Intervention de Cédric Vial

Réunion du 23 janvier 2024 à 14h30
Accompagnement humain des élèves en situation de handicap — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Cédric VialCédric Vial :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, être devant vous ce soir constitue pour moi à la fois un plaisir, un aboutissement, un honneur, une étape et une satisfaction.

Un plaisir tout d'abord, puisque ma proposition de loi porte sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel je suis très mobilisé depuis près d'un an maintenant. C'est toujours – du moins, je l'imagine – un moment important dans la vie d'un parlementaire de voir son texte débattu dans l'hémicycle.

Un aboutissement ensuite, car la mission flash que j'ai menée sur les modalités de gestion des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) pour une école inclusive a fait apparaître la nécessité de passer par un texte législatif pour résoudre un certain nombre de problèmes. La présente proposition de loi est la traduction de la recommandation n° 10 du rapport que j'avais remis au nom de la commission de la culture, dont je remercie le président, Laurent Lafon.

Un honneur également, car vous avez été très nombreux, sur toutes les travées, à encourager et à soutenir mon initiative, avec, à la clé, un vote unanime en commission de la culture. J'espère que le Sénat sera ce soir à la hauteur du vote intervenu en commission.

Une étape aussi, car si vous décidez d'adopter ce texte aujourd'hui, le processus législatif devra se poursuivre à l'Assemblée nationale, avec, je l'espère, le regard bienveillant du Gouvernement, ce qui serait un atout indéniable.

Une satisfaction enfin, car cette loi, si elle est on ne peut plus simple, réglera des problèmes qui sont devenus complexes et qui, d'ailleurs, n'existaient pas avant que l'État ne les crée…

Sans me livrer à un historique exhaustif, j'aimerais rappeler quelles ont été les principales étapes dans la politique de prise en charge du handicap.

J'évoquerai tout d'abord la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Adopté sous l'impulsion du Président de la République de l'époque, Jacques Chirac – vous étiez alors membre du gouvernement, madame la ministre () –, ce texte a constitué un premier pas important, en permettant de passer d'une obligation éducative à une obligation de scolarisation de tous les enfants en situation de handicap dans un établissement en milieu ordinaire le plus près de chez eux.

Cette première étape a été confirmée par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, adoptée sous le quinquennat de François Hollande, qui a permis de nouvelles avancées, avec la création, notamment, des fameux AESH et l'inscription dans le marbre de la notion d'« inclusion scolaire ». L'engagement des décideurs publics en faveur de tout ce qui peut faciliter cette inclusion ne s'est jamais démenti depuis lors.

Le code de l'éducation dispose d'ailleurs très clairement qu'il revient à l'État de mettre en œuvre tous les moyens concourant à la scolarisation d'une personne en situation de handicap, qu'il s'agisse d'un enfant, d'un adolescent ou même d'un adulte.

Mais, après ces deux grandes avancées, il y a eu un recul. En effet, dans une décision de novembre 2020, le Conseil d'État, à rebours des politiques menées par les différents gouvernements et des votes successifs intervenus au Parlement, a jugé que le législateur avait probablement fait erreur en considérant la prise en charge sur le temps méridien comme nécessaire – elle l'est pourtant bel et bien ! – à l'inclusion scolaire.

Nous avons donc besoin aujourd'hui d'une loi, afin de rétablir ce qui, de mon point de vue, n'aurait jamais dû être remis en cause par une jurisprudence et de réaffirmer la position constante du législateur et des différents gouvernements : pour qu'un enfant en situation de handicap puisse être scolarisé, il est nécessaire de prévoir un accompagnement sur le temps méridien. Et c'est une responsabilité qui incombe à l'État !

Mes chers collègues, en votant ce texte, vous rappellerez au juge que c'est le Parlement, et non la jurisprudence, qui fait la loi !

Car la jurisprudence de 2020 est venue complexifier encore la vie des parents d'enfants en situation de handicap – comme s'ils avaient besoin de cela ! –, en leur imposant de trouver un nouvel interlocuteur et d'engager des démarches supplémentaires. Les effets de bord observés n'étaient peut-être pas souhaités à l'origine, mais ils sont bien réels aujourd'hui.

Premièrement, on a assisté à une rupture dans la prise en charge des enfants en situation de handicap.

En effet, la politique de prise en charge a été mise en place pour permettre aux enfants en situation de handicap de suivre une scolarité la plus normale possible, avec des mesures d'accessibilité quand c'est faisable et des compensations humaines quand c'est nécessaire.

Or une telle rupture d'accompagnement éducatif, qui a, par exemple, obligé à des changements d'interlocuteur là où un accompagnement sur le temps méridien était maintenu, a créé des difficultés supplémentaires. On pense évidemment aux enfants atteints de troubles autistiques, mais le problème va bien au-delà de ce seul cas.

Deuxièmement, les collectivités territoriales en ont également pâti. D'abord, le transfert d'une telle responsabilité a représenté un coût financier très difficile à supporter, en particulier pour certaines communes rurales. Ensuite, alors que les communes n'étaient jusqu'à présent pas compétentes en matière de handicap, on leur a demandé de juger si tel ou tel enfant avait besoin d'être accompagné, ce qu'elles n'ont évidemment pas la capacité de faire. Enfin, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne notifiant plus sur le temps méridien, les maires ont dû assumer une charge probablement trop lourde pour eux, de surcroît avec un coût pour la collectivité contraire, nous semble-t-il, à l'intention du législateur.

Troisièmement, l'enseignement privé, que les collectivités territoriales ne sont pas tenues de financer en cas de carence du financement étatique, n'avait pas non plus la possibilité d'utiliser le forfait scolaire pour rémunérer les personnels chargés de l'accompagnement sur le temps méridien. Cela a conduit à des difficultés importantes, notamment des déscolarisations d'enfants, avec, quand c'était possible, des rescolarisations dans des établissements publics voisins. Il a fallu recourir au « système D », par exemple en faisant appel au bénévolat, pratique qui ne devrait plus avoir cours à notre époque. Et il est arrivé que le ministère de l'éducation nationale maintienne des financements, malgré la décision du Conseil d'État, afin de ne pas faire de vagues…

Quatrièmement, comment aller vers une professionnalisation du métier d'AESH, comme le souhaitent les personnels concernés, avec des contrats à temps partiel, voire très partiel, ou des multi contrats ? Les AESH ont besoin d'avoir un contrat unique, avec un employeur unique, et de suivre une formation adaptée à leur métier, en l'occurrence la prise en charge.

Or c'est précisément ce que la décision du Conseil d'État ne permet pas. Et si la circulaire du 4 janvier 2023 a pu sembler constituer une avancée, on s'est aperçu qu'elle était peu appliquée. Sans doute faudrait-il d'ailleurs – c'est un autre sujet – s'interroger sur l'applicabilité des décisions du ministère de l'éducation nationale…

Je ne serai pas plus long. Comme je l'ai indiqué, ce texte simple a pour objet de résoudre des problèmes compliqués.

Certes, il ne les résoudra pas tous : si l'objectif de l'inclusion scolaire justifie la mobilisation de tous les dispositifs qui ont été mis en place, il faut revoir de fond en comble l'organisation générale.

Pour autant, nous avons aujourd'hui la possibilité de franchir une première étape. Je crois que beaucoup d'associations, d'enseignants, d'AESH et d'enfants nous attendent. Soyons au rendez-vous de l'inclusion !

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