La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mes chers collègues, compte tenu du nombre d’amendements déposés sur la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, nous pourrions, en accord avec les commissions concernées et le Gouvernement, et après concertation avec les groupes politiques, siéger éventuellement ce soir afin de terminer l’examen des textes inscrits à notre ordre du jour.
Nous pourrions toutefois poursuivre nos débats jusqu’à vingt et une heures s’il apparaissait possible de terminer l’examen de ces textes sans suspendre la séance.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 du règlement du Sénat.
Mes chers collègues, le nom de Mohammad Ghobadlou ne vous dit probablement rien ; ce jeune Iranien a été pendu ce matin pour avoir manifesté dans le cadre du mouvement « Femme, Vie, Liberté ». Il fait partie des très nombreuses victimes du régime iranien.
À la suite du dépôt de deux propositions de résolution – l’une par moi-même, l’autre par François Patriat, chacune soutenue par nombre de nos collègues et nos groupes respectifs –, la commission des affaires européennes et celle des affaires étrangères avaient adopté une résolution européenne en soutien au mouvement populaire iranien, devenue résolution du Sénat.
Ma proposition de résolution européenne visait à instaurer plusieurs sanctions contre le régime iranien ; cet objet n’est pas sans lien avec celui de la proposition de loi relative au terrorisme dont nous allons débattre dans un instant. Le rapporteur comme les deux commissions saisies ont pourtant estimé qu’il n’était pas temps d’inscrire les gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes.
Depuis, il y a eu le 7 octobre et la contribution de la République islamique d’Iran aux pogroms orchestrés par le Hamas ; depuis, il y a eu les attaques en mer Rouge et la contribution de la République islamique d’Iran à l’entreprise de destruction de la stabilité internationale par les Houthis.
Le moment est donc peut-être venu de remettre à l’ordre du jour la résolution votée par nos deux commissions afin d’envisager des sanctions à l’égard de la République islamique d’Iran, dont je vous rappelle qu’elle préside le Conseil des droits de l’homme de l’ONU – je ne sais vraiment pas dans quel monde nous vivons !
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Ian Brossat et Joshua Hochart applaudissent également.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (proposition n° 202, texte de la commission n° 259, rapport n° 258).
Dans la discussion générale, la parole est à M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste que nous vous présentons est aujourd'hui indispensable.
C'est d'abord le maintien de la menace terroriste à un niveau très élevé, ainsi que l'évolution de ses formes, qui la rendent nécessaire.
Les récents attentats d'Arras et du pont de Bir-Hakeim ont malheureusement révélé notre vulnérabilité face à des attaques terroristes d'autant plus difficiles à combattre qu'elles sont désormais perpétrées par des personnes que l'on peut qualifier de « loups solitaires ». Dans les deux cas, nous nous sommes en effet trouvés confrontés à des individus isolés, qui ne s'étaient jamais rendus dans la zone syro-irakienne et dont l'action n'était pas soutenue par un réseau djihadiste organisé.
Ces réseaux ont d'ailleurs tiré toutes les conséquences de cette évolution en recentrant leur action sur l'endoctrinement, directement sur notre sol, d'individus incités via les réseaux sociaux à commettre des actes de terrorisme.
En l'état du droit, il est particulièrement ardu, pour les services de renseignement, de surveiller efficacement ces individus, qui se sont souvent radicalisés en ligne et dont le passage à l'acte est imprévisible. Ces personnes se situent par ailleurs dans un angle mort du droit pénal jusqu'au jour de leur passage à l'acte, puisque, vous le savez, le recel d'apologie du terrorisme n'est aujourd'hui pas sanctionné.
L'intensification de la problématique des sortants de prison contribue également au maintien de la menace à un niveau élevé.
Les chiffres sont sans appel : depuis l'été 2018, 486 détenus islamistes sont sortis de détention, selon la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ; environ 50 % d'entre eux restent engagés dans une idéologie radicale. Cette dynamique ne peut aller qu'en s'accentuant, avec près de 70 libérations programmées dans les deux prochaines années et, surtout, les premières remises en liberté d'individus condamnés à de lourdes peines pour des faits de terrorisme.
Nous ne pouvons pas non plus éluder la question des mineurs radicalisés, qui prend chaque année un peu plus d'ampleur. Je ne donnerai qu'un seul exemple : en 2023, 19 mineurs ont été déférés à la justice pour association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste. Il s'agit en la matière du troisième chiffre le plus élevé depuis 2012. Les services constatent par ailleurs une évolution préoccupante des profils, avec des individus plus jeunes et présentant des projets d'attentat relativement aboutis.
Dans ce contexte, propice aux débordements de tout genre, nous devons agir comme nous l'avons toujours fait au Sénat, avec à la fois sang-froid et responsabilité, sans renoncer à notre rôle traditionnel de gardien des libertés publiques.
Soyons clairs : avec ce texte, nous ne voulons pas révolutionner la législation antiterroriste. Cela serait d'ailleurs peu judicieux, voire dangereux, à six mois d'une échéance telle que celle des jeux Olympiques.
Notre approche est beaucoup plus pragmatique : nous nous appuyons exclusivement – j'insiste sur ce point – sur les retours d'expérience et les besoins exprimés par les acteurs de terrain, judiciaires comme administratifs. Il s'agit de gommer les imperfections et les lacunes du cadre législatif actuel. En d'autres termes, nous entendons, dans le strict respect des libertés publiques, donner à nos forces de sécurité tous les moyens juridiques nécessaires à un combat efficace contre les nouvelles expressions de la menace terroriste.
Le premier volet de notre proposition de loi rénove le régime des mesures judiciaires de sûreté applicables aux terroristes sortant de détention. C'est en effet peu dire que la mesure de prévention de la récidive terroriste récemment mise en place n'a pas abouti : elle n'a pu être mise en œuvre qu'à une seule reprise, tant les critères de son édiction sont déconnectés de la réalité des profils observés sur le terrain.
Nous avons donc souhaité réintroduire une mesure hybride, déjà votée par deux fois dans cet hémicycle, mêlant suivi et surveillance judiciaire, et dont les critères de prononcé sont plus souples.
De la même manière, la proposition de loi étend le champ d'application de la rétention de sûreté en raison de troubles psychiatriques graves aux criminels terroristes et crée un nouveau régime de rétention de sûreté réservé aux condamnés terroristes encore engagés dans une idéologie radicale. L'objectif est simple : éviter à tout prix les « sorties sèches » – selon l'expression consacrée – de condamnés terroristes n'ayant pas renoncé à leur projet mortifère.
Le deuxième volet de notre proposition de loi prend à bras-le-corps la question de la prise en charge des mineurs radicalisés, selon un principe cardinal : l'accompagnement autant que nécessaire, la sanction dès que nécessaire.
Ainsi, l'article 3 renforce l'arsenal mis à la disposition des juges des enfants dans les dossiers à caractère terroriste, en étendant les possibilités de placement sous contrôle judiciaire ou en centre éducatif fermé, d'assignation sous bracelet électronique, ou de détention provisoire.
En ce qui concerne l'accompagnement, notre proposition de loi reprend notamment une proposition formulée, dès 2017, par nos anciennes collègues Esther Benbassa et Catherine Troendlé : pour éviter les ruptures d'accompagnement à la majorité, on autorise une poursuite de la prise en charge de ces jeunes par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Par le troisième volet de notre proposition de loi, nous entendons mettre la législation antiterroriste en adéquation avec les nouveaux modes opératoires observés sur le terrain. Pour ce faire, nous estimons incontournable l'introduction dans notre droit d'une nouvelle forme de délit de recel d'apologie du terrorisme, ainsi que d'une peine complémentaire de « bannissement numérique » et d'interdiction de paraître ; cette peine serait distincte des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas).
Selon nous, tous ces instruments redonneront aux services des marges de manœuvre face à des individus qui sont objectivement très dangereux, mais ne peuvent, en l'état du droit, faire l'objet de poursuites pénales en amont de leur passage à l'acte.
La régulation de l'accès à l'espace numérique de condamnés terroristes est également une mesure de bon sens, tant les réseaux sociaux sont désormais, dans ce domaine comme dans d'autres, le premier vecteur de radicalisation.
Enfin, notre proposition de loi ajuste plusieurs dispositifs antiterroristes qui, à l'épreuve de la pratique, présentent des limites opérationnelles. C'est le cas de la procédure d'autorisation d'achat de fournitures sous pseudonyme, dont les lourdeurs actuelles limitent singulièrement l'efficacité pour les services. Je pense également à la modernisation des critères permettant la dissolution administrative des associations ou groupements de fait.
Je remercie le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, pour l'important travail qu'il a réalisé pour la commission des lois sur cette proposition de loi, travail dont il vous présentera les résultats dans quelques instants.
Je crois que nous partageons tous ici le même objectif, et nous pouvons nous en réjouir. La commission des lois et le Sénat dans son ensemble ont toujours répondu présents lorsqu'il a fallu réformer la législation antiterroriste. Il est vrai que nous nous sommes parfois heurtés à la jurisprudence du Conseil constitutionnel…
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste que nous vous présentons est aujourd’hui indispensable.
C’est d’abord le maintien de la menace terroriste à un niveau très élevé, ainsi que l’évolution de ses formes, qui la rendent nécessaire.
Les récents attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim ont malheureusement révélé notre vulnérabilité face à des attaques terroristes d’autant plus difficiles à combattre qu’elles sont désormais perpétrées par des personnes que l’on peut qualifier de « loups solitaires ». Dans les deux cas, nous nous sommes en effet trouvés confrontés à des individus isolés, qui ne s’étaient jamais rendus dans la zone syro-irakienne et dont l’action n’était pas soutenue par un réseau djihadiste organisé.
Ces réseaux ont d’ailleurs tiré toutes les conséquences de cette évolution en recentrant leur action sur l’endoctrinement, directement sur notre sol, d’individus incités via les réseaux sociaux à commettre des actes de terrorisme.
En l’état du droit, il est particulièrement ardu, pour les services de renseignement, de surveiller efficacement ces individus, qui se sont souvent radicalisés en ligne et dont le passage à l’acte est imprévisible. Ces personnes se situent par ailleurs dans un angle mort du droit pénal jusqu’au jour de leur passage à l’acte, puisque, vous le savez, le recel d’apologie du terrorisme n’est aujourd’hui pas sanctionné.
L’intensification de la problématique des sortants de prison contribue également au maintien de la menace à un niveau élevé.
Les chiffres sont sans appel : depuis l’été 2018, 486 détenus islamistes sont sortis de détention, selon la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ; environ 50 % d’entre eux restent engagés dans une idéologie radicale. Cette dynamique ne peut aller qu’en s’accentuant, avec près de 70 libérations programmées dans les deux prochaines années et, surtout, les premières remises en liberté d’individus condamnés à de lourdes peines pour des faits de terrorisme.
Nous ne pouvons pas non plus éluder la question des mineurs radicalisés, qui prend chaque année un peu plus d’ampleur. Je ne donnerai qu’un seul exemple : en 2023, 19 mineurs ont été déférés à la justice pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste. Il s’agit en la matière du troisième chiffre le plus élevé depuis 2012. Les services constatent par ailleurs une évolution préoccupante des profils, avec des individus plus jeunes et présentant des projets d’attentat relativement aboutis.
Dans ce contexte, propice aux débordements de tout genre, nous devons agir comme nous l’avons toujours fait au Sénat, avec à la fois sang-froid et responsabilité, sans renoncer à notre rôle traditionnel de gardien des libertés publiques.
Soyons clairs : avec ce texte, nous ne voulons pas révolutionner la législation antiterroriste. Cela serait d’ailleurs peu judicieux, voire dangereux, à six mois d’une échéance telle que celle des jeux Olympiques.
Notre approche est beaucoup plus pragmatique : nous nous appuyons exclusivement – j’insiste sur ce point – sur les retours d’expérience et les besoins exprimés par les acteurs de terrain, judiciaires comme administratifs. Il s’agit de gommer les imperfections et les lacunes du cadre législatif actuel. En d’autres termes, nous entendons, dans le strict respect des libertés publiques, donner à nos forces de sécurité tous les moyens juridiques nécessaires à un combat efficace contre les nouvelles expressions de la menace terroriste.
Le premier volet de notre proposition de loi rénove le régime des mesures judiciaires de sûreté applicables aux terroristes sortant de détention. C’est en effet peu dire que la mesure de prévention de la récidive terroriste récemment mise en place n’a pas abouti : elle n’a pu être mise en œuvre qu’à une seule reprise, tant les critères de son édiction sont déconnectés de la réalité des profils observés sur le terrain.
Nous avons donc souhaité réintroduire une mesure hybride, déjà votée par deux fois dans cet hémicycle, mêlant suivi et surveillance judiciaire, et dont les critères de prononcé sont plus souples.
De la même manière, la proposition de loi étend le champ d’application de la rétention de sûreté en raison de troubles psychiatriques graves aux criminels terroristes et crée un nouveau régime de rétention de sûreté réservé aux condamnés terroristes encore engagés dans une idéologie radicale. L’objectif est simple : éviter à tout prix les « sorties sèches » – selon l’expression consacrée – de condamnés terroristes n’ayant pas renoncé à leur projet mortifère.
Le deuxième volet de notre proposition de loi prend à bras-le-corps la question de la prise en charge des mineurs radicalisés, selon un principe cardinal : l’accompagnement autant que nécessaire, la sanction dès que nécessaire.
Ainsi, l’article 3 renforce l’arsenal mis à la disposition des juges des enfants dans les dossiers à caractère terroriste, en étendant les possibilités de placement sous contrôle judiciaire ou en centre éducatif fermé, d’assignation sous bracelet électronique, ou de détention provisoire.
En ce qui concerne l’accompagnement, notre proposition de loi reprend notamment une proposition formulée, dès 2017, par nos anciennes collègues Esther Benbassa et Catherine Troendlé : pour éviter les ruptures d’accompagnement à la majorité, on autorise une poursuite de la prise en charge de ces jeunes par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Par le troisième volet de notre proposition de loi, nous entendons mettre la législation antiterroriste en adéquation avec les nouveaux modes opératoires observés sur le terrain. Pour ce faire, nous estimons incontournable l’introduction dans notre droit d’une nouvelle forme de délit de recel d’apologie du terrorisme, ainsi que d’une peine complémentaire de « bannissement numérique » et d’interdiction de paraître ; cette peine serait distincte des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas).
Selon nous, tous ces instruments redonneront aux services des marges de manœuvre face à des individus qui sont objectivement très dangereux, mais ne peuvent, en l’état du droit, faire l’objet de poursuites pénales en amont de leur passage à l’acte.
La régulation de l’accès à l’espace numérique de condamnés terroristes est également une mesure de bon sens, tant les réseaux sociaux sont désormais, dans ce domaine comme dans d’autres, le premier vecteur de radicalisation.
Enfin, notre proposition de loi ajuste plusieurs dispositifs antiterroristes qui, à l’épreuve de la pratique, présentent des limites opérationnelles. C’est le cas de la procédure d’autorisation d’achat de fournitures sous pseudonyme, dont les lourdeurs actuelles limitent singulièrement l’efficacité pour les services. Je pense également à la modernisation des critères permettant la dissolution administrative des associations ou groupements de fait.
Je remercie le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, pour l’important travail qu’il a réalisé pour la commission des lois sur cette proposition de loi, travail dont il vous présentera les résultats dans quelques instants.
Je crois que nous partageons tous ici le même objectif, et nous pouvons nous en réjouir. La commission des lois et le Sénat dans son ensemble ont toujours répondu présents lorsqu’il a fallu réformer la législation antiterroriste. Il est vrai que nous nous sommes parfois heurtés à la jurisprudence du Conseil constitutionnel…
… et que les conditions de l'équilibre requis ne sont parfois pas aisées à discerner. Tenir la ligne de crête entre proportionnalité des mesures et efficacité de la lutte antiterroriste requiert d'unir nos efforts.
C'est pourquoi nous avons tenu à impliquer au maximum les acteurs de terrain, pour être au plus près de leurs besoins, et à prendre en compte dès que cela était possible – j'insiste sur ce point – tous les indices laissés par le Conseil constitutionnel dans ses décisions antérieures.
Mes chers collègues, chacun d'entre nous sait que le contexte actuel se caractérise par des enjeux dont la gravité est avérée, comme nous pouvons le constater, à longueur de journaux télévisés, au vu des événements dramatiques qui surviennent. L'intensité de la menace terroriste – le ministre de l'intérieur ne me démentira pas, bien évidemment – et son évolution nous imposent de rester unis et de prendre collectivement nos responsabilités.
C'est ce que nous essayons de faire avec cette proposition de loi, qui s'inscrit dans une temporalité particulière.
Au-delà des dispositions nécessaires pour renforcer notre arsenal juridique dans le droit positif, il faut souligner que cette proposition de loi est examinée alors que nous accueillerons prochainement en France un événement considérable, d'envergure mondiale : les jeux Olympiques et Paralympiques. Naturellement, ce seul argument n'est pas suffisant, mais les outils que nous avons prévus sont absolument nécessaires pour permettre à nos services de mener à bien leur mission pendant cette période.
Pour finir, je veux dire que Marc-Philippe Daubresse a apporté des corrections au texte et a même supprimé des articles dont il a considéré qu'ils étaient non opérants, ce qui – j'en conviens – était parfaitement légitime.
Messieurs les ministres, il me semble – j'espère que vous le confirmerez ! – que vous approuvez la grande majorité des objectifs assignés à ce texte et des moyens choisis pour les atteindre. C'est pourquoi il me paraît important de reconnaître l'urgence en engageant la procédure accélérée sur ce texte afin que le travail législatif soit plus rapide. Il serait en effet de notre intérêt – un intérêt collectif, partagé et bien compris – que cette proposition de loi soit promulguée le plus rapidement possible, en tout cas avant les événements de l'été prochain.
Je ne veux pas mettre de pression sur qui que ce soit, mais il serait quand même dommage que nous ne puissions pas bénéficier des mesures et des moyens proposés pour protéger encore mieux tous ceux qui seront dans notre pays afin de profiter de ces événements, car nous savons que le risque terroriste est plus qu'avéré et permanent.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, déposée par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, qui vient de nous la présenter, ainsi que par les présidents de groupe Bruno Retailleau et Hervé Marseille.
Les tragiques attentats d'Arras et du pont de Bir-Hakeim ont nourri leur réflexion, en vue d'apporter une réponse plus adaptée à de tels actes. La proposition de loi vise à combler plusieurs « trous dans la raquette », des lacunes de la législation pénale en vigueur, et à octroyer aux pouvoirs publics les moyens judiciaires et administratifs indispensables à une lutte antiterroriste efficace.
Sur le fond, la commission des lois accueille favorablement ce texte, qui reprend des dispositions déjà votées par le Sénat. Il est, comme j'ai pu le constater au cours de mes auditions, le fruit d'une réflexion approfondie, nourrie des observations et des propositions des acteurs de terrain de la lutte antiterroriste.
Nous avons déjà eu l'occasion d'aborder ces sujets, au sein de la commission des lois, au cours des trois ou quatre dernières années ; nous avons déjà fait des propositions qui allaient dans le même sens.
Ce texte a le mérite de présenter un dispositif cohérent. En effet, si le législateur a renforcé l'arsenal antiterroriste au cours des dernières années, il s'est concentré, comme l'a souligné M. Buffet, sur les menaces exogènes. Nous nous sommes surtout intéressés, jusqu'à présent, à la répression et au régime des peines, sans anticiper la question du suivi à l'issue de l'exécution de la peine, alors même que nous savions que certaines des personnes sortant de prison sont – le procureur antiterroriste le dit lui-même – des menaces potentielles.
Aujourd'hui, la menace terroriste est devenue endogène : elle a donc un caractère plus imprévisible qu'auparavant. Les attaques sont désormais perpétrées non plus par des groupes armés, mais par des individus solitaires, qui ne bénéficient pas de l'appui de réseaux djihadistes très organisés, mais se sont radicalisés sur les réseaux sociaux et ont recours, le plus souvent, à des armes blanches en vente libre.
Nous sommes donc dans une situation peu satisfaisante : les individus condamnés pour des faits de terrorisme sont aujourd'hui les plus suivis en détention, y compris sur le plan psychiatrique, mais les moins accompagnés à compter de leur libération. En outre, les « loups solitaires », dont certains sont mineurs, profils qui représentent désormais l'écrasante majorité des individus suivis par les services de renseignement, adoptent des comportements et des modes opératoires mal appréhendés par le droit pénal : autoradicalisation en ligne, détention de centaines d'images de crimes et d'apologie du terrorisme, etc.
Bien entendu, l'arsenal législatif est déjà très important. Pour autant, comme me l'ont indiqué, à la quasi-unanimité, les acteurs compétents, les outils tant judiciaires qu'administratifs se révèlent incomplets et inadaptés à l'enjeu.
Enfin, les événements à venir dans notre pays ne font que renforcer l'acuité de ces problèmes.
La proposition de loi soumise à l'examen de notre Haute Assemblée n'a pas pour objet de bouleverser les équilibres construits au cours des dernières années. Elle vise principalement à consolider cet édifice juridique et à remédier aux lacunes que je viens d'évoquer, qui ont été mises au jour par les récents attentats.
Les dispositions initiales de la proposition de loi présentée par François-Noël Buffet ont reçu, dans leur grande majorité, notre assentiment.
Avec l'ensemble des acteurs de la lutte antiterroriste que nous avons auditionnés, nous sommes en effet convaincus qu'il est nécessaire de corriger certaines dispositions pénales afin d'en améliorer l'efficacité et l'opérationnalité.
Nous avons apporté une attention particulière à l'équilibre entre, d'une part, l'opérationnalité et l'efficacité des mesures et, d'autre part, la garantie des droits et libertés constitutionnels. En liaison avec les acteurs concernés, nous sommes parvenus à un texte dont l'équilibre est harmonieux et pesé au trébuchet. Je serai donc défavorable aux amendements tendant à supprimer un article ou certaines de ses dispositions, pour ne pas rompre cet équilibre qui fut difficile à trouver.
S'agissant des mesures judiciaires de sûreté, déjà évoquées par M. Buffet, la commission les a fait évoluer sur trois points.
Compte tenu du bilan non concluant du déploiement de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste – une seule personne se l'est vue appliquer –, il est indispensable de garantir son adéquation aux profils des individus concernés.
La définition de l'infraction d'association de malfaiteurs terroriste est déjà très exigeante ; les critères de dangerosité de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste le sont presque autant, ce qui rend cette mesure quasiment inapplicable. C'est pourquoi nous avons reformulé les critères, pour viser une probabilité élevée de récidive et une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, plutôt qu'une probabilité très élevée et une adhésion persistante à ces idéologies.
Soucieux de garantir la proportionnalité de la mesure et d'éviter de fragiliser le dispositif éprouvé des Micas – les services secrets ont insisté, à raison, sur ce point –, nous avons contrebalancé cet élargissement par l'ajout de plusieurs garanties. D'une part, nous avons renforcé le volet de réinsertion et d'accompagnement, en permettant aux juges de l'application des peines de prononcer une injonction de soins pour certains profils. D'autre part, nous avons exclu du contenu de la mesure élargie les trois mesures de surveillance particulièrement attentatoires aux libertés que sont l'interdiction de paraître en certains lieux, l'obligation d'établir son domicile en un lieu donné et l'interdiction de port d'une arme ; rappelons que ces mesures figurent déjà dans bien d'autres dispositifs, en particulier les Micas.
De la même manière, la commission a limité le champ des mesures de rétention de sûreté aux seuls individus condamnés pour des crimes terroristes à des peines supérieures ou égales à quinze ans de prison.
En ce qui concerne le volet administratif, nous avons souhaité maintenir le caractère obligatoire d'une autorisation judiciaire préalable pour les opérations d'achat effectuées par des enquêteurs sous pseudonyme, tout en aménageant les modalités de sa délivrance lorsque les produits concernés sont licites.
Par ailleurs, nous avons choisi de substituer à l'interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre d'une Micas une interdiction de paraître autonome, moins attentatoire aux libertés individuelles et plus facile à mettre en œuvre, notamment dans la perspective des jeux Olympiques.
Enfin, en matière de dissolution des associations et des groupements, il nous est apparu plus opportun de consacrer dans la loi la récente définition de la provocation énoncée par le Conseil d'État et d'instituer un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l'objet d'une telle procédure, pour faire échec à leurs stratégies de revente de leurs biens.
En matière pénale, la commission s'est attachée à renforcer la cohérence judiciaire du texte et à améliorer la pénalisation de certains comportements particulièrement dangereux.
Nous avons ainsi réécrit la définition de l'infraction réprimant la détention de contenus apologétiques, afin de l'entourer d'une série de garanties permettant d'en assurer la constitutionnalité. Pour ce faire, nous avons restreint le champ d'application de l'infraction par deux moyens : d'une part, en introduisant un critère de gravité restreint, en ne sanctionnant que la détention des contenus les plus graves ; d'autre part, en le complétant d'un élément intentionnel : l'infraction ne serait constituée qu'à condition que l'adhésion de l'auteur à un ou plusieurs crimes terroristes soit manifeste.
Nous avons ainsi tiré les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel, qui portait sur une création jurisprudentielle exprimant une interprétation extensive de ce délit : tel n'est pas le choix du Sénat.
En outre, forte des propositions des acteurs judiciaires et administratifs, la commission a souhaité introduire dans le texte des mesures additionnelles.
Je pense en particulier à l'intégration au délit d'apologie du terrorisme de la diffusion, dans certains cas de figure, de contenus apologétiques sur les réseaux privés de communication.
Je pense également à l'obligation d'information du procureur de la République en cas de demande de changement de nom d'une personne condamnée pour des crimes à caractère terroriste.
Je pense enfin au renforcement des informations communiquées aux préfets s'agissant de soins délivrés, sans leur consentement, à des personnes radicalisées, ou aux autorités académiques s'agissant des personnes scolarisées mises en examen ou condamnées pour une infraction terroriste.
Enfin, mes chers collègues, pour tenir compte des observations de plusieurs d'entre vous sur certains points, je vous proposerai d'adopter quelques amendements qui visent à consolider les avancées déjà votées en commission des lois.
Par ailleurs, j'ai revu la notion d'« inconduite notoire » en prenant en considération les observations pertinentes de plusieurs d'entre vous. L'intention du procureur antiterroriste en la matière était justifiée, mais la formulation était inadaptée : je vous présenterai donc un amendement tendant à la modifier.
Nous défendrons également un amendement systématisant l'information des procureurs en cas de demande de changement de nom d'un condamné terroriste.
Par ailleurs, nous donnerons un avis favorable aux amendements de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio qui visent à accélérer les procédures devant la commission d'expulsion et à garantir le maintien en centre de rétention administrative de tout étranger mis en cause pour des faits de terrorisme.
Enfin, nos collègues Hervé Marseille et Nathalie Goulet proposent des avancées en matière de lutte contre le financement du terrorisme et de sécurisation, au moyen de technologies nouvelles, des grands événements. Nous y serons favorables.
Pour conclure, je souhaite rappeler, à l'instar de François-Noël Buffet, que le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité face au défi du terrorisme. Dès 2014, la commission des lois a pris l'initiative de plusieurs évolutions législatives, qui ont permis de renforcer considérablement l'arsenal pénal, dans le strict respect des libertés individuelles.
C'est ce même état d'esprit qui doit aujourd'hui nous guider et nous amener, collectivement, à approuver ce texte. Doter les pouvoirs publics de nouveaux moyens adaptés à la prise en charge des nouveaux visages de la menace terroriste est une priorité pour la sécurité des Français.
… et que les conditions de l’équilibre requis ne sont parfois pas aisées à discerner. Tenir la ligne de crête entre proportionnalité des mesures et efficacité de la lutte antiterroriste requiert d’unir nos efforts.
C’est pourquoi nous avons tenu à impliquer au maximum les acteurs de terrain, pour être au plus près de leurs besoins, et à prendre en compte dès que cela était possible – j’insiste sur ce point – tous les indices laissés par le Conseil constitutionnel dans ses décisions antérieures.
Mes chers collègues, chacun d’entre nous sait que le contexte actuel se caractérise par des enjeux dont la gravité est avérée, comme nous pouvons le constater, à longueur de journaux télévisés, au vu des événements dramatiques qui surviennent. L’intensité de la menace terroriste – le ministre de l’intérieur ne me démentira pas, bien évidemment – et son évolution nous imposent de rester unis et de prendre collectivement nos responsabilités.
C’est ce que nous essayons de faire avec cette proposition de loi, qui s’inscrit dans une temporalité particulière.
Au-delà des dispositions nécessaires pour renforcer notre arsenal juridique dans le droit positif, il faut souligner que cette proposition de loi est examinée alors que nous accueillerons prochainement en France un événement considérable, d’envergure mondiale : les jeux Olympiques et Paralympiques. Naturellement, ce seul argument n’est pas suffisant, mais les outils que nous avons prévus sont absolument nécessaires pour permettre à nos services de mener à bien leur mission pendant cette période.
Pour finir, je veux dire que Marc-Philippe Daubresse a apporté des corrections au texte et a même supprimé des articles dont il a considéré qu’ils étaient non opérants, ce qui – j’en conviens – était parfaitement légitime.
Messieurs les ministres, il me semble – j’espère que vous le confirmerez ! – que vous approuvez la grande majorité des objectifs assignés à ce texte et des moyens choisis pour les atteindre. C’est pourquoi il me paraît important de reconnaître l’urgence en engageant la procédure accélérée sur ce texte afin que le travail législatif soit plus rapide. Il serait en effet de notre intérêt – un intérêt collectif, partagé et bien compris – que cette proposition de loi soit promulguée le plus rapidement possible, en tout cas avant les événements de l’été prochain.
Je ne veux pas mettre de pression sur qui que ce soit, mais il serait quand même dommage que nous ne puissions pas bénéficier des mesures et des moyens proposés pour protéger encore mieux tous ceux qui seront dans notre pays afin de profiter de ces événements, car nous savons que le risque terroriste est plus qu’avéré et permanent.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par vous présenter mes vœux, en espérant que 2024 soit aussi une bonne année pour votre assemblée.
« Partisans d'une haine sans espoir », …
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, déposée par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, qui vient de nous la présenter, ainsi que par les présidents de groupe Bruno Retailleau et Hervé Marseille.
Les tragiques attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim ont nourri leur réflexion, en vue d’apporter une réponse plus adaptée à de tels actes. La proposition de loi vise à combler plusieurs « trous dans la raquette », des lacunes de la législation pénale en vigueur, et à octroyer aux pouvoirs publics les moyens judiciaires et administratifs indispensables à une lutte antiterroriste efficace.
Sur le fond, la commission des lois accueille favorablement ce texte, qui reprend des dispositions déjà votées par le Sénat. Il est, comme j’ai pu le constater au cours de mes auditions, le fruit d’une réflexion approfondie, nourrie des observations et des propositions des acteurs de terrain de la lutte antiterroriste.
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ces sujets, au sein de la commission des lois, au cours des trois ou quatre dernières années ; nous avons déjà fait des propositions qui allaient dans le même sens.
Ce texte a le mérite de présenter un dispositif cohérent. En effet, si le législateur a renforcé l’arsenal antiterroriste au cours des dernières années, il s’est concentré, comme l’a souligné M. Buffet, sur les menaces exogènes. Nous nous sommes surtout intéressés, jusqu’à présent, à la répression et au régime des peines, sans anticiper la question du suivi à l’issue de l’exécution de la peine, alors même que nous savions que certaines des personnes sortant de prison sont – le procureur antiterroriste le dit lui-même – des menaces potentielles.
Aujourd’hui, la menace terroriste est devenue endogène : elle a donc un caractère plus imprévisible qu’auparavant. Les attaques sont désormais perpétrées non plus par des groupes armés, mais par des individus solitaires, qui ne bénéficient pas de l’appui de réseaux djihadistes très organisés, mais se sont radicalisés sur les réseaux sociaux et ont recours, le plus souvent, à des armes blanches en vente libre.
Nous sommes donc dans une situation peu satisfaisante : les individus condamnés pour des faits de terrorisme sont aujourd’hui les plus suivis en détention, y compris sur le plan psychiatrique, mais les moins accompagnés à compter de leur libération. En outre, les « loups solitaires », dont certains sont mineurs, profils qui représentent désormais l’écrasante majorité des individus suivis par les services de renseignement, adoptent des comportements et des modes opératoires mal appréhendés par le droit pénal : autoradicalisation en ligne, détention de centaines d’images de crimes et d’apologie du terrorisme, etc.
Bien entendu, l’arsenal législatif est déjà très important. Pour autant, comme me l’ont indiqué, à la quasi-unanimité, les acteurs compétents, les outils tant judiciaires qu’administratifs se révèlent incomplets et inadaptés à l’enjeu.
Enfin, les événements à venir dans notre pays ne font que renforcer l’acuité de ces problèmes.
La proposition de loi soumise à l’examen de notre Haute Assemblée n’a pas pour objet de bouleverser les équilibres construits au cours des dernières années. Elle vise principalement à consolider cet édifice juridique et à remédier aux lacunes que je viens d’évoquer, qui ont été mises au jour par les récents attentats.
Les dispositions initiales de la proposition de loi présentée par François-Noël Buffet ont reçu, dans leur grande majorité, notre assentiment.
Avec l’ensemble des acteurs de la lutte antiterroriste que nous avons auditionnés, nous sommes en effet convaincus qu’il est nécessaire de corriger certaines dispositions pénales afin d’en améliorer l’efficacité et l’opérationnalité.
Nous avons apporté une attention particulière à l’équilibre entre, d’une part, l’opérationnalité et l’efficacité des mesures et, d’autre part, la garantie des droits et libertés constitutionnels. En liaison avec les acteurs concernés, nous sommes parvenus à un texte dont l’équilibre est harmonieux et pesé au trébuchet. Je serai donc défavorable aux amendements tendant à supprimer un article ou certaines de ses dispositions, pour ne pas rompre cet équilibre qui fut difficile à trouver.
S’agissant des mesures judiciaires de sûreté, déjà évoquées par M. Buffet, la commission les a fait évoluer sur trois points.
Compte tenu du bilan non concluant du déploiement de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste – une seule personne se l’est vue appliquer –, il est indispensable de garantir son adéquation aux profils des individus concernés.
La définition de l’infraction d’association de malfaiteurs terroriste est déjà très exigeante ; les critères de dangerosité de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste le sont presque autant, ce qui rend cette mesure quasiment inapplicable. C’est pourquoi nous avons reformulé les critères, pour viser une probabilité élevée de récidive et une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, plutôt qu’une probabilité très élevée et une adhésion persistante à ces idéologies.
Soucieux de garantir la proportionnalité de la mesure et d’éviter de fragiliser le dispositif éprouvé des Micas – les services secrets ont insisté, à raison, sur ce point –, nous avons contrebalancé cet élargissement par l’ajout de plusieurs garanties. D’une part, nous avons renforcé le volet de réinsertion et d’accompagnement, en permettant aux juges de l’application des peines de prononcer une injonction de soins pour certains profils. D’autre part, nous avons exclu du contenu de la mesure élargie les trois mesures de surveillance particulièrement attentatoires aux libertés que sont l’interdiction de paraître en certains lieux, l’obligation d’établir son domicile en un lieu donné et l’interdiction de port d’une arme ; rappelons que ces mesures figurent déjà dans bien d’autres dispositifs, en particulier les Micas.
De la même manière, la commission a limité le champ des mesures de rétention de sûreté aux seuls individus condamnés pour des crimes terroristes à des peines supérieures ou égales à quinze ans de prison.
En ce qui concerne le volet administratif, nous avons souhaité maintenir le caractère obligatoire d’une autorisation judiciaire préalable pour les opérations d’achat effectuées par des enquêteurs sous pseudonyme, tout en aménageant les modalités de sa délivrance lorsque les produits concernés sont licites.
Par ailleurs, nous avons choisi de substituer à l’interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre d’une Micas une interdiction de paraître autonome, moins attentatoire aux libertés individuelles et plus facile à mettre en œuvre, notamment dans la perspective des jeux Olympiques.
Enfin, en matière de dissolution des associations et des groupements, il nous est apparu plus opportun de consacrer dans la loi la récente définition de la provocation énoncée par le Conseil d’État et d’instituer un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l’objet d’une telle procédure, pour faire échec à leurs stratégies de revente de leurs biens.
En matière pénale, la commission s’est attachée à renforcer la cohérence judiciaire du texte et à améliorer la pénalisation de certains comportements particulièrement dangereux.
Nous avons ainsi réécrit la définition de l’infraction réprimant la détention de contenus apologétiques, afin de l’entourer d’une série de garanties permettant d’en assurer la constitutionnalité. Pour ce faire, nous avons restreint le champ d’application de l’infraction par deux moyens : d’une part, en introduisant un critère de gravité restreint, en ne sanctionnant que la détention des contenus les plus graves ; d’autre part, en le complétant d’un élément intentionnel : l’infraction ne serait constituée qu’à condition que l’adhésion de l’auteur à un ou plusieurs crimes terroristes soit manifeste.
Nous avons ainsi tiré les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel, qui portait sur une création jurisprudentielle exprimant une interprétation extensive de ce délit : tel n’est pas le choix du Sénat.
En outre, forte des propositions des acteurs judiciaires et administratifs, la commission a souhaité introduire dans le texte des mesures additionnelles.
Je pense en particulier à l’intégration au délit d’apologie du terrorisme de la diffusion, dans certains cas de figure, de contenus apologétiques sur les réseaux privés de communication.
Je pense également à l’obligation d’information du procureur de la République en cas de demande de changement de nom d’une personne condamnée pour des crimes à caractère terroriste.
Je pense enfin au renforcement des informations communiquées aux préfets s’agissant de soins délivrés, sans leur consentement, à des personnes radicalisées, ou aux autorités académiques s’agissant des personnes scolarisées mises en examen ou condamnées pour une infraction terroriste.
Enfin, mes chers collègues, pour tenir compte des observations de plusieurs d’entre vous sur certains points, je vous proposerai d’adopter quelques amendements qui visent à consolider les avancées déjà votées en commission des lois.
Par ailleurs, j’ai revu la notion d’« inconduite notoire » en prenant en considération les observations pertinentes de plusieurs d’entre vous. L’intention du procureur antiterroriste en la matière était justifiée, mais la formulation était inadaptée : je vous présenterai donc un amendement tendant à la modifier.
Nous défendrons également un amendement systématisant l’information des procureurs en cas de demande de changement de nom d’un condamné terroriste.
Par ailleurs, nous donnerons un avis favorable aux amendements de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio qui visent à accélérer les procédures devant la commission d’expulsion et à garantir le maintien en centre de rétention administrative de tout étranger mis en cause pour des faits de terrorisme.
Enfin, nos collègues Hervé Marseille et Nathalie Goulet proposent des avancées en matière de lutte contre le financement du terrorisme et de sécurisation, au moyen de technologies nouvelles, des grands événements. Nous y serons favorables.
Pour conclure, je souhaite rappeler, à l’instar de François-Noël Buffet, que le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité face au défi du terrorisme. Dès 2014, la commission des lois a pris l’initiative de plusieurs évolutions législatives, qui ont permis de renforcer considérablement l’arsenal pénal, dans le strict respect des libertés individuelles.
