Intervention de Sébastien FAGNEN

Réunion du 18 janvier 2024 à 14h30
Mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et renforcement de l'accompagnement des élus locaux — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – kanaky

Photo de Sébastien FAGNENSébastien FAGNEN :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, nous constatons chaque jour que le ZAN est sur toutes les lèvres et dans les esprits de tous les élus locaux. Il suscite de nombreuses questions et des craintes quant à l’avenir de nos communes, notamment rurales.

Depuis la parution du célèbre ouvrage de Jean-François Gravier, Paris et le désert français, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et le vote des grandes lois de décentralisation des années 1980, rarement notre pays aura connu un tel changement de paradigme dans sa façon d’aménager le territoire national. Nous sommes désormais confrontés à l’un des plus grands défis territoriaux du XXIe siècle.

Pour répondre à cette grande transformation aux côtés des élus locaux, nous devons faire preuve d’audace, de courage et de pragmatisme.

Si l’horizon du ZAN s’inscrit dans le cadre d’une nomenclature enfin stabilisée, il nous faut sans cesse interroger, débattre et faire preuve d’agilité quant à sa mise en œuvre. Celle-ci doit tenir compte du contexte dans lequel la France évolue, tout particulièrement en matière de logement et d’industrie.

En effet, notre pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans une crise du logement qui entraîne, avec elle, des milliers de nos concitoyens. Nous faisons face à une baisse historique de la construction et l’ensemble du parc immobilier, social comme privé, est touché de plein fouet.

Face aux besoins, qui s’élèvent à 300 000 logements par an en moyenne, il faut adapter sans tarder les outils dont nous disposons afin de soutenir les ménages dans leurs projets de primo-accession à la propriété, tout en répondant aux objectifs du ZAN. Il faut qu’une nouvelle vision du prêt à taux zéro pour la construction individuelle s’impose ; or elle fait aujourd’hui cruellement défaut.

La question des friches, aussi, sera centrale. Les obstacles juridiques constituent à ce jour le principal frein à la reconquête du foncier délaissé. Nous devrons créer de nouveaux outils, afin de faciliter l’acquisition et la densification de milliers d’hectares qui sont en jachère au cœur de nos communes. C’est là un impératif écologique et une alternative concrète au mitage des espaces agricoles et naturels.

Les friches seront essentielles dans la mobilisation du foncier nécessaire au développement des énergies renouvelables et à la réindustrialisation du pays, indispensable à la conciliation du temps économique et du temps de l’aménagement.

Il est donc indispensable de s’atteler, dans la mise en œuvre du ZAN, à toujours mieux répondre aux spécificités locales au travers d’une déclinaison territoriale toujours plus aboutie.

Toutefois, la question de l’équité entre les territoires doit être mieux apprivoisée. Une récente étude du groupe Scet, qui a été citée à plusieurs reprises, souligne que les territoires sont inégalement préparés face au ZAN, leur degré de préparation étant fonction de l’ingénierie disponible, et alerte sur le risque d’émergence de déséquilibres territoriaux.

Je pense en particulier aux nombreuses communes littorales qui sont confrontées dès à présent au recul du trait de côte : les évolutions législatives vouées à y parer demeurent par trop balbutiantes.

Tel était le sens de l’amendement au projet de loi de finances pour 2024 qu’avait déposé le groupe socialiste et qui visait à accroître l’aide de l’État en matière d’ingénierie : nous proposions la création d’un fonds spécifique pour les communes rurales qui mènent des opérations de reconversion du bâti en logements destinés à la location à prix maîtrisé ou à l’accession sociale à la propriété.

Aux côtés de partenaires essentiels comme les agences d’urbanisme, qui restent encore aujourd’hui insuffisamment réparties sur le territoire national, et l’ordre des architectes, pour ne citer qu’eux, il s’agit surtout de renforcer l’administration territoriale de l’État en matière d’accompagnement à l’ingénierie locale.

Des acteurs tels que l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou le Cerema jouent un rôle essentiel en fournissant des prestations d’ingénierie à certaines collectivités locales, mais ce système descendant et l’« agencification » afférente continuent de poser question.

Il nous faut ancrer des interlocuteurs pérennes dans les départements, en renforçant les moyens des directions départementales des territoires (DDT) et des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), et sortir de la logique de l’appel à projets permanent, laquelle obère la vision de long terme dont les collectivités locales ont impérativement besoin pour relever avec succès le défi du ZAN.

Aussi la question majeure est-elle la suivante : comment le Gouvernement entend-il développer les capacités d’ingénierie au cœur même des collectivités territoriales, afin qu’aucun territoire ne soit laissé pour compte ?

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