Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a plus d’un siècle, les mots suivants ont été prononcés tout près d’ici, à la Sorbonne : « C’était notre sœur d’Orient qui mourait, et qui mourait parce qu’elle était notre sœur et pour le crime d’avoir partagé nos sentiments, d’avoir aimé ce que nous aimons, pensé ce que nous pensons, cru ce que nous croyons. » Ces phrases si justes, si émouvantes, ont été prononcées, quelques mois après le génocide arménien, par Anatole France. C’était en avril 1916.
Aujourd’hui, ces phrases si belles trouvent malheureusement un écho dans l’actualité, avec le nettoyage ethnique qui a eu lieu dans le Haut-Karabagh voilà quelques mois à peine.
Le Haut-Karabagh a été assiégé, coupé de la terre qui est sa mère, l’Arménie, et il a vu sa population affamée. En trois jours seulement, plus de 120 000 personnes – femmes, enfants, hommes et vieillards – ont été jetées sur les routes d’un exode peut-être définitif. C’est évidemment, à n’en pas douter, une opération de nettoyage ethnique.
Trois mille ans d’histoire, trois mille ans de présence arménienne sur cette terre ont été effacés en trois jours seulement ! C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de déposer cette résolution, que j’ai coécrite notamment avec Gilbert-Luc Devinaz, à qui je veux rendre hommage.
Comme vous avez pu vous en rendre compte, mes chers collègues, cette résolution est transpartisane : elle a été signée par l’ensemble des groupes de notre hémicycle – c’est suffisamment rare pour être souligné. Derrière ce symbole, il y a une réalité : la cause arménienne est aussi une cause française, et nous la défendons quelles que soient nos origines géographiques ou nos préférences partisanes.
Bien sûr, monsieur le ministre, nous avons déposé cette résolution avec un objectif, nous étant aperçus, avec d’autres collègues, que ce processus d’éradication pouvait malheureusement être la première étape d’un autre processus, plus grave : la remise en cause de la souveraineté territoriale de l’Arménie.
Notre objectif est de crier haut et fort notre opposition. Il est de dire que nous n’accepterons pas l’inacceptable, que nous n’admettrons pas l’inadmissible. Notre objectif est de ne rien céder. Notre objectif est de ne rien croire des mots de M. Aliev. Bien sûr, celui-ci déclare vouloir la paix, mais, le connaissant, nous savons désormais que ces mots sont des mensonges !
Comment peut-on d’ailleurs le croire, alors qu’il a renié sa propre signature ? Je pense aux accords de cessez-le-feu de novembre 2020, des accords tripartites signés sous l’égide d’une Russie qui, là encore, a joué double jeu.
Comment peut-on le croire, alors que ces accords prévoyaient la libre circulation des populations à travers le couloir de Latchine, notamment entre le Haut-Karabagh et l’Arménie ?
Ces accords de cessez-le-feu ne prévoyaient bien évidemment aucune violation de la souveraineté de la nation et de l’État d’Arménie. Or tout cela a été balayé ! Ce sont donc des mensonges.
« Là où le mensonge prolifère, la tyrannie se perpétue. » Cette très belle phrase est de Camus. Ce lien intrinsèque entre le mensonge et la tyrannie, que Soljenitsyne avait lui aussi rappelé, a toujours existé, dans notre histoire et dans le monde entier.
Mes chers collègues, nous ne devons pas être dupes et nous ne devons pas accepter le fait accompli. C’est d’ailleurs grâce à son mensonge que M. Aliev a – en quelque sorte, car, s’il avançait ses pions, certains ont été complaisants – « berné » la communauté internationale.
Monsieur le ministre, vous étiez député au Parlement européen quand nous avons tous désapprouvé le voyage de Mme von der Leyen, qui est allée signer un accord gazier à Bakou.
On sait parfaitement que cet accord gazier visait, en réalité, à contourner les sanctions pourtant décidées par l’Union européenne à la suite de la transgression commise par la Russie, de son agression de l’Ukraine et des violences qu’elle y commet.
On ne peut pas croire ce que dit M. Aliev. On ne peut accorder le moindre crédit ni la moindre vérité à sa signature !
Néanmoins, si le régime de Bakou n’a pas de parole, il a un projet : le négationnisme et l’expansionnisme.
En particulier, il n’admet pas le génocide arménien de 1915, qu’une grande partie du monde reconnaît pourtant aujourd’hui. Pis, il affirme haut et fort que la ville d’Erevan a été volée par les Arméniens. Pis encore, il a baptisé la capitale du Haut-Karabagh, Stepanakert, des noms des génocidaires.