C’est ce même état d’esprit qui doit aujourd’hui nous guider et nous amener, collectivement, à approuver ce texte. Doter les pouvoirs publics de nouveaux moyens adaptés à la prise en charge des nouveaux visages de la menace terroriste est une priorité pour la sécurité des Français.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, déposée par le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, qui vient de nous la présenter, ainsi que par les présidents de groupe Bruno Retailleau et Hervé Marseille.
Les tragiques attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim ont nourri leur réflexion, en vue d’apporter une réponse plus adaptée à de tels actes. La proposition de loi vise à combler plusieurs « trous dans la raquette », des lacunes de la législation pénale en vigueur, et à octroyer aux pouvoirs publics les moyens judiciaires et administratifs indispensables à une lutte antiterroriste efficace.
Sur le fond, la commission des lois accueille favorablement ce texte, qui reprend des dispositions déjà votées par le Sénat. Il est, comme j’ai pu le constater au cours de mes auditions, le fruit d’une réflexion approfondie, nourrie des observations et des propositions des acteurs de terrain de la lutte antiterroriste.
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ces sujets, au sein de la commission des lois, au cours des trois ou quatre dernières années ; nous avons déjà fait des propositions qui allaient dans le même sens.
Ce texte a le mérite de présenter un dispositif cohérent. En effet, si le législateur a renforcé l’arsenal antiterroriste au cours des dernières années, il s’est concentré, comme l’a souligné M. Buffet, sur les menaces exogènes. Nous nous sommes surtout intéressés, jusqu’à présent, à la répression et au régime des peines, sans anticiper la question du suivi à l’issue de l’exécution de la peine, alors même que nous savions que certaines des personnes sortant de prison sont – le procureur antiterroriste le dit lui-même – des menaces potentielles.
Aujourd’hui, la menace terroriste est devenue endogène : elle a donc un caractère plus imprévisible qu’auparavant. Les attaques sont désormais perpétrées non plus par des groupes armés, mais par des individus solitaires, qui ne bénéficient pas de l’appui de réseaux djihadistes très organisés, mais se sont radicalisés sur les réseaux sociaux et ont recours, le plus souvent, à des armes blanches en vente libre.
Nous sommes donc dans une situation peu satisfaisante : les individus condamnés pour des faits de terrorisme sont aujourd’hui les plus suivis en détention, y compris sur le plan psychiatrique, mais les moins accompagnés à compter de leur libération. En outre, les « loups solitaires », dont certains sont mineurs, profils qui représentent désormais l’écrasante majorité des individus suivis par les services de renseignement, adoptent des comportements et des modes opératoires mal appréhendés par le droit pénal : autoradicalisation en ligne, détention de centaines d’images de crimes et d’apologie du terrorisme, etc.
Bien entendu, l’arsenal législatif est déjà très important. Pour autant, comme me l’ont indiqué, à la quasi-unanimité, les acteurs compétents, les outils tant judiciaires qu’administratifs se révèlent incomplets et inadaptés à l’enjeu.
Enfin, les événements à venir dans notre pays ne font que renforcer l’acuité de ces problèmes.
La proposition de loi soumise à l’examen de notre Haute Assemblée n’a pas pour objet de bouleverser les équilibres construits au cours des dernières années. Elle vise principalement à consolider cet édifice juridique et à remédier aux lacunes que je viens d’évoquer, qui ont été mises au jour par les récents attentats.
Les dispositions initiales de la proposition de loi présentée par François-Noël Buffet ont reçu, dans leur grande majorité, notre assentiment.
Avec l’ensemble des acteurs de la lutte antiterroriste que nous avons auditionnés, nous sommes en effet convaincus qu’il est nécessaire de corriger certaines dispositions pénales afin d’en améliorer l’efficacité et l’opérationnalité.
Nous avons apporté une attention particulière à l’équilibre entre, d’une part, l’opérationnalité et l’efficacité des mesures et, d’autre part, la garantie des droits et libertés constitutionnels. En liaison avec les acteurs concernés, nous sommes parvenus à un texte dont l’équilibre est harmonieux et pesé au trébuchet. Je serai donc défavorable aux amendements tendant à supprimer un article ou certaines de ses dispositions, pour ne pas rompre cet équilibre qui fut difficile à trouver.
S’agissant des mesures judiciaires de sûreté, déjà évoquées par M. Buffet, la commission les a fait évoluer sur trois points.
Compte tenu du bilan non concluant du déploiement de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste – une seule personne se l’est vu appliquer –, il est indispensable de garantir son adéquation aux profils des individus concernés.
La définition de l’infraction d’association de malfaiteurs terroriste est déjà très exigeante ; les critères de dangerosité de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste le sont presque autant, ce qui rend cette mesure quasiment inapplicable. C’est pourquoi nous avons reformulé les critères, pour viser une probabilité élevée de récidive et une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, plutôt qu’une probabilité très élevée et une adhésion persistante à ces idéologies.
Soucieux de garantir la proportionnalité de la mesure et d’éviter de fragiliser le dispositif éprouvé des Micas – les services secrets ont insisté, à raison, sur ce point –, nous avons contrebalancé cet élargissement par l’ajout de plusieurs garanties. D’une part, nous avons renforcé le volet de réinsertion et d’accompagnement, en permettant aux juges de l’application des peines de prononcer une injonction de soins pour certains profils. D’autre part, nous avons exclu du contenu de la mesure élargie les trois mesures de surveillance particulièrement attentatoires aux libertés que sont l’interdiction de paraître en certains lieux, l’obligation d’établir son domicile en un lieu donné et l’interdiction de port d’une arme ; rappelons que ces mesures figurent déjà dans bien d’autres dispositifs, en particulier les Micas.
De la même manière, la commission a limité le champ des mesures de rétention de sûreté aux seuls individus condamnés pour des crimes terroristes à des peines supérieures ou égales à quinze ans de prison.
En ce qui concerne le volet administratif, nous avons souhaité maintenir le caractère obligatoire d’une autorisation judiciaire préalable pour les opérations d’achat effectuées par des enquêteurs sous pseudonyme, tout en aménageant les modalités de sa délivrance lorsque les produits concernés sont licites.
Par ailleurs, nous avons choisi de substituer à l’interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre d’une Micas une interdiction de paraître autonome, moins attentatoire aux libertés individuelles et plus facile à mettre en œuvre, notamment dans la perspective des jeux Olympiques.
Enfin, en matière de dissolution des associations et des groupements, il nous est apparu plus opportun de consacrer dans la loi la récente définition de la provocation énoncée par le Conseil d’État et d’instituer un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l’objet d’une telle procédure, pour faire échec à leurs stratégies de revente de leurs biens.
En matière pénale, la commission s’est attachée à renforcer la cohérence judiciaire du texte et à améliorer la pénalisation de certains comportements particulièrement dangereux.
Nous avons ainsi réécrit la définition de l’infraction réprimant la détention de contenus apologétiques, afin de l’entourer d’une série de garanties permettant d’en assurer la constitutionnalité. Pour ce faire, nous avons restreint le champ d’application de l’infraction par deux moyens : d’une part, en introduisant un critère de gravité restreint, en ne sanctionnant que la détention des contenus les plus graves ; d’autre part, en le complétant d’un élément intentionnel : l’infraction ne serait constituée qu’à condition que l’adhésion de l’auteur à un ou plusieurs crimes terroristes soit manifeste.
Nous avons ainsi tiré les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel, qui portait sur une création jurisprudentielle exprimant une interprétation extensive de ce délit : tel n’est pas le choix du Sénat.
En outre, forte des propositions des acteurs judiciaires et administratifs, la commission a souhaité introduire dans le texte des mesures additionnelles.
Je pense en particulier à l’intégration au délit d’apologie du terrorisme de la diffusion, dans certains cas de figure, de contenus apologétiques sur les réseaux privés de communication.
Je pense également à l’obligation d’information du procureur de la République en cas de demande de changement de nom d’une personne condamnée pour des crimes à caractère terroriste.
Je pense enfin au renforcement des informations communiquées aux préfets s’agissant de soins délivrés, sans leur consentement, à des personnes radicalisées, ou aux autorités académiques s’agissant des personnes scolarisées mises en examen ou condamnées pour une infraction terroriste.
Enfin, mes chers collègues, pour tenir compte des observations de plusieurs d’entre vous sur certains points, je vous proposerai d’adopter quelques amendements qui visent à consolider les avancées déjà votées en commission des lois.
Par ailleurs, j’ai revu la notion d’« inconduite notoire » en prenant en considération les observations pertinentes de plusieurs d’entre vous. L’intention du procureur antiterroriste en la matière était justifiée, mais la formulation était inadaptée : je vous présenterai donc un amendement tendant à la modifier.
Nous défendrons également un amendement systématisant l’information des procureurs en cas de demande de changement de nom d’un condamné terroriste.
Par ailleurs, nous donnerons un avis favorable sur les amendements de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio qui visent à accélérer les procédures devant la commission d’expulsion et à garantir le maintien en centre de rétention administrative de tout étranger mis en cause pour des faits de terrorisme.
Enfin, nos collègues Hervé Marseille et Nathalie Goulet proposent des avancées en matière de lutte contre le financement du terrorisme et de sécurisation, au moyen de technologies nouvelles, des grands événements. Nous y serons favorables.
Pour conclure, je souhaite rappeler, à l’instar de François-Noël Buffet, que le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité face au défi du terrorisme. Dès 2014, la commission des lois a pris l’initiative de plusieurs évolutions législatives, qui ont permis de renforcer considérablement l’arsenal pénal, dans le strict respect des libertés individuelles.
C’est ce même état d’esprit qui doit aujourd’hui nous guider et nous amener, collectivement, à approuver ce texte. Doter les pouvoirs publics de nouveaux moyens adaptés à la prise en charge des nouveaux visages de la menace terroriste est une priorité pour la sécurité des Français.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.
… c'est ainsi en effet, monsieur le garde des sceaux, qu'André Malraux décrivait, au fil de ses écrits, le point commun des divers visages du terrorisme. Il exprimait également dans Les Conquérants cette évidence que « la réussite d'une action terroriste dépend de la police qu'elle trouve en face d'elle ».
Tel est bien l'objet de la proposition de loi que vous nous présentez, monsieur le président de la commission des lois : que les actions terroristes échouent parce que nous aurons été bien préparés, en particulier dans le contexte d'une menace terroriste qui, dans l'actualité récente, s'est à nouveau révélée douloureuse pour notre pays et pour le monde occidental.
Pour que vous puissiez débattre et légiférer en toute connaissance de cause, pour que ce texte puisse utilement compléter notre dispositif, je commencerai par dire un mot de l'état actuel de cette menace.
Cette année est particulière, puisque la France accueillera non seulement les jeux Olympiques et Paralympiques – cela n'arrive qu'une fois par siècle ! –, mais également les cérémonies du quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence.
Ces grands événements rassembleurs qui se tiendront sur notre sol pourraient, parce qu'ils sont symboliques et télévisés, donner lieu à la commission d'actes de terreur. La menace terroriste demeure très élevée dans notre pays. Depuis un an et demi, je n'ai cessé de le dire aux Français.
Ainsi, depuis 2012, la France a subi 25 attaques terroristes, qui ont causé 273 morts et des centaines de blessés. Depuis que j'ai l'honneur d'être ministre de l'intérieur – cela fera bientôt quatre ans –, 12 attentats djihadistes ont été déjoués, auxquels il faut ajouter 6 attaques liées à l'ultra-droite et à l'ultragauche. Quant aux 10 derniers attentats perpétrés en France depuis 2020, ils ont causé la mort de 11 personnes et en ont blessé 16 autres.
Vous l'avez dit, monsieur le président de la commission des lois, l'année 2023 fut particulièrement meurtrière. En effet, après dix-neuf mois sans attentat, un radicalisé a assassiné sauvagement un enseignant, à Arras, le 13 octobre dernier. Le 2 décembre, un partisan de l'État islamique a tué un passant à Paris, dans le quartier du pont de Bir-Hakeim.
Cette récente vague d'attentats n'a pas épargné l'Europe. Je citerai plus particulièrement la Belgique, touchée le 16 octobre dernier, dans le contexte, propice au passage à l'acte, du conflit israélo-palestinien. Ce dernier déclenche des réactions à travers le monde ; c'est l'un des aspects de la menace endogène que nous subissons.
En effet, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, la menace actuelle, qui exige de faire preuve d'une grande vigilance, est d'abord endogène : elle est parmi nous. Ce sont en effet souvent des Français ou des étrangers présents depuis longtemps sur notre sol, inspirés ou influencés par la propagande djihadiste, qui sont le plus enclins à passer à l'acte.
Ces terroristes de l'intérieur agissent souvent de leur propre chef et, depuis 2018, ils sont très autonomes par rapport aux mouvements terroristes connus ; c'est un changement radical par rapport à ce que nous connaissions jusqu'alors. Cela étant, on observe à présent quelques éléments de divergence par rapport à cette dynamique : depuis un an, on assiste à un regain d'affiliation explicite à des organisations terroristes extérieures, comme l'État islamique.
Autre fait nouveau, déjà souligné : si les terroristes sont influencés par des contenus de propagande islamiste sur internet, ils sont également perméables à d'autres discours de haine, de violence et de négation des valeurs républicaines. Nous sommes passés d'une radicalisation dans des lieux de culte, que nous avons largement fait fermer, à une radicalisation sur internet ; nous sommes passés d'organisations associatives financées par l'extérieur à un séparatisme plus insidieux.
Le succès de ces discours sur les réseaux sociaux mobilise désormais des profils extrêmement jeunes et va bien au-delà de la mouvance radicale traditionnelle. Pour vous donner un ordre de grandeur, sachez que plus de la moitié des personnes impliquées dans un projet d'attentat depuis 2021 avaient moins de 20 ans. Le rajeunissement et l'isolement des individus auxquels font face les services de renseignement, notamment la DGSI, représentent un changement profond dans les caractéristiques des loups solitaires que nous connaissions.
Ces individus, souvent isolés socialement, mais très connectés virtuellement, sont des jeunes scolarisés qui complètent leur radicalisation par de mauvaises fréquentations ou, pour 30 % d'entre eux, souffrent d'une instabilité psychiatrique. Ce dernier point justifie le recours plus systématique des services de renseignement et de police à l'aide de professionnels de la psychiatrie pour les éclairer, mieux évaluer les risques et mieux en prendre en charge les individus en question. C'est évidemment un défi au moment où la santé mentale en France connaît par ailleurs des difficultés profondes.
Toutefois, la folie n'explique pas tout et il est évident que les discours se nourrissent d'abord de la thématique du « blasphème » – je ne fais pas mien ce terme – liée à la réédition des caricatures de Mahomet, comme on l'a vu en France, en Suède et au Danemark, ou de la thématique de l'« islamophobie » – j'insiste là encore sur les guillemets –, largement instrumentalisée ; ces thématiques font basculer dans la violence des individus plus difficilement détectables, obligeant tous les policiers et les gendarmes à rester sur le qui-vive. Les images de Gaza, les détournements, les fake news, mais aussi les drames que connaissent les musulmans à travers le monde sont des déclencheurs pour tous ceux qui, en France, souhaitent avoir une excuse pour passer à l'acte.
Le milieu carcéral – vous le savez mieux que personne, monsieur le garde des sceaux – demeure aujourd'hui un défi pour la sécurité nationale, mais le terrorisme piloté de l'étranger en est un autre, d'autant qu'il connaît un regain depuis dix-huit mois. Nous pensons en effet que, si des organisations islamiques comme l'État islamique, Daech, n'ont plus les moyens de perpétrer des attentats du type de ceux de 2015 ou de 2016, ils en ont toutefois toujours l'intention. Nous voyons ainsi refleurir des publications, des financements, des sélecteurs et parfois des proxys, qui poussent les services de renseignement européens, notamment français, à envisager de nouveau une menace exogène.
Vous le savez, la résurgence du conflit israélo-palestinien est très largement exploitée par la propagande djihadiste et de récentes publications de l'État islamique appellent à cibler Israël et les juifs partout sur le territoire européen et notamment en France, qui accueille la première communauté juive d'Europe.
Enfin, aux terroristes islamistes présents à l'intérieur de nos frontières, qu'ils soient ou non pilotés de l'étranger, s'ajoutent des menaces exacerbées par d'autres idéologies ; en effet, si le terrorisme islamiste est le principal de nos ennemis, il n'est pas le seul.
Il y a d'abord le terrorisme d'ultradroite, qui prospère depuis 2020. Il est porté par des réseaux subversifs et par des cellules dépendant de mouvements mondiaux, mais aussi par des acteurs isolés, endogènes, comme c'est le cas de la menace islamiste. Les accélérationnistes, mais aussi tous ceux qui s'inscrivent dans le monde survivaliste, sont particulièrement préoccupants. L'ultradroite est très armée, beaucoup plus que le reste de la population, et très connectée, grâce à des relais sur internet. Elle aussi instrumentalise les crises internationales ; je pense bien sûr au conflit israélo-palestinien, mais également au conflit ukrainien, dont reviennent certaines personnes.
La menace de l'ultragauche existe également. Nier son existence serait une erreur, une entorse à la vérité. Pour l'instant, il y a certes eu moins de projets d'attentat émanant de l'ultragauche que de l'ultradroite, mais personne n'est à l'abri de l'usage, par des militants ultra-violents se revendiquant de la gauche radicale, d'une violence se rapprochant à brève échéance du terrorisme. Déjà, sur la voie publique, l'ultragauche instrumentalise régulièrement les manifestations et fait feu de toutes les causes sociales ou environnementales. Le risque d'un passage à l'acte terroriste de l'ultragauche n'est pas théorique ; il est avéré par les services de renseignements, comme une opération de la DGSI l'a démontré l'année dernière.
Voilà donc l'état de la menace, qui est principalement islamiste, mais émane aussi de l'ultradroite et peut-être demain de l'ultragauche. Vous connaissez son ampleur, sa nature et ses objectifs.
Les services du ministère de l'intérieur et des autres ministères sont pleinement mobilisés et disposent d'un arsenal juridique renforcé depuis 2021.
Je pense d'abord à la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, qui a pérennisé les mesures exceptionnelles de police administrative instaurées par la loi, dite Silt, du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Ces mesures permettent à l'administration d'adapter son travail, notamment d'information, et de contrôler beaucoup plus fortement tous ceux qui veulent attaquer notre façon de vivre. Le périmètre de ces actions « Silt » nous permet, sans nul doute, de faire face à de grands événements, comme le rassemblement d'un million et demi de personnes le 31 décembre dernier à Paris, la Coupe du monde de rugby ou la venue du Saint-Père à Marseille. Ce sera également le cas, évidemment, pour les jeux Olympiques et Paralympiques.
Je pense aussi à la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme. Elle a permis de lutter très efficacement contre le repli communautaire afin de combattre avec succès le « djihadisme d'atmosphère », pour reprendre l'expression de Gilles Kepel, qui favorise la radicalisation et le passage à l'acte. D'ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, je serai très heureux de vous présenter, quand vous le souhaiterez, le bilan de cette loi, qui nous permet de lutter contre ceux qui attentent aux valeurs de la République, en fermant des écoles, en contraignant des lieux de culte à se transformer, en expulsant des prêcheurs, en contrôlant de façon continue le commerce et la médecine dite « préventive », ou encore en nous attaquant à la non-scolarisation des enfants et à l'idéologie radicale.
Je pense enfin à la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), qui accorde à mes services des moyens humains et financiers, alors que nous avons doublé en un mandat le budget de la DGSI. Cette direction pourra compter jusqu'à 5 000 agents à la fin de l'année 2024 et en comptera 500 de plus lorsqu'elle emménagera, en 2028, dans le site unique de Saint-Ouen.
Autre moyen de renforcer notre action : l'éloignement des étrangers qui, que leur situation soit régulière ou irrégulière, sont inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), les fameuses fiches S. Nous avons ainsi expulsé un nombre inédit d'étrangers radicalisés qui évoluaient sur notre territoire. Ces expulsions ont continuellement augmenté ; 999 étrangers radicalisés ont été expulsés depuis 2017, dont 131 au cours de la seule année 2023.
J'espère de tout cœur que les dispositions supplémentaires contenues, en la matière, dans le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, dit projet de loi Immigration, seront validées par le Conseil constitutionnel et nous permettront de continuer ce travail, puisque, aujourd'hui, tous ceux qui peuvent être expulsés en vertu de la législation en vigueur le sont déjà.
Nous sommes également mobilisés pour garantir la prise en charge précoce des individus susceptibles de commettre un attentat. La seule DGSI a ainsi transmis près de 90 signalements de ce type en 2023, dont plus de 40 pour des faits d'apologie du terrorisme.
La proposition de loi de M. Buffet qui est soumise à votre assemblée aujourd'hui vise à compléter ces dispositions et à renforcer la coordination de tous les services autour du ministère de l'intérieur et de la DGSI, chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national. Son objectif principal est de préserver – vous l'avez indiqué, monsieur le président de la commission – l'équilibre, nécessaire dans une démocratie, entre le besoin de sécurité et la préservation des libertés.
Je souhaite particulièrement m'attarder sur les dispositions qui concernent le ministère de l'intérieur, c'est-à-dire le titre III.
L'évolution du régime de l'enquête sous pseudonyme à laquelle procède l'article 6 vise à mieux répondre aux besoins de souplesse opérationnelle exprimés par les services ; elle nous permettra à coup sûr de mieux fonctionner.
L'interdiction de paraître dans les lieux exposés à un risque de menace grave ou terroriste est particulièrement pertinente, notamment dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques.
L'élargissement des motifs, énumérés dans le code de la sécurité intérieure, de dissolution d'associations et de groupements de fait permettra de ne pas laisser prospérer sur notre territoire des structures qui appellent à commettre des violences en groupe ; je crois que, pour rédiger cette disposition, M. le rapporteur s'est inspiré de la récente jurisprudence du Conseil d'État.
Enfin, le rétablissement du délit de détention de contenus apologétiques pourrait nous permettre d'atteindre un objectif que nous visons depuis bien longtemps et que le Parlement nous a refusé à maintes reprises. J'en remercie donc le Sénat et M. le rapporteur, même si je mesure le chemin qu'il reste à parcourir jusqu'à la validation de cette mesure par le Conseil constitutionnel.
Au-delà de formulations qui pourront être corrigées aujourd'hui et, peut-être, demain à l'Assemblée nationale, j'ai, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, deux réserves principales sur les dispositions de ce texte, même si, vous l'aurez compris, j'en partage l'esprit.
Ma première réserve porte sur l'instauration, à l'article 12, d'une circonstance aggravante au délit d'apologie et de provocation à des actes de terrorisme lorsque les propos incriminés sont tenus, lors de l'exercice du culte ou dans un lieu de culte, par un ministre du culte. Le Conseil d'État a déjà eu l'occasion de se prononcer sur une disposition similaire, voulue par le Gouvernement, dans son avis du 3 décembre 2020 sur le projet de loi Séparatisme ; il avait considéré à l'époque qu'il n'était « pas souhaitable de multiplier les particularités de la règle pénale en prévoyant, pour des infractions identiques, des sanctions différentes selon la situation de l'auteur de l'infraction ».
J'ajoute que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État reconnaît le caractère particulier du lieu de culte. Ainsi, au regard du droit pénal, le fait de s'en prendre à un ministre du culte ou de perturber un culte est une circonstance aggravante ; en revanche, la qualité de ministre du culte de l'auteur d'infractions n'en est jamais une. Par conséquent, peut-être serait-il plus prudent, donc plus utile, de ne pas exposer cette mesure au risque de censure constitutionnelle, donc de suivre l'avis du Conseil d'État. Vous l'aurez compris, je partage votre souhait sur le fond, mais une telle mesure me semble risquée, quelques mois seulement après un avis négatif du Conseil d'État sur cette question.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par vous présenter mes vœux, en espérant que 2024 soit aussi une bonne année pour votre assemblée.
« Partisans d’une haine sans espoir », …
Ma deuxième réserve concerne l'introduction d'une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports publics dès lors qu'un individu a commis un acte à caractère terroriste dans ce type de lieu. À mon sens, cette disposition existe déjà dans le droit, elle est comprise dans l'interdiction générale de paraître. En outre, je m'interroge sur son utilité, puisque les agents de transport n'ont pas accès au fichier des personnes recherchées (FPR) et que le ministère de l'intérieur n'a pas prévu de leur y donner l'accès, …
… c’est ainsi en effet, monsieur le garde des sceaux, qu’André Malraux décrivait, au fil de ses écrits, le point commun des divers visages du terrorisme. Il exprimait également dans Les Conquérants cette évidence que « la réussite d’une action terroriste dépend de la police qu’elle trouve en face d’elle ».
Tel est bien l’objet de la proposition de loi que vous nous présentez, monsieur le président de la commission des lois : que les actions terroristes échouent parce que nous aurons été bien préparés, en particulier dans le contexte d’une menace terroriste qui, dans l’actualité récente, s’est à nouveau révélée douloureuse pour notre pays et pour le monde occidental.
Pour que vous puissiez débattre et légiférer en toute connaissance de cause, pour que ce texte puisse utilement compléter notre dispositif, je commencerai par dire un mot de l’état actuel de cette menace.
Cette année est particulière, puisque la France accueillera non seulement les jeux Olympiques et Paralympiques – cela n’arrive qu’une fois par siècle ! –, mais également les cérémonies du quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence.
Ces grands événements rassembleurs qui se tiendront sur notre sol pourraient, parce qu’ils sont symboliques et télévisés, donner lieu à la commission d’actes de terreur. La menace terroriste demeure très élevée dans notre pays. Depuis un an et demi, je n’ai cessé de le dire aux Français.
Ainsi, depuis 2012, la France a subi 25 attaques terroristes, qui ont causé 273 morts et des centaines de blessés. Depuis que j’ai l’honneur d’être ministre de l’intérieur – cela fera bientôt quatre ans –, 12 attentats djihadistes ont été déjoués, auxquels il faut ajouter 6 attaques liées à l’ultra-droite et à l’ultragauche. Quant aux 10 derniers attentats perpétrés en France depuis 2020, ils ont causé la mort de 11 personnes et en ont blessé 16 autres.
Vous l’avez dit, monsieur le président de la commission des lois, l’année 2023 fut particulièrement meurtrière. En effet, après dix-neuf mois sans attentat, un radicalisé a assassiné sauvagement un enseignant, à Arras, le 13 octobre dernier. Le 2 décembre, un partisan de l’État islamique a tué un passant à Paris, dans le quartier du pont de Bir-Hakeim.
Cette récente vague d’attentats n’a pas épargné l’Europe. Je citerai plus particulièrement la Belgique, touchée le 16 octobre dernier, dans le contexte, propice au passage à l’acte, du conflit israélo-palestinien. Ce dernier déclenche des réactions à travers le monde ; c’est l’un des aspects de la menace endogène que nous subissons.
En effet, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, la menace actuelle, qui exige de faire preuve d’une grande vigilance, est d’abord endogène : elle est parmi nous. Ce sont en effet souvent des Français ou des étrangers présents depuis longtemps sur notre sol, inspirés ou influencés par la propagande djihadiste, qui sont le plus enclins à passer à l’acte.
Ces terroristes de l’intérieur agissent souvent de leur propre chef et, depuis 2018, ils sont très autonomes par rapport aux mouvements terroristes connus ; c’est un changement radical par rapport à ce que nous connaissions jusqu’alors. Cela étant, on observe à présent quelques éléments de divergence par rapport à cette dynamique : depuis un an, on assiste à un regain d’affiliation explicite à des organisations terroristes extérieures, comme l’État islamique.
Autre fait nouveau, déjà souligné : si les terroristes sont influencés par des contenus de propagande islamiste sur internet, ils sont également perméables à d’autres discours de haine, de violence et de négation des valeurs républicaines. Nous sommes passés d’une radicalisation dans des lieux de culte, que nous avons largement fait fermer, à une radicalisation sur internet ; nous sommes passés d’organisations associatives financées par l’extérieur à un séparatisme plus insidieux.
Le succès de ces discours sur les réseaux sociaux mobilise désormais des profils extrêmement jeunes et va bien au-delà de la mouvance radicale traditionnelle. Pour vous donner un ordre de grandeur, sachez que plus de la moitié des personnes impliquées dans un projet d’attentat depuis 2021 avaient moins de 20 ans. Le rajeunissement et l’isolement des individus auxquels font face les services de renseignement, notamment la DGSI, représentent un changement profond dans les caractéristiques des loups solitaires que nous connaissions.
Ces individus, souvent isolés socialement, mais très connectés virtuellement, sont des jeunes scolarisés qui complètent leur radicalisation par de mauvaises fréquentations ou, pour 30 % d’entre eux, souffrent d’une instabilité psychiatrique. Ce dernier point justifie le recours plus systématique des services de renseignement et de police à l’aide de professionnels de la psychiatrie pour les éclairer, mieux évaluer les risques et mieux en prendre en charge les individus en question. C’est évidemment un défi au moment où la santé mentale en France connaît par ailleurs des difficultés profondes.
Toutefois, la folie n’explique pas tout et il est évident que les discours se nourrissent d’abord de la thématique du « blasphème » – je ne fais pas mien ce terme – liée à la réédition des caricatures de Mahomet, comme on l’a vu en France, en Suède et au Danemark, ou de la thématique de l’« islamophobie » – j’insiste là encore sur les guillemets –, largement instrumentalisée ; ces thématiques font basculer dans la violence des individus plus difficilement détectables, obligeant tous les policiers et les gendarmes à rester sur le qui-vive. Les images de Gaza, les détournements, les fake news, mais aussi les drames que connaissent les musulmans à travers le monde sont des déclencheurs pour tous ceux qui, en France, souhaitent avoir une excuse pour passer à l’acte.
Le milieu carcéral – vous le savez mieux que personne, monsieur le garde des sceaux – demeure aujourd’hui un défi pour la sécurité nationale, mais le terrorisme piloté de l’étranger en est un autre, d’autant qu’il connaît un regain depuis dix-huit mois. Nous pensons en effet que, si des organisations islamiques comme l’État islamique, Daech, n’ont plus les moyens de perpétrer des attentats du type de ceux de 2015 ou de 2016, ils en ont toutefois toujours l’intention. Nous voyons ainsi refleurir des publications, des financements, des sélecteurs et parfois des proxys, qui poussent les services de renseignement européens, notamment français, à envisager de nouveau une menace exogène.
Vous le savez, la résurgence du conflit israélo-palestinien est très largement exploitée par la propagande djihadiste et de récentes publications de l’État islamique appellent à cibler Israël et les juifs partout sur le territoire européen et notamment en France, qui accueille la première communauté juive d’Europe.
Enfin, aux terroristes islamistes présents à l’intérieur de nos frontières, qu’ils soient ou non pilotés de l’étranger, s’ajoutent des menaces exacerbées par d’autres idéologies ; en effet, si le terrorisme islamiste est le principal de nos ennemis, il n’est pas le seul.
Il y a d’abord le terrorisme d’ultradroite, qui prospère depuis 2020. Il est porté par des réseaux subversifs et par des cellules dépendant de mouvements mondiaux, mais aussi par des acteurs isolés, endogènes, comme c’est le cas de la menace islamiste. Les accélérationnistes, mais aussi tous ceux qui s’inscrivent dans le monde survivaliste, sont particulièrement préoccupants. L’ultradroite est très armée, beaucoup plus que le reste de la population, et très connectée, grâce à des relais sur internet. Elle aussi instrumentalise les crises internationales ; je pense bien sûr au conflit israélo-palestinien, mais également au conflit ukrainien, dont reviennent certaines personnes.
La menace de l’ultragauche existe également. Nier son existence serait une erreur, une entorse à la vérité. Pour l’instant, il y a certes eu moins de projets d’attentat émanant de l’ultragauche que de l’ultradroite, mais personne n’est à l’abri de l’usage, par des militants ultra-violents se revendiquant de la gauche radicale, d’une violence se rapprochant à brève échéance du terrorisme. Déjà, sur la voie publique, l’ultragauche instrumentalise régulièrement les manifestations et fait feu de toutes les causes sociales ou environnementales. Le risque d’un passage à l’acte terroriste de l’ultragauche n’est pas théorique ; il est avéré par les services de renseignements, comme une opération de la DGSI l’a démontré l’année dernière.
Voilà donc l’état de la menace, qui est principalement islamiste, mais émane aussi de l’ultradroite et peut-être demain de l’ultragauche. Vous connaissez son ampleur, sa nature et ses objectifs.
Les services du ministère de l’intérieur et des autres ministères sont pleinement mobilisés et disposent d’un arsenal juridique renforcé depuis 2021.
Je pense d’abord à la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui a pérennisé les mesures exceptionnelles de police administrative instaurées par la loi, dite Silt, du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Ces mesures permettent à l’administration d’adapter son travail, notamment d’information, et de contrôler beaucoup plus fortement tous ceux qui veulent attaquer notre façon de vivre. Le périmètre de ces actions « Silt » nous permet, sans nul doute, de faire face à de grands événements, comme le rassemblement d’un million et demi de personnes le 31 décembre dernier à Paris, la Coupe du monde de rugby ou la venue du Saint-Père à Marseille. Ce sera également le cas, évidemment, pour les jeux Olympiques et Paralympiques.
Je pense aussi à la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme. Elle a permis de lutter très efficacement contre le repli communautaire afin de combattre avec succès le « djihadisme d’atmosphère », pour reprendre l’expression de Gilles Kepel, qui favorise la radicalisation et le passage à l’acte. D’ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, je serai très heureux de vous présenter, quand vous le souhaiterez, le bilan de cette loi, qui nous permet de lutter contre ceux qui attentent aux valeurs de la République, en fermant des écoles, en contraignant des lieux de culte à se transformer, en expulsant des prêcheurs, en contrôlant de façon continue le commerce et la médecine dite « préventive », ou encore en nous attaquant à la non-scolarisation des enfants et à l’idéologie radicale.
Je pense enfin à la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), qui accorde à mes services des moyens humains et financiers, alors que nous avons doublé en un mandat le budget de la DGSI. Cette direction pourra compter jusqu’à 5 000 agents à la fin de l’année 2024 et en comptera 500 de plus lorsqu’elle emménagera, en 2028, dans le site unique de Saint-Ouen.
Autre moyen de renforcer notre action : l’éloignement des étrangers qui, que leur situation soit régulière ou irrégulière, sont inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), les fameuses fiches S. Nous avons ainsi expulsé un nombre inédit d’étrangers radicalisés qui évoluaient sur notre territoire. Ces expulsions ont continuellement augmenté ; 999 étrangers radicalisés ont été expulsés depuis 2017, dont 131 au cours de la seule année 2023.
J’espère de tout cœur que les dispositions supplémentaires contenues, en la matière, dans le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dit projet de loi Immigration, seront validées par le Conseil constitutionnel et nous permettront de continuer ce travail, puisque, aujourd’hui, tous ceux qui peuvent être expulsés en vertu de la législation en vigueur le sont déjà.
Nous sommes également mobilisés pour garantir la prise en charge précoce des individus susceptibles de commettre un attentat. La seule DGSI a ainsi transmis près de 90 signalements de ce type en 2023, dont plus de 40 pour des faits d’apologie du terrorisme.
La proposition de loi de M. Buffet qui est soumise à votre assemblée aujourd’hui vise à compléter ces dispositions et à renforcer la coordination de tous les services autour du ministère de l’intérieur et de la DGSI, chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national. Son objectif principal est de préserver – vous l’avez indiqué, monsieur le président de la commission – l’équilibre, nécessaire dans une démocratie, entre le besoin de sécurité et la préservation des libertés.
Je souhaite particulièrement m’attarder sur les dispositions qui concernent le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire le titre III.
L’évolution du régime de l’enquête sous pseudonyme à laquelle procède l’article 6 vise à mieux répondre aux besoins de souplesse opérationnelle exprimés par les services ; elle nous permettra à coup sûr de mieux fonctionner.
L’interdiction de paraître dans les lieux exposés à un risque de menace grave ou terroriste est particulièrement pertinente, notamment dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques.
L’élargissement des motifs, énumérés dans le code de la sécurité intérieure, de dissolution d’associations et de groupements de fait permettra de ne pas laisser prospérer sur notre territoire des structures qui appellent à commettre des violences en groupe ; je crois que, pour rédiger cette disposition, M. le rapporteur s’est inspiré de la récente jurisprudence du Conseil d’État.
Enfin, le rétablissement du délit de détention de contenus apologétiques pourrait nous permettre d’atteindre un objectif que nous visons depuis bien longtemps et que le Parlement nous a refusé à maintes reprises. J’en remercie donc le Sénat et M. le rapporteur, même si je mesure le chemin qu’il reste à parcourir jusqu’à la validation de cette mesure par le Conseil constitutionnel.
Au-delà de formulations qui pourront être corrigées aujourd’hui et, peut-être, demain à l’Assemblée nationale, j’ai, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, deux réserves principales sur les dispositions de ce texte, même si, vous l’aurez compris, j’en partage l’esprit.
Ma première réserve porte sur l’instauration, à l’article 12, d’une circonstance aggravante au délit d’apologie et de provocation à des actes de terrorisme lorsque les propos incriminés sont tenus, lors de l’exercice du culte ou dans un lieu de culte, par un ministre du culte. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de se prononcer sur une disposition similaire, voulue par le Gouvernement, dans son avis du 3 décembre 2020 sur le projet de loi Séparatisme ; il avait considéré à l’époque qu’il n’était « pas souhaitable de multiplier les particularités de la règle pénale en prévoyant, pour des infractions identiques, des sanctions différentes selon la situation de l’auteur de l’infraction ».
J’ajoute que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État reconnaît le caractère particulier du lieu de culte. Ainsi, au regard du droit pénal, le fait de s’en prendre à un ministre du culte ou de perturber un culte est une circonstance aggravante ; en revanche, la qualité de ministre du culte de l’auteur d’infractions n’en est jamais une. Par conséquent, peut-être serait-il plus prudent, donc plus utile, de ne pas exposer cette mesure au risque de censure constitutionnelle, donc de suivre l’avis du Conseil d’État. Vous l’aurez compris, je partage votre souhait sur le fond, mais une telle mesure me semble risquée, quelques mois seulement après un avis négatif du Conseil d’État sur cette question.
… c’est ainsi en effet, monsieur le garde des sceaux, qu’André Malraux décrivait, au fil de ses écrits, le point commun des divers visages du terrorisme. Il exprimait également dans Les Conquérants cette évidence que « la réussite d’une action terroriste dépend de la police qu’elle trouve en face d’elle ».
Tel est bien l’objet de la proposition de loi que vous nous présentez, monsieur le président de la commission des lois : que les actions terroristes échouent parce que nous aurons été bien préparés, en particulier dans le contexte d’une menace terroriste qui, dans l’actualité récente, s’est de nouveau révélée douloureuse pour notre pays et pour le monde occidental.
Pour que vous puissiez débattre et légiférer en toute connaissance de cause, pour que ce texte puisse utilement compléter notre dispositif, je commencerai par dire un mot de l’état actuel de cette menace.
