Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, présentés d’un côté comme la solution miracle face à la perte de biodiversité, de l’autre comme un danger pour la survie des petites communes, les trois lettres du ZAN font couler beaucoup d’encre.
Ce « zéro artificialisation nette » des sols part d’une intention louable en remettant en perspective nos politiques d’aménagement. Il incite les acteurs à se poser les bonnes questions avant de lancer des projets de construction, alors que les disponibilités foncières sont de plus en plus limitées. « Éviter », « réduire » et « compenser » sont les trois mots d’ordre d’un développement durable auquel les politiques d’aménagement ne doivent plus déroger.
C’est là toute la difficulté. Pour de nombreuses collectivités territoriales, il n’est possible ni d’éviter, ni de réduire, ni de compenser, et pour cause : installer des services publics là où il n’y en a pas, construire des logements là où il en manque, créer de l’emploi là où il en faut impose aux élus d’engager de nouveaux projets, parfois sur des espaces non bâtis, souvent des terres agricoles.
En garantissant un droit à l’hectare, le texte du Sénat rassure. Il permet aux élus, tout particulièrement dans les communes rurales, de conserver une possibilité de développement pour leur territoire.
De plus, puisque l’aménagement est au cœur de notre sujet, il est nécessaire de s’intéresser aux phénomènes de désertification que subissent de nombreuses communes et départements. Dans les territoires concernés, bien des bâtiments se vident et l’on peine parfois à les réemployer, faute de moyens.
Construire du neuf coûte souvent moins cher que de réhabiliter de l’ancien : c’est donc sur ce point qu’il faut agir davantage, en travaillant sur les friches, en soutenant des reconversions du bâti existant, mais aussi, à la source, en limitant les départs d’entreprises ou les fermetures de services publics. Aujourd’hui, on recense ainsi 7 200 sites de friches d’activité sur plus de 100 000 hectares.
C’est aussi en luttant contre la hausse des prix de l’immobilier, notamment dans les villes, que nous parviendrons à contrer l’étalement urbain.
Je prends pour exemple l’artificialisation menée sur le plateau de Saclay : une ville nouvelle est en train d’y sortir de terre, alors que l’Île-de-France n’est pas dépourvue de friches et de bâtiments vacants qui pourraient évidemment être reconvertis.
De telles situations appellent une réflexion particulière de la part des aménageurs, des architectes et des maîtres d’ouvrage, qui – j’insiste sur ce point – peuvent aussi être des collectivités territoriales.
Ces pratiques alternatives permettront de développer des savoir-faire utiles à la lutte contre le réchauffement climatique en soutenant un cadre de vie plus agréable, notamment en milieu urbain.
Le « zéro artificialisation nette » repose sur un équilibre entre ce qui est construit et ce qui est renaturé : tout en réfléchissant aux nouvelles constructions que nous pourrions lancer, nous pouvons aussi mener des projets de désimperméabilisation des surfaces. Ce faisant, nous agirons directement contre le dérèglement climatique tout en assurant des droits à construire pour l’avenir, dans la philosophie même du ZAN.
Avec les objectifs du ZAN issus de la loi Climat et résilience, les communes qui ont le moins artificialisé hier sont aussi celles qui artificialiseront le moins demain : en résulte un déséquilibre, vécu comme une injustice par de nombreux élus.
C’est cet enjeu que le Sénat a mis en avant lors de la dernière session dans le cadre du texte proposé et voté par ses soins. La Haute Assemblée a fait preuve d’agilité pour équilibrer l’artificialisation au-delà de l’échelle communale.
Néanmoins, demeurons vigilants : les fausses bonnes idées d’hier ne doivent pas créer les aberrations urbaines de demain. L’objectif reste bien de préserver les espaces naturels et agricoles. En ce sens, le débat d’aujourd’hui est essentiel.
Monsieur le ministre, nous souhaitons poursuivre ce travail, pour que le ZAN ne soit pas vécu comme un verrou, mais bien comme un outil en faveur d’un aménagement du territoire plus vertueux, plus économe et, dès lors, plus humain.