne que « les inégalités sociales jouent un rôle moteur dans nos crises écologiques » et que « ces crises aggraveront encore les inégalités sociales si rien n’est fait pour contrecarrer leur impact ». Il met ainsi en évidence qu’« il revient aux pouvoirs publics de comprendre cette interface social-écologique, (…) puis de s’appuyer sur elle pour réduire les inégalités sociales et atténuer les crises environnementales ».
Il nous semble qu’indépendamment des mécanismes qui peuvent être mis en place dans la perspective de favoriser des comportements et des choix économiques vertueux, il est impératif de permettre à la population de s’engager dans de bonnes conditions dans notre projet de transition écologique.
Pour ce faire, dans un pays qui comptait, en 2019, 9, 2 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire, il est par exemple indispensable d’adapter les minima sociaux.
L’alternative, c’est de laisser une partie considérable de la population sur le bord du chemin, enfoncée dans la précarité par le poids de l’effort économique nécessaire pour ménager leur simple participation à la vie de notre société.
C’est dans ce souci que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de notre assemblée a défendu, en janvier 2021, l’ouverture du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes dès l’âge de 18 ans. On ne peut se satisfaire que près d’un jeune majeur sur cinq, considéré comme pauvre, soit d’office exclu de la société que nous essayons de bâtir.
Cette préoccupation vaut pour tous : en 2021, en France métropolitaine, 9, 1 millions de personnes vivaient au-dessous du seuil de pauvreté monétaire.
C’est pourquoi nous sommes également attentifs à la construction et à la rénovation de logements sociaux de qualité, ce qui permettrait de loger les ménages aux revenus les plus modestes dans des habitations adaptées aux contraintes du réchauffement climatique.
C’est aussi pourquoi nous voulons, sur le front des mobilités, voir la sécurisation d’une industrie à même de construire des véhicules vertueux à des prix adaptés. Les populations rurales ne pouvant se rabattre sur le train ou le métro au quotidien, elles doivent pouvoir accéder à des moyens de déplacement individuels ménageant l’environnement.
Je conclurai cette intervention sur les politiques de solidarité et l’amortissement du choc de la transition écologique en rappelant qu’il est indispensable d’en passer non pas par des taxes à vocation punitive, mais par le rétablissement d’une juste redistribution de l’impôt, qui permettra à l’État d’accompagner les plus modestes dans la transition écologique.