Cette année est particulière, puisque la France accueillera non seulement les jeux Olympiques et Paralympiques – cela n’arrive qu’une fois par siècle ! –, mais également les cérémonies du quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence.
Ces grands événements rassembleurs qui se tiendront sur notre sol pourraient, parce qu’ils sont symboliques et télévisés, donner lieu à la commission d’actes de terreur. La menace terroriste demeure très élevée dans notre pays. Depuis un an et demi, je n’ai cessé de le dire aux Français.
Ainsi, depuis 2012, la France a subi 25 attaques terroristes, qui ont causé 273 morts et des centaines de blessés. Depuis que j’ai l’honneur d’être ministre de l’intérieur – cela fera bientôt quatre ans –, 12 attentats djihadistes ont été déjoués, auxquels il faut ajouter 6 attaques liées à l’ultradroite et à l’ultragauche. Quant aux 10 derniers attentats perpétrés en France depuis 2020, ils ont causé la mort de 11 personnes et en ont blessé 16 autres.
Vous l’avez dit, monsieur le président de la commission des lois, l’année 2023 fut particulièrement meurtrière. En effet, après dix-neuf mois sans attentat, un radicalisé a assassiné sauvagement un enseignant, à Arras, le 13 octobre dernier. Le 2 décembre, un partisan de l’État islamique a tué un passant à Paris, dans le quartier du pont de Bir-Hakeim.
Cette récente vague d’attentats n’a pas épargné l’Europe. Je citerai plus particulièrement la Belgique, touchée le 16 octobre dernier, dans le contexte, propice au passage à l’acte, du conflit israélo-palestinien. Ce dernier déclenche des réactions à travers le monde ; c’est l’un des aspects de la menace endogène que nous subissons.
En effet, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, la menace actuelle, qui exige de faire preuve d’une grande vigilance, est d’abord endogène : elle est parmi nous. Ce sont en effet souvent des Français ou des étrangers présents depuis longtemps sur notre sol, inspirés ou influencés par la propagande djihadiste, qui sont le plus enclins à passer à l’acte.
Ces terroristes de l’intérieur agissent souvent de leur propre chef et, depuis 2018, ils sont très autonomes par rapport aux mouvements terroristes connus ; c’est un changement radical par rapport à ce que nous connaissions jusqu’alors. Cela étant, on observe à présent quelques éléments de divergence par rapport à cette dynamique : depuis un an, on assiste à un regain d’affiliation explicite à des organisations terroristes extérieures, comme l’État islamique.
Autre fait nouveau, déjà souligné : si les terroristes sont influencés par des contenus de propagande islamiste sur internet, ils sont également perméables à d’autres discours de haine, de violence et de négation des valeurs républicaines. Nous sommes passés d’une radicalisation dans des lieux de culte, que nous avons largement fait fermer, à une radicalisation sur internet ; nous sommes passés d’organisations associatives financées par l’extérieur à un séparatisme plus insidieux.
Le succès de ces discours sur les réseaux sociaux mobilise désormais des profils extrêmement jeunes et va bien au-delà de la mouvance radicale traditionnelle. Pour vous donner un ordre de grandeur, sachez que plus de la moitié des personnes impliquées dans un projet d’attentat depuis 2021 avaient moins de 20 ans. Le rajeunissement et l’isolement des individus auxquels font face les services de renseignement, notamment la DGSI, représentent un changement profond dans les caractéristiques des loups solitaires que nous connaissions.
Ces individus, souvent isolés socialement, mais très connectés virtuellement, sont des jeunes scolarisés qui complètent leur radicalisation par de mauvaises fréquentations ou, pour 30 % d’entre eux, souffrent d’une instabilité psychiatrique. Ce dernier point justifie le recours plus systématique des services de renseignement et de police à l’aide de professionnels de la psychiatrie pour les éclairer, mieux évaluer les risques et mieux en prendre en charge les individus en question. C’est évidemment un défi au moment où la santé mentale en France connaît par ailleurs des difficultés profondes.
Toutefois, la folie n’explique pas tout et il est évident que les discours se nourrissent d’abord de la thématique du « blasphème » – je ne fais pas mien ce terme – liée à la réédition des caricatures de Mahomet, comme on l’a vu en France, en Suède et au Danemark, ou de la thématique de l’« islamophobie » – j’insiste là encore sur les guillemets –, largement instrumentalisée ; ces thématiques font basculer dans la violence des individus plus difficilement détectables, obligeant tous les policiers et les gendarmes à rester sur le qui-vive. Les images de Gaza, les détournements, les fake news, mais aussi les drames que connaissent les musulmans à travers le monde sont des déclencheurs pour tous ceux qui, en France, souhaitent avoir une excuse pour passer à l’acte.
Le milieu carcéral – vous le savez mieux que personne, monsieur le garde des sceaux – demeure aujourd’hui un défi pour la sécurité nationale, mais le terrorisme piloté de l’étranger en est un autre, d’autant qu’il connaît un regain depuis dix-huit mois. Nous pensons en effet que, si des organisations islamiques comme l’État islamique, Daech, n’ont plus les moyens de perpétrer des attentats du type de ceux de 2015 ou de 2016, ils en ont toutefois toujours l’intention. Nous voyons ainsi refleurir des publications, des financements, des sélecteurs et parfois des proxys, qui poussent les services de renseignement européens, notamment français, à envisager de nouveau une menace exogène.
Vous le savez, la résurgence du conflit israélo-palestinien est très largement exploitée par la propagande djihadiste et de récentes publications de l’État islamique appellent à cibler Israël et les juifs partout sur le territoire européen et notamment en France, qui accueille la première communauté juive d’Europe.
Enfin, aux terroristes islamistes présents à l’intérieur de nos frontières, qu’ils soient ou non pilotés de l’étranger, s’ajoutent des menaces exacerbées par d’autres idéologies ; en effet, si le terrorisme islamiste est le principal de nos ennemis, il n’est pas le seul.
Il y a d’abord le terrorisme d’ultradroite, qui prospère depuis 2020. Il est porté par des réseaux subversifs et par des cellules dépendant de mouvements mondiaux, mais aussi par des acteurs isolés, endogènes, comme c’est le cas de la menace islamiste. Les accélérationnistes, mais aussi tous ceux qui s’inscrivent dans le monde survivaliste, sont particulièrement préoccupants. L’ultradroite est très armée, beaucoup plus que le reste de la population, et très connectée, grâce à des relais sur internet. Elle aussi instrumentalise les crises internationales ; je pense bien sûr au conflit israélo-palestinien, mais également au conflit ukrainien, dont reviennent certaines personnes.
La menace de l’ultragauche existe également. Nier son existence serait une erreur, une entorse à la vérité. Pour l’instant, il y a certes eu moins de projets d’attentat émanant de l’ultragauche que de l’ultradroite, mais personne n’est à l’abri de l’usage, par des militants ultraviolents se revendiquant de la gauche radicale, d’une violence se rapprochant à brève échéance du terrorisme. Déjà, sur la voie publique, l’ultragauche instrumentalise régulièrement les manifestations et fait feu de toutes les causes sociales ou environnementales. Le risque d’un passage à l’acte terroriste de l’ultragauche n’est pas théorique ; il est avéré par les services de renseignements, comme une opération de la DGSI l’a démontré l’année dernière.
Voilà donc l’état de la menace, qui est principalement islamiste, mais émane aussi de l’ultradroite et peut-être demain de l’ultragauche. Vous connaissez son ampleur, sa nature et ses objectifs.
Les services du ministère de l’intérieur et des autres ministères sont pleinement mobilisés et disposent d’un arsenal juridique renforcé depuis 2021.
Je pense d’abord à la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, qui a pérennisé les mesures exceptionnelles de police administrative instaurées par la loi, dite loi Silt, du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Ces mesures permettent à l’administration d’adapter son travail, notamment d’information, et de contrôler beaucoup plus fortement tous ceux qui veulent attaquer notre façon de vivre. Le périmètre de ces actions « Silt » nous permet, sans nul doute, de faire face à de grands événements, comme le rassemblement d’un million et demi de personnes le 31 décembre dernier à Paris, la Coupe du monde de rugby ou la venue du Saint-Père à Marseille. Ce sera également le cas, évidemment, pour les jeux Olympiques et Paralympiques.
Je pense aussi à la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi Séparatisme. Elle a permis de lutter très efficacement contre le repli communautaire afin de combattre avec succès le « djihadisme d’atmosphère », pour reprendre l’expression de Gilles Kepel, qui favorise la radicalisation et le passage à l’acte. D’ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, je serai très heureux de vous présenter, quand vous le souhaiterez, le bilan de cette loi, qui nous permet de lutter contre ceux qui attentent aux valeurs de la République, en fermant des écoles, en contraignant des lieux de culte à se transformer, en expulsant des prêcheurs, en contrôlant de façon continue le commerce et la médecine dite « préventive », ou encore en nous attaquant à la non-scolarisation des enfants et à l’idéologie radicale.
Je pense enfin à la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), qui accorde à mes services des moyens humains et financiers, alors que nous avons doublé en un mandat le budget de la DGSI. Cette direction pourra compter jusqu’à 5 000 agents à la fin de l’année 2024 et en comptera 500 de plus lorsqu’elle emménagera, en 2028, dans le site unique de Saint-Ouen.
Autre moyen de renforcer notre action : l’éloignement des étrangers qui, que leur situation soit régulière ou irrégulière, sont inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), les fameuses fiches S. Nous avons ainsi expulsé un nombre inédit d’étrangers radicalisés qui évoluaient sur notre territoire. Ces expulsions ont continuellement augmenté ; 999 étrangers radicalisés ont été expulsés depuis 2017, dont 131 au cours de la seule année 2023.
J’espère de tout cœur que les dispositions supplémentaires contenues, en la matière, dans le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dit projet de loi Immigration, seront validées par le Conseil constitutionnel et nous permettront de continuer ce travail, puisque, aujourd’hui, tous ceux qui peuvent être expulsés en vertu de la législation en vigueur le sont déjà.
Nous sommes également mobilisés pour garantir la prise en charge précoce des individus susceptibles de commettre un attentat. La seule DGSI a ainsi transmis près de 90 signalements de ce type en 2023, dont plus de 40 pour des faits d’apologie du terrorisme.
La proposition de loi de M. Buffet qui est soumise à votre assemblée aujourd’hui vise à compléter ces dispositions et à renforcer la coordination de tous les services autour du ministère de l’intérieur et de la DGSI, chef de file de la lutte antiterroriste sur le territoire national. Son objectif principal est de préserver – vous l’avez indiqué, monsieur le président de la commission – l’équilibre, nécessaire dans une démocratie, entre le besoin de sécurité et la préservation des libertés.
Je souhaite particulièrement m’attarder sur les dispositions qui concernent le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire le titre III.
L’évolution du régime de l’enquête sous pseudonyme à laquelle procède l’article 6 vise à mieux répondre aux besoins de souplesse opérationnelle exprimés par les services ; elle nous permettra à coup sûr de mieux fonctionner.
L’interdiction de paraître dans les lieux exposés à un risque de menace grave ou terroriste est particulièrement pertinente, notamment dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques.
L’élargissement des motifs, énumérés dans le code de la sécurité intérieure, de dissolution d’associations et de groupements de fait permettra de ne pas laisser prospérer sur notre territoire des structures qui appellent à commettre des violences en groupe ; je crois que, pour rédiger cette disposition, M. le rapporteur s’est inspiré de la récente jurisprudence du Conseil d’État.
Enfin, le rétablissement du délit de détention de contenus apologétiques pourrait nous permettre d’atteindre un objectif que nous visons depuis bien longtemps et que le Parlement nous a refusé à maintes reprises. J’en remercie donc le Sénat et M. le rapporteur, même si je mesure le chemin qu’il reste à parcourir jusqu’à la validation de cette mesure par le Conseil constitutionnel.
Au-delà de formulations qui pourront être corrigées aujourd’hui et, peut-être, demain à l’Assemblée nationale, j’ai, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, deux réserves principales sur les dispositions de ce texte, même si, vous l’aurez compris, j’en partage l’esprit.
Ma première réserve porte sur l’instauration, à l’article 12, d’une circonstance aggravante au délit d’apologie et de provocation à des actes de terrorisme lorsque les propos incriminés sont tenus, lors de l’exercice du culte ou dans un lieu de culte, par un ministre du culte. Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de se prononcer sur une disposition similaire, voulue par le Gouvernement, dans son avis du 3 décembre 2020 sur le projet de loi Séparatisme ; il avait considéré à l’époque qu’il n’était « pas souhaitable de multiplier les particularités de la règle pénale en prévoyant, pour des infractions identiques, des sanctions différentes selon la situation de l’auteur de l’infraction ».
J’ajoute que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État reconnaît le caractère particulier du lieu de culte. Ainsi, au regard du droit pénal, le fait de s’en prendre à un ministre du culte ou de perturber un culte est une circonstance aggravante ; en revanche, la qualité de ministre du culte de l’auteur d’infractions n’en est jamais une. Par conséquent, peut-être serait-il plus prudent, donc plus utile, de ne pas exposer cette mesure au risque de censure constitutionnelle, donc de suivre l’avis du Conseil d’État. Vous l’aurez compris, je partage votre souhait sur le fond, mais une telle mesure me semble risquée, quelques mois seulement après un avis négatif du Conseil d’État sur cette question.
M. Gérald Darmanin, ministre. … ne serait-ce que parce que certains agents des transports y figurent.
Souriressur les travées du groupe Les Républicains.
Ma deuxième réserve concerne l’introduction d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports publics dès lors qu’un individu a commis un acte à caractère terroriste dans ce type de lieu. À mon sens, cette disposition existe déjà dans le droit, elle est comprise dans l’interdiction générale de paraître. En outre, je m’interroge sur son utilité, puisque les agents de transport n’ont pas accès au fichier des personnes recherchées (FPR) et que le ministère de l’intérieur n’a pas prévu de leur y donner l’accès, …
Je signale donc à la représentation nationale que, si de telles mesures apparaissent utiles dans leur principe, le droit actuel nous permet d'y recourir. Il me paraîtrait par conséquent pertinent que l'article 15 soit supprimé ou réécrit…
M. Gérald Darmanin, ministre. … ne serait-ce que parce que certains agents des transports y figurent.
… afin de permettre à tous les agents des transports, qu'il s'agisse de la RATP, de la SNCF, ou d'un autre service, de disposer de garanties de sécurité lorsqu'ils ont des doutes sur telle ou telle personne sensible.
Ces réserves faites, je veux saluer le travail de la commission des lois du Sénat et souligner les améliorations substantielles apportées par M. Daubresse, son rapporteur.
Parmi les avancées que vous avez permises, monsieur le rapporteur, je relève d'abord la disposition aux termes de laquelle une Micas ne sera pas suspendue pendant la procédure d'appel, afin d'éviter la disparition de la personne surveillée ; cela me paraît constituer une bonne mesure.
De même, le fait de donner au préfet la possibilité de faire appel ou de former un pourvoi en cassation pour contester une ordonnance qui n'autorise pas l'exploitation des données saisies lors d'une visite domiciliaire rétablit dans la procédure un équilibre bienvenu entre les parties.
Je considère également comme très utile le fait de permettre aux services de renseignement et au préfet du département dans lequel se trouve une personne suivie pour radicalisation à caractère terroriste de connaître certaines informations ; ce sera précieux pour le suivi des personnes soumises à des soins sans consentement. Cette mesure avait d'ailleurs été suggérée par le Conseil d'État dans son avis sur le décret relatif au fameux fichier Hopsyweb, créé en lien avec le ministre de la santé pour suivre les personnes atteintes de maladies mentales.
Autre ajout très utile à nos yeux : la modification des critères permettant de prolonger la durée de rétention en centre de rétention administrative jusqu'à cent quatre-vingts jours pour les étrangers coupables de provocation directe à des actes de terrorisme. Cette mesure s'inscrit parfaitement dans la politique de fermeté que nous souhaitons mettre en œuvre et fait écho au débat que nous avons eu pendant l'examen du projet de loi Immigration.
Je veux aussi insister sur l'intérêt qu'il y a, selon moi, à créer un délit d'apologie du terrorisme sur les réseaux privés de communication, lorsque ces réseaux, en raison de leur nature, de leurs conditions d'accès, du nombre de personnes y accédant ou de leur appartenance, ou non, à une communauté d'intérêts, peuvent être assimilés à des services de communication publique en ligne.
En effet, les réseaux sociaux, notamment les messageries cryptées, qui s'apparentent parfois à des réseaux sociaux – les groupes de discussion de la messagerie Telegram, par exemple –, représentent désormais l'une des principales difficultés auxquelles font face les services du ministère de la justice et des services de police. Je soumets à la sagacité du rapporteur et du Sénat le fait suivant : être membre d'un groupe Telegram sur lequel sont postées des photos ou des vidéos de viols d'enfants, sur lequel on trafique de la drogue ou sur lequel on partage des contenus faisant l'apologie du terrorisme ne constitue pas en soi une infraction. Or nous ne comprenons pas très bien pourquoi nous ne pouvons pas réagir face à des groupes de discussion rassemblent 2 000, 5 000, 20 000, 30 000, voire 50 000 personnes ; c'est parfois le cas, notamment en matière de drogue ou de pédophilie, mais également en matière de terrorisme.
Je le répète devant le Sénat, les services de renseignement et de police judiciaire éprouvent les plus grandes difficultés à moderniser leurs écoutes téléphoniques, car, il faut bien l'avouer, les messageries cryptées, qui n'ont pas de « porte dérobée », à la différence des conversations téléphoniques classiques, nous empêchent de faire notre travail contre le banditisme et le terrorisme, sauf à utiliser des moyens exorbitants auxquels seule la DGSI peut recourir et qui ne peuvent concerner que quelques personnes.
Enfin, si vous me le permettez, monsieur le garde des sceaux, je crois qu'il faut saluer la disposition destinée à contrecarrer les effets indésirables de la loi du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation, dite loi Vignal, …
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Je signale donc à la représentation nationale que, si de telles mesures apparaissent utiles dans leur principe, le droit actuel nous permet d’y recourir. Il me paraîtrait par conséquent pertinent que l’article 15 soit supprimé ou réécrit…
… dont je salue le rapporteur, Marie Mercier, en donnant aux procureurs de la République – non à l'administration – la possibilité de s'opposer à une demande de changement de nom d'une personne condamnée pour des crimes à caractère terroriste. Cela me semble être une mesure de bon sens.
Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques-unes des avancées du texte dont nous débattons. Ce n'est certes pas une révolution, mais c'est une belle évolution, en particulier pour ce qui concerne le titre III, relatif au ministère de l'intérieur, auquel il donnera des moyens supplémentaires pour nous défendre contre le terrorisme.
Je formule le vœu que nous trouvions la rédaction la plus conforme possible à nos textes constitutionnels, parce qu'il y a urgence. Évidemment, les grands événements à venir ont sans doute incité la Haute Assemblée à inscrire ce texte à son ordre du jour : nous sommes à cent six jours de l'arrivée de la flamme olympique sur le territoire hexagonal et à deux cents jours de la cérémonie d'ouverture des Jeux, cérémonie que nous organisons tous les… trois mille ans, puisque nous ne l'avons encore jamais fait !
Sourires.
… afin de permettre à tous les agents des transports, qu’il s’agisse de la RATP, de la SNCF, ou d’un autre service, de disposer de garanties de sécurité lorsqu’ils ont des doutes sur telle ou telle personne sensible.
Ces réserves faites, je veux saluer le travail de la commission des lois du Sénat et souligner les améliorations substantielles apportées par M. Daubresse, son rapporteur.
Parmi les avancées que vous avez permises, monsieur le rapporteur, je relève d’abord la disposition aux termes de laquelle une Micas ne sera pas suspendue pendant la procédure d’appel, afin d’éviter la disparition de la personne surveillée ; cela me paraît constituer une bonne mesure.
De même, le fait de donner au préfet la possibilité de faire appel ou de former un pourvoi en cassation pour contester une ordonnance qui n’autorise pas l’exploitation des données saisies lors d’une visite domiciliaire rétablit dans la procédure un équilibre bienvenu entre les parties.
Je considère également comme très utile le fait de permettre aux services de renseignement et au préfet du département dans lequel se trouve une personne suivie pour radicalisation à caractère terroriste de connaître certaines informations ; ce sera précieux pour le suivi des personnes soumises à des soins sans consentement. Cette mesure avait d’ailleurs été suggérée par le Conseil d’État dans son avis sur le décret relatif au fameux fichier Hopsyweb, créé en lien avec le ministre de la santé pour suivre les personnes atteintes de maladies mentales.
Autre ajout très utile à nos yeux : la modification des critères permettant de prolonger la durée de rétention en centre de rétention administrative jusqu’à cent quatre-vingts jours pour les étrangers coupables de provocation directe à des actes de terrorisme. Cette mesure s’inscrit parfaitement dans la politique de fermeté que nous souhaitons mettre en œuvre et fait écho au débat que nous avons eu pendant l’examen du projet de loi Immigration.
Je veux aussi insister sur l’intérêt qu’il y a, selon moi, à créer un délit d’apologie du terrorisme sur les réseaux privés de communication, lorsque ces réseaux, en raison de leur nature, de leurs conditions d’accès, du nombre de personnes y accédant ou de leur appartenance, ou non, à une communauté d’intérêts, peuvent être assimilés à des services de communication publique en ligne.
En effet, les réseaux sociaux, notamment les messageries cryptées, qui s’apparentent parfois à des réseaux sociaux – les groupes de discussion de la messagerie Telegram, par exemple –, représentent désormais l’une des principales difficultés auxquelles font face les services du ministère de la justice et des services de police. Je soumets à la sagacité du rapporteur et du Sénat le fait suivant : être membre d’un groupe Telegram sur lequel sont postées des photos ou des vidéos de viols d’enfants, sur lequel on trafique de la drogue ou sur lequel on partage des contenus faisant l’apologie du terrorisme ne constitue pas en soi une infraction. Or nous ne comprenons pas très bien pourquoi nous ne pouvons pas réagir face à des groupes de discussion rassemblent 2 000, 5 000, 20 000, 30 000, voire 50 000 personnes ; c’est parfois le cas, notamment en matière de drogue ou de pédophilie, mais également en matière de terrorisme.
Je le répète devant le Sénat, les services de renseignement et de police judiciaire éprouvent les plus grandes difficultés à moderniser leurs écoutes téléphoniques, car, il faut bien l’avouer, les messageries cryptées, qui n’ont pas de « porte dérobée », à la différence des conversations téléphoniques classiques, nous empêchent de faire notre travail contre le banditisme et le terrorisme, sauf à utiliser des moyens exorbitants auxquels seule la DGSI peut recourir et qui ne peuvent concerner que quelques personnes.
Enfin, si vous me le permettez, monsieur le garde des sceaux, je crois qu’il faut saluer la disposition destinée à contrecarrer les effets indésirables de la loi du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation, dite loi Vignal, …
… dont je salue le rapporteur, Marie Mercier, en donnant aux procureurs de la République – non à l’administration – la possibilité de s’opposer à une demande de changement de nom d’une personne condamnée pour des crimes à caractère terroriste. Cela me semble être une mesure de bon sens.
Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques-unes des avancées du texte dont nous débattons. Ce n’est certes pas une révolution, mais c’est une belle évolution, en particulier pour ce qui concerne le titre III, relatif au ministère de l’intérieur, auquel il donnera des moyens supplémentaires pour nous défendre contre le terrorisme.
Je formule le vœu que nous trouvions la rédaction la plus conforme possible à nos textes constitutionnels, parce qu’il y a urgence. Évidemment, les grands événements à venir ont sans doute incité la Haute Assemblée à inscrire ce texte à son ordre du jour : nous sommes à cent six jours de l’arrivée de la flamme olympique sur le territoire hexagonal et à deux cents jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux, cérémonie que nous organisons tous les… trois mille ans, puisque nous ne l’avons encore jamais fait !
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le terrorisme islamique est un fléau contemporain des sociétés occidentales et démocratiques, un fléau que nous devons combattre de toutes nos forces, afin d'assurer la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde de nos valeurs.
Notre rôle, en tant que responsables politiques, est d'être à la hauteur de ce combat ; c'est ce qu'attendent de nous nos compatriotes. La France n'a pas à rougir de ce qu'elle a déjà fait ; nous pouvons même nous féliciter d'avoir un des dispositifs antiterroristes les plus complets au monde.
En effet, depuis 1986, la France a considérablement renforcé son arsenal de prévention et de répression du terrorisme. Tous les actes de terrorisme ont été érigés en infractions autonomes punies de peines aggravées. Ces infractions relèvent d'un régime procédural particulier, caractérisé par la centralisation des poursuites, de l'instruction et du jugement. Nous avons également créé un régime dérogatoire qui renforce l'efficacité des enquêtes et l'effectivité de l'exécution des peines. Les aménagements et réductions de peines sont ainsi strictement limités. En outre, les auteurs d'infractions terroristes font l'objet d'une prise en charge pénitentiaire spécifique.
J'irai même plus loin : notre arsenal s'est adapté aux évolutions de la menace terroriste. Le Parlement l'a ainsi renforcé en créant, en 2019, le parquet national antiterroriste (Pnat). Ce faisant, vous avez consacré l'existence d'un parquet autonome spécialisé, qui, depuis lors, a démontré son efficacité.
La proposition de loi que votre assemblée est appelée à examiner aujourd'hui vise à apporter des réponses complémentaires pour mieux lutter contre le terrorisme et la radicalisation ; à cet égard, je tiens à saluer le travail de M. Buffet, dont l'engagement sur ces questions n'est plus à démontrer.
Certaines dispositions du texte représentent des ajustements de notre droit. Elles sont nécessaires et, disons-le, bienvenues. D'autres dispositions apparaissent en revanche plus discutables et exigent que nous les retravaillions ensemble : quelques-unes semblent soulever des problèmes de constitutionnalité ; quelques autres, des problèmes opérationnels.
En effet, si notre système repose sur un traitement spécifique des procédures en matière de terrorisme, il demeure évidemment respectueux de notre État de droit. J'ai, depuis toujours, la conviction intime que ce qui distingue la civilisation de la barbarie, c'est la règle de droit, et, contrairement à ce qu'affirment certains populistes, de plus en plus nombreux, l'État de droit n'est pas un obstacle à la lutte contre le terrorisme : il en est l'instrument. C'est pourquoi la lutte contre la radicalisation doit reposer sur un régime respectueux de la légalité ; nous serons tous d'accord sur ce point, me semble-t-il.
Dans son œuvre normative, le législateur a toujours cherché à concilier la nécessaire spécificité de la lutte contre une criminalité complexe, dont la finalité n'est rien de moins que l'effondrement de notre modèle de société, avec la défense des valeurs de notre République. Et je suis convaincu que, cet après-midi, au moment où nous abordons ce débat, vous avez de nouveau à l'esprit cet impérieux besoin d'équilibre.
Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, crée tout d'abord de nouvelles mesures judiciaires de sûreté applicables aux personnes condamnées pour des actes de terrorisme et paraissant présenter un certain danger, quand leur peine arrive à son terme. Je souhaite rappeler quelques éléments à cet égard.
Un travail important est réalisé dans nos établissements pénitentiaires pour prévenir la radicalisation des détenus et freiner tout prosélytisme délétère. Mes services travaillent pour assurer l'évaluation et la prise en charge des personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou présentant des signes de radicalisation. La remise en liberté de détenus condamnés, potentiellement toujours radicalisés, mais ayant purgé leur peine, est accompagnée, bien évidemment, de mesures de surveillance.
Depuis 2017, nous nous sommes efforcés de créer des dispositifs novateurs et d'améliorer les mesures existantes. Notre droit comporte désormais de nombreuses mesures administratives et judiciaires qui permettent d'assurer le suivi des condamnés pour des actes de terrorisme à l'issue de leur incarcération.
Ces personnes peuvent notamment faire l'objet d'un suivi sociojudiciaire permettant de les contrôler pendant une durée longue – dix, vingt ou trente ans –, voire toute leur vie, selon les cas. Cette mesure particulièrement rigoureuse est désormais, depuis la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, obligatoire en matière de terrorisme.
Ensuite, une surveillance judiciaire peut également être prononcée à la sortie de la détention. Cela permet d'imposer des obligations aux personnes considérées comme dangereuses. La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, instaurée par la loi du 30 juillet 2021, permet que la situation de certains détenus soit examinée, sur réquisition du procureur du Pnat, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, après évaluation de la personne concernée au sein du centre national d'évaluation des publics radicalisés du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Une fois la décision judiciaire prise, si ces personnes sont soumises à des obligations et à des interdictions après leur remise en liberté, elles font l'objet d'un accompagnement resserré, du point de vue non seulement sanitaire et social, mais encore éducatif, psychologique ou psychiatrique.
En outre, toute personne condamnée pour terrorisme, apologie du terrorisme ou provocation au terrorisme est inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (Fijait), ce qui emporte notamment l'obligation de déclarer son adresse et de signaler tout déplacement à l'étranger.
Enfin, à ces mesures judiciaires s'ajoutent des mesures administratives, au premier rang desquelles figurent les Micas, instaurées par la loi dite Silt du 30 octobre 2017.
L'efficacité globale de ces dispositifs repose à la fois sur leur complémentarité et sur une parfaite articulation entre, d'une part, les autorités administratives et, d'autre part, l'autorité judiciaire.
La présente proposition de loi remplace la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion par une nouvelle mesure, qui avait déjà été proposée par le Sénat en 2021.
La rédaction proposée prévoit le prononcé d'obligations et d'interdictions de même nature que celles qui sont prévues dans les Micas. Une telle superposition serait de nature à fragiliser la légalité des Micas qui seraient prononcées à l'encontre des mêmes personnes, alors que les Micas permettent de prononcer des obligations plus rigoureuses. C'est notamment le cas de l'interdiction de fréquenter certaines personnes.
Le droit actuel distingue clairement les finalités de la mesure administrative de celles de la mesure judiciaire, la première étant destinée à assurer la surveillance de la personne, alors que la seconde vise à prévenir la récidive. Nous considérons que la superposition de dispositifs de sûreté différents nuit à l'efficacité de l'action que l'État mène dans ses fonctions administratives et judiciaires.
Ce texte crée également une rétention de sûreté applicable à des personnes qui ne souffrent d'aucun trouble de la personnalité médicalement constaté, mais qui présentent un certain danger.
Une telle mesure privative de liberté, fondée sur un soupçon d'ordre criminologique, serait, à mon sens, contraire à notre Constitution. Je souhaite attirer l'attention de la Haute Assemblée sur un point particulier : les mesures de sûreté doivent respecter le principe résultant de l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel la liberté ne saurait être entravée par une « rigueur qui ne serait pas nécessaire ». Or, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a tenu à rappeler la vigilance dont doit faire preuve le législateur quant au caractère « adapté, nécessaire et proportionné » des mesures restrictives de liberté lorsqu'elles sont imposées à des personnes ayant purgé leur peine. Il ne faudrait pas laisser penser que nous sommes prêts à instaurer une quelconque forme de justice prédictive, laquelle serait la négation de l'idée même de justice, puisqu'elle reviendrait à condamner sur un simple soupçon.
Dans le prolongement de mes premières observations, je veux maintenant dire un mot du délit de détention d'images terroristes, qui figure dans le texte que vous allez examiner. Un tel délit a déjà été jugé contraire à la Constitution : la seule adhésion à une idéologie terroriste, sans qu'il en soit fait l'apologie, ne suffit pas à caractériser une volonté de commettre un acte terroriste. Cela étant, votre commission des lois propose d'élargir la répression de l'apologie d'actes terroristes lorsque celle-ci est faite sur un réseau privé. Cette mesure va dans le bon sens, car il ne fait aucun doute que l'apologie du terrorisme doit être sanctionnée, même si elle est non publique.
Je souhaite également saluer le travail de la commission des lois sur un certain nombre de mesures qui apparaissent opportunes. Il s'agit essentiellement des améliorations apportées aux Micas et au dispositif d'information des préfets concernant les soins psychiatriques d'une personne radicalisée.
Plusieurs autres mesures retiennent mon attention : le placement sous bracelet électronique des mineurs, le contrôle judiciaire de ces derniers lorsqu'ils sont âgés de 13 à 16 ans, la possibilité de prononcer une peine en audience unique, la prolongation d'un placement pénal avec suivi effectué par la protection judiciaire de la jeunesse au-delà de 18 ans, ou encore la révocation du sursis probatoire et du suivi sociojudiciaire. Ces mesures, qui vont dans le bon sens, pourront être perfectionnées par la suite, notamment sur le plan technique.
En conclusion, je reconnais que l'objectif de ce texte est louable. Nous devons néanmoins rester vigilants quant au respect des exigences constitutionnelles. Je souhaite donc vivement que la proposition de loi soit améliorée, pour consolider un édifice déjà robuste en matière de lutte contre le terrorisme.
Sourires.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'écoute de la caractérisation que les précédents orateurs, en ouverture de leurs propos, ont faite du terrorisme et de la menace qu'il pose aujourd'hui, je dois reconnaître que ma propre analyse est très proche. Je partage largement ces constats ; c'est sur les dispositions proposées que nous divergeons, même si je relève bien que MM. Darmanin et Dupond-Moretti ont également émis quelques réserves sur certaines d'entre elles, avec leur souplesse et leur diplomatie coutumières.
À mon sens, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la grande majorité des articles que vous nous soumettez ne répondent pas aux problématiques que vous avez vous-même définies. C'est tout à fait paradoxal ! Cette proposition de loi – c'est mon plus grand reproche – se réduit à un énième texte sécuritaire, qui s'ajoutera aux précédents, mais n'aura pas de réel effet sur les problèmes que vous souhaitez résoudre.
Je partage l'esprit du garde des sceaux : l'État de droit, rien que l'État de droit ! Comme l'indiquait le secrétaire général des Nations unies, dans la lignée d'un ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, « nous devons combattre sans relâche le terrorisme pour protéger les droits de l'homme et, en même temps, en protégeant les droits de l'homme, nous nous attaquons aux causes profondes du terrorisme ».
Certaines des solutions qui auraient pu être mises en avant sont totalement absentes de ce texte. Celui-ci nous paraît se joindre à l'inflation législative de ces dernières années sans transcrire une réflexion concertée ou apaisée.
La menace terroriste existe. Vous l'avez bien définie – elle est forte et protéiforme –, mais les propositions défendues par les auteurs de cette proposition de loi sont loin d'être à la hauteur de l'enjeu. Elles portent en elles des dérives sécuritaires et une surenchère répressive. L'utilité, la constitutionnalité, l'opérationnalité et, plus simplement, l'efficacité des mesures qui nous sont soumises ne nous semblent nullement démontrées ni démontrables.
Les constats du rapporteur témoignent pourtant d'une réalité inquiétante : je pense aux difficultés de prise en charge, y compris psychologique et psychiatrique, des condamnés terroristes à l'issue de leurs peines, à l'imprévisibilité croissante des attaques terroristes par des loups solitaires, ou encore à la problématique de la radicalisation en hausse des mineurs.
Ce texte ne répond pas à ces enjeux. En s'empilant sur notre arsenal contre le terrorisme, nourri de plus de vingt lois depuis 1986, les mesures qu'il contient ne feraient qu'affaiblir les principes fondamentaux de notre droit ; le garde des sceaux nous a d'ailleurs quelque peu mis en garde contre ce danger.
Notre groupe a toujours défendu une politique claire, notamment lors de l'examen de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire : les réponses ne peuvent uniquement consister à rogner les droits de la défense ou la capacité du juge à juger.
La prise en charge et le suivi, notamment psychiatrique, des condamnés terroristes après leur peine ne peuvent se faire au prix de la suppression des garanties auxquelles ont droit les justiciables. L'autoradicalisation ne peut se juguler sans comprendre l'isolement social et les pathologies, parfois psychiatriques, des individus ni assurer leur prise en charge. On ne peut appréhender la radicalisation des mineurs par la surveillance seule, sans se préoccuper de l'accompagnement nécessaire des populations en question.
Sur la notion d'« inconduite notoire », qui devrait certes être modifiée au dernier moment par un amendement – nous en reparlerons donc –, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) soulignait que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d'un comportement futur ». Il faut éviter de tomber dans ce travers. Ainsi, la CNCDH s'inquiète de l'instauration de mesures restrictives de liberté reposant sur un fondement aussi incertain, source inévitable d'arbitraire.
Notre groupe se désole également que rien ne soit fait pour mieux prévenir la radicalisation et accompagner les personnes, notamment les mineurs, qui peuvent la subir. Ainsi, on acte, entre autres mesures, le transfert des mineurs radicalisés vers la protection judiciaire de la jeunesse, en lieu et place de leur prise en charge par l'aide sociale à l'enfance. Pourquoi ne pas soutenir plutôt les départements dans leur prise en charge de ces jeunes ?
Une étude de 2018 de l'Institut français des relations internationales (Ifri) démontrait que la majorité des actes terroristes était perpétrée par des personnes sans antécédents judiciaires. La pauvreté et l'isolement social sont des facteurs propices à la radicalisation. Rien dans ce texte ne vient aborder ces sujets. Aucune solution n'est présente.
Nous regrettons aussi que ce texte qui vise à renforcer la lutte antiterroriste ne contienne aucune proposition en matière de coopération européenne ou internationale, ou de lutte contre le financement du terrorisme et le rôle plus que trouble de certains pays disposant d'une puissance régionale.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte. Nous défendrons une dizaine d'amendements.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le terrorisme islamique est un fléau contemporain des sociétés occidentales et démocratiques, un fléau que nous devons combattre de toutes nos forces, afin d’assurer la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde de nos valeurs.
Notre rôle, en tant que responsables politiques, est d’être à la hauteur de ce combat ; c’est ce qu’attendent de nous nos compatriotes. La France n’a pas à rougir de ce qu’elle a déjà fait ; nous pouvons même nous féliciter d’avoir un des dispositifs antiterroristes les plus complets au monde.
En effet, depuis 1986, la France a considérablement renforcé son arsenal de prévention et de répression du terrorisme. Tous les actes de terrorisme ont été érigés en infractions autonomes punies de peines aggravées. Ces infractions relèvent d’un régime procédural particulier, caractérisé par la centralisation des poursuites, de l’instruction et du jugement. Nous avons également créé un régime dérogatoire qui renforce l’efficacité des enquêtes et l’effectivité de l’exécution des peines. Les aménagements et réductions de peines sont ainsi strictement limités. En outre, les auteurs d’infractions terroristes font l’objet d’une prise en charge pénitentiaire spécifique.
J’irai même plus loin : notre arsenal s’est adapté aux évolutions de la menace terroriste. Le Parlement l’a ainsi renforcé en créant, en 2019, le parquet national antiterroriste (Pnat). Ce faisant, vous avez consacré l’existence d’un parquet autonome spécialisé, qui, depuis lors, a démontré son efficacité.
La proposition de loi que votre assemblée est appelée à examiner aujourd’hui vise à apporter des réponses complémentaires pour mieux lutter contre le terrorisme et la radicalisation ; à cet égard, je tiens à saluer le travail de M. Buffet, dont l’engagement sur ces questions n’est plus à démontrer.
