Intervention de Christian Redon-Sarrazy

Réunion du 18 janvier 2024 à 14h30
Mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et renforcement de l'accompagnement des élus locaux — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – kanaky

Photo de Christian Redon-SarrazyChristian Redon-Sarrazy :

En effet, l’État ne prend en considération que 700 hectares de consommation foncière, quand le mode de calcul jusqu’ici en vigueur tenait compte de l’intégralité du foncier – lequel ne sera plus naturel, agricole ou forestier –, ce qui représente 2 000 hectares supplémentaires.

Les élus attendent le décret confirmant le changement de mode de calcul. Sans cette officialisation, les 2 000 hectares devront être mutualisés à l’échelon régional. Cette évolution entraînera donc une augmentation importante du taux moyen de réduction de la consommation foncière appliqué aux territoires.

Le second sujet de préoccupation a trait à l’articulation entre la stratégie de mise en œuvre des objectifs du ZAN et les politiques de développement de l’habitat, qui doit faire l’objet d’une réflexion à part entière.

L’habitat a été la principale cause de l’artificialisation des sols au cours des dix dernières années, puisque la majeure partie des espaces consommés (63 % en flux) ont été dévolus à la construction de logements.

Sur ce point, on relève encore une fois de criantes disparités dans les dynamiques de consommation de l’espace foncier et les opérations de construction.

Certaines régions comportent ainsi une majorité d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant très peu consommé, et ce de manière inefficace.

À l’inverse, les régions présentant une forte attractivité économique et touristique se distinguent par une surreprésentation des intercommunalités ayant beaucoup consommé, et souvent efficacement. Pour d’autres encore, le bilan de la répartition habitat-activité est plus contrasté.

Le degré d’urbanisation des territoires se révèle déterminant pour expliquer ces déséquilibres ; il est nécessaire de les étudier de près, tant ils sont riches d’enseignements.

En effet, les collectivités locales, en particulier les régions, consomment plus ou moins de foncier, non pas en vertu d’une stratégie établie, mais, souvent, en fonction de leurs contraintes géographiques ou économiques.

On observe parfois aussi des situations paradoxales. Au cours de ces dix dernières années, nous avons connu une nette augmentation de l’artificialisation liée au logement ; or, dans le même temps, le nombre de logements vacants a augmenté de 33 %…

On le sait, les territoires doivent faire face à des injonctions paradoxales. Il leur faut notamment concilier une stratégie de réduction drastique de la consommation foncière et leurs objectifs en matière de production de logements sociaux, notamment dans les grandes agglomérations, les zones touristiques ou à forte attractivité universitaire, afin d’accueillir des étudiants et des travailleurs saisonniers. Dans ces zones spécifiques, une telle ambition semble pour l’instant mission impossible.

Selon moi, plutôt que de réaliser de petits aménagements, il est urgent de rompre avec la façon dont l’urbanisation a été menée jusqu’à présent.

Aussi, il faut envisager d’améliorer la densité des opérations d’aménagement et, surtout, privilégier les espaces déjà artificialisés, comme les logements vacants ou sous-utilisés, les zones d’activité en déclin et, bien sûr, les friches, industrielles ou commerciales, dont il faut établir urgemment un inventaire quantitatif et qualitatif précis, afin d’évaluer avec pertinence les moyens nécessaires à leur reconquête. Sur ce point, plusieurs propositions ont été faites lors de nos discussions budgétaires en fin d’année dernière.

Si l’on veut encourager le recours au foncier bâti existant, on ne pourra pas faire l’économie d’une forte incitation fiscale, car, même si elles représentent bien sûr des ressources essentielles pour les collectivités locales, la taxe sur le foncier bâti ou la cotisation foncière des entreprises (CFE) n’incitent pas à la sobriété foncière. De même, il faudrait réviser la fiscalité du foncier non bâti, dont la rentabilité est très faible et qui, de ce fait, favorise l’artificialisation.

Précisément parce que l’utilisation des espaces varie d’une région à une autre, je ne puis que rappeler une nouvelle fois le rôle essentiel de la territorialisation dans la mise en œuvre des objectifs du ZAN. C’était l’une des principales recommandations du Sénat dans ses tout premiers travaux sur le sujet.

Monsieur le ministre, vous l’avez compris, il nous semble indispensable d’étudier de près les dynamiques territoriales pour répondre à toutes les exigences qu’impose légitimement le ZAN. Il faudra impérativement appliquer des taux de réduction de la consommation foncière tenant compte des efforts déjà réalisés.

Enfin, on constate sur le terrain que les objectifs du zéro artificialisation nette sont loin d’être une préoccupation centrale à tous les échelons des collectivités, non pas parce que ces dernières s’en désintéresseraient, mais plutôt en raison d’un manque d’outils et d’accompagnement spécifiques.

Monsieur le ministre, six mois après son adoption, la loi suscite de nombreuses questions. Je remercie le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky de nous avoir permis de les aborder aujourd’hui ; nous attendons maintenant vos réponses !

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