Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne aujourd’hui ne remet en cause le principe de sobriété foncière, compte tenu des enjeux qui s’imposent à nous.
Mais, si le constat est partagé, la méthode a suscité et suscite toujours beaucoup d’incompréhension chez les élus locaux, notamment en ruralité. Peut-on régler la question par une simple équation mathématique ? Évidemment, non. Peut-on déconnecter sobriété foncière et aménagement du territoire ? Évidemment, non.
La division par deux de l’artificialisation des sols, telle qu’elle est prévue, laisse de belles marges de manœuvre aux structures dévoreuses d’espace.
En revanche, elle pénalise les élus qui, sans attendre les injonctions et les interdits, s’étaient montrés vertueux en encourageant financièrement la reprise de maisons vides, par exemple, au lieu d’étendre les lotissements. À ceux-là, on explique que, puisqu’ils n’ont pas ou ont peu consommé, ce sera zéro consommation pour les années à venir ! C’est ce qui m’est arrivé, en tant que maire, il y a quelque mois seulement.
Cette décision purement arithmétique va par ailleurs à l’encontre d’un souhaitable et nécessaire rééquilibrage consistant à freiner l’expansion des métropoles et à donner un nouveau souffle à des territoires qui sont en déprise, mais dont les efforts soutenus en termes d’attractivité commençaient à porter leurs fruits, et dont l’espace est l’un des principaux atouts.
La modification introduite par la garantie rurale – le fameux « droit à l’hectare » – est porteuse d’espoir, mais l’approche retenue demeure uniforme et ne correspond pas à l’attente, celle d’une réflexion plus globale fondée sur les principes de différenciation et de territorialisation.
La réhabilitation des friches est-elle la solution ? Elle est souvent présentée comme telle.
En matière d’habitat et d’industrie, elle serait, nous dit-on, suffisante pour couvrir nos besoins. C’est peut-être vrai d’un point de vue arithmétique. Mais, dans ce cas, pourquoi n’avoir pas traité d’abord ce sujet avant d’imposer des normes draconiennes ?
En effet, les collectivités ont en définitive peu d’outils pour agir sur les maisons qui se trouvent en état manifeste d’abandon, quand les propriétaires ne veulent ni vendre ni rénover.
Là encore, la loi du 20 juillet dernier permet quelques avancées, dans le domaine de la préemption par exemple. Se pose néanmoins la question des moyens, souvent très limités, dont disposent les collectivités.
Quant aux friches industrielles, leur reprise est d’une complexité qui est de nature à faire renoncer les candidats devant des règlements, contraintes et délais souvent excessifs – sur ce point aussi, j’ai des exemples précis en tête.
Économiser l’espace en construisant en hauteur n’est pas toujours possible : toutes les activités ne s’y prêtent pas. Pour ma part, je viens d’un pays de forges ; on n’empile pas les unes sur les autres des presses de 8 000 tonnes.
Et je ne parle pas du zèle de certains services instructeurs, qui appliquent par anticipation les normes et décrets à venir, bloquant d’ores et déjà des projets, même modestes, l’installation d’une famille dans un village par exemple.
Se pose enfin la question de l’ingénierie et des financements.
Il serait nécessaire de mieux accompagner, face au maquis complexe des dispositifs, des acronymes et des acteurs, pour gagner en lisibilité et en efficacité, mais aussi de redimensionner le fonds Friches, qui n’est pas à la hauteur des objectifs affichés.
Réindustrialiser, simplifier – comme le souhaite le Président de la République –, rééquilibrer le territoire, ces ambitions nécessitent donc de revoir la copie.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, je souhaite simplement témoigner de ce que j’ai observé pendant la campagne sénatoriale, puisque, nouvelle élue d’un département très rural, la Haute-Marne, je suis allée à la rencontre des grands électeurs dans chaque commune. Partout, on m’a parlé du ZAN et du transfert imposé des compétences eau et assainissement. Humiliation, désarroi, désespérance, colère : voilà les sentiments qui, à ce propos, se sont inlassablement exprimés.
Cette réforme, malgré ses aménagements, reste « ruralicide » et est toujours ressentie comme telle. §Les maires ruraux n’acceptent pas ces décisions brutales qui les privent de toute perspective de développement pour leur commune. Le monde rural doit pouvoir continuer d’accueillir des habitants, des artisans, des entreprises, et de répondre à leurs attentes.