Certaines dispositions du texte représentent des ajustements de notre droit. Elles sont nécessaires et, disons-le, bienvenues. D’autres dispositions apparaissent en revanche plus discutables et exigent que nous les retravaillions ensemble : quelques-unes semblent soulever des problèmes de constitutionnalité ; quelques autres, des problèmes opérationnels.
En effet, si notre système repose sur un traitement spécifique des procédures en matière de terrorisme, il demeure évidemment respectueux de notre État de droit. J’ai, depuis toujours, la conviction intime que ce qui distingue la civilisation de la barbarie, c’est la règle de droit, et, contrairement à ce qu’affirment certains populistes, de plus en plus nombreux, l’État de droit n’est pas un obstacle à la lutte contre le terrorisme : il en est l’instrument. C’est pourquoi la lutte contre la radicalisation doit reposer sur un régime respectueux de la légalité ; nous serons tous d’accord sur ce point, me semble-t-il.
Dans son œuvre normative, le législateur a toujours cherché à concilier la nécessaire spécificité de la lutte contre une criminalité complexe, dont la finalité n’est rien de moins que l’effondrement de notre modèle de société, avec la défense des valeurs de notre République. Et je suis convaincu que, cet après-midi, au moment où nous abordons ce débat, vous avez de nouveau à l’esprit cet impérieux besoin d’équilibre.
Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, crée tout d’abord de nouvelles mesures judiciaires de sûreté applicables aux personnes condamnées pour des actes de terrorisme et paraissant présenter un certain danger, quand leur peine arrive à son terme. Je souhaite rappeler quelques éléments à cet égard.
Un travail important est réalisé dans nos établissements pénitentiaires pour prévenir la radicalisation des détenus et freiner tout prosélytisme délétère. Mes services travaillent pour assurer l’évaluation et la prise en charge des personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou présentant des signes de radicalisation. La remise en liberté de détenus condamnés, potentiellement toujours radicalisés, mais ayant purgé leur peine, est accompagnée, bien évidemment, de mesures de surveillance.
Depuis 2017, nous nous sommes efforcés de créer des dispositifs novateurs et d’améliorer les mesures existantes. Notre droit comporte désormais de nombreuses mesures administratives et judiciaires qui permettent d’assurer le suivi des condamnés pour des actes de terrorisme à l’issue de leur incarcération.
Ces personnes peuvent notamment faire l’objet d’un suivi sociojudiciaire permettant de les contrôler pendant une durée longue – dix, vingt ou trente ans –, voire toute leur vie, selon les cas. Cette mesure particulièrement rigoureuse est désormais, depuis la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, obligatoire en matière de terrorisme.
Ensuite, une surveillance judiciaire peut également être prononcée à la sortie de la détention. Cela permet d’imposer des obligations aux personnes considérées comme dangereuses. La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, instaurée par la loi du 30 juillet 2021, permet que la situation de certains détenus soit examinée, sur réquisition du procureur du Pnat, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, après évaluation de la personne concernée au sein du centre national d’évaluation des publics radicalisés du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Une fois la décision judiciaire prise, si ces personnes sont soumises à des obligations et à des interdictions après leur remise en liberté, elles font l’objet d’un accompagnement resserré, du point de vue non seulement sanitaire et social, mais encore éducatif, psychologique ou psychiatrique.
En outre, toute personne condamnée pour terrorisme, apologie du terrorisme ou provocation au terrorisme est inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), ce qui emporte notamment l’obligation de déclarer son adresse et de signaler tout déplacement à l’étranger.
Enfin, à ces mesures judiciaires s’ajoutent des mesures administratives, au premier rang desquelles figurent les Micas, instaurées par la loi dite Silt du 30 octobre 2017.
L’efficacité globale de ces dispositifs repose à la fois sur leur complémentarité et sur une parfaite articulation entre, d’une part, les autorités administratives et, d’autre part, l’autorité judiciaire.
La présente proposition de loi remplace la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion par une nouvelle mesure, qui avait déjà été proposée par le Sénat en 2021.
La rédaction proposée prévoit le prononcé d’obligations et d’interdictions de même nature que celles qui sont prévues dans les Micas. Une telle superposition serait de nature à fragiliser la légalité des Micas qui seraient prononcées à l’encontre des mêmes personnes, alors que les Micas permettent de prononcer des obligations plus rigoureuses. C’est notamment le cas de l’interdiction de fréquenter certaines personnes.
Le droit actuel distingue clairement les finalités de la mesure administrative de celles de la mesure judiciaire, la première étant destinée à assurer la surveillance de la personne, alors que la seconde vise à prévenir la récidive. Nous considérons que la superposition de dispositifs de sûreté différents nuit à l’efficacité de l’action que l’État mène dans ses fonctions administratives et judiciaires.
Ce texte crée également une rétention de sûreté applicable à des personnes qui ne souffrent d’aucun trouble de la personnalité médicalement constaté, mais qui présentent un certain danger.
Une telle mesure privative de liberté, fondée sur un soupçon d’ordre criminologique, serait, à mon sens, contraire à notre Constitution. Je souhaite attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un point particulier : les mesures de sûreté doivent respecter le principe résultant de l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel la liberté ne saurait être entravée par une « rigueur qui ne serait pas nécessaire ». Or, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a tenu à rappeler la vigilance dont doit faire preuve le législateur quant au caractère « adapté, nécessaire et proportionné » des mesures restrictives de liberté lorsqu’elles sont imposées à des personnes ayant purgé leur peine. Il ne faudrait pas laisser penser que nous sommes prêts à instaurer une quelconque forme de justice prédictive, laquelle serait la négation de l’idée même de justice, puisqu’elle reviendrait à condamner sur un simple soupçon.
Dans le prolongement de mes premières observations, je veux maintenant dire un mot du délit de détention d’images terroristes, qui figure dans le texte que vous allez examiner. Un tel délit a déjà été jugé contraire à la Constitution : la seule adhésion à une idéologie terroriste, sans qu’il en soit fait l’apologie, ne suffit pas à caractériser une volonté de commettre un acte terroriste. Cela étant, votre commission des lois propose d’élargir la répression de l’apologie d’actes terroristes lorsque celle-ci est faite sur un réseau privé. Cette mesure va dans le bon sens, car il ne fait aucun doute que l’apologie du terrorisme doit être sanctionnée, même si elle est non publique.
Je souhaite également saluer le travail de la commission des lois sur un certain nombre de mesures qui apparaissent opportunes. Il s’agit essentiellement des améliorations apportées aux Micas et au dispositif d’information des préfets concernant les soins psychiatriques d’une personne radicalisée.
Plusieurs autres mesures retiennent mon attention : le placement sous bracelet électronique des mineurs, le contrôle judiciaire de ces derniers lorsqu’ils sont âgés de 13 à 16 ans, la possibilité de prononcer une peine en audience unique, la prolongation d’un placement pénal avec suivi effectué par la protection judiciaire de la jeunesse au-delà de 18 ans, ou encore la révocation du sursis probatoire et du suivi sociojudiciaire. Ces mesures, qui vont dans le bon sens, pourront être perfectionnées par la suite, notamment sur le plan technique.
En conclusion, je reconnais que l’objectif de ce texte est louable. Nous devons néanmoins rester vigilants quant au respect des exigences constitutionnelles. Je souhaite donc vivement que la proposition de loi soit améliorée, pour consolider un édifice déjà robuste en matière de lutte contre le terrorisme.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le terrorisme islamique est un fléau contemporain des sociétés occidentales et démocratiques, un fléau que nous devons combattre de toutes nos forces, afin d’assurer la sécurité de nos concitoyens et la sauvegarde de nos valeurs.
Notre rôle, en tant que responsables politiques, est d’être à la hauteur de ce combat ; c’est ce qu’attendent de nous nos compatriotes. La France n’a pas à rougir de ce qu’elle a déjà fait ; nous pouvons même nous féliciter d’avoir un des dispositifs antiterroristes les plus complets au monde.
En effet, depuis 1986, la France a considérablement renforcé son arsenal de prévention et de répression du terrorisme. Tous les actes de terrorisme ont été érigés en infractions autonomes punies de peines aggravées. Ces infractions relèvent d’un régime procédural particulier, caractérisé par la centralisation des poursuites, de l’instruction et du jugement. Nous avons également créé un régime dérogatoire qui renforce l’efficacité des enquêtes et l’effectivité de l’exécution des peines. Les aménagements et réductions de peines sont ainsi strictement limités. En outre, les auteurs d’infractions terroristes font l’objet d’une prise en charge pénitentiaire spécifique.
J’irai même plus loin : notre arsenal s’est adapté aux évolutions de la menace terroriste. Le Parlement l’a ainsi renforcé en créant, en 2019, le parquet national antiterroriste (Pnat). Ce faisant, vous avez consacré l’existence d’un parquet autonome spécialisé, qui, depuis lors, a démontré son efficacité.
La proposition de loi que votre assemblée est appelée à examiner aujourd’hui vise à apporter des réponses complémentaires pour mieux lutter contre le terrorisme et la radicalisation ; à cet égard, je tiens à saluer le travail de M. Buffet, dont l’engagement sur ces questions n’est plus à démontrer.
Certaines dispositions du texte représentent des ajustements de notre droit. Elles sont nécessaires et, disons-le, bienvenues. D’autres dispositions apparaissent en revanche plus discutables et exigent que nous les retravaillions ensemble : quelques-unes semblent soulever des problèmes de constitutionnalité ; quelques autres, des problèmes opérationnels.
En effet, si notre système repose sur un traitement spécifique des procédures en matière de terrorisme, il demeure évidemment respectueux de notre État de droit. J’ai, depuis toujours, la conviction intime que ce qui distingue la civilisation de la barbarie, c’est la règle de droit, et, contrairement à ce qu’affirment certains populistes, de plus en plus nombreux, l’État de droit n’est pas un obstacle à la lutte contre le terrorisme : il en est l’instrument. C’est pourquoi la lutte contre la radicalisation doit reposer sur un régime respectueux de la légalité ; nous serons tous d’accord sur ce point, me semble-t-il.
Dans son œuvre normative, le législateur a toujours cherché à concilier la nécessaire spécificité de la lutte contre une criminalité complexe, dont la finalité n’est rien de moins que l’effondrement de notre modèle de société, avec la défense des valeurs de notre République. Et je suis convaincu que, cet après-midi, au moment où nous abordons ce débat, vous avez de nouveau à l’esprit cet impérieux besoin d’équilibre.
Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, crée tout d’abord de nouvelles mesures judiciaires de sûreté applicables aux personnes condamnées pour des actes de terrorisme et paraissant présenter un certain danger, quand leur peine arrive à son terme. Je souhaite rappeler quelques éléments à cet égard.
Un travail important est réalisé dans nos établissements pénitentiaires pour prévenir la radicalisation des détenus et freiner tout prosélytisme délétère. Mes services travaillent pour assurer l’évaluation et la prise en charge des personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou présentant des signes de radicalisation. La remise en liberté de détenus condamnés, potentiellement toujours radicalisés, mais ayant purgé leur peine, est accompagnée, bien évidemment, de mesures de surveillance.
Depuis 2017, nous nous sommes efforcés de créer des dispositifs novateurs et d’améliorer les mesures existantes. Notre droit comporte désormais de nombreuses mesures administratives et judiciaires qui permettent d’assurer le suivi des condamnés pour des actes de terrorisme à l’issue de leur incarcération.
Ces personnes peuvent notamment faire l’objet d’un suivi sociojudiciaire permettant de les contrôler pendant une durée longue – dix, vingt ou trente ans –, voire toute leur vie, selon les cas. Cette mesure particulièrement rigoureuse est désormais, depuis la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, obligatoire en matière de terrorisme.
Ensuite, une surveillance judiciaire peut également être prononcée à la sortie de la détention. Cela permet d’imposer des obligations aux personnes considérées comme dangereuses. La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, instaurée par la loi du 30 juillet 2021, permet que la situation de certains détenus soit examinée, sur réquisition du procureur du Pnat, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, après évaluation de la personne concernée au sein du centre national d’évaluation des publics radicalisés du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Une fois la décision judiciaire prise, si ces personnes sont soumises à des obligations et à des interdictions après leur remise en liberté, elles font l’objet d’un accompagnement resserré, du point de vue non seulement sanitaire et social, mais encore éducatif, psychologique ou psychiatrique.
En outre, toute personne condamnée pour terrorisme, apologie du terrorisme ou provocation au terrorisme est inscrite au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), ce qui emporte notamment l’obligation de déclarer son adresse et de signaler tout déplacement à l’étranger.
Enfin, à ces mesures judiciaires s’ajoutent des mesures administratives, au premier rang desquelles figurent les Micas, instaurées par la loi Silt du 30 octobre 2017.
L’efficacité globale de ces dispositifs repose à la fois sur leur complémentarité et sur une parfaite articulation entre, d’une part, les autorités administratives et, d’autre part, l’autorité judiciaire.
La présente proposition de loi remplace la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion par une nouvelle mesure, qui avait déjà été proposée par le Sénat en 2021.
La rédaction proposée prévoit le prononcé d’obligations et d’interdictions de même nature que celles qui sont prévues dans les Micas. Une telle superposition serait de nature à fragiliser la légalité des Micas qui seraient prononcées à l’encontre des mêmes personnes, alors que les Micas permettent de prononcer des obligations plus rigoureuses. C’est notamment le cas de l’interdiction de fréquenter certaines personnes.
Le droit actuel distingue clairement les finalités de la mesure administrative de celles de la mesure judiciaire, la première étant destinée à assurer la surveillance de la personne, alors que la seconde vise à prévenir la récidive. Nous considérons que la superposition de dispositifs de sûreté différents nuit à l’efficacité de l’action que l’État mène dans ses fonctions administratives et judiciaires.
Ce texte crée également une rétention de sûreté applicable à des personnes qui ne souffrent d’aucun trouble de la personnalité médicalement constaté, mais qui présentent un certain danger.
Une telle mesure privative de liberté, fondée sur un soupçon d’ordre criminologique, serait, à mon sens, contraire à notre Constitution. Je souhaite attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un point particulier : les mesures de sûreté doivent respecter le principe résultant de l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel la liberté ne saurait être entravée par une « rigueur qui ne serait pas nécessaire ». Or, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a tenu à rappeler la vigilance dont doit faire preuve le législateur quant au caractère « adapté, nécessaire et proportionné » des mesures restrictives de liberté lorsqu’elles sont imposées à des personnes ayant purgé leur peine. Il ne faudrait pas laisser penser que nous sommes prêts à instaurer une quelconque forme de justice prédictive, laquelle serait la négation de l’idée même de justice, puisqu’elle reviendrait à condamner sur un simple soupçon.
Dans le prolongement de mes premières observations, je veux maintenant dire un mot du délit de détention d’images terroristes, qui figure dans le texte que vous allez examiner. Un tel délit a déjà été jugé contraire à la Constitution : la seule adhésion à une idéologie terroriste, sans qu’il en soit fait l’apologie, ne suffit pas à caractériser une volonté de commettre un acte terroriste. Cela étant, votre commission des lois propose d’élargir la répression de l’apologie d’actes terroristes lorsque celle-ci est faite sur un réseau privé. Cette mesure va dans le bon sens, car il ne fait aucun doute que l’apologie du terrorisme doit être sanctionnée, même si elle est non publique.
Je souhaite également saluer le travail de la commission des lois sur un certain nombre de mesures qui apparaissent opportunes. Il s’agit essentiellement des améliorations apportées aux Micas et au dispositif d’information des préfets concernant les soins psychiatriques d’une personne radicalisée.
Plusieurs autres mesures retiennent mon attention : le placement sous bracelet électronique des mineurs, le contrôle judiciaire de ces derniers lorsqu’ils sont âgés de 13 ans à 16 ans, la possibilité de prononcer une peine en audience unique, la prolongation d’un placement pénal avec suivi effectué par la protection judiciaire de la jeunesse au-delà de 18 ans, ou encore la révocation du sursis probatoire et du suivi sociojudiciaire. Ces mesures, qui vont dans le bon sens, pourront être perfectionnées par la suite, notamment sur le plan technique.
En conclusion, je reconnais que l’objectif de ce texte est louable. Nous devons néanmoins rester vigilants quant au respect des exigences constitutionnelles. Je souhaite donc vivement que la proposition de loi soit améliorée, pour consolider un édifice déjà robuste en matière de lutte contre le terrorisme.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une priorité indiscutable. Il est de notre responsabilité collective de mettre en place des dispositifs efficaces pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
L'accomplissement de cette tâche complexe pose une exigence particulière : nous devons collectivement prendre garde à ne pas céder au terrorisme. À cet égard, la société française a résisté. Elle a refusé jusqu'à présent – tant mieux ! – de tomber dans les pièges tendus par les terroristes, contrairement aux États-Unis avec Guantanamo. Nous avons collectivement fait le choix de ne pas sacrifier notre État de droit. Cela doit rester notre boussole. En effet, le terrorisme, tel un poison, cherche sans cesse à nous contraindre à changer de modèle. Notre droit n'a pas été fait seulement pour les temps calmes !
Dès lors, lutter contre le terrorisme revient à réfléchir à ce que peut faire l'État de droit pour combattre légalement ceux qui balayent toute forme de légalité, sans succomber à la tentation du déni, de l'indifférence, ou de la surenchère.
C'est là que le rôle du politique est crucial : il peut et doit faire face au terrorisme en respectant nos principes fondamentaux, pour protéger notre société et apporter réparation aux victimes.
La vague d'attentats qu'a connue la France en 2015, dont le souvenir a été ravivé par le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, a profondément marqué notre pays. Elle a bouleversé l'institution pénitentiaire et, au-delà, la justice. Depuis ces événements, la politique pénale a connu un durcissement considérable. L'augmentation du nombre de personnes incarcérées pour des affaires en lien avec le terrorisme a mis les prisons sous pression. Toutefois, face à des injonctions contradictoires, l'administration pénitentiaire peine à donner un sens à leur prise en charge.
Dans le fond, cette proposition de loi, qui traite principalement d'individus sortant de prison, doit nous interroger. Considérons-nous ces personnes comme définitivement irrécupérables ? Notre société fait-elle face à des causes perdues qu'elle choisit indistinctement de neutraliser ?
Le point aveugle de ce texte est précisément la prison et la mission de prise en charge assignée à l'administration pénitentiaire. À nos yeux, la répression seule ne peut être la réponse complète à cette problématique.
Il faut s'attaquer aux causes profondes du terrorisme en mettant en place des politiques cohérentes de prise en charge des détenus radicalisés. Sur ce sujet, l'heure n'est pas aux querelles, mais à l'action. Il est impératif de professionnaliser le travail autour de la radicalisation. Celle-ci doit être abordée avec méthode afin d'obtenir des résultats concrets. Le monde carcéral est le talon d'Achille de la société face à la radicalisation ; il manque considérablement de moyens pour prendre ce problème à bras-le-corps.
En outre, la psychiatrie ne doit pas être oubliée. Le cas de l'assaillant du pont de Bir-Hakeim à Paris, présentant des troubles psychiatriques et neurologiques, souligne l'importance de renforcer les moyens de la psychiatrie de ville pour le suivi de patients au profil complexe.
Quant aux mineurs, ce texte renvoie la prise en charge de certains d'entre eux à la protection judiciaire de la jeunesse et semble ainsi reconnaître l'utilité de la PJJ. Nous nous en félicitons, mais je ne peux que faire le lien avec la défense par notre groupe, lors des débats budgétaires, de la hausse des moyens humains de la PJJ. La majorité sénatoriale n'avait pas souhaité nous suivre sur ce point.
Il n'est pas ici question de la seule évolution du droit pénal : on doit aussi s'intéresser aux moyens donnés aux services publics pour fonctionner correctement. Ce texte élude donc un certain nombre de questions essentielles et s'illustre, à nos yeux, par ses manques.
Cependant, il se distingue aussi par ses ajouts, notamment ceux du rapporteur, bien éloignés de l'ambition initiale. À cet égard, un certain nombre d'éléments ne manquent pas de nous inquiéter : des dispositions qui vont bien au-delà de la question du terrorisme.
Tout d'abord, le texte comporte des dispositions portant modification du régime des dissolutions administratives, lesquelles, comme le rappelait dans son intervention le ministre de l'intérieur, ont déjà connu de considérables révisions au travers de la récente loi Séparatisme. Le rapporteur nous propose, par un amendement, de définir légalement la provocation justifiant la dissolution d'une association. En outre, la création d'un régime de transfert des biens des structures dissoutes est suggérée.
Ensuite, l'article 6 ajuste les règles d'autorisation pour les enquêteurs effectuant des achats de produits licites dans le cadre d'une enquête sous pseudonyme.
Enfin, toujours à la suite d'un amendement du rapporteur, il nous est proposé de faire de la notion d'« inconduite notoire » un motif de révocation d'un sursis probatoire ou d'un suivi sociojudiciaire.
Vous conviendrez que nous sommes bien loin de l'objectif initialement assigné à cette proposition de loi. Pour toutes ces raisons, nous avons déposé plusieurs amendements afin de modifier les éléments qui nous préoccupent ; nous espérons qu'ils seront adoptés. §
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’écoute de la caractérisation que les précédents orateurs, en ouverture de leurs propos, ont faite du terrorisme et de la menace qu’il pose aujourd’hui, je dois reconnaître que ma propre analyse est très proche. Je partage largement ces constats ; c’est sur les dispositions proposées que nous divergeons, même si je relève bien que MM. Darmanin et Dupond-Moretti ont également émis quelques réserves sur certaines d’entre elles, avec leur souplesse et leur diplomatie coutumières.
À mon sens, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la grande majorité des articles que vous nous soumettez ne répondent pas aux problématiques que vous avez vous-même définies. C’est tout à fait paradoxal ! Cette proposition de loi – c’est mon plus grand reproche – se réduit à un énième texte sécuritaire, qui s’ajoutera aux précédents, mais n’aura pas de réel effet sur les problèmes que vous souhaitez résoudre.
Je partage l’esprit du garde des sceaux : l’État de droit, rien que l’État de droit ! Comme l’indiquait le secrétaire général des Nations unies, dans la lignée d’un ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, « nous devons combattre sans relâche le terrorisme pour protéger les droits de l’homme et, en même temps, en protégeant les droits de l’homme, nous nous attaquons aux causes profondes du terrorisme ».
Certaines des solutions qui auraient pu être mises en avant sont totalement absentes de ce texte. Celui-ci nous paraît se joindre à l’inflation législative de ces dernières années sans transcrire une réflexion concertée ou apaisée.
La menace terroriste existe. Vous l’avez bien définie – elle est forte et protéiforme –, mais les propositions défendues par les auteurs de cette proposition de loi sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Elles portent en elles des dérives sécuritaires et une surenchère répressive. L’utilité, la constitutionnalité, l’opérationnalité et, plus simplement, l’efficacité des mesures qui nous sont soumises ne nous semblent nullement démontrées ni démontrables.
Les constats du rapporteur témoignent pourtant d’une réalité inquiétante : je pense aux difficultés de prise en charge, y compris psychologique et psychiatrique, des condamnés terroristes à l’issue de leurs peines, à l’imprévisibilité croissante des attaques terroristes par des loups solitaires, ou encore à la problématique de la radicalisation en hausse des mineurs.
Ce texte ne répond pas à ces enjeux. En s’empilant sur notre arsenal contre le terrorisme, nourri de plus de vingt lois depuis 1986, les mesures qu’il contient ne feraient qu’affaiblir les principes fondamentaux de notre droit ; le garde des sceaux nous a d’ailleurs quelque peu mis en garde contre ce danger.
Notre groupe a toujours défendu une politique claire, notamment lors de l’examen de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : les réponses ne peuvent uniquement consister à rogner les droits de la défense ou la capacité du juge à juger.
La prise en charge et le suivi, notamment psychiatrique, des condamnés terroristes après leur peine ne peuvent se faire au prix de la suppression des garanties auxquelles ont droit les justiciables. L’autoradicalisation ne peut se juguler sans comprendre l’isolement social et les pathologies, parfois psychiatriques, des individus ni assurer leur prise en charge. On ne peut appréhender la radicalisation des mineurs par la surveillance seule, sans se préoccuper de l’accompagnement nécessaire des populations en question.
Sur la notion d’« inconduite notoire », qui devrait certes être modifiée au dernier moment par un amendement – nous en reparlerons donc –, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) soulignait que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur ». Il faut éviter de tomber dans ce travers. Ainsi, la CNCDH s’inquiète de l’instauration de mesures restrictives de liberté reposant sur un fondement aussi incertain, source inévitable d’arbitraire.
Notre groupe se désole également que rien ne soit fait pour mieux prévenir la radicalisation et accompagner les personnes, notamment les mineurs, qui peuvent la subir. Ainsi, on acte, entre autres mesures, le transfert des mineurs radicalisés vers la protection judiciaire de la jeunesse, en lieu et place de leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. Pourquoi ne pas soutenir plutôt les départements dans leur prise en charge de ces jeunes ?
Une étude de 2018 de l’Institut français des relations internationales (Ifri) démontrait que la majorité des actes terroristes était perpétrée par des personnes sans antécédents judiciaires. La pauvreté et l’isolement social sont des facteurs propices à la radicalisation. Rien dans ce texte ne vient aborder ces sujets. Aucune solution n’est présente.
Nous regrettons aussi que ce texte qui vise à renforcer la lutte antiterroriste ne contienne aucune proposition en matière de coopération européenne ou internationale, ou de lutte contre le financement du terrorisme et le rôle plus que trouble de certains pays disposant d’une puissance régionale.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte. Nous défendrons une dizaine d’amendements.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’écoute de la caractérisation que les précédents orateurs, en ouverture de leurs propos, ont faite du terrorisme et de la menace qu’il pose aujourd’hui, je dois reconnaître que ma propre analyse est très proche. Je partage largement ces constats ; c’est sur les dispositions proposées que nous divergeons, même si je relève bien que MM. Darmanin et Dupond-Moretti ont également émis quelques réserves sur certaines d’entre elles, avec leur souplesse et leur diplomatie coutumières.
À mon sens, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la grande majorité des articles que vous nous soumettez ne répondent pas aux problématiques que vous avez vous-même définies. C’est tout à fait paradoxal ! Cette proposition de loi – c’est mon plus grand reproche – se réduit à un énième texte sécuritaire, qui s’ajoutera aux précédents, mais n’aura pas de réel effet sur les problèmes que vous souhaitez résoudre.
Je partage l’esprit du garde des sceaux : l’État de droit, rien que l’État de droit ! Comme l’indiquait le secrétaire général des Nations unies, dans la lignée d’un ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, « nous devons combattre sans relâche le terrorisme pour protéger les droits de l’homme et, en même temps, en protégeant les droits de l’homme, nous nous attaquons aux causes profondes du terrorisme ».
Certaines des solutions qui auraient pu être mises en avant sont totalement absentes de ce texte. Celui-ci nous paraît se joindre à l’inflation législative de ces dernières années sans transcrire une réflexion concertée ou apaisée.
La menace terroriste existe. Vous l’avez bien définie – elle est forte et protéiforme –, mais les propositions défendues par les auteurs de cette proposition de loi sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Elles portent en elles des dérives sécuritaires et une surenchère répressive. L’utilité, la constitutionnalité, l’opérationnalité et, plus simplement, l’efficacité des mesures qui nous sont soumises ne nous semblent nullement démontrées ni démontrables.
Les constats du rapporteur témoignent pourtant d’une réalité inquiétante : je pense aux difficultés de prise en charge, y compris psychologique et psychiatrique, des condamnés terroristes à l’issue de leur peine, à l’imprévisibilité croissante des attaques terroristes par des loups solitaires, ou encore à la problématique de la radicalisation en hausse des mineurs.
Ce texte ne répond pas à ces enjeux. En s’empilant sur notre arsenal contre le terrorisme, nourri de plus de vingt lois depuis 1986, les mesures qu’il contient ne feraient qu’affaiblir les principes fondamentaux de notre droit ; le garde des sceaux nous a d’ailleurs quelque peu mis en garde contre ce danger.
Notre groupe a toujours défendu une politique claire, notamment lors de l’examen de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : les réponses ne peuvent uniquement consister à rogner les droits de la défense ou la capacité du juge à juger.
La prise en charge et le suivi, notamment psychiatrique, des condamnés terroristes après leur peine ne peuvent se faire au prix de la suppression des garanties auxquelles ont droit les justiciables. L’autoradicalisation ne peut se juguler sans comprendre l’isolement social et les pathologies, parfois psychiatriques, des individus ni assurer leur prise en charge. On ne peut appréhender la radicalisation des mineurs par la surveillance seule, sans se préoccuper de l’accompagnement nécessaire des populations en question.
Sur la notion d’« inconduite notoire », qui devrait certes être modifiée au dernier moment par un amendement – nous en reparlerons donc –, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) soulignait que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur ». Il faut éviter de tomber dans ce travers. Ainsi, la CNCDH s’inquiète de l’instauration de mesures restrictives de liberté reposant sur un fondement aussi incertain, source inévitable d’arbitraire.
Notre groupe se désole également que rien ne soit fait pour mieux prévenir la radicalisation et accompagner les personnes, notamment les mineurs, qui peuvent la subir. Ainsi, on acte, entre autres mesures, le transfert des mineurs radicalisés vers la protection judiciaire de la jeunesse, en lieu et place de leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. Pourquoi ne pas soutenir plutôt les départements dans leur prise en charge de ces jeunes ?
Une étude de 2018 de l’Institut français des relations internationales (Ifri) démontrait que la majorité des actes terroristes était perpétrée par des personnes sans antécédents judiciaires. La pauvreté et l’isolement social sont des facteurs propices à la radicalisation. Rien dans ce texte ne vient aborder ces sujets. Aucune solution n’est présente.
Nous regrettons aussi que ce texte qui vise à renforcer la lutte antiterroriste ne contienne aucune proposition en matière de coopération européenne ou internationale, ou de lutte contre le financement du terrorisme et le rôle plus que trouble de certains pays disposant d’une puissance régionale.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce texte. Nous défendrons une dizaine d’amendements.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi sénatoriale nous est présentée comme une réponse aux récents attentats terroristes qui ont touché la France. Les débats qui s'ouvrent éclaireront certainement ce texte et la direction que le Sénat souhaite donner aux politiques publiques de sécurité pour nos concitoyens.
Nous reviendrons sur chacun des articles ; il n'y a pas lieu, dans la discussion générale, d'apposer un blanc-seing ou d'exprimer une opposition de principe aux mesures qui sont proposées. Toutefois, au nom du groupe du RDSE, je voudrais vous faire part de plusieurs remarques à titre liminaire.
Je veux, en premier lieu, présenter les préoccupations qui ont motivé la rédaction de ce texte.
D'abord, nos concitoyens attendent de l'État des réponses aux attaques qui sont commises sur notre sol. Il est vrai que la menace évolue. Elle est amplifiée par l'endoctrinement progressif rendu possible par les réseaux numériques, qui exacerbent les identités et propagent des idéologies mortifères.
À cela, il faut ajouter la problématique très spécifique des personnes qui, détenues en France pour des actes de terrorisme, devraient sortir de détention prochainement.
Enfin, si l'islamisme radical constitue toujours une menace importante, les services de renseignement nous alertent également sur la montée en puissance de la menace terroriste venant de groupuscules fascisants, tout aussi délétères.
Je sais que tous les groupes du Sénat sont attachés à travailler ensemble pour garantir la sécurité des Françaises et des Français. Pour cet impératif, nous avons toujours été mobilisés.
En second lieu, comme nombre de mes collègues, je veux me faire le porte-voix d'un appel à l'équilibre. Les principes cardinaux de notre droit pénal sont un héritage des Lumières et de la Révolution. La proportionnalité et l'individualisation des peines, ou encore le principe selon lequel on ne peut être condamné deux fois pour le même fait ne sont pas des obstacles à une politique efficace. Ils sont au contraire des protections de notre État de droit. Notre collègue Francis Szpiner a employé à leur égard les mots de « capital moral ».
Le Sénat, autrefois conservateur de la Constitution, doit voir le contrôle de la loi par le Conseil constitutionnel non pas comme un empêchement, mais comme un outil de sauvegarde des droits et libertés. Charge aux débats qui s'ouvrent de trouver un équilibre entre liberté et sécurité. Que ces termes ne se réduisent pas à un poncif de plus, employé à justifier des règles d'exception qui finalement se pérenniseraient !
Certaines mesures de cette proposition de loi, éclairées par les travaux de la commission des lois et de M. le rapporteur Marc-Philippe Daubresse, illustrent mes remarques.
À ce titre, on peut relever les interrogations légitimes qui s'expriment sur la sécurité juridique de l'article 1er bis. Celui-ci fait de la notion d'« inconduite notoire » un nouveau motif de retrait d'un sursis probatoire ou d'un suivi sociojudiciaire. Cette notion, si elle apparaît déjà dans le code de procédure pénale comme motif de révocation de la liberté conditionnelle, pâtit d'un flou important.
Ensuite, l'article 11 bis devra faire l'objet d'une attention particulière à l'aune de la protection de la vie privée.
Enfin, le renforcement de l'arsenal judiciaire s'appliquant aux mineurs et, davantage encore, à ceux de moins de 16 ans, doit nous appeler à la plus grande des vigilances. « Le moyen le plus sûr, mais le plus difficile, de prévenir les délits est de perfectionner l'éducation », disait Beccaria. Avant de judiciariser l'avenir des mineurs, il nous faut nous assurer que tous les moyens éducatifs et sociaux ont été mis en œuvre. Les réponses apportées à la jeunesse conditionnent le futur de la Nation. Notre responsabilité envers elle est immense.
Ainsi, le groupe du RDSE se maintiendra dans une dynamique d'équilibre au service de la sécurité des citoyens.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la lutte contre le terrorisme est une priorité indiscutable. Il est de notre responsabilité collective de mettre en place des dispositifs efficaces pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
L’accomplissement de cette tâche complexe pose une exigence particulière : nous devons collectivement prendre garde à ne pas céder au terrorisme. À cet égard, la société française a résisté. Elle a refusé jusqu’à présent – tant mieux ! – de tomber dans les pièges tendus par les terroristes, contrairement aux États-Unis avec Guantanamo. Nous avons collectivement fait le choix de ne pas sacrifier notre État de droit. Cela doit rester notre boussole. En effet, le terrorisme, tel un poison, cherche sans cesse à nous contraindre à changer de modèle. Notre droit n’a pas été fait seulement pour les temps calmes !
Dès lors, lutter contre le terrorisme revient à réfléchir à ce que peut faire l’État de droit pour combattre légalement ceux qui balayent toute forme de légalité, sans succomber à la tentation du déni, de l’indifférence, ou de la surenchère.
C’est là que le rôle du politique est crucial : il peut et doit faire face au terrorisme en respectant nos principes fondamentaux, pour protéger notre société et apporter réparation aux victimes.
La vague d’attentats qu’a connue la France en 2015, dont le souvenir a été ravivé par le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, a profondément marqué notre pays. Elle a bouleversé l’institution pénitentiaire et, au-delà, la justice. Depuis ces événements, la politique pénale a connu un durcissement considérable. L’augmentation du nombre de personnes incarcérées pour des affaires en lien avec le terrorisme a mis les prisons sous pression. Toutefois, face à des injonctions contradictoires, l’administration pénitentiaire peine à donner un sens à leur prise en charge.
Dans le fond, cette proposition de loi, qui traite principalement d’individus sortant de prison, doit nous interroger. Considérons-nous ces personnes comme définitivement irrécupérables ? Notre société fait-elle face à des causes perdues qu’elle choisit indistinctement de neutraliser ?
Le point aveugle de ce texte est précisément la prison et la mission de prise en charge assignée à l’administration pénitentiaire. À nos yeux, la répression seule ne peut être la réponse complète à cette problématique.
Il faut s’attaquer aux causes profondes du terrorisme en mettant en place des politiques cohérentes de prise en charge des détenus radicalisés. Sur ce sujet, l’heure n’est pas aux querelles, mais à l’action. Il est impératif de professionnaliser le travail autour de la radicalisation. Celle-ci doit être abordée avec méthode afin d’obtenir des résultats concrets. Le monde carcéral est le talon d’Achille de la société face à la radicalisation ; il manque considérablement de moyens pour prendre ce problème à bras-le-corps.
En outre, la psychiatrie ne doit pas être oubliée. Le cas de l’assaillant du pont de Bir-Hakeim à Paris, présentant des troubles psychiatriques et neurologiques, souligne l’importance de renforcer les moyens de la psychiatrie de ville pour le suivi de patients au profil complexe.
Quant aux mineurs, ce texte renvoie la prise en charge de certains d’entre eux à la protection judiciaire de la jeunesse et semble ainsi reconnaître l’utilité de la PJJ. Nous nous en félicitons, mais je ne peux que faire le lien avec la défense par notre groupe, lors des débats budgétaires, de la hausse des moyens humains de la PJJ. La majorité sénatoriale n’avait pas souhaité nous suivre sur ce point.
Il n’est pas ici question de la seule évolution du droit pénal : on doit aussi s’intéresser aux moyens donnés aux services publics pour fonctionner correctement. Ce texte élude donc un certain nombre de questions essentielles et s’illustre, à nos yeux, par ses manques.
Cependant, il se distingue aussi par ses ajouts, notamment ceux du rapporteur, bien éloignés de l’ambition initiale. À cet égard, un certain nombre d’éléments ne manquent pas de nous inquiéter : des dispositions qui vont bien au-delà de la question du terrorisme.
Tout d’abord, le texte comporte des dispositions portant modification du régime des dissolutions administratives, lesquelles, comme le rappelait dans son intervention le ministre de l’intérieur, ont déjà connu de considérables révisions au travers de la récente loi Séparatisme. Le rapporteur nous propose, par un amendement, de définir légalement la provocation justifiant la dissolution d’une association. En outre, la création d’un régime de transfert des biens des structures dissoutes est suggérée.
Ensuite, l’article 6 ajuste les règles d’autorisation pour les enquêteurs effectuant des achats de produits licites dans le cadre d’une enquête sous pseudonyme.
Enfin, toujours à la suite d’un amendement du rapporteur, il nous est proposé de faire de la notion d’« inconduite notoire » un motif de révocation d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire.
Vous conviendrez que nous sommes bien loin de l’objectif initialement assigné à cette proposition de loi. Pour toutes ces raisons, nous avons déposé plusieurs amendements afin de modifier les éléments qui nous préoccupent ; nous espérons qu’ils seront adoptés.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Colombe Brossel applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui fait écho aux récents attentats d'Arras et du pont de Bir-Hakeim. Ils nous ont violemment rappelé à quel point la menace terroriste reste prégnante dans notre pays et n'est pas près de disparaître. À l'évocation de ces tristes événements, le groupe RDPI a une pensée émue pour les victimes et leurs familles. Elles ont tout notre soutien.
Nous pensons également aux forces de l'ordre et à nos services de renseignement, qui luttent activement contre la menace terroriste. Nous tenons à rendre hommage à leur action qui – il faut le souligner – a permis depuis 2017 de déjouer pas moins de quarante-trois attentats.
