Intervention de Guislain CAMBIER

Réunion du 18 janvier 2024 à 14h30
Mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et renforcement de l'accompagnement des élus locaux — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – kanaky

Photo de Guislain CAMBIERGuislain CAMBIER :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acronyme ZAN fait son chemin auprès des élus locaux. Pourtant, sa mise en œuvre est marquée du sceau de l’interrogation, voire de l’imprécision.

Le ZAN comprenait une série de malfaçons originelles illustrant une déconnexion par rapport aux préoccupations des élus locaux. Suscitant l’ire et l’inquiétude des collectivités locales, les questions étaient alors légion : comment allions-nous accueillir de nouveaux sites industriels ? Comment allions-nous assurer aux collectivités rurales qu’elles bénéficieraient toujours de ressources foncières pour se développer ? Comment concilier deux stratégies contradictoires : transition énergétique et consommation foncière ? Ou encore, comment résoudre la crise du logement et de la construction à l’heure où la sobriété foncière doit être une priorité ?

Sur l’initiative bienvenue de Valérie Létard, présidente, et de Jean-Baptiste Blanc, rapporteur, une commission spéciale du Sénat s’est saisie de ces questions et a répondu à certaines d’entre elles – tout comme le Gouvernement l’a fait au travers des décrets d’application.

Cependant, certaines zones d’ombre persistent.

Premièrement, la mise en œuvre de la garantie rurale est source d’incompréhensions, sinon de préoccupations. La possibilité de mutualiser ce « droit à l’hectare » à l’échelle de l’EPCI doit être précisée. Les plus petites communes ne doivent pas être laissées à la merci d’une contractualisation réalisée par les communes de plus grande taille. Les représentants de l’État, monsieur le ministre, ne doivent pas non plus saisir cette occasion pour obliger certaines communes à rejoindre une intercommunalité. La libre administration doit être non pas une fiction juridique, mais une réalité politique.

Deuxièmement, il faut tenir compte des « coups partis ». Les élus n’avaient, à l’époque, pas été sensibilisés au ZAN. La situation est aujourd’hui intenable pour certaines communes, dont les droits à artificialiser pour la période 2021-2031 ont d’ores et déjà été consommés. Le calendrier retenu est incompréhensible pour les élus locaux.

Il serait pertinent de reporter la date de début de la comptabilisation au 1er janvier 2024. Après tout, la mi-parcours évoquée avant l’échéance de 2050 est en 2035 et non en 2030…

Le calendrier pose d’ores et déjà de grandes difficultés dans nos territoires, en particulier pour les communes et les intercommunalités engagées dans une procédure de révision de leurs documents d’urbanisme. Dans mon département, le Nord, certaines lettres de cadrage transmises par l’État laissent apparaître un chiffrage du droit à artificialiser qui anticipe largement l’application du ZAN. Je suis surpris que l’État annonce à l’avance des décisions qui relèvent exclusivement de la compétence des collectivités locales.

Troisièmement, la liste des projets d’envergure nationale et européenne est aujourd’hui connue. Elle suscite cependant des interrogations légitimes : sur quels principes d’aménagement du territoire a-t-elle été conçue ?

Le rôle de l’État est pourtant d’assurer un équilibre légitime à l’échelle nationale, s’il ne veut pas conforter la fracture territoriale. Certains territoires sont plus « servis » que d’autres : la région Bretagne, pour ne citer que cet exemple, accueillera ainsi trois fois moins de projets que la région Grand Est. Ce constat suscite des interrogations : quelle est la clé de cette répartition ?

Quatrièmement, nous partageons l’objectif de mobiliser nos friches en priorité. Ce type d’opération, louable, est plus complexe, plus coûteux, et nécessite une ingénierie qui n’existe pas toujours. Se pose donc la question des nouveaux moyens que l’État doit mettre à disposition.

Le fonds vert, consacré à ces opérations, est notoirement insuffisant, comme dans les Hauts-de-France où les 500 millions d’euros annoncés ont été, dans les faits, réduits d’un bon tiers.

Cinquièmement et enfin, il reste à inventer le volet fiscal du ZAN. Quelle péréquation imaginer pour les territoires subissant les effets connexes d’un développement dûment autorisé ? Quelle solidarité souhaitons-nous entre pôle de développement et auréole territoriale, et quels en seront les effets ? Quelle réflexion devons-nous mener sur l’imposition foncière ?

Ce n’est rien de moins que votre vision de l’aménagement du territoire et, donc, la vision stratégique de l’État qu’il vous faut définir, monsieur le ministre.

Sur ces cinq enjeux, nous attendons donc vos réponses ; celles-ci contribueront à faciliter la mise en œuvre du ZAN.

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