Pour arriver à ce résultat, nous avons considérablement affermi notre arsenal, avec la loi Silt en 2017, la création du parquet national antiterroriste en 2019, ou encore la loi Séparatisme en 2021.
Nous avons puissamment consolidé les moyens juridiques, judiciaires et administratifs nécessaires à une lutte efficace contre le terrorisme, de manière transpartisane. Il s'agit d'une préoccupation constante de la majorité présidentielle.
Toutefois, comme les auteurs de cette proposition de loi en font le constat, la menace terroriste, en plus de rester élevée, a considérablement évolué depuis les attentats de 2015.
En premier lieu, cette menace peut désormais émaner de détenus ayant déjà purgé leur peine, ce qui pose la question de leur prise en charge à l'issue de cette dernière.
En second lieu, les attaques terroristes sont plus imprévisibles du fait de l'évolution du profil des individus radicalisés. Ces derniers ne bénéficient plus nécessairement du soutien logistique de groupes terroristes basés à l'étranger, comme Daech, l'État islamique ; ils agissent davantage de façon solitaire. Il peut s'agir d'assaillants plus jeunes qu'auparavant, souvent endoctrinés au travers d'internet et des réseaux sociaux. Ainsi, la radicalisation de mineurs parfois très jeunes peut s'effectuer directement sur le territoire national, en dehors de tout lieu de socialisation.
Le texte de nos collègues repose sur le constat que l'arsenal pénal actuel ne permet pas d'appréhender pleinement ces évolutions. De ce fait, il a pour objet de remédier aux lacunes judiciaires et administratives de notre système.
Les membres du groupe RDPI ne peuvent que souscrire à l'objectif de ses auteurs : garantir la sécurité des Français en renforçant les moyens de la lutte contre le terrorisme, dans le contexte de la tenue imminente des jeux Olympiques de Paris.
Toutefois, nous sommes aussi convaincus que la lutte contre le terrorisme ne peut se faire que dans le respect de l'État de droit. Nous avions à ce titre des réserves sur diverses dispositions du texte initial, notamment pour ce qui concerne leur conformité avec certains des principes fondamentaux inscrits dans notre Constitution.
Aussi, nous tenons à saluer le travail de M. le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, qui s'est attaché à rechercher l'équilibre entre opérationnalité des mesures, efficacité de la lutte contre le terrorisme et garantie des droits et libertés constitutionnels.
À titre d'exemple, nous saluons l'encadrement par le rapporteur des mesures judiciaires de sûreté. En limitant, sur son initiative, leur champ aux condamnés à des peines supérieures à quinze ans d'emprisonnement, ou à dix ans en cas de récidive, pour des crimes à caractère terroriste, et en prévoyant une prise en charge adaptée aux profils radicalisés, la commission a veillé à ce que la mesure respecte les critères de nécessité et de proportionnalité.
En ce qui concerne les mesures administratives de lutte contre le terrorisme, la substitution d'une interdiction de paraître autonome à l'interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre des Micas nous semble moins attentatoire aux libertés individuelles et même opportune, sous réserve des observations qui pourront être faites en séance, dans la perspective de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques l'été prochain.
Si les membres du groupe RDPI sont globalement favorables à ce texte, qui répond à une attente forte, nous n'en avons pas moins quelques réserves.
Ainsi, l'ajout du critère d'« inconduite notoire » comme motif de révocation d'un sursis probatoire ou d'un suivi sociojudiciaire, ainsi que l'ajout du critère de réitération comme motif de révocation d'une mesure de surveillance judiciaire ou d'un suivi sociojudiciaire nous semblent de nature à nuire à la lisibilité des dispositifs concernés. Si nous devinons les intentions derrière ces modifications, l'imprécision juridique de ces notions nous fait craindre une forme d'arbitraire.
Cela étant dit, le groupe RDPI souscrit pleinement à l'objectif de cette proposition de loi. Ses auteurs entendent adapter l'arsenal dédié à la lutte antiterroriste en partant d'un constat certes sinistre, mais, à notre sens, pertinent. Nous nous interrogeons toutefois sur la capacité de certaines des mesures proposées à concilier respect des principes fondamentaux de notre État de droit et lutte contre le terrorisme. Aussi serons-nous particulièrement attentifs aux arguments des uns et des autres, et plus particulièrement à votre avis, monsieur le garde des sceaux.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi sénatoriale nous est présentée comme une réponse aux récents attentats terroristes qui ont touché la France. Les débats qui s’ouvrent éclaireront certainement ce texte et la direction que le Sénat souhaite donner aux politiques publiques de sécurité pour nos concitoyens.
Nous reviendrons sur chacun des articles ; il n’y a pas lieu, dans la discussion générale, d’apposer un blanc-seing ou d’exprimer une opposition de principe aux mesures qui sont proposées. Toutefois, au nom du groupe du RDSE, je voudrais vous faire part de plusieurs remarques à titre liminaire.
Je veux, en premier lieu, présenter les préoccupations qui ont motivé la rédaction de ce texte.
D’abord, nos concitoyens attendent de l’État des réponses aux attaques qui sont commises sur notre sol. Il est vrai que la menace évolue. Elle est amplifiée par l’endoctrinement progressif rendu possible par les réseaux numériques, qui exacerbent les identités et propagent des idéologies mortifères.
À cela, il faut ajouter la problématique très spécifique des personnes qui, détenues en France pour des actes de terrorisme, devraient sortir de détention prochainement.
Enfin, si l’islamisme radical constitue toujours une menace importante, les services de renseignement nous alertent également sur la montée en puissance de la menace terroriste venant de groupuscules fascisants, tout aussi délétères.
Je sais que tous les groupes du Sénat sont attachés à travailler ensemble pour garantir la sécurité des Françaises et des Français. Pour cet impératif, nous avons toujours été mobilisés.
En second lieu, comme nombre de mes collègues, je veux me faire le porte-voix d’un appel à l’équilibre. Les principes cardinaux de notre droit pénal sont un héritage des Lumières et de la Révolution. La proportionnalité et l’individualisation des peines, ou encore le principe selon lequel on ne peut être condamné deux fois pour le même fait ne sont pas des obstacles à une politique efficace. Ils sont au contraire des protections de notre État de droit. Notre collègue Francis Szpiner a employé à leur égard les mots de « capital moral ».
Le Sénat, autrefois conservateur de la Constitution, doit voir le contrôle de la loi par le Conseil constitutionnel non pas comme un empêchement, mais comme un outil de sauvegarde des droits et libertés. Charge aux débats qui s’ouvrent de trouver un équilibre entre liberté et sécurité. Que ces termes ne se réduisent pas à un poncif de plus, employé à justifier des règles d’exception qui finalement se pérenniseraient !
Certaines mesures de cette proposition de loi, éclairées par les travaux de la commission des lois et de M. le rapporteur Marc-Philippe Daubresse, illustrent mes remarques.
À ce titre, on peut relever les interrogations légitimes qui s’expriment sur la sécurité juridique de l’article 1er bis. Celui-ci fait de la notion d’« inconduite notoire » un nouveau motif de retrait d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire. Cette notion, si elle apparaît déjà dans le code de procédure pénale comme motif de révocation de la liberté conditionnelle, pâtit d’un flou important.
Ensuite, l’article 11 bis devra faire l’objet d’une attention particulière à l’aune de la protection de la vie privée.
Enfin, le renforcement de l’arsenal judiciaire s’appliquant aux mineurs et, davantage encore, à ceux de moins de 16 ans, doit nous appeler à la plus grande des vigilances. « Le moyen le plus sûr, mais le plus difficile, de prévenir les délits est de perfectionner l’éducation », disait Beccaria. Avant de judiciariser l’avenir des mineurs, il nous faut nous assurer que tous les moyens éducatifs et sociaux ont été mis en œuvre. Les réponses apportées à la jeunesse conditionnent le futur de la Nation. Notre responsabilité envers elle est immense.
Ainsi, le groupe du RDSE se maintiendra dans une dynamique d’équilibre au service de la sécurité des citoyens.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi sénatoriale nous est présentée comme une réponse aux récents attentats terroristes qui ont touché la France. Les débats qui s’ouvrent éclaireront certainement ce texte et la direction que le Sénat souhaite donner aux politiques publiques de sécurité pour nos concitoyens.
Nous reviendrons sur chacun des articles ; il n’y a pas lieu, dans la discussion générale, d’apposer un blanc-seing ou d’exprimer une opposition de principe aux mesures qui sont proposées. Toutefois, au nom du groupe du RDSE, je voudrais vous faire part de plusieurs remarques à titre liminaire.
Je veux, en premier lieu, présenter les préoccupations qui ont motivé la rédaction de ce texte.
D’abord, nos concitoyens attendent de l’État des réponses aux attaques qui sont commises sur notre sol. Il est vrai que la menace évolue. Elle est amplifiée par l’endoctrinement progressif rendu possible par les réseaux numériques, qui exacerbent les identités et propagent des idéologies mortifères.
À cela, il faut ajouter la problématique très spécifique des personnes qui, détenues en France pour des actes de terrorisme, devraient sortir de détention prochainement.
Enfin, si l’islamisme radical constitue toujours une menace importante, les services de renseignement nous alertent également sur la montée en puissance de la menace terroriste venant de groupuscules fascisants, tout aussi délétères.
Je sais que tous les groupes du Sénat sont attachés à travailler ensemble pour garantir la sécurité des Françaises et des Français. Pour cet impératif, nous avons toujours été mobilisés.
En second lieu, comme nombre de mes collègues, je veux me faire le porte-voix d’un appel à l’équilibre. Les principes cardinaux de notre droit pénal sont un héritage des Lumières et de la Révolution. La proportionnalité et l’individualisation des peines, ou encore le principe selon lequel on ne peut être condamné deux fois pour le même fait ne sont pas des obstacles à une politique efficace. Ils sont au contraire des protections de notre État de droit. Notre collègue Francis Szpiner a employé à leur égard les mots de « capital moral ».
Le Sénat, autrefois conservateur de la Constitution, doit voir le contrôle de la loi par le Conseil constitutionnel non pas comme un empêchement, mais comme un outil de sauvegarde des droits et libertés. Charge aux débats qui s’ouvrent de trouver un équilibre entre liberté et sécurité. Que ces termes ne se réduisent pas à un poncif de plus, employé à justifier des règles d’exception qui finalement se pérenniseraient !
Certaines mesures de cette proposition de loi, éclairées par les travaux de la commission des lois et de M. le rapporteur Marc-Philippe Daubresse, illustrent mes remarques.
À ce titre, on peut relever les interrogations légitimes qui s’expriment sur la sécurité juridique de l’article 1er bis. Celui-ci fait de la notion d’« inconduite notoire » un nouveau motif de retrait d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire. Cette notion, si elle apparaît déjà dans le code de procédure pénale comme motif de révocation de la liberté conditionnelle, pâtit d’un flou important.
Ensuite, l’article 11 bis devra faire l’objet d’une attention particulière à l’aune de la protection de la vie privée.
Enfin, le renforcement de l’arsenal judiciaire s’appliquant aux mineurs et, davantage encore, à ceux de moins de 16 ans, doit nous appeler à la plus grande des vigilances. « Le moyen le plus sûr, mais le plus difficile, de prévenir les délits est de perfectionner l’éducation », disait Beccaria. Avant de judiciariser l’avenir des mineurs, il nous faut nous assurer que tous les moyens éducatifs et sociaux ont été mis en œuvre. Les réponses apportées à la jeunesse conditionnent l’avenir de la Nation. Notre responsabilité envers elle est immense.
Ainsi, le groupe du RDSE se maintiendra dans une dynamique d’équilibre au service de la sécurité des citoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis vingt ans, les textes législatifs sur le terrorisme se sont succédé au point d'être dorénavant plus nombreux que ceux sur l'immigration. Ce n'est pas chose facile !
En 2009, Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, déclarait : « S'agissant du terrorisme, tout attentat aveugle dirigé contre des civils anonymes, par définition innocents, pour semer la terreur et la dévastation est un crime contre l'humanité. La fermeté s'impose. Cela dit, la lutte contre le terrorisme doit être conduite dans le respect des principes de l'État de droit, justement parce que nous refusons l'idéologie de mort et de violence des terroristes. »
Face aux attentats terroristes qui nous ont frappés, et afin de prévenir et d'éviter toute nouvelle attaque, malgré le formidable travail de nos services de renseignements et de nos fonctionnaires de police et de justice, le débat sur la modification et l'adaptation du droit existant est légitime.
Lorsque nous étions aux responsabilités et que nous avons assisté à l'augmentation des dangers au cours des années 2010, en particulier entre 2012 et 2015, nous avons fait évoluer notre droit.
En 2014, nous avons créé de nouvelles infractions afin de permettre une approche judiciarisée de personnes n'étant pas encore passées à l'acte violent, renforçant ainsi la capacité de l'action judiciaire.
La loi du 24 juillet 2015 a donné à nos services de renseignement la possibilité de détecter, dans un cadre légal, les risques qui pouvaient exister sur notre territoire.
La loi du 3 juin 2016 a introduit, en matière d'infractions terroristes, la peine complémentaire de suivi sociojudiciaire, qui emporte l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive après l'exécution de la peine.
Nous sommes donc pour qu'on légifère en cas de nécessité, pour que l'on modifie alors le droit existant, mais à condition de toujours s'assurer de l'équilibre indispensable entre la sécurité de nos concitoyens et le respect des libertés fondamentales et individuelles.
Regardons attentivement les motivations des terroristes qui s'en prennent à notre pays : il s'agit avant tout de s'attaquer à ce que nous sommes, à nos valeurs, à notre État de droit et à notre justice. Aussi, chaque fois que nous modifions notre droit en fragilisant un peu plus nos principes fondamentaux et les droits de la défense, nous reculons face à eux.
Il y a quelques années déjà, la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine a fait l'objet d'une large censure de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020. Le motif était que ces mesures contrevenaient à « la liberté d'aller et de venir et au droit au respect de la vie privée », ainsi qu'au « droit de mener une vie familiale normale », d'une manière qui n'était « ni adaptée, ni proportionnée à l'objectif » de prévention d'actes terroristes.
Ensuite, la loi du 30 juillet 2021 a instauré une nouvelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion : la mesure judiciaire de sûreté. Cette fois, le Conseil constitutionnel avait censuré l'allongement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas.
Nous avons bien compris que le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration a fait céder de nombreuses digues, dont celle de la responsabilité du législateur. Désormais, des travées de la droite jusqu'à l'Élysée, jouer avec la Constitution et nos droits fondamentaux est un nouveau mode opératoire politique.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui fait écho aux récents attentats d’Arras et du pont de Bir-Hakeim. Ils nous ont violemment rappelé à quel point la menace terroriste reste prégnante dans notre pays et n’est pas près de disparaître. À l’évocation de ces tristes événements, le groupe RDPI a une pensée émue pour les victimes et leurs familles. Elles ont tout notre soutien.
Nous pensons également aux forces de l’ordre et à nos services de renseignement, qui luttent activement contre la menace terroriste. Nous tenons à rendre hommage à leur action qui – il faut le souligner – a permis depuis 2017 de déjouer pas moins de quarante-trois attentats.
Pour arriver à ce résultat, nous avons considérablement affermi notre arsenal, avec la loi Silt en 2017, la création du parquet national antiterroriste en 2019, ou encore la loi Séparatisme en 2021.
Nous avons puissamment consolidé les moyens juridiques, judiciaires et administratifs nécessaires à une lutte efficace contre le terrorisme, de manière transpartisane. Il s’agit d’une préoccupation constante de la majorité présidentielle.
Toutefois, comme les auteurs de cette proposition de loi en font le constat, la menace terroriste, en plus de rester élevée, a considérablement évolué depuis les attentats de 2015.
En premier lieu, cette menace peut désormais émaner de détenus ayant déjà purgé leur peine, ce qui pose la question de leur prise en charge à l’issue de cette dernière.
En second lieu, les attaques terroristes sont plus imprévisibles du fait de l’évolution du profil des individus radicalisés. Ces derniers ne bénéficient plus nécessairement du soutien logistique de groupes terroristes basés à l’étranger, comme Daech, l’État islamique ; ils agissent davantage de façon solitaire. Il peut s’agir d’assaillants plus jeunes qu’auparavant, souvent endoctrinés au travers d’internet et des réseaux sociaux. Ainsi, la radicalisation de mineurs parfois très jeunes peut s’effectuer directement sur le territoire national, en dehors de tout lieu de socialisation.
Le texte de nos collègues repose sur le constat que l’arsenal pénal actuel ne permet pas d’appréhender pleinement ces évolutions. De ce fait, il a pour objet de remédier aux lacunes judiciaires et administratives de notre système.
Les membres du groupe RDPI ne peuvent que souscrire à l’objectif de ses auteurs : garantir la sécurité des Français en renforçant les moyens de la lutte contre le terrorisme, dans le contexte de la tenue imminente des jeux Olympiques de Paris.
Toutefois, nous sommes aussi convaincus que la lutte contre le terrorisme ne peut se faire que dans le respect de l’État de droit. Nous avions à ce titre des réserves sur diverses dispositions du texte initial, notamment pour ce qui concerne leur conformité avec certains des principes fondamentaux inscrits dans notre Constitution.
Aussi, nous tenons à saluer le travail de M. le rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, qui s’est attaché à rechercher l’équilibre entre opérationnalité des mesures, efficacité de la lutte contre le terrorisme et garantie des droits et libertés constitutionnels.
À titre d’exemple, nous saluons l’encadrement par le rapporteur des mesures judiciaires de sûreté. En limitant, sur son initiative, leur champ aux condamnés à des peines supérieures à quinze ans d’emprisonnement, ou à dix ans en cas de récidive, pour des crimes à caractère terroriste, et en prévoyant une prise en charge adaptée aux profils radicalisés, la commission a veillé à ce que la mesure respecte les critères de nécessité et de proportionnalité.
En ce qui concerne les mesures administratives de lutte contre le terrorisme, la substitution d’une interdiction de paraître autonome à l’interdiction de paraître dans les transports en commun prononcée dans le cadre des Micas nous semble moins attentatoire aux libertés individuelles et même opportune, sous réserve des observations qui pourront être faites en séance, dans la perspective de la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques l’été prochain.
Si les membres du groupe RDPI sont globalement favorables à ce texte, qui répond à une attente forte, nous n’en avons pas moins quelques réserves.
Ainsi, l’ajout du critère d’« inconduite notoire » comme motif de révocation d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire, ainsi que l’ajout du critère de réitération comme motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi sociojudiciaire nous semblent de nature à nuire à la lisibilité des dispositifs concernés. Si nous devinons les intentions derrière ces modifications, l’imprécision juridique de ces notions nous fait craindre une forme d’arbitraire.
Cela étant dit, le groupe RDPI souscrit pleinement à l’objectif de cette proposition de loi. Ses auteurs entendent adapter l’arsenal dédié à la lutte antiterroriste en partant d’un constat certes sinistre, mais, à notre sens, pertinent. Nous nous interrogeons toutefois sur la capacité de certaines des mesures proposées à concilier respect des principes fondamentaux de notre État de droit et lutte contre le terrorisme. Aussi serons-nous particulièrement attentifs aux arguments des uns et des autres, et plus particulièrement à votre avis, monsieur le garde des sceaux.
Messieurs les ministres – je m'adresse en particulier au garde des sceaux, que j'ai bien entendu –, vos mises en garde bienvenues sur ce texte ne suffisent pas : il faut y faire obstacle !
Pour notre part, il nous paraît toujours aussi inconcevable que le Parlement adopte des dispositions qui seraient très largement inconstitutionnelles et attentatoires aux libertés individuelles.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Nous dénonçons ces bricolages législatifs délibérés, entrepris à des fins de communication politique.
Au sein de cette proposition de loi, de nombreux points sont problématiques : la création d'une nouvelle mesure de sûreté, la notion très floue d'« inconduite notoire », qui suffirait à renvoyer une personne en prison – l'amendement qui nous est soumis par le rapporteur ne nous semble pas de nature à corriger ce flou –, l'instauration, toujours avec un risque d'arbitraire, de la rétention de sûreté en cas de « trouble grave de la personnalité » ou de radicalisation « persistante », l'interdiction de paraître lors des grands événements, ou dans les transports publics, qui peut durer jusqu'à trois ans, ou encore l'omniprésence constante du pouvoir administratif par rapport au pouvoir judiciaire.
Pour l'instant, la rétention de sûreté est une mesure exceptionnelle qui ne concerne qu'un nombre restreint de crimes graves, dont le viol, le meurtre et l'assassinat, la torture et les actes de barbarie, l'enlèvement et la séquestration. Elle a été créée par la loi du 25 février 2008 ; peuvent y être soumis les individus particulièrement dangereux à l'issue de l'exécution de leur peine.
En élargissant aux crimes terroristes le champ de la rétention de sûreté, vous souhaitez donc créer une nouvelle peine après la peine, non pas pour un acte passé, pour lequel une sanction aura déjà été prononcée, mais pour un acte potentiel, en raison de la dangerosité de la personne et selon des critères dont l'imprécision laisse craindre une application totalement arbitraire. Cette nouvelle peine viserait à sanctionner une personne non pas pour ce qu'elle a fait, mais pour ce qu'elle est et pour ce qu'elle pourrait faire ! Vous cherchez à instaurer une justice prédictive. Nous refusons cette vision digne d'une œuvre de science-fiction dystopique !
Nous constatons une nouvelle fois qu'aucune réflexion de fond n'est menée, notamment sur la radicalisation en détention et sur les outils employés afin de lutter contre celle-ci. Pire, vous faites de la détention l'alpha et l'oméga de la peine, sans vous soucier d'une exposition renforcée à la radicalisation en prison. Pas à pas, chers collègues, vous êtes en train de mettre à mal notre système pénal et, ainsi, notre État de droit. Vous le savez !
Permettez-moi de citer de nouveau Robert Badinter, qui déclarait voilà quinze ans, à propos de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté : « [Notre] système de justice pénale […] repose sur le principe de la responsabilité entendue comme la contrepartie de la liberté. Vous avez choisi de violer la loi, la peine qui vous est appliquée est la sanction de cette violation. Vous répondez de vos actes selon les principes de l'État de droit. À partir du moment où l'on décide de garder quelqu'un en détention au regard d'un crime virtuel qu'il pourrait commettre, parce qu'on le considère comme dangereux, vous êtes passé dans un autre système. Comment voulez-vous alors vous défendre, puisque vous n'êtes accusé de rien ? Comment les magistrats diagnostiqueront-ils la “dangerosité criminologique” ? »
Avec ce texte, vous souhaitez nous faire passer d'une justice de liberté à une justice de sûreté, renouant avec des courants de pensée du XIXe siècle, qui théorisaient le criminel né, un individu amoral commettant des crimes par nécessité biologique, atavique, tel un sauvage.
Ce texte, c'est le renoncement aux principes fondamentaux de notre droit pénal : la présomption d'innocence, le droit à la réinsertion après la peine effectuée, le respect de la vie privée et familiale, le principe de non-rétroactivité du droit pénal et celui de non-cumul des peines. C'est nier ce que toutes les statistiques révèlent : une véritable réinsertion après la peine limite toute récidive.
Modifier ainsi notre droit pénal serait un point de bascule, mais aussi et surtout un point de non-retour, préparant une fois de plus tous les outils qui seraient mis à disposition d'un régime autoritaire, qui pourrait ainsi mettre à terre notre démocratie.
Enfin, deux articles de cette proposition de loi, les articles 9 et 10, nous interpellent particulièrement, car ils ne sont autres que les articles 9 et 23 du projet de loi Immigration récemment adopté. Que viennent-ils faire ici ? Soit ils sont conformes à la Constitution et entreront en vigueur après la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier prochain, soit ils seront censurés pour inconstitutionnalité. Souhaiteriez-vous donc nous faire adopter deux articles qui seraient contraires à notre Constitution ?
Nous regrettons également le véhicule législatif retenu, à savoir une proposition de loi, laquelle, par définition, ne bénéficie pas d'un avis du Conseil d'État.
Au fond, nous partageons, bien sûr, l'objectif de ce texte. Toutefois, nous considérons que les moyens doivent avant tout être tournés vers le renseignement, la prévention et une application proportionnée du droit existant.
Vous l'aurez compris, au cours de ce débat, le groupe socialiste conservera sa position constante : nous serons très vigilants quant au respect de notre État de droit et de nos principes fondamentaux relatifs aux droits de la défense. §
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis vingt ans, les textes législatifs sur le terrorisme se sont succédé au point d’être dorénavant plus nombreux que ceux sur l’immigration. Ce n’est pas chose facile !
En 2009, Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, déclarait : « S’agissant du terrorisme, tout attentat aveugle dirigé contre des civils anonymes, par définition innocents, pour semer la terreur et la dévastation est un crime contre l’humanité. La fermeté s’impose. Cela dit, la lutte contre le terrorisme doit être conduite dans le respect des principes de l’État de droit, justement parce que nous refusons l’idéologie de mort et de violence des terroristes. »
Face aux attentats terroristes qui nous ont frappés, et afin de prévenir et d’éviter toute nouvelle attaque, malgré le formidable travail de nos services de renseignements et de nos fonctionnaires de police et de justice, le débat sur la modification et l’adaptation du droit existant est légitime.
Lorsque nous étions aux responsabilités et que nous avons assisté à l’augmentation des dangers au cours des années 2010, en particulier entre 2012 et 2015, nous avons fait évoluer notre droit.
En 2014, nous avons créé de nouvelles infractions afin de permettre une approche judiciarisée de personnes n’étant pas encore passées à l’acte violent, renforçant ainsi la capacité de l’action judiciaire.
La loi du 24 juillet 2015 a donné à nos services de renseignement la possibilité de détecter, dans un cadre légal, les risques qui pouvaient exister sur notre territoire.
La loi du 3 juin 2016 a introduit, en matière d’infractions terroristes, la peine complémentaire de suivi sociojudiciaire, qui emporte l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive après l’exécution de la peine.
Nous sommes donc pour qu’on légifère en cas de nécessité, pour que l’on modifie alors le droit existant, mais à condition de toujours s’assurer de l’équilibre indispensable entre la sécurité de nos concitoyens et le respect des libertés fondamentales et individuelles.
Regardons attentivement les motivations des terroristes qui s’en prennent à notre pays : il s’agit avant tout de s’attaquer à ce que nous sommes, à nos valeurs, à notre État de droit et à notre justice. Aussi, chaque fois que nous modifions notre droit en fragilisant un peu plus nos principes fondamentaux et les droits de la défense, nous reculons face à eux.
Il y a quelques années déjà, la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine a fait l’objet d’une large censure de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020. Le motif était que ces mesures contrevenaient à « la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée », ainsi qu’au « droit de mener une vie familiale normale », d’une manière qui n’était « ni adaptée, ni proportionnée à l’objectif » de prévention d’actes terroristes.
Ensuite, la loi du 30 juillet 2021 a instauré une nouvelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion : la mesure judiciaire de sûreté. Cette fois, le Conseil constitutionnel avait censuré l’allongement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas.
Nous avons bien compris que le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a fait céder de nombreuses digues, dont celle de la responsabilité du législateur. Désormais, des travées de la droite jusqu’à l’Élysée, jouer avec la Constitution et nos droits fondamentaux est un nouveau mode opératoire politique.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pas de sécurité sans sûreté !
Notre sécurité collective nécessite en effet, plus que jamais, des moyens de fermeté et des mesures de sûreté. À cet égard, disons-le d'emblée, la présente proposition de loi s'avère absolument indispensable.
Dès avant les attentats de 2015, à force de missions d'information et de rapports, nous avons produit collectivement, au Sénat, un travail permettant de mieux connaître les nombreux aspects du terrorisme.
Nous mesurons par conséquent toute la singularité du terrorisme : son « hybridité », comme on dit à présent, c'est-à-dire sa forme à la fois civile et armée, à la fois politique et religieuse, qui nécessite des efforts constants, de nouvelles ressources et des moyens eux-mêmes hybrides.
Nous voudrions donc insister sur l'importance de la perspective originale retenue pour la présente proposition de loi : elle n'est ni préventive ni répressive, ou plutôt elle n'est pas exclusivement l'une ou l'autre, puisqu'elle s'intéresse au suivi des condamnés terroristes, qui est impératif.
Ce texte est indispensable, en premier lieu, du fait de la nécessité d'une adaptation de notre droit à la menace terroriste. Dès 2015, je présidais, avec ma collègue Nathalie Goulet, une commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes, ce qui m'autorise à rappeler l'une de ses conclusions, qui n'a jamais été démentie depuis lors : il n'est de terrorisme que « dissimulé », menaçant, quelles qu'en soient les apparences religieuses et politiques, ou les formes insérées dans nos sociétés modernes.
Dans nombre de décisions émanant du juge pénal et du juge de l'asile, on relève ces « stratégies de dissimulation », les discours manquant de « cohérence ou de vraisemblance », les indices d'« allégeances » et de « loyautés » occultes des condamnés terroristes.
Comment, dès lors, la liberté ne risquerait-elle pas de cacher elle-même l'insécurité ?
On ne peut lutter efficacement contre le terrorisme qu'à l'aide de mesures de suivi, ainsi que de peines complémentaires et personnalisées. Il faut se réjouir à cet égard des dispositions de ce texte, qui assureront la sécurité de tous dans les transports, dans les manifestations, dans nos fêtes et nos célébrations, par des mesures de sûreté à l'encontre, si nécessaire, de quelques-uns.
Indispensable, ce texte l'est encore parce qu'il permet une adéquation de notre système aux condamnés terroristes.
L'on sait bien à quel point les discours de radicalisation peuvent faire impression sur les esprits simples ou jeunes, par le biais des nouvelles technologies ; cela a déjà été rappelé.
Nous avons d'ailleurs renforcé, en 2022, la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ; je me réjouis, en tant que rapporteur pour la commission des lois du texte l'ayant permis, que celui-ci bénéficie enfin d'un décret d'application.
Il reste toutefois à rendre le plus sûr possible le suivi des mineurs condamnés en la matière, ainsi qu'à assurer leur déconnexion de ces divers canaux, lesquels favorisent à coup sûr leur isolement et, parfois, leur radicalisation.
Enfin et surtout, cette proposition de loi est indispensable par son appréhension des condamnés terroristes qui, quels que soient leur profil psychologique ou leurs mobiles, présentent une dangerosité particulière.
Cette notion de « dangerosité », si imprécise soit-elle, contrairement à ce que l'on pourrait attendre d'un dispositif répressif, ne peut être ignorée et abandonnée par le droit.
Comment ignorer, en effet, que des actes de terrorisme meurtriers peuvent encore être commis après une radicalisation en prison, un fichage S et des multirécidives pouvant aller jusqu'à trente condamnations ?
Le sénateur d'Alsace que je suis se souvient parfaitement d'un tel profil, mes chers collègues, puisque c'était celui du terroriste de 29 ans qui a frappé Strasbourg, voilà cinq ans, en plein marché de Noël, pour ne pas dire en plein cœur.
Dans ces circonstances, comme dans tant d'autres, les mesures de sûreté paraissent les mieux à même d'affronter la dangerosité des condamnés, si elle persiste.
Mon intervention serait toutefois incomplète si elle n'évoquait pas un point important, qui semble pourtant passer entre les mailles de ce texte. En effet, alors que l'objectif donné par les auteurs de cette proposition de loi à son titre II est de « renforcer le suivi des mineurs radicalisés », il faut regretter que ce texte ne s'intéresse pas plus résolument aux acteurs en contact étroit avec la jeunesse, à savoir, notamment, les enseignants et les éducateurs sportifs, qui seraient, à mon sens, les mieux à même de les suivre.
Pourtant, dès 2015, un rapport sénatorial recommandait de « mettre en place des actions obligatoires […] de formation à la détection de la radicalisation, à destination des acteurs de terrain (personnels enseignants, conseillers d'éducation, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'aide sociale à l'enfance, éducateurs sportifs », etc.).
Malgré la création de « référents radicalisation », au ministère de l'éducation nationale par exemple, cette offre de formation pour tous les agents publics reste à réaliser.
Je prends l'initiative d'attirer ici l'attention de notre assemblée sur l'offre de formation continue des agents publics titulaires et contractuels, qui pourrait être efficacement complétée, de surcroît sans surcoût pour nos finances publiques.
Malheureusement, les deux amendements que j'avais déposés à cette fin n'ont pas survécu au couperet de l'article 40 de la Constitution. Je ne le comprends pas ! En effet, le financement de la formation continue de ces agents existe. Il n'était pas question de l'augmenter, mais simplement de définir des priorités nouvelles.
Pour conclure, je veux souligner que nous soutenons cette proposition de loi parce qu'elle ajoute aux mesures de sûreté des moyens de fermeté. Ceux-ci nous semblent indispensables, car ils concernent la lutte contre le terrorisme là où elle peut encore être renforcée. Je pense notamment à la dissolution des groupements, à l'expulsion des étrangers et à la sanction des contenus numériques terroristes.
Dans ces domaines, face à une radicalisation qui non seulement précède l'acte terroriste, mais souvent persiste après une condamnation, le présent texte apporte une importante contribution. Cette proposition de loi combine utilement la sûreté et la fermeté, pour notre sécurité commune.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère et Louis Vogel applaudissent également.
Messieurs les ministres – je m’adresse en particulier au garde des sceaux, que j’ai bien entendu –, vos mises en garde bienvenues sur ce texte ne suffisent pas : il faut y faire obstacle !
Pour notre part, il nous paraît toujours aussi inconcevable que le Parlement adopte des dispositions qui seraient très largement inconstitutionnelles et attentatoires aux libertés individuelles.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis 2012 et les tueries abjectes de Mohammed Merah, notre pays a connu une cinquantaine d'actes terroristes islamistes, provoquant 272 morts et 1 200 blessés selon le décompte de la DGSI.
Il revient au législateur que nous sommes de donner les armes juridiques nécessaires au peuple français pour nous prémunir collectivement d'un tel danger.
Ainsi, cette proposition de loi, qui instaure trois nouvelles mesures de sûreté applicables aux condamnés pour terrorisme, afin de renforcer leur surveillance à leur sortie de détention, ainsi que d'autres dispositifs visant à mieux contrôler et réprimer les auteurs d'actes terroristes, va dans le bon sens, c'est-à-dire dans le sens d'un « réarmement », pour reprendre un mot à la mode, de la société face à cette idéologie totalitaire et meurtrière.
Ces mesures reprennent d'ailleurs ce que nous préconisons depuis des années, au Rassemblement national, à propos des terroristes, qui ne sont pas des délinquants de droit commun, car ils poursuivent un but bien différent, celui de détruire la société. Ils se fichent de la réinsertion sociale, ils la refusent totalement. Ils ne veulent pas être réinsérés dans une société qu'ils combattent et détestent. La mise en place de mesures de réintégration sociale les concernant est vouée à l'échec. D'où l'intérêt des mesures de sûreté, qui correspondent finalement au principe de précaution inscrit dans la Constitution.
Néanmoins, il conviendrait d'aller plus loin dans la recherche de la protection des Français. Nous proposons ainsi depuis des années l'expulsion automatique des terroristes étrangers ayant purgé leur peine en France, afin de dégager du temps et de l'argent en matière de surveillance et d'éviter tout risque de récidive.
De la même façon, il nous paraît opportun de déchoir de la nationalité française des terroristes français ayant commis des actes contre notre pays ou les ayant projetés, mais aussi d'expulser automatiquement vers leur pays d'origine tous ceux qui seraient dotés d'une double nationalité. Le Conseil d'État a d'ailleurs, en mai 2023, confirmé la déchéance de nationalité décidée par le Gouvernement à l'encontre d'une Franco-Turque de 25 ans, condamnée en 2017 pour avoir projeté un attentat en France. Dans son ordonnance, le Conseil d'État a considéré que la déchéance de nationalité de cet individu n'était pas « disproportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits commis ».
Depuis 2019, une vingtaine de déchéances de nationalité ont été prononcées pour terrorisme en France, mais il est impossible pour l'instant de déchoir ceux qui sont nés Français. Il faut que la loi le permette : tous ceux qui ont porté les armes contre notre pays sont indignes d'en posséder la nationalité, nés français ou pas.
Enfin, il convient de rappeler une évidence : le terrorisme islamique est un phénomène importé par l'immigration. Selon Le Figaro, en France, depuis 2015 « sauf deux exceptions – deux Français convertis –, tous les autres terroristes islamistes sont, à plus ou moins long terme, le fruit de l'immigration issue des pays musulmans ».
Nous dénonçons ces bricolages législatifs délibérés, entrepris à des fins de communication politique.
Au sein de cette proposition de loi, de nombreux points sont problématiques : la création d’une nouvelle mesure de sûreté, la notion très floue d’« inconduite notoire », qui suffirait à renvoyer une personne en prison – l’amendement qui nous est soumis par le rapporteur ne nous semble pas de nature à corriger ce flou –, l’instauration, toujours avec un risque d’arbitraire, de la rétention de sûreté en cas de « trouble grave de la personnalité » ou de radicalisation « persistante », l’interdiction de paraître lors des grands événements, ou dans les transports publics, qui peut durer jusqu’à trois ans, ou encore l’omniprésence constante du pouvoir administratif par rapport au pouvoir judiciaire.
Pour l’instant, la rétention de sûreté est une mesure exceptionnelle qui ne concerne qu’un nombre restreint de crimes graves, dont le viol, le meurtre et l’assassinat, la torture et les actes de barbarie, l’enlèvement et la séquestration. Elle a été créée par la loi du 25 février 2008 ; peuvent y être soumis les individus particulièrement dangereux à l’issue de l’exécution de leur peine.
En élargissant aux crimes terroristes le champ de la rétention de sûreté, vous souhaitez donc créer une nouvelle peine après la peine, non pas pour un acte passé, pour lequel une sanction aura déjà été prononcée, mais pour un acte potentiel, en raison de la dangerosité de la personne et selon des critères dont l’imprécision laisse craindre une application totalement arbitraire. Cette nouvelle peine viserait à sanctionner une personne non pas pour ce qu’elle a fait, mais pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle pourrait faire ! Vous cherchez à instaurer une justice prédictive. Nous refusons cette vision digne d’une œuvre de science-fiction dystopique !
Nous constatons une nouvelle fois qu’aucune réflexion de fond n’est menée, notamment sur la radicalisation en détention et sur les outils employés afin de lutter contre celle-ci. Pire, vous faites de la détention l’alpha et l’oméga de la peine, sans vous soucier d’une exposition renforcée à la radicalisation en prison. Pas à pas, chers collègues, vous êtes en train de mettre à mal notre système pénal et, ainsi, notre État de droit. Vous le savez !
Permettez-moi de citer de nouveau Robert Badinter, qui déclarait voilà quinze ans, à propos de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté : « [Notre] système de justice pénale […] repose sur le principe de la responsabilité entendue comme la contrepartie de la liberté. Vous avez choisi de violer la loi, la peine qui vous est appliquée est la sanction de cette violation. Vous répondez de vos actes selon les principes de l’État de droit. À partir du moment où l’on décide de garder quelqu’un en détention au regard d’un crime virtuel qu’il pourrait commettre, parce qu’on le considère comme dangereux, vous êtes passé dans un autre système. Comment voulez-vous alors vous défendre, puisque vous n’êtes accusé de rien ? Comment les magistrats diagnostiqueront-ils la “dangerosité criminologique” ? »
Avec ce texte, vous souhaitez nous faire passer d’une justice de liberté à une justice de sûreté, renouant avec des courants de pensée du XIXe siècle, qui théorisaient le criminel né, un individu amoral commettant des crimes par nécessité biologique, atavique, tel un sauvage.
Ce texte, c’est le renoncement aux principes fondamentaux de notre droit pénal : la présomption d’innocence, le droit à la réinsertion après la peine effectuée, le respect de la vie privée et familiale, le principe de non-rétroactivité du droit pénal et celui de non-cumul des peines. C’est nier ce que toutes les statistiques révèlent : une véritable réinsertion après la peine limite toute récidive.
Modifier ainsi notre droit pénal serait un point de bascule, mais aussi et surtout un point de non-retour, préparant une fois de plus tous les outils qui seraient mis à disposition d’un régime autoritaire, qui pourrait ainsi mettre à terre notre démocratie.
Enfin, deux articles de cette proposition de loi, les articles 9 et 10, nous interpellent particulièrement, car ils ne sont autres que les articles 9 et 23 du projet de loi Immigration récemment adopté. Que viennent-ils faire ici ? Soit ils sont conformes à la Constitution et entreront en vigueur après la décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier prochain, soit ils seront censurés pour inconstitutionnalité. Souhaiteriez-vous donc nous faire adopter deux articles qui seraient contraires à notre Constitution ?
Nous regrettons également le véhicule législatif retenu, à savoir une proposition de loi, laquelle, par définition, ne bénéficie pas d’un avis du Conseil d’État.
Au fond, nous partageons, bien sûr, l’objectif de ce texte. Toutefois, nous considérons que les moyens doivent avant tout être tournés vers le renseignement, la prévention et une application proportionnée du droit existant.
Vous l’aurez compris, au cours de ce débat, le groupe socialiste conservera sa position constante : nous serons très vigilants quant au respect de notre État de droit et de nos principes fondamentaux relatifs aux droits de la défense.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Bien sûr que si ! Pour le chercheur Jean-Baptiste Meyer, « le nier aujourd'hui reviendrait à renoncer à expliquer une part importante de ces événements ».
Peut-être une telle explication ne vous intéresse-t-elle pas, monsieur le ministre !
Ainsi, au-delà de tout l'arsenal judiciaire, la lutte contre le terrorisme islamique passe d'abord et avant tout par une maîtrise totale de nos flux migratoires et leur réduction drastique, ce qui paraît à tous les Français la chose la plus élémentaire à faire.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Joshua Hochart applaudit. – Protestations au banc du Gouvernement.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pas de sécurité sans sûreté !
Notre sécurité collective nécessite en effet, plus que jamais, des moyens de fermeté et des mesures de sûreté. À cet égard, disons-le d’emblée, la présente proposition de loi s’avère absolument indispensable.
Dès avant les attentats de 2015, à force de missions d’information et de rapports, nous avons produit collectivement, au Sénat, un travail permettant de mieux connaître les nombreux aspects du terrorisme.
Nous mesurons par conséquent toute la singularité du terrorisme : son « hybridité », comme on dit à présent, c’est-à-dire sa forme à la fois civile et armée, à la fois politique et religieuse, qui nécessite des efforts constants, de nouvelles ressources et des moyens eux-mêmes hybrides.
Nous voudrions donc insister sur l’importance de la perspective originale retenue pour la présente proposition de loi : elle n’est ni préventive ni répressive, ou plutôt elle n’est pas exclusivement l’une ou l’autre, puisqu’elle s’intéresse au suivi des condamnés terroristes, qui est impératif.
Ce texte est indispensable, en premier lieu, du fait de la nécessité d’une adaptation de notre droit à la menace terroriste. Dès 2015, je présidais, avec ma collègue Nathalie Goulet, une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes, ce qui m’autorise à rappeler l’une de ses conclusions, qui n’a jamais été démentie depuis lors : il n’est de terrorisme que « dissimulé », menaçant, quelles qu’en soient les apparences religieuses et politiques, ou les formes insérées dans nos sociétés modernes.
Dans nombre de décisions émanant du juge pénal et du juge de l’asile, on relève ces « stratégies de dissimulation », les discours manquant de « cohérence ou de vraisemblance », les indices d’« allégeances » et de « loyautés » occultes des condamnés terroristes.
Comment, dès lors, la liberté ne risquerait-elle pas de cacher elle-même l’insécurité ?
On ne peut lutter efficacement contre le terrorisme qu’à l’aide de mesures de suivi, ainsi que de peines complémentaires et personnalisées. Il faut se réjouir à cet égard des dispositions de ce texte, qui assureront la sécurité de tous dans les transports, dans les manifestations, dans nos fêtes et nos célébrations, par des mesures de sûreté à l’encontre, si nécessaire, de quelques-uns.
Indispensable, ce texte l’est encore parce qu’il permet une adéquation de notre système aux condamnés terroristes.
L’on sait bien à quel point les discours de radicalisation peuvent faire impression sur les esprits simples ou jeunes, par le biais des nouvelles technologies ; cela a déjà été rappelé.
Nous avons d’ailleurs renforcé, en 2022, la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ; je me réjouis, en tant que rapporteur pour la commission des lois du texte l’ayant permis, que celui-ci bénéficie enfin d’un décret d’application.
Il reste toutefois à rendre le plus sûr possible le suivi des mineurs condamnés en la matière, ainsi qu’à assurer leur déconnexion de ces divers canaux, lesquels favorisent à coup sûr leur isolement et, parfois, leur radicalisation.
Enfin et surtout, cette proposition de loi est indispensable par son appréhension des condamnés terroristes qui, quels que soient leur profil psychologique ou leurs mobiles, présentent une dangerosité particulière.
Cette notion de « dangerosité », si imprécise soit-elle, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un dispositif répressif, ne peut être ignorée et abandonnée par le droit.
Comment ignorer, en effet, que des actes de terrorisme meurtriers peuvent encore être commis après une radicalisation en prison, un fichage S et des multirécidives pouvant aller jusqu’à trente condamnations ?
Le sénateur d’Alsace que je suis se souvient parfaitement d’un tel profil, mes chers collègues, puisque c’était celui du terroriste de 29 ans qui a frappé Strasbourg, voilà cinq ans, en plein marché de Noël, pour ne pas dire en plein cœur.
Dans ces circonstances, comme dans tant d’autres, les mesures de sûreté paraissent les mieux à même d’affronter la dangerosité des condamnés, si elle persiste.
Mon intervention serait toutefois incomplète si elle n’évoquait pas un point important, qui semble pourtant passer entre les mailles de ce texte. En effet, alors que l’objectif donné par les auteurs de cette proposition de loi à son titre II est de « renforcer le suivi des mineurs radicalisés », il faut regretter que ce texte ne s’intéresse pas plus résolument aux acteurs en contact étroit avec la jeunesse, à savoir, notamment, les enseignants et les éducateurs sportifs, qui seraient, à mon sens, les mieux à même de les suivre.
Pourtant, dès 2015, un rapport sénatorial recommandait de « mettre en place des actions obligatoires […] de formation à la détection de la radicalisation, à destination des acteurs de terrain (personnels enseignants, conseillers d’éducation, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’aide sociale à l’enfance, éducateurs sportifs », etc.).
Malgré la création de « référents radicalisation », au ministère de l’éducation nationale par exemple, cette offre de formation pour tous les agents publics reste à réaliser.
Je prends l’initiative d’attirer ici l’attention de notre assemblée sur l’offre de formation continue des agents publics titulaires et contractuels, qui pourrait être efficacement complétée, de surcroît sans surcoût pour nos finances publiques.
Malheureusement, les deux amendements que j’avais déposés à cette fin n’ont pas survécu au couperet de l’article 40 de la Constitution. Je ne le comprends pas ! En effet, le financement de la formation continue de ces agents existe. Il n’était pas question de l’augmenter, mais simplement de définir des priorités nouvelles.
Pour conclure, je veux souligner que nous soutenons cette proposition de loi parce qu’elle ajoute aux mesures de sûreté des moyens de fermeté. Ceux-ci nous semblent indispensables, car ils concernent la lutte contre le terrorisme là où elle peut encore être renforcée. Je pense notamment à la dissolution des groupements, à l’expulsion des étrangers et à la sanction des contenus numériques terroristes.
Dans ces domaines, face à une radicalisation qui non seulement précède l’acte terroriste, mais souvent persiste après une condamnation, le présent texte apporte une importante contribution. Cette proposition de loi combine utilement la sûreté et la fermeté, pour notre sécurité commune.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère et Louis Vogel applaudissent également.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France est, depuis toujours, l'une des cibles privilégiées des actes terroristes.
Encore très récemment, l'assassinat de Dominique Bernard, en octobre 2023, nous a rappelé la prégnance de la menace terroriste dans notre pays ; la tenue, dans quelques mois, des jeux Olympiques et Paralympiques accroît encore les risques, comme M. le ministre de l'intérieur vient de le rappeler.
Les risques que fait peser la menace terroriste sont encore renforcés par le fait que les profils des terroristes évoluent : aux exactions d'équipes envoyées depuis l'étranger a succédé une menace endogène, alimentée par des individus installés sur le territoire national et perméables à l'idéologie djihadiste.
Bien que nos services de renseignement aient déjà déjoué de nombreuses actions terroristes en devenir – je salue à cet égard l'engagement et le dévouement des agents au service de la sécurité de nos concitoyens –, il faut aujourd'hui adapter notre droit pour répondre aux nouvelles formes de terrorisme. Tel est bien l'objet du présent texte.
Nous avions adopté en 2021 une proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention. Il faut compléter ce dispositif.
Le texte que nous examinons procède à plusieurs améliorations de dispositifs existants, que nous soutenons.
Il s'agit tout d'abord d'élargir l'éventail des mesures que le juge peut prononcer, de mieux assurer le suivi des anciens détenus et d'étendre la rétention de sûreté aux auteurs d'actes terroristes.
Ensuite, les dispositions législatives relatives au contrôle judiciaire et à l'assignation à résidence doivent être modifiées.
Enfin, nous sommes pleinement favorables aux dispositions qui permettent l'expulsion des étrangers terroristes et leur interdiction du territoire : ces individus ne méritent pas de rester sur notre sol !
Je vous l'avoue, mes chers collègues, nous étions plus réservés s'agissant de la notion d'« inconduite notoire », qui a déjà fait l'objet d'un débat en commission des lois. Elle pourrait justifier qu'il soit mis fin à une semi-liberté, une détention à domicile sous bracelet, ou une libération conditionnelle.
Je salue l'amendement de M. le rapporteur visant à remplacer cette notion par celle, beaucoup plus précise, de « comportement contraire aux valeurs de la République », en lien direct avec le champ de l'incrimination.
Les obligations fixées doivent être claires et précises, afin que leur exécution soit sans équivoque et que le juge puisse sanctionner des manquements précis sans déborder du cadre défini ; tel est bien l'objet de l'amendement de M. le rapporteur.
De même, la création d'un nouveau délit d'adhésion à une idéologie terroriste nous paraît être une idée intéressante, mais délicate à manier. Nous partageons l'objectif et considérons que le travail en commission a permis d'en améliorer la rédaction. Une telle infraction se situe néanmoins aux limites de la légalité. Nous espérons que le travail législatif permettra d'aboutir à une rédaction encore améliorée.
La proposition de loi permet également de corriger plusieurs erreurs qui subsistent dans notre droit positif, notamment en ce qui concerne la procédure de changement de nom.
Il s'agit de rendre plus opérationnels encore des dispositifs qui participent déjà de l'amélioration de la sécurité de nos concitoyens.
En conséquence, la présente proposition de loi nous paraît contribuer utilement à renforcer notre arsenal pénal, tout en préservant, de façon équilibrée, les libertés fondamentales de nos concitoyens et en respectant l'État de droit, qui n'est pas nécessairement un État faible !
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra donc son adoption.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis 2012 et les tueries abjectes de Mohammed Merah, notre pays a connu une cinquantaine d’actes terroristes islamistes, provoquant 272 morts et 1 200 blessés selon le décompte de la DGSI.
Il revient au législateur que nous sommes de donner les armes juridiques nécessaires au peuple français pour nous prémunir collectivement d’un tel danger.
Ainsi, cette proposition de loi, qui instaure trois nouvelles mesures de sûreté applicables aux condamnés pour terrorisme, afin de renforcer leur surveillance à leur sortie de détention, ainsi que d’autres dispositifs visant à mieux contrôler et réprimer les auteurs d’actes terroristes, va dans le bon sens, c’est-à-dire dans le sens d’un « réarmement », pour reprendre un mot à la mode, de la société face à cette idéologie totalitaire et meurtrière.
Ces mesures reprennent d’ailleurs ce que nous préconisons depuis des années, au Rassemblement national, à propos des terroristes, qui ne sont pas des délinquants de droit commun, car ils poursuivent un but bien différent, celui de détruire la société. Ils se fichent de la réinsertion sociale, ils la refusent totalement. Ils ne veulent pas être réinsérés dans une société qu’ils combattent et détestent. La mise en place de mesures de réintégration sociale les concernant est vouée à l’échec. D’où l’intérêt des mesures de sûreté, qui correspondent finalement au principe de précaution inscrit dans la Constitution.
Néanmoins, il conviendrait d’aller plus loin dans la recherche de la protection des Français. Nous proposons ainsi depuis des années l’expulsion automatique des terroristes étrangers ayant purgé leur peine en France, afin de dégager du temps et de l’argent en matière de surveillance et d’éviter tout risque de récidive.
De la même façon, il nous paraît opportun de déchoir de la nationalité française des terroristes français ayant commis des actes contre notre pays ou les ayant projetés, mais aussi d’expulser automatiquement vers leur pays d’origine tous ceux qui seraient dotés d’une double nationalité. Le Conseil d’État a d’ailleurs, en mai 2023, confirmé la déchéance de nationalité décidée par le Gouvernement à l’encontre d’une Franco-Turque de 25 ans, condamnée en 2017 pour avoir projeté un attentat en France. Dans son ordonnance, le Conseil d’État a considéré que la déchéance de nationalité de cet individu n’était pas « disproportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits commis ».
Depuis 2019, une vingtaine de déchéances de nationalité ont été prononcées pour terrorisme en France, mais il est impossible pour l’instant de déchoir ceux qui sont nés Français. Il faut que la loi le permette : tous ceux qui ont porté les armes contre notre pays sont indignes d’en posséder la nationalité, nés français ou pas.
Enfin, il convient de rappeler une évidence : le terrorisme islamique est un phénomène importé par l’immigration. Selon Le Figaro, en France, depuis 2015 « sauf deux exceptions – deux Français convertis –, tous les autres terroristes islamistes sont, à plus ou moins long terme, le fruit de l’immigration issue des pays musulmans ».
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis 2012 et les tueries abjectes de Mohammed Merah, notre pays a connu une cinquantaine d’actes terroristes islamistes, provoquant 272 morts et 1 200 blessés selon le décompte de la DGSI.
Il revient au législateur que nous sommes de donner les armes juridiques nécessaires au peuple français pour nous prémunir collectivement d’un tel danger.
Ainsi, cette proposition de loi, qui instaure trois nouvelles mesures de sûreté applicables aux condamnés pour terrorisme, afin de renforcer leur surveillance à leur sortie de détention, ainsi que d’autres dispositifs visant à mieux contrôler et réprimer les auteurs d’actes terroristes, va dans le bon sens, c’est-à-dire dans le sens d’un « réarmement », pour reprendre un mot à la mode, de la société face à cette idéologie totalitaire et meurtrière.
Ces mesures reprennent d’ailleurs ce que nous préconisons depuis des années, au Rassemblement national, à propos des terroristes, qui ne sont pas des délinquants de droit commun, car ils visent un but bien différent, celui de détruire la société. Ils se fichent de la réinsertion sociale, ils la refusent totalement. Ils ne veulent pas être réinsérés dans une société qu’ils combattent et détestent. La mise en place de mesures de réintégration sociale les concernant est vouée à l’échec. D’où l’intérêt des mesures de sûreté, qui correspondent finalement au principe de précaution inscrit dans la Constitution.
Néanmoins, il conviendrait d’aller plus loin dans la recherche de la protection des Français. Nous proposons ainsi depuis des années l’expulsion automatique des terroristes étrangers ayant purgé leur peine en France, afin de dégager du temps et de l’argent en matière de surveillance et d’éviter tout risque de récidive.
De la même façon, il nous paraît opportun de déchoir de la nationalité française des terroristes français ayant commis des actes contre notre pays ou les ayant projetés, mais aussi d’expulser automatiquement vers leur pays d’origine tous ceux qui seraient dotés d’une double nationalité. Le Conseil d’État a d’ailleurs, en mai 2023, confirmé la déchéance de nationalité décidée par le Gouvernement à l’encontre d’une Franco-Turque de 25 ans, condamnée en 2017 pour avoir projeté un attentat en France. Dans son ordonnance, le Conseil d’État a considéré que la déchéance de nationalité de cet individu n’était pas « disproportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits commis ».
Depuis 2019, une vingtaine de déchéances de nationalité ont été prononcées pour terrorisme en France, mais il est impossible pour l’instant de déchoir ceux qui sont nés Français. Il faut que la loi le permette : tous ceux qui ont porté les armes contre notre pays sont indignes d’en posséder la nationalité, nés français ou pas.
Enfin, il convient de rappeler une évidence : le terrorisme islamique est un phénomène importé par l’immigration. Selon Le Figaro, en France, depuis 2015 « sauf deux exceptions – deux Français convertis –, tous les autres terroristes islamistes sont, à plus ou moins long terme, le fruit de l’immigration issue des pays musulmans ».
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le terrorisme est toujours présent en France, cela a été largement rappelé.
La question posée cet après-midi est la suivante : avons-nous tout fait pour lutter contre le terrorisme ? En l'absence de totale certitude, l'exécutif et le Parlement ont l'obligation de faire le maximum. Le garde des sceaux a tout à l'heure évoqué un objectif louable ; tout comme le président de la commission des lois, il a la volonté de supprimer les angles morts. Chacun est d'accord pour mener, le plus efficacement possible, la lutte contre le terrorisme. Je ne crois pas, ma chère collègue Corinne Narassiguin, qu'il s'agisse d'une question de communication politique : nous nous passerions bien d'avoir à mener ce combat !
Depuis 2015, le sujet de la lutte contre le terrorisme n'a jamais quitté le champ des préoccupations du Parlement. Je pense aux mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence, à la loi Silt de 2017, à la loi du 17 août 2020, qui a créé une mesure judiciaire de suivi et de surveillance dite post-sentencielle, ainsi qu'aux dispositions de 2021 sanctuarisant les Micas, que vous avez tous en tête.
Ces textes successifs démontrent la difficulté de la tâche, dans ses dimensions tant opérationnelles que juridiques. Votre travail, monsieur le rapporteur, a été de tenter de concilier, dans le cadre de l'analyse des propositions de nos collègues auteurs de la proposition de loi, les contraintes opérationnelles et la logique de conformité constitutionnelle.
Le volet constitutionnel a été largement évoqué durant les débats. Sans faire, bien entendu, nulle référence à l'actualité de demain, je crois qu'on peut le considérer sous deux angles.
Sur un plan direct, les garanties proposées, notamment pour les mesures de sûreté – je pense à l'adhésion « persistante » et à la probabilité « très élevée » –, permettront-elles de franchir le test de constitutionnalité ? On le voit bien, les éléments sont subtils.
Par ailleurs, sur un plan indirect, l'évolution de la menace ne constitue-t-elle pas un facteur d'évolution de l'appréciation de la proportionnalité et de la nécessité des mesures envisagées ?
Je serais tenté de dire que ces deux plans ont une influence. Chacun constate l'évolution de la menace terroriste. Vous avez fait référence, mes chers collègues, aux loups solitaires, à l'idée qu'une radicalisation peut survenir alors même que l'on est isolé. Ainsi les responsables des mosquées font-ils aujourd'hui référence, lorsque l'on discute avec eux, à l'« imam Google », qui a remplacé leur propre autorité. Il existe donc une autoradicalisation.
Par ailleurs, ce sont des personnes condamnées à des peines longues à la suite d'actes terroristes qui vont bientôt sortir de prison. Or la lutte contre la radicalisation n'a obtenu qu'une réussite limitée ; c'est d'ailleurs l'un des points faibles de notre société. En outre, le taux de troubles psychiatriques parmi ces personnes est important.
Dans ces conditions, il est normal d'examiner au mieux les conditions d'équilibre et de proportionnalité des mesures proposées. Je ne crois pas qu'il y ait là une référence à une justice que l'on pourrait dire « prédictive ». Quant à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, elle n'a qu'un lointain rapport avec les sujets qui nous occupent aujourd'hui. Il me semble donc difficile de reprendre des citations de l'époque !
Le groupe Union Centriste considère que les deux nouvelles rétentions de sûreté proposées vont dans le bon sens. Elles concernent, d'une part, les personnes condamnées pour fait de terrorisme atteintes de troubles psychiatriques graves et, d'autre part, les personnes condamnées encore engagées dans une idéologie radicale.
Nous approuvons une telle extension. Nous approuvons aussi que soit retravaillé – c'est peut-être l'un des points les plus délicats de la proposition de loi – le délit de recel d'apologie du terrorisme. La conciliation entre les libertés, le principe de légalité d'une infraction et l'objectif à valeur constitutionnelle d'ordre public est un problème qui résonne singulièrement.
Il nous faut tout de même mesurer l'importance du sujet à traiter, au-delà de la qualification juridique. Si, à l'occasion d'une visite domiciliaire, sont révélés la détention ou l'enregistrement de données à caractère terroriste, que fait-on ? On voit bien que le choix est entre judiciariser, avec les garanties qui en résultent, et ne rien faire, ce qui, dans une telle situation, me paraîtrait extrêmement perturbateur. C'est un risque qu'il serait difficile de prendre, alors même que nous prenons bien volontiers en considération l'attention que vous avez manifestée pour la qualité de la rédaction de cette disposition.
J'avoue avoir un faible pour la créativité des auteurs de la proposition de loi et de notre rapporteur, qui souhaitent aller chercher, si vous me permettez cette formule, la diffusion de contenus faisant l'apologie du terrorisme sur des réseaux de communication privés, lorsque l'ampleur de cette diffusion est importante ou en cas d'absence, entre les destinataires, d'intérêts communs autres que celui pour le terrorisme. Je crois effectivement que l'autoradicalisation peut s'alimenter dans des groupes WhatsApp, Telegram et autres, en tout cas dans la fréquentation d'un environnement qui isole et fournit une sorte de substrat mortifère.
Je suis un peu plus réservé sur la peine complémentaire de bannissement numérique. Je comprends, monsieur le rapporteur, que ce sont les mineurs qui seraient particulièrement visés. Toutefois, je vois mal ce qui interdirait de créer des profils successifs, sauf à ce que les plateformes bannissent à partir de l'identifiant de connexion, ce qui me paraît plus compliqué.
En outre, je vois mal la portée de l'interdiction de paraître dans les transports en commun, même si je comprends bien que vous avez en tête les jeux Olympiques.
Enfin, s'agissant des articles 9 et 10, ils seront revus dans le cadre de la navette.
Malgré la lourdeur et la noirceur du sujet, je souhaite conclure de manière un petit peu plus ludique, en évoquant l'« inconduite notoire » comme motif de retrait d'un sursis probatoire. Une telle référence m'a quelque peu étonné, même si je partage, monsieur le rapporteur, votre souci d'en trouver une. Je dois cependant l'admettre, l'article 733 du code de procédure pénale fait bien référence à l'inconduite notoire comme motif de retrait d'une libération conditionnelle, ce qui montre que le droit pénal peut aussi réserver quelques surprises !
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.
Bien sûr que si ! Pour le chercheur Jean-Baptiste Meyer, « le nier aujourd’hui reviendrait à renoncer à expliquer une part importante de ces événements ».
Peut-être une telle explication ne vous intéresse-t-elle pas, monsieur le ministre !
Ainsi, au-delà de tout l’arsenal judiciaire, la lutte contre le terrorisme islamique passe d’abord et avant tout par une maîtrise totale de nos flux migratoires et leur réduction drastique, ce qui paraît à tous les Français la chose la plus élémentaire à faire.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le terrorisme, c'est un venin inoculé à la démocratie, dont le but est de nous faire perdre nos valeurs, ce qui permet ensuite d'affirmer que nous ne valons pas mieux en termes de non-droit et de violence. Nous savons ce qu'il en est advenu pour la démocratie américaine à Guantanamo.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui est un texte qui respecte l'État de droit, qui n'est pas, je le rappelle, l'État de faiblesse. Quelle a été la démarche du président de la commission des lois et du rapporteur ? Ils ont fait le point avec les acteurs de la lutte antiterroriste pour tenter, au vu d'un certain nombre de dossiers, d'améliorer l'efficacité des forces de l'ordre et de l'institution judiciaire.
Ces propositions sont-elles, par nature, contraires à l'État de droit ? J'en viens d'emblée à la disposition la plus contestée, à savoir celle de la rétention de sûreté, notion que nous n'avons pas inventée. Ce que vous dites est tout de même extraordinaire, monsieur le garde des sceaux ! Ce n'est pas de la justice « prédictive » ! La rétention existe dans le code de procédure pénale ; elle a été votée et avalisée.
M. Joshua Hochart applaudit. – Protestations au banc du Gouvernement.
Nous nous contentons d'ajouter, après les violeurs, les pédophiles, les assassins et les auteurs d'actes de barbarie, les terroristes. Vraiment, cela vous choque-t-il d'ajouter à cette liste ceux qui sèment la terreur et tuent ? Car c'est de cela qu'il s'agit !
Si vous relisez l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, vous verrez qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle obéissant à un certain nombre de conditions.
Vous ne pouvez donc pas dire à nos concitoyens qu'il faudrait refuser cette mesure exceptionnelle, qui existe d'ores et déjà, qui est encadrée par la loi, au motif qu'en la complétant dans le sens que nous proposons nous porterions atteinte aux libertés. §
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France est, depuis toujours, l’une des cibles privilégiées des actes terroristes.
Encore très récemment, l’assassinat de Dominique Bernard, en octobre 2023, nous a rappelé la prégnance de la menace terroriste dans notre pays ; la tenue, dans quelques mois, des jeux Olympiques et Paralympiques accroît encore les risques, comme M. le ministre de l’intérieur vient de le rappeler.
Les risques que fait peser la menace terroriste sont encore renforcés par le fait que les profils des terroristes évoluent : aux exactions d’équipes envoyées depuis l’étranger a succédé une menace endogène, alimentée par des individus installés sur le territoire national et perméables à l’idéologie djihadiste.
Bien que nos services de renseignement aient déjà déjoué de nombreuses actions terroristes en devenir – je salue à cet égard l’engagement et le dévouement des agents au service de la sécurité de nos concitoyens –, il faut aujourd’hui adapter notre droit pour répondre aux nouvelles formes de terrorisme. Tel est bien l’objet du présent texte.
Nous avions adopté en 2021 une proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention. Il faut compléter ce dispositif.
Le texte que nous examinons procède à plusieurs améliorations de dispositifs existants, que nous soutenons.
Il s’agit tout d’abord d’élargir l’éventail des mesures que le juge peut prononcer, de mieux assurer le suivi des anciens détenus et d’étendre la rétention de sûreté aux auteurs d’actes terroristes.
Ensuite, les dispositions législatives relatives au contrôle judiciaire et à l’assignation à résidence doivent être modifiées.
Enfin, nous sommes pleinement favorables aux dispositions qui permettent l’expulsion des étrangers terroristes et leur interdiction du territoire : ces individus ne méritent pas de rester sur notre sol !
Je vous l’avoue, mes chers collègues, nous étions plus réservés s’agissant de la notion d’« inconduite notoire », qui a déjà fait l’objet d’un débat en commission des lois. Elle pourrait justifier qu’il soit mis fin à une semi-liberté, une détention à domicile sous bracelet, ou une libération conditionnelle.
Je salue l’amendement de M. le rapporteur visant à remplacer cette notion par celle, beaucoup plus précise, de « comportement contraire aux valeurs de la République », en lien direct avec le champ de l’incrimination.
Les obligations fixées doivent être claires et précises, afin que leur exécution soit sans équivoque et que le juge puisse sanctionner des manquements précis sans déborder du cadre défini ; tel est bien l’objet de l’amendement de M. le rapporteur.
De même, la création d’un nouveau délit d’adhésion à une idéologie terroriste nous paraît être une idée intéressante, mais délicate à manier. Nous partageons l’objectif et considérons que le travail en commission a permis d’en améliorer la rédaction. Une telle infraction se situe néanmoins aux limites de la légalité. Nous espérons que le travail législatif permettra d’aboutir à une rédaction encore améliorée.
La proposition de loi permet également de corriger plusieurs erreurs qui subsistent dans notre droit positif, notamment en ce qui concerne la procédure de changement de nom.
Il s’agit de rendre plus opérationnels encore des dispositifs qui participent déjà de l’amélioration de la sécurité de nos concitoyens.
En conséquence, la présente proposition de loi nous paraît contribuer utilement à renforcer notre arsenal pénal, tout en préservant, de façon équilibrée, les libertés fondamentales de nos concitoyens et en respectant l’État de droit, qui n’est pas nécessairement un État faible !
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra donc son adoption.
Vous vous inquiétez par ailleurs des problèmes de dissolution d'associations. Mais le terrorisme est une chaîne ! Il y a celui qui tue, mais il y a aussi celui qui loue l'appartement, celui qui fournit les armes, celui qui fournit la voiture, etc. : toute une série de maillons dont font partie des associations, qui font office, par exemple, d'agences de voyage vers la Turquie, vers la Syrie, vers les territoires contrôlés par Daech. Il faut s'armer de tous les moyens normatifs possibles dans cette lutte.
En outre, d'éventuelles dissolutions – M. le ministre de l'intérieur le sait – ne se font que sous le contrôle de la justice administrative, laquelle ne partage pas toujours nos analyses.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Ainsi va l'État de droit !
Notre vision est simple : lutter contre le terrorisme sous le contrôle du juge. En tout état de cause, je ne vois pas en quoi ces dispositions portent atteinte à l'État de droit.
Pour ce qui est des mineurs radicalisés, lorsqu'un mineur de plus de 13 ans est mis en prison, pensez-vous vraiment que ce puisse être parce qu'il a commis un péché véniel ? J'étais voilà quelques semaines au tribunal criminel pour enfants où étaient jugés les gamins qui ont dénoncé – vendu – Samuel Paty à son assassin. À quelle peine ont-ils été condamnés ? Vingt mois de prison, dont une partie avec sursis. Quand la justice met un mineur en prison, vous pensez bien qu'elle le fait par nécessité, pour des raisons impérieuses.
J'en viens au délit de recel d'apologie du terrorisme.
Le père Hamel a été tué parce qu'en quarante-huit heures, sur WhatsApp, ses assassins se sont rencontrés. Cette boucle WhatsApp était suivie par le renseignement territorial, mais celui-ci n'a tout simplement pas eu les moyens d'arrêter les futurs meurtriers. Si les dispositions de la présente proposition de loi avaient existé, il aurait été possible d'intervenir !
Je veux bien que, dans un monde parfait, on puisse tout faire, sonder les cœurs et les reins, et se dire que l'on va sauver tout le monde. Mais l'impératif d'efficacité commande que nous nous donnions les moyens de lutter contre le terrorisme. Cette proposition de loi a peut-être l'apparence d'un paquet de mesures séparées, mais c'est bien l'expérience du terrain qui nous conduit à rassembler ces divers éléments.
Nous avons par ailleurs, avec M. le rapporteur, un point de divergence – il le sait. Il a certes accompli un très gros travail, et M. Bonnecarrère a raison de dire que l'inconduite notoire existe déjà dans le code de procédure pénale. Après qu'un avocat a contesté les dispositions afférentes et demandé à ce que le Conseil constitutionnel soit saisi parce qu'il estimait que cette notion était trop vague, la chambre criminelle – qui porte parfois bien son nom – de la Cour de cassation a statué qu'il n'y avait pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel n'a donc pas eu à se prononcer, à ce jour, sur la notion d'« inconduite notoire ». Reste qu'à mon avis il est impossible de s'appuyer sur une telle notion ; et la nouvelle formulation retenue par la commission ne me satisfait pas.
Dans l'ensemble, néanmoins, mes chers collègues, le texte que nous vous demandons d'adopter est un texte efficace, utile, qui ne viole aucun principe juridique.
J'ajoute une dernière remarque.
M. le ministre de l'intérieur a dit, à juste titre, qu'il était chagriné par un aspect du texte, à savoir les aggravations de peine prévues à l'encontre des imams faisant l'apologie du terrorisme…
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le terrorisme est toujours présent en France, cela a été largement rappelé.
La question posée cet après-midi est la suivante : avons-nous tout fait pour lutter contre le terrorisme ? En l’absence de totale certitude, l’exécutif et le Parlement ont l’obligation de faire le maximum. Le garde des sceaux a tout à l’heure évoqué un objectif louable ; tout comme le président de la commission des lois, il a la volonté de supprimer les angles morts. Chacun est d’accord pour mener, le plus efficacement possible, la lutte contre le terrorisme. Je ne crois pas, ma chère collègue Corinne Narassiguin, qu’il s’agisse d’une question de communication politique : nous nous passerions bien d’avoir à mener ce combat !
Depuis 2015, le sujet de la lutte contre le terrorisme n’a jamais quitté le champ des préoccupations du Parlement. Je pense aux mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, à la loi Silt de 2017, à la loi du 17 août 2020, qui a créé une mesure judiciaire de suivi et de surveillance dite post-sentencielle, ainsi qu’aux dispositions de 2021 sanctuarisant les Micas, que vous avez tous en tête.
Ces textes successifs démontrent la difficulté de la tâche, dans ses dimensions tant opérationnelles que juridiques. Votre travail, monsieur le rapporteur, a été de tenter de concilier, dans le cadre de l’analyse des propositions de nos collègues auteurs de la proposition de loi, les contraintes opérationnelles et la logique de conformité constitutionnelle.
Le volet constitutionnel a été largement évoqué durant les débats. Sans faire, bien entendu, nulle référence à l’actualité de demain, je crois qu’on peut le considérer sous deux angles.
Sur un plan direct, les garanties proposées, notamment pour les mesures de sûreté – je pense à l’adhésion « persistante » et à la probabilité « très élevée » –, permettront-elles de franchir le test de constitutionnalité ? On le voit bien, les éléments sont subtils.
Par ailleurs, sur un plan indirect, l’évolution de la menace ne constitue-t-elle pas un facteur d’évolution de l’appréciation de la proportionnalité et de la nécessité des mesures envisagées ?
Je serais tenté de dire que ces deux plans ont une influence. Chacun constate l’évolution de la menace terroriste. Vous avez fait référence, mes chers collègues, aux loups solitaires, à l’idée qu’une radicalisation peut survenir alors même que l’on est isolé. Ainsi les responsables des mosquées font-ils aujourd’hui référence, lorsque l’on discute avec eux, à l’« imam Google », qui a remplacé leur propre autorité. Il existe donc une autoradicalisation.
Par ailleurs, ce sont des personnes condamnées à des peines longues à la suite d’actes terroristes qui vont bientôt sortir de prison. Or la lutte contre la radicalisation n’a obtenu qu’une réussite limitée ; c’est d’ailleurs l’un des points faibles de notre société. En outre, le taux de troubles psychiatriques parmi ces personnes est important.
Dans ces conditions, il est normal d’examiner au mieux les conditions d’équilibre et de proportionnalité des mesures proposées. Je ne crois pas qu’il y ait là une référence à une justice que l’on pourrait dire « prédictive ». Quant à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, elle n’a qu’un lointain rapport avec les sujets qui nous occupent aujourd’hui. Il me semble donc difficile de reprendre des citations de l’époque !
Le groupe Union Centriste considère que les deux nouvelles rétentions de sûreté proposées vont dans le bon sens. Elles concernent, d’une part, les personnes condamnées pour fait de terrorisme atteintes de troubles psychiatriques graves et, d’autre part, les personnes condamnées encore engagées dans une idéologie radicale.
Nous approuvons une telle extension. Nous approuvons aussi que soit retravaillé – c’est peut-être l’un des points les plus délicats de la proposition de loi – le délit de recel d’apologie du terrorisme. La conciliation entre les libertés, le principe de légalité d’une infraction et l’objectif à valeur constitutionnelle d’ordre public est un problème qui résonne singulièrement.
Il nous faut tout de même mesurer l’importance du sujet à traiter, au-delà de la qualification juridique. Si, à l’occasion d’une visite domiciliaire, sont révélés la détention ou l’enregistrement de données à caractère terroriste, que fait-on ? On voit bien que le choix est entre judiciariser, avec les garanties qui en résultent, et ne rien faire, ce qui, dans une telle situation, me paraîtrait extrêmement perturbateur. C’est un risque qu’il serait difficile de prendre, alors même que nous prenons bien volontiers en considération l’attention que vous avez manifestée pour la qualité de la rédaction de cette disposition.
J’avoue avoir un faible pour la créativité des auteurs de la proposition de loi et de notre rapporteur, qui souhaitent aller chercher, si vous me permettez cette formule, la diffusion de contenus faisant l’apologie du terrorisme sur des réseaux de communication privés, lorsque l’ampleur de cette diffusion est importante ou en cas d’absence, entre les destinataires, d’intérêts communs autres que celui pour le terrorisme. Je crois effectivement que l’autoradicalisation peut s’alimenter dans des groupes WhatsApp, Telegram et autres, en tout cas dans la fréquentation d’un environnement qui isole et fournit une sorte de substrat mortifère.
Je suis un peu plus réservé sur la peine complémentaire de bannissement numérique. Je comprends, monsieur le rapporteur, que ce sont les mineurs qui seraient particulièrement visés. Toutefois, je vois mal ce qui interdirait de créer des profils successifs, sauf à ce que les plateformes bannissent à partir de l’identifiant de connexion, ce qui me paraît plus compliqué.
En outre, je vois mal la portée de l’interdiction de paraître dans les transports en commun, même si je comprends bien que vous avez en tête les jeux Olympiques.
Enfin, s’agissant des articles 9 et 10, ils seront revus dans le cadre de la navette.
Malgré la lourdeur et la noirceur du sujet, je souhaite conclure de manière un petit peu plus ludique, en évoquant l’« inconduite notoire » comme motif de retrait d’un sursis probatoire. Une telle référence m’a quelque peu étonné, même si je partage, monsieur le rapporteur, votre souci d’en trouver une. Je dois cependant l’admettre, l’article 733 du code de procédure pénale fait bien référence à l’inconduite notoire comme motif de retrait d’une libération conditionnelle, ce qui montre que le droit pénal peut aussi réserver quelques surprises !
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le terrorisme est toujours présent en France, cela a été largement rappelé.
La question posée cet après-midi est la suivante : avons-nous tout fait pour lutter contre le terrorisme ? En l’absence de totale certitude, l’exécutif et le Parlement ont l’obligation de faire le maximum. Le garde des sceaux a tout à l’heure évoqué un objectif louable ; tout comme le président de la commission des lois, il a la volonté de supprimer les angles morts. Chacun est d’accord pour mener, le plus efficacement possible, la lutte contre le terrorisme. Je ne crois pas, ma chère collègue Corinne Narassiguin, qu’il s’agisse d’une question de communication politique : nous nous passerions bien d’avoir à mener ce combat !
Depuis 2015, le sujet de la lutte contre le terrorisme n’a jamais quitté le champ des préoccupations du Parlement. Je pense aux mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, à la loi Silt de 2017, à la loi du 17 août 2020, qui a créé une mesure judiciaire de suivi et de surveillance dite post-sentencielle, ainsi qu’aux dispositions de 2021 sanctuarisant les Micas, que vous avez tous en tête.
Ces textes successifs démontrent la difficulté de la tâche, dans ses dimensions tant opérationnelles que juridiques. Votre travail, monsieur le rapporteur, a été de tenter de concilier, dans le cadre de l’analyse des propositions de nos collègues auteurs de la proposition de loi, les contraintes opérationnelles et la logique de conformité constitutionnelle.
Le volet constitutionnel a été largement évoqué durant les débats. Sans faire, bien entendu, nulle référence à l’actualité de demain, je crois qu’on peut le considérer sous deux angles.
Sur un plan direct, les garanties proposées, notamment pour les mesures de sûreté – je pense à l’adhésion « persistante » et à la probabilité « très élevée » –, permettront-elles de franchir le test de constitutionnalité ? On le voit bien, les éléments sont subtils.
Par ailleurs, sur un plan indirect, l’évolution de la menace ne constitue-t-elle pas un facteur d’évolution de l’appréciation de la proportionnalité et de la nécessité des mesures envisagées ?
Je serais tenté de dire que ces deux plans ont une influence. Chacun constate l’évolution de la menace terroriste. Vous avez fait référence, mes chers collègues, aux loups solitaires, à l’idée qu’une radicalisation peut survenir alors même que l’on est isolé. Ainsi les responsables des mosquées font-ils aujourd’hui référence, lorsque l’on discute avec eux, à l’« imam Google », qui a remplacé leur propre autorité. Il existe donc une autoradicalisation.
Par ailleurs, ce sont des personnes condamnées à des peines longues à la suite d’actes terroristes qui vont bientôt sortir de prison. Or la lutte contre la radicalisation n’a obtenu qu’une réussite limitée ; c’est d’ailleurs l’un des points faibles de notre société. En outre, le taux de troubles psychiatriques parmi ces personnes est important.
Dans ces conditions, il est normal d’examiner au mieux les conditions d’équilibre et de proportionnalité des mesures proposées. Je ne crois pas qu’il y ait là une référence à une justice que l’on pourrait dire « prédictive ». Quant à la loi de 2008 sur la rétention de sûreté, elle n’a qu’un lointain rapport avec les sujets qui nous occupent aujourd’hui. Il me semble donc difficile de reprendre des citations de l’époque !
Le groupe Union Centriste considère que les deux nouvelles rétentions de sûreté proposées vont dans le bon sens. Elles concernent, d’une part, les personnes condamnées pour fait de terrorisme atteintes de troubles psychiatriques graves et, d’autre part, les personnes condamnées encore engagées dans une idéologie radicale.
Nous approuvons une telle extension. Nous approuvons aussi que soit retravaillé – c’est peut-être l’un des points les plus délicats de la proposition de loi – le délit de recel d’apologie du terrorisme. La conciliation entre les libertés, le principe de légalité d’une infraction et l’objectif à valeur constitutionnelle d’ordre public est un problème qui résonne singulièrement.
Il nous faut tout de même mesurer l’importance du sujet à traiter, au-delà de la qualification juridique. Si, à l’occasion d’une visite domiciliaire, sont révélés la détention ou l’enregistrement de données à caractère terroriste, que fait-on ? On voit bien que le choix est entre judiciariser, avec les garanties qui en résultent, et ne rien faire, ce qui, dans une telle situation, me paraîtrait extrêmement perturbateur. C’est un risque qu’il serait difficile de prendre, alors même que nous prenons bien volontiers en considération l’attention que vous avez manifestée pour la qualité de la rédaction de cette disposition.
J’avoue avoir un faible pour la créativité des auteurs de la proposition de loi et de notre rapporteur, qui souhaitent aller chercher, si vous me permettez cette formule, la diffusion de contenus faisant l’apologie du terrorisme sur des réseaux de communication privés, lorsque l’ampleur de cette diffusion est importante ou en cas d’absence, entre les destinataires, d’intérêts communs autres que celui pour le terrorisme. Je crois en effet que l’autoradicalisation peut s’alimenter dans des groupes WhatsApp, Telegram et autres, en tout cas dans la fréquentation d’un environnement qui isole et fournit une sorte de substrat mortifère.
Je suis un peu plus réservé sur la peine complémentaire de bannissement numérique. Je comprends, monsieur le rapporteur, que ce sont les mineurs qui seraient particulièrement visés. Toutefois, je vois mal ce qui interdirait de créer des profils successifs, sauf à ce que les plateformes bannissent à partir de l’identifiant de connexion, ce qui me paraît plus compliqué.
En outre, je vois mal la portée de l’interdiction de paraître dans les transports en commun, même si je comprends bien que vous avez en tête les jeux Olympiques.
Enfin, s’agissant des articles 9 et 10, ils seront revus dans le cadre de la navette.
Malgré la lourdeur et la noirceur du sujet, je souhaite conclure de manière un petit peu plus ludique, en évoquant l’« inconduite notoire » comme motif de retrait d’un sursis probatoire. Une telle référence m’a quelque peu étonné, même si je partage, monsieur le rapporteur, votre souci d’en trouver une. Je dois cependant l’admettre, l’article 733 du code de procédure pénale fait bien référence à l’inconduite notoire comme motif de retrait d’une libération conditionnelle, ce qui montre que le droit pénal peut aussi réserver quelques surprises !
… dans les lieux de culte. Il s'est inquiété de ce que le Conseil d'État a déjà émis, sur des mesures similaires, un avis défavorable. J'ai beaucoup de respect pour le Conseil d'État ; mais celui-ci, comme son nom l'indique, ne donne que des conseils : il ne dit pas la conformité à la Constitution.
Et, comme M. le ministre l'a fait remarquer, il est quand même extraordinaire que le ministre du culte ait droit à toute la considération du Conseil d'État quand il est victime – en cas d'agression, il fait l'objet, comme le lieu de culte, d'une protection spécifique, le fait que la victime ait la qualité de ministre du culte et que l'agression soit commise dans un lieu affecté au culte valant circonstance aggravante – et à toute son indulgence quand il est auteur. Je pense donc qu'il faut maintenir cette nouvelle circonstance aggravante.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le terrorisme, c’est un venin inoculé à la démocratie, dont le but est de nous faire perdre nos valeurs, ce qui permet ensuite d’affirmer que nous ne valons pas mieux en termes de non-droit et de violence. Nous savons ce qu’il en est advenu pour la démocratie américaine à Guantanamo.
Le texte qui vous est soumis aujourd’hui est un texte qui respecte l’État de droit, qui n’est pas, je le rappelle, l’État de faiblesse. Quelle a été la démarche du président de la commission des lois et du rapporteur ? Ils ont fait le point avec les acteurs de la lutte antiterroriste pour tenter, au vu d’un certain nombre de dossiers, d’améliorer l’efficacité des forces de l’ordre et de l’institution judiciaire.
Ces propositions sont-elles, par nature, contraires à l’État de droit ? J’en viens d’emblée à la disposition la plus contestée, à savoir celle de la rétention de sûreté, notion que nous n’avons pas inventée. Ce que vous dites est tout de même extraordinaire, monsieur le garde des sceaux ! Ce n’est pas de la justice « prédictive » ! La rétention existe dans le code de procédure pénale ; elle a été votée et avalisée.
Nous nous contentons d’ajouter, après les violeurs, les pédophiles, les assassins et les auteurs d’actes de barbarie, les terroristes. Vraiment, cela vous choque-t-il d’ajouter à cette liste ceux qui sèment la terreur et tuent ? Car c’est de cela qu’il s’agit !
Si vous relisez l’article 706-53-13 du code de procédure pénale, vous verrez qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle obéissant à un certain nombre de conditions.
Vous ne pouvez donc pas dire à nos concitoyens qu’il faudrait refuser cette mesure exceptionnelle, qui existe d’ores et déjà, qui est encadrée par la loi, au motif qu’en la complétant dans le sens que nous proposons nous porterions atteinte aux libertés.
L'amendement n° 31, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Vous vous inquiétez par ailleurs des problèmes de dissolution d’associations. Mais le terrorisme est une chaîne ! Il y a celui qui tue, mais il y a aussi celui qui loue l’appartement, celui qui fournit les armes, celui qui fournit la voiture, etc. : toute une série de maillons dont font partie des associations, qui font office, par exemple, d’agences de voyage vers la Turquie, vers la Syrie, vers les territoires contrôlés par Daech. Il faut s’armer de tous les moyens normatifs possibles dans cette lutte.
En outre, d’éventuelles dissolutions – M. le ministre de l’intérieur le sait – ne se font que sous le contrôle de la justice administrative, laquelle ne partage pas toujours nos analyses.
Vous vous inquiétez par ailleurs des problèmes de dissolution d’associations. Mais le terrorisme est une chaîne ! Il y a celui qui tue, mais il y a aussi celui qui loue l’appartement, celui qui fournit les armes, celui qui fournit la voiture, etc. : toute une série de maillons dont font partie des associations, qui font office, par exemple, d’agences de voyages vers la Turquie, vers la Syrie, vers les territoires contrôlés par Daech. Il faut s’armer de tous les moyens normatifs possibles dans cette lutte.
En outre, d’éventuelles dissolutions – M. le ministre de l’intérieur le sait – ne se font que sous le contrôle de la justice administrative, laquelle ne partage pas toujours nos analyses.
Nous ne souhaitons pas, par cet amendement, discuter le bien-fondé du principe même des mesures de sûreté, dont il a déjà été débattu à maintes reprises ; nous souhaitons encore moins remettre en cause tout ce qui peut aller dans le sens d'un renforcement de l'accompagnement médical et psychiatrique.
Nous tenons cependant à marquer notre opposition à certaines des évolutions introduites par le rapporteur. En effet, l'application d'une mesure de sûreté décidée sur le fondement d'un risque de récidive et d'une adhésion persistante à une idéologie incitant au terrorisme apparaît extrêmement délicate, d'autant plus que cette mesure pourrait désormais trouver à s'appliquer en cas de réitération d'une infraction à caractère terroriste, soit sur un champ bien plus large que celui qui était défini par la version initiale de la proposition de loi, laquelle visait la seule récidive. La notion d'infraction à caractère terroriste couvre en effet une multitude d'actes à la dangerosité et à la gravité variables.
Les transformations législatives proposées semblent donc à la fois superflues et dangereuses. Je vous pose la question, monsieur l'auteur de la proposition de loi, monsieur le rapporteur : en quoi une adhésion « avérée » est-elle plus facile ou plus pertinente à caractériser qu'une adhésion « persistante » ? Du propre aveu du rapporteur en réunion de commission, la rédaction qui, dans le texte initial, encadre cette mesure de sûreté serait trop peu « opérationnelle ». Mais ce constat n'est-il pas rassurant ? Il démontre simplement que des mesures aussi exceptionnelles doivent être strictement encadrées et ne sauraient s'appliquer qu'à une fraction infinitésimale de la population, à moins que vous ne considériez que des millions de terroristes sont en liberté dans les rues.
Je le rappelle, notre objectif est vraiment l'efficacité et l'opérationnalité de la loi.
Ainsi va l’État de droit !
Notre vision est simple : lutter contre le terrorisme sous le contrôle du juge. En tout état de cause, je ne vois pas en quoi ces dispositions portent atteinte à l’État de droit.
Pour ce qui est des mineurs radicalisés, lorsqu’un mineur de plus de 13 ans est mis en prison, pensez-vous vraiment que ce puisse être parce qu’il a commis un péché véniel ? J’étais voilà quelques semaines au tribunal criminel pour enfants où étaient jugés les gamins qui ont dénoncé – vendu – Samuel Paty à son assassin. À quelle peine ont-ils été condamnés ? Vingt mois de prison, dont une partie avec sursis. Quand la justice met un mineur en prison, vous pensez bien qu’elle le fait par nécessité, pour des raisons impérieuses.
J’en viens au délit de recel d’apologie du terrorisme.
Le père Hamel a été tué parce qu’en quarante-huit heures, sur WhatsApp, ses assassins se sont rencontrés. Cette boucle WhatsApp était suivie par le renseignement territorial, mais celui-ci n’a tout simplement pas eu les moyens d’arrêter les futurs meurtriers. Si les dispositions de la présente proposition de loi avaient existé, il aurait été possible d’intervenir !
Je veux bien que, dans un monde parfait, on puisse tout faire, sonder les cœurs et les reins, et se dire que l’on va sauver tout le monde. Mais l’impératif d’efficacité commande que nous nous donnions les moyens de lutter contre le terrorisme. Cette proposition de loi a peut-être l’apparence d’un paquet de mesures séparées, mais c’est bien l’expérience du terrain qui nous conduit à rassembler ces divers éléments.
Nous avons par ailleurs, avec M. le rapporteur, un point de divergence – il le sait. Il a certes accompli un très gros travail, et M. Bonnecarrère a raison de dire que l’inconduite notoire existe déjà dans le code de procédure pénale. Après qu’un avocat a contesté les dispositions afférentes et demandé à ce que le Conseil constitutionnel soit saisi parce qu’il estimait que cette notion était trop vague, la chambre criminelle – qui porte parfois bien son nom – de la Cour de cassation a statué qu’il n’y avait pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel n’a donc pas eu à se prononcer, à ce jour, sur la notion d’« inconduite notoire ». Reste qu’à mon avis il est impossible de s’appuyer sur une telle notion ; et la nouvelle formulation retenue par la commission ne me satisfait pas.
Dans l’ensemble, néanmoins, mes chers collègues, le texte que nous vous demandons d’adopter est un texte efficace, utile, qui ne viole aucun principe juridique.
J’ajoute une dernière remarque.
M. le ministre de l’intérieur a dit, à juste titre, qu’il était chagriné par un aspect du texte, à savoir les aggravations de peine prévues à l’encontre des imams faisant l’apologie du terrorisme…
Ainsi va l’État de droit !
Notre vision est simple : lutter contre le terrorisme sous le contrôle du juge. En tout état de cause, je ne vois pas en quoi ces dispositions portent atteinte à l’État de droit.
Pour ce qui est des mineurs radicalisés, lorsqu’un mineur de plus de 13 ans est mis en prison, pensez-vous vraiment que ce puisse être parce qu’il a commis un péché véniel ? J’étais voilà quelques semaines au tribunal criminel pour enfants où étaient jugés les gamins qui ont dénoncé – vendu – Samuel Paty à son assassin. À quelle peine ont-ils été condamnés ? Vingt mois de prison, dont une partie avec sursis. Quand la justice met un mineur en prison, vous pensez bien qu’elle le fait par nécessité, pour des raisons impérieuses.
J’en viens au délit de recel d’apologie du terrorisme.
Le père Hamel a été tué parce que, en quarante-huit heures, sur WhatsApp, ses assassins se sont rencontrés. Cette boucle WhatsApp était suivie par le renseignement territorial, mais celui-ci n’a tout simplement pas eu les moyens d’arrêter les futurs meurtriers. Si les dispositions de la présente proposition de loi avaient existé, il aurait été possible d’intervenir !
Je veux bien que, dans un monde parfait, on puisse tout faire, sonder les cœurs et les reins, et se dire que l’on va sauver tout le monde. Mais l’impératif d’efficacité commande que nous nous donnions les moyens de lutter contre le terrorisme. Cette proposition de loi a peut-être l’apparence d’un paquet de mesures séparées, mais c’est bien l’expérience du terrain qui nous conduit à rassembler ces divers éléments.
Nous avons par ailleurs, avec M. le rapporteur, un point de divergence – il le sait. Il a certes accompli un très gros travail, et M. Bonnecarrère a raison de dire que l’inconduite notoire existe déjà dans le code de procédure pénale. Après qu’un avocat a contesté les dispositions afférentes et demandé que le Conseil constitutionnel soit saisi parce qu’il estimait que cette notion était trop vague, la chambre criminelle – qui porte parfois bien son nom – de la Cour de cassation a statué qu’il n’y avait pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel n’a donc pas eu à se prononcer, à ce jour, sur la notion d’« inconduite notoire ». Reste qu’à mon avis il est impossible de s’appuyer sur une telle notion ; et la nouvelle formulation retenue par la commission ne me satisfait pas.
Dans l’ensemble, néanmoins, mes chers collègues, le texte que nous vous demandons d’adopter est un texte efficace, utile, qui ne viole aucun principe juridique.
J’ajoute une dernière remarque.
M. le ministre de l’intérieur a dit, à juste titre, qu’il était chagriné par un aspect du texte, à savoir les aggravations de peine prévues à l’encontre des imams faisant l’apologie du terrorisme…
Vous venez de le dire à juste titre, ma chère collègue : nous recherchons l'efficacité. À cet égard, notre collègue Szpiner vient de remarquablement dire les choses.
Que constatons-nous ? Le parquet antiterroriste nous dit que la disposition de prévention de la récidive terroriste est une bonne mesure, mais que, compte tenu de la rédaction actuellement en vigueur, il ne parvient pas à caractériser la « dangerosité » visée par la loi.
J'ai tout simplement demandé au procureur national antiterroriste quelle meilleure formulation nous pourrions trouver, et il m'a répondu que la loi pourrait viser une probabilité « élevée » plutôt que « très élevée » de récidive et une adhésion « avérée » plutôt que « persistante » aux idéologies incitant à la commission d'actes de terrorisme.
Mon idée n'est pas de réinventer les choses : avec une telle formulation, nous gagnerons en efficacité et il sera plus facile de condamner.
Avis défavorable.
… dans les lieux de culte. Il s’est inquiété de ce que le Conseil d’État a déjà émis, sur des mesures similaires, un avis défavorable. J’ai beaucoup de respect pour le Conseil d’État ; mais celui-ci, comme son nom l’indique, ne donne que des conseils : il ne dit pas la conformité à la Constitution.
Et, comme M. le ministre l’a fait remarquer, il est quand même extraordinaire que le ministre du culte ait droit à toute la considération du Conseil d’État quand il est victime – en cas d’agression, il fait l’objet, comme le lieu de culte, d’une protection spécifique, le fait que la victime ait la qualité de ministre du culte et que l’agression soit commise dans un lieu affecté au culte valant circonstance aggravante – et à toute son indulgence quand il est auteur. Je pense donc qu’il faut maintenir cette nouvelle circonstance aggravante.
En l'état du droit, la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste qui a été créée par la loi du 30 juillet 2021 peut être prononcée à l'égard de personnes qui présentent, à l'issue de l'exécution de leur peine, « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ».
Ces critères reprennent ceux qui sont applicables aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas). C'est la raison pour laquelle – je suis d'accord avec l'auteur de l'amendement – il convient de ne pas multiplier les rédactions permettant d'appréhender la radicalisation : avis favorable.
C’est un délit qui existe par ailleurs !
Je mets aux voix l'amendement n° 31.
L'amendement n° 47, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...)Les deuxième et troisième alinéas et la seconde phrase du quatrième alinéa du I sont supprimés ;
La parole est à M. le rapporteur.
Article 1er
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 230-19 est complété par un 20° ainsi rédigé :
« 20° Les obligations ou interdictions prévues au 5° de l’article 132-44 dudit code et aux 8°, 9°, 12° à 14° et 19° de l’article 132-45 du même code prononcées dans le cadre d’une mesure de sûreté applicable aux auteurs d’infractions terroristes prévue à l’article 706-25-16 du présent code. » ;
2° À l’intitulé du titre XV du livre IV, les mots : « et du jugement des » sont remplacés par les mots : «, du jugement et des mesures de sûreté en matière d’ » ;
3° Au quatrième alinéa de l’article 706-16, les mots : « à l’article 706-25-7 » sont remplacés par les mots : « aux articles 706-25-7 et 706-25-19 » ;
4° L’article 706-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures de sûreté prévues à la section 5 du présent titre sont ordonnées sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste par la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Paris ou, en ce qui concerne les mineurs, par le tribunal pour enfants de Paris. » ;
5° Au premier alinéa de l’article 706-22-1, après la référence : « 706-17 », sont insérés les mots : « et les personnes astreintes aux obligations prévues à l’article 706-25-16 » ;
6° L’intitulé de la section 5 du même titre XV est ainsi rédigé : « De la mesure judiciaire de sûreté applicable aux auteurs d’infractions terroristes » ;
7° L’article 706-25-16 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi modifié :
– les mots : « état de récidive légale » sont remplacés par les mots : « réitération d’une infraction à caractère terroriste » ;
– la première occurrence du mot : « très » est supprimée ;
– le mot : « persistante » est remplacé par le mot : « avérée » ;
– après les mots : « actes de terrorisme », sont insérés les mots : « ou parce qu’elle souffre d’un trouble grave de la personnalité » ;
– après les mots : « sa réinsertion, », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, sur réquisitions du procureur de la République et dans les conditions prévues à la présente section, ordonner à son encontre une mesure judiciaire de sûreté comportant une ou plusieurs des obligations mentionnées à l’article 132-44 du code pénal et aux 1°, 8°, 12°, 13°, 19°, 20° et 22° de l’article 132-45 du même code. » ;
b) Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – La mesure prévue au I ne peut être ordonnée que lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :
« 1° Les obligations imposées dans le cadre de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions mentionnées au premier alinéa du même I ;
« 2° La mesure apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive.
« La mesure de sûreté prévue audit I n’est pas applicable si la personne a été condamnée à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis simple en application de l’article 132-29 du code pénal, à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire en application de l’article 132-40 du même code, sauf si le sursis probatoire a été révoqué en totalité en application de l’article 132-47 dudit code, à un suivi socio-judiciaire en application de l’article 421-8 du même code ou si elle fait l’objet d’une mesure de surveillance judiciaire prévue à l’article 723-29 du présent code, d’une mesure de surveillance de sûreté prévue à l’article 706-53-19 ou d’une rétention de sûreté prévue à l’article 706-53-13. » ;
8° L’article 706-25-17 est ainsi rédigé :
« Art. 706 -25 -17. – La situation des personnes détenues susceptibles de faire l’objet de la mesure judiciaire de sûreté prévue à l’article 706-25-16 est examinée, sur réquisitions du procureur de la République, au moins six mois avant la date prévue pour leur libération par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité et leur probabilité de récidive.
« À cette fin, la commission demande le placement de la personne concernée, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.
« À l’issue de cette période, la commission adresse à la juridiction régionale de la rétention de sûreté et à la personne concernée un avis motivé sur la pertinence de prononcer la mesure mentionnée à l’article 706-25-16 au vu des critères définis au I du même article 706-25-16. » ;
9° L’article 706-25-18 est ainsi rédigé :
« Art. 706 -25 -18. – La mesure judiciaire de sûreté prévue à l’article 706-25-16 est prononcée, avant la date prévue pour la libération du condamné, par un jugement rendu après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d’office. La décision doit être spécialement motivée au regard des conclusions de l’évaluation et de l’avis mentionnés à l’article 706-25-17, ainsi que des conditions mentionnées au I de l’article 706-25-16.
« La juridiction régionale de la rétention de sûreté ne peut prononcer la mesure prévue au même article 706-25-16 qu’après avoir vérifié que la personne a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge adaptée à sa personnalité et à sa situation, de nature à favoriser sa réinsertion.
« Le jugement précise les obligations auxquelles le condamné est tenu ainsi que la durée de celles-ci.
« La décision est exécutoire immédiatement à l’issue de la libération.
« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande de la personne concernée, selon les modalités prévues à l’article 706-53-17 et, le cas échéant, après avis du procureur de la République, modifier les mesures de sûreté ou ordonner leur mainlevée. Cette compétence s’exerce sans préjudice de la possibilité, pour le juge de l’application des peines, d’adapter à tout moment les obligations de la mesure de sûreté. » ;
10° L’article 706-25-19 est ainsi rédigé :
« Art. 706 -25 -19. – La mesure de sûreté prévue à l’article 706-25-16 est prononcée pour une durée maximale d’un an.
« À l’issue de cette période, elle peut être renouvelée pour la même durée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté, sur réquisitions du procureur de la République et après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, dès lors que des éléments actuels et circonstanciés permettent d’établir que les conditions prévues au I du même article 706-25-16 continuent d’être réunies.
« La durée totale de la mesure ne peut excéder trois ans ou, lorsque le condamné est mineur, deux ans. Cette limite est portée à cinq ans ou, lorsque le condamné est mineur, à trois ans, lorsque la personne a été condamnée à une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à dix ans. » ;
11° L’article 706-25-20 est ainsi rédigé :
« Art. 706 -25 -20. – Les décisions de la juridiction régionale de la rétention de sûreté prévues à la présente section sont prises après avis du juge de l’application des peines compétent en application du premier alinéa de l’article 706-22-1. Elles peuvent faire l’objet des recours prévus aux deux derniers alinéas de l’article 706-53-15.
« La mesure prévue à l’article 706-25-16 et les obligations y afférentes sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.
« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la mesure et d’une ou de plusieurs des obligations prévues au même article 706-25-16 doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la mesure. »
L’amendement n° 31, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Nous ne souhaitons pas, par cet amendement, discuter le bien-fondé du principe même des mesures de sûreté, dont il a déjà été débattu à maintes reprises ; nous souhaitons encore moins remettre en cause tout ce qui peut aller dans le sens d’un renforcement de l’accompagnement médical et psychiatrique.
Nous tenons cependant à marquer notre opposition à certaines des évolutions introduites par le rapporteur. En effet, l’application d’une mesure de sûreté décidée sur le fondement d’un risque de récidive et d’une adhésion persistante à une idéologie incitant au terrorisme apparaît extrêmement délicate, d’autant plus que cette mesure pourrait désormais trouver à s’appliquer en cas de réitération d’une infraction à caractère terroriste, soit sur un champ bien plus large que celui qui était défini par la version initiale de la proposition de loi, laquelle visait la seule récidive. La notion d’infraction à caractère terroriste couvre en effet une multitude d’actes à la dangerosité et à la gravité variables.
Les transformations législatives proposées semblent donc à la fois superflues et dangereuses. Je vous pose la question, monsieur l’auteur de la proposition de loi, monsieur le rapporteur : en quoi une adhésion « avérée » est-elle plus facile ou plus pertinente à caractériser qu’une adhésion « persistante » ? Du propre aveu du rapporteur en réunion de commission, la rédaction qui, dans le texte initial, encadre cette mesure de sûreté serait trop peu « opérationnelle ». Mais ce constat n’est-il pas rassurant ? Il démontre simplement que des mesures aussi exceptionnelles doivent être strictement encadrées et ne sauraient s’appliquer qu’à une fraction infinitésimale de la population, à moins que vous ne considériez que des millions de terroristes sont en liberté dans les rues.
Je le rappelle, notre objectif est vraiment l’efficacité et l’opérationnalité de la loi.
L'amendement est adopté.
Vous venez de le dire à juste titre, ma chère collègue : nous recherchons l’efficacité. À cet égard, notre collègue Szpiner vient de remarquablement dire les choses.
Que constatons-nous ? Le parquet antiterroriste nous dit que la disposition de prévention de la récidive terroriste est une bonne mesure, mais que, compte tenu de la rédaction actuellement en vigueur, il ne parvient pas à caractériser la « dangerosité » visée par la loi.
J’ai tout simplement demandé au procureur national antiterroriste quelle meilleure formulation nous pourrions trouver, et il m’a répondu que la loi pourrait viser une probabilité « élevée » plutôt que « très élevée » de récidive et une adhésion « avérée » plutôt que « persistante » aux idéologies incitant à la commission d’actes de terrorisme.
Mon idée n’est pas de réinventer les choses : avec une telle formulation, nous gagnerons en efficacité et il sera plus facile de condamner : avis défavorable.
L'article 1 er est adopté.
En l’état du droit, la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste, créée par la loi du 30 juillet 2021, peut être prononcée à l’égard de personnes qui présentent, à l’issue de l’exécution de leur peine, « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Ces critères reprennent ceux qui sont applicables aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas). C’est la raison pour laquelle – je suis d’accord avec l’auteur de l’amendement – il convient de ne pas multiplier les rédactions permettant d’appréhender la radicalisation : avis favorable.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L'amendement n° 28 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 32 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l'amendement n° 12.
Je mets aux voix l’amendement n° 31.
Les discussions qui ont eu lieu en commission – ainsi que le bon sens – ont conduit le rapporteur à renoncer à la notion d'« inconduite notoire », dont il a été question en discussion générale. Cela dit, sa proposition consiste à remplacer cette notion par les mots : « lorsque son comportement manifeste qu'il ne respecte pas les principes de la République ».
Or un tel critère apparaît flou ; il serait source d'arbitraire. De surcroît, la constatation d'un tel manquement suffirait à révoquer un sursis probatoire ; or le sursis probatoire s'assortit d'obligations prononcées par le juge telles que l'obligation de travailler ou de suivre une formation, l'obligation de soins, l'interdiction de se rendre dans certains lieux, etc. Le non-respect de ces obligations est un critère beaucoup plus objectif que celui qui est ici proposé.
Je rappelle également que le contrôle du suivi des obligations est effectué par le juge de l'application des peines, qui est assisté par les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Or ceux-ci restent en attente d'une profonde revalorisation de leurs carrières – et je profite de l'examen de ce texte pour rappeler qu'il est indispensable de réarmer ces services essentiels.
La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l'amendement n° 28.
L’amendement n° 47, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…)Les deuxième et troisième alinéas et la seconde phrase du quatrième alinéa du I sont supprimés ;
La parole est à M. le rapporteur.
Comme vient de le dire Guy Benarroche, cet article ajouté en commission la semaine dernière complète les motifs de retrait d'un sursis probatoire ou d'un suivi sociojudiciaire définis dans le code de procédure pénale par la notion d'« inconduite notoire ».
Tout d'abord, sur la forme, il fait partie des articles de cette proposition de loi qui dépassent le strict cadre de la législation antiterroriste, ce qui ne saurait nous convenir.
Sur le fond, ensuite, si nous pouvons souscrire à l'objectif de lutte contre le terrorisme, cela suppose de légiférer avec le plus de précautions possible, comme nous y invitent les multiples censures du Conseil constitutionnel. Bien que déjà présente dans le code de procédure pénale, la notion d'« inconduite notoire » est à la fois source d'insécurité juridique et contraire à l'objectif de lisibilité de notre droit.
C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement de suppression.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l'amendement n° 32.
Nous avons eu ce débat sur la notion d'« inconduite notoire » en commission des lois. J'entends que vous fassiez référence au procureur national antiterroriste – ce n'est pas la première fois, cher collègue Daubresse : tout cela est formidable –, mais, que je sache, ce n'est pas lui qui rédige la loi. Je pense que nous devrions éviter d'écrire les articles des textes dont nous débattons sous la dictée d'un procureur.
Toujours est-il que les mots « inconduite notoire » ne veulent rien dire. D'ailleurs, en commission, monsieur le rapporteur, vous n'avez pas su éclairer ce que concrètement cela signifiait.
Quelles sont nos objections ?
Le critère de lisibilité de la loi est un motif de censure constitutionnelle : si cette proposition de loi était déférée devant le Conseil constitutionnel, les dispositions qui visent l'inconduite notoire seraient censurées. Pour ce qui est des questions d'inconstitutionnalité, je le sais bien, la majorité sénatoriale comme le Gouvernement se montrent assez peu farouches, mais il est temps de se reprendre.
Un autre argument peut être invoqué, mais notre collègue Szpiner le fera sans doute – je ne veux pas l'en priver.
La proposition du rapporteur Daubresse, dont nous allons débattre en examinant l'amendement suivant, n'est pas plus efficace. S'agissant d'une sanction radicale, il faut que les critères soient précis. La matière pénale étant ce qu'elle est, nous ne pouvons rester dans le flou au seul motif qu'un procureur antiterroriste se serait prononcé dans le sens que vous avez indiqué – « c'est embêtant » ; « dans certains cas, on ne sait pas… » ; « cependant… » ; « on a l'impression que… » ; « ça ne va pas », etc.
Telle n'est pas la façon dont nous devons travailler !
Je mets aux voix l’amendement n° 47.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais d'un même mouvement donner l'avis de la commission sur ces amendements et présenter mon amendement n° 48 : ils relèvent du même débat.
Je vais redire, pour les collègues qui n'en sont pas membres, ce que j'ai expliqué en commission des lois.
Madame de La Gontrie, je n'écris aucun amendement sous la dictée d'untel ou untel.
Si vous avez lu mon rapport – et je ne doute pas que l'ayez fait –, vous y aurez vu que j'ai tenu compte d'observations formulées par les juges de l'application des peines, par le procureur antiterroriste, par les tribunaux pour enfants – pour ce qui a trait aux mineurs – et par des tas de professionnels du droit. Nous sommes confrontés à de nouvelles formes, endogènes, de terrorisme. La question est donc de savoir comment nous pouvons être plus opérationnels, plus efficaces, dans le respect des libertés.
Voici ce que l'on nous dit, et qui est vrai : un certain nombre de condamnés satisfont certes « facialement », quand ils sont en prison, aux critères de prévention de la récidive, mais on peut démontrer qu'ils ont par ailleurs des comportements, notamment sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas forcément exemplaires – c'est le moins que l'on puisse dire. On m'a donc parlé de la notion d'« inconduite notoire ». J'ai vérifié : elle figure déjà dans le code de procédure pénale, comme l'a souligné M. Bonnecarrère, mais il est vrai que la définition en est quelque peu sibylline.
Rouvrant le débat aujourd'hui même en commission, j'ai dit que les termes d'« inconduite notoire » étaient une mauvaise formulation. Je la retire donc : de fait, persévérer dans cette direction nous exposerait à des risques juridiques certains.
Nous proposons de leur substituer les mots : « lorsque son comportement manifeste qu'il ne respecte pas les principes de la République ». Cette formulation, mes chers collègues, nous l'avons en effet votée dans le récent projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Nous verrons bien dans quelques jours, d'ailleurs, ce qu'en dit le Conseil constitutionnel…
Article 1er bis
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 742, après la référence : « 739 », sont insérés les mots : « ou en cas d’inconduite notoire » ;
2° Au premier alinéa de l’article 763-5, après le mot : « soins », sont insérés les mots : « ou en cas d’inconduite notoire ».
Au moins, nous fondons notre rédaction sur une notion que l'on peut caractériser : « avoir des comportements manifestement irrespectueux des principes de la République ».
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements n° 12, 28 et 32 au profit de l'amendement n° 48 de la commission, même si, évidemment – je l'ai déjà dit –, je suis ouvert à ce que nous retenions une nouvelle formulation dans le cadre de la navette, à supposer que le texte soit rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 28 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 32 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 12.
Les discussions qui ont eu lieu en commission – ainsi que le bon sens – ont conduit le rapporteur à renoncer à la notion d’« inconduite notoire », dont il a été question en discussion générale. Cela dit, sa proposition consiste à remplacer cette notion par les mots : « lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ».
Or un tel critère apparaît flou et serait source d’arbitraire. De surcroît, la constatation d’un tel manquement suffirait à révoquer un sursis probatoire ; or le sursis probatoire s’assortit d’obligations prononcées par le juge telles que l’obligation de travailler ou de suivre une formation, l’obligation de soins, l’interdiction de se rendre dans certains lieux, etc. Le non-respect de ces obligations est un critère beaucoup plus objectif que celui qui est ici proposé.
Je rappelle également que le contrôle du suivi des obligations est effectué par le juge de l’application des peines, assisté par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Or ceux-ci restent en attente d’une profonde revalorisation de leurs carrières – et je profite de l’examen de ce texte pour rappeler qu’il est indispensable de réarmer ces services essentiels.
Sur les amendements n° 12, 28 et 32, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Je veux rassurer Mme de La Gontrie : ce n'est pas le procureur national antiterroriste qui dicte quoi que ce soit. Il applique la loi, comme tous les magistrats de ce pays, qui sont, selon la formule consacrée, « la bouche de la loi ».
En revanche, il n'est pas inutile de prendre attache avec le procureur national antiterroriste, qui répond aux questions qui lui sont posées et dont l'expérience est extrêmement précieuse pour éclairer nos débats – voilà tout ce que je me permets de dire.
Rassurez-vous, madame la sénatrice : chacun est à sa place et le procureur national antiterroriste n'a pas violé la sacro-sainte règle de la séparation des pouvoirs.
Comme vient de le dire Guy Benarroche, cet article ajouté en commission la semaine dernière complète les motifs de retrait d’un sursis probatoire ou d’un suivi sociojudiciaire définis dans le code de procédure pénale par la notion d’« inconduite notoire ».
Tout d’abord, sur la forme, il fait partie des articles de cette proposition de loi qui dépassent le strict cadre de la législation antiterroriste, ce qui ne saurait nous convenir.
Sur le fond, ensuite, si nous pouvons souscrire à l’objectif de lutte contre le terrorisme, cela suppose de légiférer avec le plus de précautions possible, comme nous y invitent les multiples censures du Conseil constitutionnel. Bien que déjà présente dans le code de procédure pénale, la notion d’« inconduite notoire » est à la fois source d’insécurité juridique et contraire à l’objectif de lisibilité de notre droit.
C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement de suppression.
Je défends le procureur national antiterroriste. Et j'entends bien que l'on puisse l'auditionner et s'inspirer des réponses qui sont les siennes. Je ne vois pas là que le parquet national antiterroriste, le Pnat, soit celui qui dicte la loi au législateur.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 32.
Nous avons eu ce débat sur la notion d’« inconduite notoire » en commission des lois. J’entends que vous fassiez référence au procureur national antiterroriste – ce n’est pas la première fois, cher collègue Daubresse : tout cela est formidable –, mais, que je sache, ce n’est pas lui qui rédige la loi. Je pense que nous devrions éviter d’écrire les articles des textes dont nous débattons sous la dictée d’un procureur.
Toujours est-il que les mots « inconduite notoire » ne veulent rien dire. D’ailleurs, en commission, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas su éclairer ce que concrètement cela signifiait.
Quelles sont nos objections ?
Le critère de lisibilité de la loi est un motif de censure constitutionnelle : si cette proposition de loi était déférée devant le Conseil constitutionnel, les dispositions qui visent l’inconduite notoire seraient censurées. Pour ce qui est des questions d’inconstitutionnalité, je le sais bien, la majorité sénatoriale comme le Gouvernement se montrent assez peu farouches, mais il est temps de se reprendre.
Un autre argument peut être invoqué, mais notre collègue Szpiner le fera sans doute – je ne veux pas l’en priver.
La proposition du rapporteur Daubresse, dont nous allons débattre en examinant l’amendement suivant, n’est pas plus efficace. S’agissant d’une sanction radicale, il faut que les critères soient précis. La matière pénale étant ce qu’elle est, nous ne pouvons rester dans le flou au seul motif qu’un procureur antiterroriste se serait prononcé dans le sens que vous avez indiqué – « c’est embêtant » ; « dans certains cas, on ne sait pas… » ; « cependant… » ; « on a l’impression que… » ; « ça ne va pas », etc.
Telle n’est pas la façon dont nous devons travailler !
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 48, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
en cas d'inconduite notoire
par les mots :
lorsque son comportement manifeste qu'il ne respecte pas les principes de la République
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
ou en cas d'inconduite notoire
par les mots :
ou lorsque le comportement du condamné manifeste qu'il ne respecte pas les principes de la République
Cet amendement a été précédemment présenté par M. le rapporteur.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais d’un même mouvement donner l’avis de la commission sur ces amendements et présenter mon amendement n° 48 : ils relèvent du même débat.
Je vais redire, pour les collègues qui n’en sont pas membres, ce que j’ai expliqué en commission des lois.
Madame de La Gontrie, je n’écris aucun amendement sous la dictée d’untel ou untel.
Sagesse, comme sur les précédents.
Si vous avez lu mon rapport – et je ne doute pas que l’ayez fait –, vous y aurez vu que j’ai tenu compte d’observations formulées par les juges de l’application des peines, par le procureur antiterroriste, par les tribunaux pour enfants – pour ce qui a trait aux mineurs – et par des tas de professionnels du droit. Nous sommes confrontés à de nouvelles formes, endogènes, de terrorisme. La question est donc de savoir comment nous pouvons être plus opérationnels, plus efficaces, dans le respect des libertés.
Voici ce que l’on nous dit, et qui est vrai : un certain nombre de condamnés satisfont certes « facialement », quand ils sont en prison, aux critères de prévention de la récidive, mais on peut démontrer qu’ils ont par ailleurs des comportements, notamment sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas forcément exemplaires – c’est le moins que l’on puisse dire. On m’a donc parlé de la notion d’« inconduite notoire ». J’ai vérifié : elle figure déjà dans le code de procédure pénale, comme l’a souligné M. Bonnecarrère, mais il est vrai que la définition en est quelque peu sibylline.
Rouvrant le débat aujourd’hui même en commission, j’ai dit que les termes d’« inconduite notoire » étaient une mauvaise formulation : je la retire donc. De fait, persévérer dans cette direction nous exposerait à des risques juridiques certains.
Nous proposons de leur substituer les mots : « lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ». Cette formulation, mes chers collègues, nous l’avons en effet votée dans le récent projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Nous verrons bien dans quelques jours, d’ailleurs, ce qu’en dit le Conseil constitutionnel…
Si vous avez lu mon rapport – et je ne doute pas que vous l’ayez fait –, vous y aurez vu que j’ai tenu compte d’observations formulées par les juges de l’application des peines, par le procureur antiterroriste, par les tribunaux pour enfants – pour ce qui a trait aux mineurs – et par des tas de professionnels du droit. Nous sommes confrontés à de nouvelles formes, endogènes, de terrorisme. La question est donc de savoir comment nous pouvons être plus opérationnels, plus efficaces, dans le respect des libertés.
Voici ce que l’on nous dit, et qui est vrai : un certain nombre de condamnés satisfont certes « facialement », quand ils sont en prison, aux critères de prévention de la récidive, mais on peut démontrer qu’ils ont par ailleurs des comportements, notamment sur les réseaux sociaux, qui ne sont pas forcément exemplaires – c’est le moins que l’on puisse dire. On m’a donc parlé de la notion d’« inconduite notoire ». J’ai vérifié : elle figure déjà dans le code de procédure pénale, comme l’a souligné M. Bonnecarrère, mais il est vrai que la définition en est quelque peu sibylline.
Rouvrant le débat aujourd’hui même en commission, j’ai dit que les termes d’« inconduite notoire » étaient une mauvaise formulation : je la retire donc. De fait, persévérer dans cette direction nous exposerait à des risques juridiques certains.
Nous proposons de leur substituer les mots : « lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ». Cette formulation, mes chers collègues, nous l’avons en effet votée dans le récent projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Nous verrons bien dans quelques jours, d’ailleurs, ce qu’en dit le Conseil constitutionnel…
Le rapporteur Daubresse propose de remplacer les mots : « en cas d'inconduite notoire » par les mots « lorsque le comportement du condamné manifeste qu'il ne respecte pas les principes de la République ».
Nous avions déjà signalé, lors du débat sur le projet de loi Immigration, quels risques d'inconstitutionnalité emporte une telle rédaction, étant donné le flou, c'est-à-dire la menace d'arbitraire, qui entoure pareille expression. Encore ne s'agissait-il alors que de la délivrance de titres de séjour, ce qui est déjà en soi un sujet très sérieux. En l'espèce, il s'agit de renvoyer des gens en prison : en la matière, la présente proposition n'est pas plus acceptable que la notion d'« inconduite notoire », raison pour laquelle nous voterons donc contre cet amendement.
Au moins, nous fondons notre rédaction sur une notion que l’on peut caractériser : « avoir des comportements manifestement irrespectueux des principes de la République ».
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements n° 12, 28 et 32 au profit de l’amendement n° 48 de la commission, même si, évidemment – je l’ai déjà dit –, je suis ouvert à ce que nous retenions une nouvelle formulation dans le cadre de la navette, à supposer que le texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
L'amendement est adopté.
Sur les amendements n° 12, 28 et 32, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Je veux rassurer Mme de La Gontrie : ce n’est pas le procureur national antiterroriste qui dicte quoi que ce soit. Il applique la loi, comme tous les magistrats de ce pays, qui sont, selon la formule consacrée, « la bouche de la loi ».
En revanche, il n’est pas inutile de prendre attache avec le procureur national antiterroriste, qui répond aux questions qui lui sont posées et dont l’expérience est extrêmement précieuse pour éclairer nos débats – voilà tout ce que je me permets de dire. Rassurez-vous, madame la sénatrice : chacun est à sa place et le procureur national antiterroriste n’a pas violé la sacro-sainte règle de la séparation des pouvoirs.
L'article 1 er bis est adopté.
Je défends le procureur national antiterroriste ! Et j’entends bien que l’on puisse l’auditionner et s’inspirer des réponses qui sont les siennes. Je ne vois pas là que le parquet national antiterroriste, le Pnat, soit celui qui dicte la loi au législateur.
L'amendement n° 46, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Cet amendement vise à supprimer l'ajout par le rapporteur d'un nouveau motif de révocation d'une mesure de surveillance judiciaire ou d'un suivi sociojudiciaire, à savoir la commission d'une nouvelle infraction.
Premièrement, nous souhaitons rappeler que cette proposition de loi est censée être motivée par la lutte antiterroriste et par conséquent être ciblée sur les condamnés terroristes. Or cet article 1er ter aurait des effets bien plus larges.
Deuxièmement, pourquoi toute nouvelle condamnation devrait-elle entraîner la révocation d'un suivi sociojudiciaire ? Devrait-on révoquer ce type de mesure à l'aveugle, de manière automatique, sans aucune prise en compte du contexte, de la personnalité ou, tout bêtement, du type d'infraction auquel se rapporte cette nouvelle condamnation ? La révocation dont il est question s'appliquera-t-elle, par exemple, aux infractions routières ?
L'article 723-35 du code de procédure pénale dispose d'ailleurs d'ores et déjà que la juridiction de jugement qui décide de prononcer une nouvelle peine à l'encontre d'une personne placée sous surveillance judiciaire peut – après avis du juge de l'application des peines – révoquer ladite surveillance en cas de condamnation pour tout crime ou délit pour lequel le suivi sociojudiciaire est encouru, disposition tout à fait équilibrée et fonctionnelle.
Cet article 1er ter nous paraît donc superflu et dangereux.
L’amendement n° 48, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
en cas d’inconduite notoire
par les mots :
lorsque son comportement manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
ou en cas d’inconduite notoire
par les mots :
ou lorsque le comportement du condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République
Cet amendement a été précédemment présenté par M. le rapporteur.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Sagesse, comme sur les précédents.
Même avis.
Le rapporteur Daubresse propose de remplacer les mots : « en cas d’inconduite notoire » par les mots « lorsque le comportement du condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République ».
Nous avions déjà signalé, lors du débat sur le projet de loi Immigration, quels risques d’inconstitutionnalité emporte une telle rédaction, étant donné le flou, c’est-à-dire la menace d’arbitraire, qui entoure pareille expression. Encore ne s’agissait-il alors que de la délivrance de titres de séjour, ce qui est déjà en soi un sujet très sérieux. En l’espèce, il s’agit de renvoyer des gens en prison : en la matière, la présente proposition n’est pas plus acceptable que la notion d’« inconduite notoire », raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 1 er bis est adopté.
L’amendement n° 46, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Le droit en vigueur autorise, à titre exceptionnel, à continuer d'enfermer une personne bien qu'elle ait fini d'exécuter sa peine lorsqu'elle présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'ell[e] souffr[e] d'un trouble grave de la personnalité ».
La disposition que je viens de citer se compose d'une conjonction de subordination, qui marque une relation causale, et de la mention d'un « trouble grave de la personnalité », qui renvoie à une pratique psychiatrique longue, connue, et à une évaluation d'ordre médical.
Il est proposé, dans cette proposition de loi, d'ajouter dans le code de procédure pénale une nouvelle possibilité d'enfermer quelqu'un sans qu'il y ait été condamné, s'il « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ».
Monsieur le rapporteur, ce que vous écriviez à propos du suivi judiciaire dans le rapport d'information que vous consacriez en février 2020 au bilan de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) peut être aujourd'hui répété : « les conditions d'appréciation de la dangerosité et du risque de récidive reposent exclusivement sur un examen clinique confié à des experts psychiatres. Or, comme l'ont indiqué les représentants du parquet national antiterroriste à la mission, une telle procédure, initialement conçue pour des auteurs d'infractions à caractère sexuel, ne permet que difficilement d'apprécier la dangerosité, d'un point de vue criminologique, des condamnés terroristes, qui ne présentent pas, dans leur grande majorité, de troubles mentaux. Dans la pratique, les experts sollicités peinent à se prononcer sur les cas de condamnés pour des faits de terrorisme, rendant parfois complexe, pour le magistrat, le prononcé d'une telle mesure, y compris dans les cas où la dangerosité apparaît évidente ».
De quelle « évidence » parliez-vous alors ? Il semble que vous ayez la prescience dont manquent tous les praticiens…
Avez-vous bien réfléchi aux conséquences qu'emporterait l'application de la disposition qui nous est ici soumise ?
Cet amendement vise à supprimer l’ajout par le rapporteur d’un nouveau motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi sociojudiciaire, à savoir la commission d’une nouvelle infraction.
Premièrement, nous souhaitons rappeler que cette proposition de loi est censée être motivée par la lutte antiterroriste et par conséquent être ciblée sur les condamnés terroristes. Or cet article 1er ter aurait des effets bien plus larges.
Deuxièmement, pourquoi toute nouvelle condamnation devrait-elle entraîner la révocation d’un suivi sociojudiciaire ? Devrait-on révoquer ce type de mesure à l’aveugle, de manière automatique, sans aucune prise en compte du contexte, de la personnalité ou, tout bêtement, du type d’infraction auquel se rapporte cette nouvelle condamnation ? La révocation dont il est question s’appliquera-t-elle, par exemple, aux infractions routières ?
L’article 723-35 du code de procédure pénale dispose d’ailleurs d’ores et déjà que la juridiction de jugement qui décide de prononcer une nouvelle peine à l’encontre d’une personne placée sous surveillance judiciaire peut – après avis du juge de l’application des peines – révoquer ladite surveillance en cas de condamnation pour tout crime ou délit pour lequel le suivi sociojudiciaire est encouru, disposition tout à fait équilibrée et fonctionnelle.
Cet article 1er ter nous paraît donc superflu et dangereux.
Ma chère collègue, vous avez raison de relire ce que j'écrivais à l'époque.
Cette fois, vous ne souhaitez pas supprimer l'article dans son ensemble : vous êtes donc d'accord sur le principe. Reste qu'en proposant la suppression des alinéas 5 et 6 vous ne retenez pour ainsi dire que les critères qui s'appliquent actuellement à la mesure de prévention de la récidive terroriste ; or ceux-ci sont à ce point restrictifs qu'ils seraient plutôt constitutifs d'une nouvelle infraction, à savoir l'infraction d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Vous allez donc très loin !
Quant à moi, j'essaie de définir des critères qui permettent de prendre en charge de façon permanente dans une structure spécialisée, aux fins de déradicalisation, les personnes condamnées pour crime terroriste sortant de plus de quinze années de détention, qui présentent une probabilité de récidive très élevée. La mesure que je propose obéit à une procédure pluridisciplinaire, incluant des expertises médicales, et ne peut être appliquée qu'aux seuls criminels terroristes condamnés – je l'ai dit – à des peines supérieures à quinze ans d'emprisonnement, à condition, de surcroît, qu'il n'existe aucune autre mesure moins stricte permettant d'éviter la récidive.
Je considère donc que cette disposition présente toutes les garanties de proportionnalité nécessaires : avis défavorable.
Je m'en remettrai, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat.
Je vais m'en expliquer, répondant, ce faisant, à la philippique que j'ai dû subir de la part de Francis Szpiner.
Mais enfin, nous a-t-il dit de sa voix si belle et si grave
Je mets aux voix l’amendement n° 46.
Mais le problème n'est pas du tout là, monsieur le sénateur !
Vous n'avez pas bien examiné la question, ce qui m'étonne, car je sais combien vous êtes toujours minutieux et scrupuleux dans l'analyse que vous faites des textes.
En réalité, il manque un petit quelque chose dans votre exposé : c'est la condition de présence chez l'intéressé de troubles mentaux dûment constatés. Or, à vous suivre, la rétention de sûreté pourrait être prononcée à raison de la seule constatation d'une dangerosité criminologique – et rien d'autre.
Vous énumérez les infractions, dont le viol, auxquels s'applique, depuis 2008, la rétention ; dont acte. Et vous proposez, aujourd'hui, de supprimer le critère de trouble mental, qui, à l'heure actuelle, conditionne le prononcé d'une peine de rétention de sûreté. Voilà qui n'est pas neutre : la différence est de taille !
Ces alinéas me semblent donc contestables sur le plan constitutionnel, mais le Sénat, dans la grande sagesse dont il est coutumier, dira ce qu'il a à dire.
Article 2
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-53-13 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou pour les crimes à caractère terroriste » ;
b) Au deuxième alinéa, après la troisième occurrence du mot : « aggravé », sont insérés les mots : « ou pour les crimes à caractère terroriste » ;
c) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même pour les personnes condamnées à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à quinze ans pour un ou plusieurs crimes à caractère terroriste, ou d’une durée supérieure ou égale à dix ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et qu’il est établi, à l’issue d’un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l’exécution de sa peine, que cette personne présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion. » ;
d)
2° Au premier alinéa de l’article 706-53-14, le mot : « à » est remplacé par les mots : « aux premier et deuxième alinéas de » ;
3° Après le même article 706-53-14, il est inséré un article 706-53-14-1 ainsi rédigé :
« Art. 706 -53 -14 -1. – La situation des personnes mentionnées à l’article 706-53-13 est examinée, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité.
« À cette fin, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté demande le placement de la personne concernée, pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues, aux fins notamment d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.
« À l’issue de cette période, la commission adresse à la juridiction régionale de la rétention de sûreté et à la personne concernée un avis motivé sur l’opportunité de prononcer la mesure mentionnée à l’article 706-25-16 au regard des critères définis au deuxième alinéa du I du même article 706-25-16.
« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l’objet d’une rétention de sûreté lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :
« 1° Les obligations imposées dans le cadre de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes et la mesure prévue audit article 706-25-16 apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions criminelles à caractère terroriste ;
« 2° La mesure apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive.
« La commission vérifie également que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l’exécution de sa peine, d’une prise en charge adaptée à sa radicalisation et de mesures de nature à favoriser sa réinsertion.
« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au tribunal de l’application des peines de Paris pour qu’il apprécie l’éventualité d’un placement sous surveillance judiciaire. »
Pour une fois que vous êtes d'accord avec moi…
L’amendement n° 33, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Sur les dispositions dont nous demandons la suppression, le Gouvernement se prononce défavorablement, et le fait de manière extrêmement argumentée ; c'est que nous sommes ici au cœur de la justice prédictive.
Le problème que nous avons, avec les infractions terroristes, c'est que nous sommes en réalité incapables d'identifier des troubles mentaux chez celles et ceux – plutôt ceux, d'ailleurs – qui les commettent.
Il a déjà été prévu – chacun en a pensé ce qu'il voulait –une entorse au principe en vertu duquel il ne peut y avoir de sanction postsentencielle, mais, au moins, une telle entorse restait cantonnée dans le cadre des troubles mentaux.
Monsieur le rapporteur Daubresse, que dit le Pnat ? Il dit qu'il ne sait pas faire, qu'il ne sait pas encadrer ces situations de prévention de la récidive par la constatation de troubles mentaux. Si vous votez ce dispositif, mes chers collègues, vous mettrez le doigt dans la justice prédictive ;…
Le droit en vigueur autorise, à titre exceptionnel, à continuer d’enfermer une personne bien qu’elle ait fini d’exécuter sa peine lorsqu’elle présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’ell[e] souffr[e] d’un trouble grave de la personnalité ».
La disposition que je viens de citer se compose d’une conjonction de subordination, qui marque une relation causale, et de la mention d’un « trouble grave de la personnalité », qui renvoie à une pratique psychiatrique longue, connue, et à une évaluation d’ordre médical.
Il est proposé, dans cette proposition de loi, d’ajouter dans le code de procédure pénale une nouvelle possibilité d’enfermer quelqu’un sans qu’il y ait été condamné, s’il « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Monsieur le rapporteur, ce que vous écriviez à propos du suivi judiciaire dans le rapport d’information que vous consacriez en février 2020 au bilan de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) peut être aujourd’hui répété : « les conditions d’appréciation de la dangerosité et du risque de récidive reposent exclusivement sur un examen clinique confié à des experts psychiatres. Or, comme l’ont indiqué les représentants du parquet national antiterroriste à la mission, une telle procédure, initialement conçue pour des auteurs d’infractions à caractère sexuel, ne permet que difficilement d’apprécier la dangerosité, d’un point de vue criminologique, des condamnés terroristes, qui ne présentent pas, dans leur grande majorité, de troubles mentaux. Dans la pratique, les experts sollicités peinent à se prononcer sur les cas de condamnés pour des faits de terrorisme, rendant parfois complexe, pour le magistrat, le prononcé d’une telle mesure, y compris dans les cas où la dangerosité apparaît évidente ».
De quelle « évidence » parliez-vous alors ? Il semble que vous ayez la prescience dont manquent tous les praticiens… Avez-vous bien réfléchi aux conséquences qu’emporterait l’application de la disposition qui nous est ici soumise ?
Le droit en vigueur autorise, à titre exceptionnel, à continuer d’enfermer une personne bien qu’elle ait fini d’exécuter sa peine lorsqu’elle présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’ell[e] souffr[e] d’un trouble grave de la personnalité ».
La disposition que je viens de citer se compose d’une conjonction de subordination, qui marque une relation causale, et de la mention d’un « trouble grave de la personnalité », qui renvoie à une pratique psychiatrique longue, connue, et à une évaluation d’ordre médical.
Il est proposé, dans cette proposition de loi, d’ajouter dans le code de procédure pénale une nouvelle possibilité d’enfermer quelqu’un sans qu’il y ait été condamné, s’il « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Monsieur le rapporteur, ce que vous écriviez à propos du suivi judiciaire dans le rapport d’information que vous consacriez en février 2020 au bilan de la loi Silt peut être aujourd’hui répété : « Les conditions d’appréciation de la dangerosité et du risque de récidive reposent exclusivement sur un examen clinique confié à des experts psychiatres. Or, comme l’ont indiqué les représentants du parquet national antiterroriste à la mission, une telle procédure, initialement conçue pour des auteurs d’infractions à caractère sexuel, ne permet que difficilement d’apprécier la dangerosité, d’un point de vue criminologique, des condamnés terroristes, qui ne présentent pas, dans leur grande majorité, de troubles mentaux. Dans la pratique, les experts sollicités peinent à se prononcer sur les cas de condamnés pour des faits de terrorisme, rendant parfois complexe, pour le magistrat, le prononcé d’une telle mesure, y compris dans les cas où la dangerosité apparaît évidente. »
De quelle « évidence » parliez-vous alors ? Il semble que vous ayez la prescience dont manquent tous les praticiens… Avez-vous bien réfléchi aux conséquences qu’emporterait l’application de la disposition qui nous est ici soumise ?
… et, sur cette pente, vous ne vous arrêterez jamais ! Dès lors, vous considérerez que toute personne condamnée est vouée à récidiver.
C'est en cela que le problème est grave et c'est en cela que votre proposition est inconstitutionnelle.
Ma chère collègue, vous avez raison de relire ce que j’écrivais à l’époque.
Cette fois, vous ne souhaitez pas supprimer l’article dans son ensemble : vous êtes donc d’accord sur le principe. Reste qu’en proposant la suppression des alinéas 5 et 6 vous ne retenez pour ainsi dire que les critères qui s’appliquent actuellement à la mesure de prévention de la récidive terroriste ; or ceux-ci sont à ce point restrictifs qu’ils seraient plutôt constitutifs d’une nouvelle infraction, à savoir l’infraction d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Vous allez donc très loin !
Quant à moi, j’essaie de définir des critères qui permettent de prendre en charge de façon permanente dans une structure spécialisée, aux fins de déradicalisation, les personnes condamnées pour crime terroriste sortant de plus de quinze années de détention, qui présentent une probabilité de récidive très élevée. La mesure que je propose obéit à une procédure pluridisciplinaire, incluant des expertises médicales, et ne peut être appliquée qu’aux seuls criminels terroristes condamnés – je l’ai dit – à des peines supérieures à quinze ans d’emprisonnement, à condition, de surcroît, qu’il n’existe aucune autre mesure moins stricte permettant d’éviter la récidive.
Je considère donc que cette disposition présente toutes les garanties de proportionnalité nécessaires : avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je m’en remettrai, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat.
Je vais m’en expliquer, répondant, ce faisant, à la philippique que j’ai dû subir de la part de Francis Szpiner.
Mais enfin, nous a-t-il dit de sa voix si belle et si grave
Sourires.
L'article 2 est adopté.
Mais le problème n’est pas du tout là, monsieur le sénateur !
L'amendement n° 1, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La section 7 du titre III du livre premier est complétée par un article 137-... ainsi rédigé :
« Art. 137-…. – La personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d'un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l'objet d'une interdiction judiciaire de territoire français ou d'une décision administrative de quitter le territoire français ne peut bénéficier des mesures prévues aux sous-sections 1 et 2 de la présente section. » ;
2° Le second alinéa de l'article 729-2 est supprimé.
II. – Après l'article 132-1 du code pénal, il est inséré un article 132-1-… ainsi rédigé :
« Art. 132 -1-…. – Une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d'un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l'objet d'une interdiction judiciaire de territoire français ou d'une décision administrative de quitter le territoire français ne peut être condamnée à une peine nécessitant pour son exécution sa présence sur le territoire national, à l'exception de l'emprisonnement, la détention criminelle ou la réclusion criminelle effectifs au sein d'un établissement pénitentiaire.
« Aucun aménagement de peine nécessitant pour sa bonne exécution la présence du condamné sur le territoire français ne peut être accordé à une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d'un titre de séjour régulier sur le territoire national ou qui fait l'objet d'une interdiction judiciaire de territoire français ou d'une décision administrative de quitter le territoire français.
« Les peines d'emprisonnement, de détention criminelle ou de réclusion criminelle des personnes visées à l'alinéa précédent ne peuvent être aménagées que selon les modalités prévues à l'article 729-2 du code de procédure pénale. »
III. – Le chapitre IV du titre IV du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un article L. 264-… ainsi rédigé :
« Art. L. 264-…. – Les décisions d'éloignement d'un étranger faisant l'objet d'une décision de l'autorité judiciaire dont l'exécution nécessite sa présence sur le territoire français ne peuvent être mises à exécution en l'attente de la fin des obligations mises à sa charge. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Vous n’avez pas bien examiné la question, ce qui m’étonne, car je sais combien vous êtes toujours minutieux et scrupuleux dans l’analyse que vous faites des textes.
En réalité, il manque un petit quelque chose dans votre exposé : c’est la condition de présence chez l’intéressé de troubles mentaux dûment constatés. Or, à vous suivre, la rétention de sûreté pourrait être prononcée à raison de la seule constatation d’une dangerosité criminologique – et rien d’autre.
Vous énumérez les infractions, dont le viol, auxquels s’applique, depuis 2008, la rétention ; dont acte. Et vous proposez de supprimer le critère de trouble mental, qui, à l’heure actuelle, conditionne le prononcé d’une peine de rétention de sûreté. Voilà qui n’est pas neutre : la différence est de taille !
Ces alinéas me semblent donc contestables sur le plan constitutionnel, mais le Sénat, dans la grande sagesse dont il est coutumier, dira ce qu’il a à dire.
Cet amendement est issu d'une proposition de loi déposée à la suite de différents incidents, en premier lieu le meurtre en 2021, en Vendée, du père Olivier Maire. Cet assassinat a été l'occasion de mettre en exergue ce qui me semble une incohérence de notre législation : la justice peut prononcer des mesures qui nécessiteront la présence de la personne sur le territoire national alors même que, légalement, elle n'a pas le droit d'y être et devrait le quitter immédiatement.
Il est donc proposé de prévoir que les personnes dépourvues de titre de séjour ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ne pourront être condamnées à des peines qui nécessitent, pour leur exécution, une présence effective sur le territoire national.
La condamnation à un travail d'intérêt général, par exemple, empêche l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cela me semble une incohérence, je l'ai dit ; c'est pour la supprimer que j'ai déposé le présent amendement.
Mme Goulet soulève un véritable problème, qui a ému toute la France au moment du drame qu'elle a évoqué : celui de la conciliation, lorsqu'un étranger en situation irrégulière est mis en examen, entre le déroulement de la procédure judiciaire et l'exécution de la procédure d'éloignement.
Nous avions eu ce débat lors de l'examen de la loi Séparatisme ; à l'époque, nous n'avions pas souhaité faire primer l'éloignement sur la procédure judiciaire, afin d'éviter qu'il ne devienne virtuellement impossible, pour les victimes, d'obtenir réparation.
Les arguments qui avaient été avancés dans ce contexte sont toujours valables aujourd'hui. Je demande néanmoins au Gouvernement de nous le confirmer ; le cas échéant, j'émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
Pour une fois que vous êtes d’accord avec moi…
Sur les dispositions dont nous demandons la suppression, le Gouvernement se prononce défavorablement, et le fait de manière extrêmement argumentée ; c’est que nous sommes ici au cœur de la justice prédictive.
Le problème que nous avons, avec les infractions terroristes, c’est que nous sommes en réalité incapables d’identifier des troubles mentaux chez celles et ceux – plutôt ceux, d’ailleurs – qui les commettent.
Il a déjà été prévu – chacun en a pensé ce qu’il voulait – une entorse au principe en vertu duquel il ne peut y avoir de sanction postsentencielle – au moins ladite entorse restait-elle cantonnée aux troubles mentaux.
Monsieur le rapporteur Daubresse, que dit le Pnat ? Il dit qu’il ne sait pas faire, qu’il ne sait pas encadrer ces situations de prévention de la récidive par la constatation de troubles mentaux. Si vous votez ce dispositif, mes chers collègues, vous mettrez le doigt dans la justice prédictive ;…
Sur les dispositions dont nous demandons la suppression, le Gouvernement se prononce défavorablement, et le fait de manière extrêmement argumentée ; c’est que nous sommes ici au cœur de la justice prédictive.
Le problème que nous avons, avec les infractions terroristes, c’est que nous sommes en réalité incapables d’identifier des troubles mentaux chez celles et ceux – plutôt ceux, d’ailleurs – qui les commettent.
Il a déjà été prévu – chacun en a pensé ce qu’il voulait – une entorse au principe en vertu duquel il ne peut y avoir de sanction post-sentencielle – au moins ladite entorse restait-elle cantonnée aux troubles mentaux.
Monsieur le rapporteur Daubresse, que dit le Pnat ? Il dit qu’il ne sait pas faire, qu’il ne sait pas encadrer ces situations de prévention de la récidive par la constatation de troubles mentaux. Si vous votez ce dispositif, mes chers collègues, vous mettrez le doigt dans la justice prédictive…
On ne peut pas éloigner les gens avant qu'ils aient été jugés, cela me paraît une évidence. Comment feraient les parties civiles ?
Cet argument avait nourri les discussions dans le cadre très particulier que vous avez rappelé, madame la sénatrice. Cette affaire n'étant pas terminée, il m'est d'ailleurs interdit de m'y pencher davantage.
En revanche, le débat public suscité par cette question – fallait-il éloigner l'intéressé ou le maintenir à la disposition de la justice ? – me paraît avoir été tranché dans un sens qui est évidemment favorable aux victimes.
Que n'aurait-on dit si ce monsieur avait été éloigné ! Qu'auraient dit les parties civiles ?
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je mets aux voix l’amendement n° 33.
L'amendement n° 1 est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité de création de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, juridictions spécialisées compétentes dans les affaires complexes liées aux infractions terroristes.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement d'appel a pour objet d'amener dans la discussion le sujet de l'organisation territoriale judiciaire de la lutte antiterroriste.
Parce que le pouvoir judiciaire nous paraît le parent pauvre de la lutte antiterroriste, dominé en la matière à la fois par les services de renseignement et l'administration, via les préfets, notre groupe demande la mise en place de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, à l'image des juridictions interrégionales spécialisées actuellement compétentes en matière de lutte contre la criminalité organisée, qui ont fait leurs preuves dans le démantèlement des réseaux, comme les travaux de la commission d'enquête sénatoriale qui travaille actuellement sur le sujet sont en train de le confirmer.
La création de structures spécialisées dans la lutte contre le terrorisme au sein du tribunal de grande instance de Paris doit être étendue au niveau régional afin de contribuer au renforcement du renseignement territorial sur l'ensemble du territoire français, pour une meilleure prévention des projets criminels.
Après l’article 2
L’amendement n° 1, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La section 7 du titre III du livre premier est complétée par un article 137-… ainsi rédigé :
« Art. 137-…. – La personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut bénéficier des mesures prévues aux sous-sections 1 et 2 de la présente section. » ;
2° Le second alinéa de l’article 729-2 est supprimé.
II. – Après l’article 132-1 du code pénal, il est inséré un article 132-1-… ainsi rédigé :
« Art. 132 -1-…. – Une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire français ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français ne peut être condamnée à une peine nécessitant pour son exécution sa présence sur le territoire national, à l’exception de l’emprisonnement, la détention criminelle ou la réclusion criminelle effectifs au sein d’un établissement pénitentiaire.
« Aucun aménagement de peine nécessitant pour sa bonne exécution la présence du condamné sur le territoire français ne peut être accordé à une personne de nationalité étrangère qui ne bénéficie pas d’un titre de séjour régulier sur le territoire national ou qui fait l’objet d’une interdiction judiciaire de territoire français ou d’une décision administrative de quitter le territoire français.
« Les peines d’emprisonnement, de détention criminelle ou de réclusion criminelle des personnes visées à l’alinéa précédent ne peuvent être aménagées que selon les modalités prévues à l’article 729-2 du code de procédure pénale. »
III. – Le chapitre IV du titre IV du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 264-… ainsi rédigé :
« Art. L. 264-…. – Les décisions d’éloignement d’un étranger faisant l’objet d’une décision de l’autorité judiciaire dont l’exécution nécessite sa présence sur le territoire français ne peuvent être mises à exécution en l’attente de la fin des obligations mises à sa charge. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis… sauf si c'est au ministre de l'intérieur et des outre-mer que vous demandez le rapport, monsieur le sénateur !
Cet amendement est issu d’une proposition de loi déposée à la suite de différents incidents, en premier lieu le meurtre en 2021, en Vendée, du père Olivier Maire. Cet assassinat a été l’occasion de mettre en exergue ce qui me semble une incohérence de notre législation : la justice peut prononcer des mesures qui nécessiteront la présence de la personne sur le territoire national alors même que, légalement, elle n’a pas le droit d’y être et devrait le quitter immédiatement.
Il est donc proposé de prévoir que les personnes dépourvues de titre de séjour ou faisant l’objet d’une mesure d’éloignement ne pourront être condamnées à des peines qui nécessitent, pour leur exécution, une présence effective sur le territoire national.
La condamnation à un travail d’intérêt général, par exemple, empêche l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cela me semble une incohérence, je l’ai dit ; c’est pour la supprimer que j’ai déposé le présent amendement.
Sourires.
Mme Goulet soulève un véritable problème, qui a ému toute la France au moment du drame qu’elle a évoqué : celui de la conciliation, lorsqu’un étranger en situation irrégulière est mis en examen, entre le déroulement de la procédure judiciaire et l’exécution de la procédure d’éloignement.
Nous avions eu ce débat lors de l’examen de la loi Séparatisme ; à l’époque, nous n’avions pas souhaité faire primer l’éloignement sur la procédure judiciaire, afin d’éviter qu’il ne devienne virtuellement impossible, pour les victimes, d’obtenir réparation.
Les arguments qui avaient été avancés dans ce contexte sont toujours valables aujourd’hui. Je demande néanmoins au Gouvernement de nous le confirmer ; le cas échéant, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
TITRE II
RENFORCER LE SUIVI DES MINEURS RADICALISÉS ET ADAPTER L'ARSENAL PÉNAL APPLICABLE EN CAS DE COMMISSION D'ACTES DE TERRORISMES PAR DES MINEURS
On ne peut pas éloigner les gens avant qu’ils aient été jugés, cela me paraît une évidence. Comment feraient les parties civiles ?
Cet argument avait nourri les discussions dans le cadre très particulier que vous avez rappelé, madame la sénatrice. Cette affaire n’étant pas terminée, il m’est d’ailleurs interdit de m’y pencher davantage.
En revanche, le débat public suscité par cette question – fallait-il éloigner l’intéressé ou le maintenir à la disposition de la justice ? – me paraît avoir été tranché dans un sens qui est évidemment favorable aux victimes.
Que n’aurait-on dit si ce monsieur avait été éloigné ! Qu’auraient dit les parties civiles ?
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
On ne peut pas éloigner les gens avant qu’ils n’aient été jugés, cela me paraît une évidence. Comment feraient les parties civiles ?
Cet argument avait nourri les discussions dans le cadre très particulier que vous avez rappelé, madame la sénatrice. Cette affaire n’étant pas terminée, il m’est d’ailleurs interdit de m’y pencher davantage.
En revanche, le débat public suscité par cette question – fallait-il éloigner l’intéressé ou le maintenir à la disposition de la justice ? – me paraît avoir été tranché dans un sens qui est évidemment favorable aux victimes.
Que n’aurait-on dit si ce monsieur avait été éloigné ! Qu’auraient dit les parties civiles ?
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 1 est retiré.
L’amendement n° 13, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de création de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, juridictions spécialisées compétentes dans les affaires complexes liées aux infractions terroristes.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L'amendement n° 34 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l'amendement n° 14.
Cet amendement d’appel a pour objet d’amener dans la discussion le sujet de l’organisation territoriale judiciaire de la lutte antiterroriste.
Parce que le pouvoir judiciaire nous paraît le parent pauvre de la lutte antiterroriste, dominé en la matière à la fois par les services de renseignement et l’administration, via les préfets, notre groupe demande la mise en place de pôles judiciaires interrégionaux antiterroristes, à l’image des juridictions interrégionales spécialisées actuellement compétentes en matière de lutte contre la criminalité organisée, qui ont fait leurs preuves dans le démantèlement des réseaux, comme les travaux de la commission d’enquête sénatoriale qui travaille actuellement sur le sujet sont en train de le confirmer.
La création de structures spécialisées dans la lutte contre le terrorisme au sein du tribunal de grande instance de Paris doit être étendue au niveau régional afin de contribuer au renforcement du renseignement territorial sur l’ensemble du territoire français, pour une meilleure prévention des projets criminels.
Le présent amendement vise à supprimer l'article 3, qui a pour objet de déroger au droit pénal spécial des mineurs pour étendre la durée maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire des mineurs radicalisés ou en voie de radicalisation et placés sous main de justice.
Cet article va à l'encontre du principe de l'autonomie du droit pénal des mineurs délinquants, qui consiste à adapter la réponse pénale en tenant compte de la minorité de l'auteur de l'infraction.
Cette spécificité, qui autorise l'aménagement des règles procédurales, est sans cesse remise en cause par le groupe Les Républicains du Sénat. Ainsi, d'année en année, la procédure pénale des mineurs se rapproche de celle des majeurs.
Pourtant, les mineurs radicalisés et délinquants sont aussi victimes d'un environnement et en perte de repères. Ils sont par essence influençables et doivent être protégés contre les atteintes à leur libre arbitre.
La pauvreté et l'isolement social des mineurs sont, par exemple, des facteurs propices à leur radicalisation, qui peut même s'apparenter à un phénomène d'emprise sectaire.
À ce titre, le législateur a déjà prévu une incrimination d'incitation de mineurs à participer à un groupement terroriste. Cette incrimination, inscrite à l'article 421-2-4-1 du code pénal, sanctionne tout ayant droit faisant la promotion des mouvements sectaires ou radicaux auprès de mineurs.
Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires réaffirme l'intérêt d'une justice pénale des mineurs qui tienne compte des spécificités d'atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l'âge, de la primauté de l'éducatif sur le répressif, de la spécialisation des juridictions et des procédures.
Le tout-répressif et les mesures coercitives à l'égard des mineurs ont une incidence importante et néfaste sur leur avenir et sur leur construction. Une politique de prévention contre la radicalisation à la hauteur des enjeux serait bien plus efficace que la simple surenchère répressive pour lutter contre l'embrigadement.
La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l'amendement n° 34.
Cet amendement tend lui aussi à supprimer cet article, qui nous semble contraire à l'esprit qui doit gouverner la justice des mineurs.
Je veux mentionner la note du ministère de la justice du 10 février 2017 relative à cette question.
Venant de passer quarante-huit heures d'immersion au sein du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) de Gironde, j'ai pu mesurer le travail spécifique qui est mené sur cette question et qui reposer essentiellement sur le principe de la spécialisation.
Cet article est quelque peu contradictoire avec tout ce que nous tâchons de promouvoir et avec ce que le ministère de la justice essaie justement de développer.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis… sauf si c’est au ministre de l’intérieur et des outre-mer que vous demandez le rapport, monsieur le sénateur !
Je mets aux voix l’amendement n° 13.
Même avis.
Article 3
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog, Vermeillet, Borchio Fontimp, Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et M. Sido, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 9° de l'article L. 331-2 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° S'abstenir d'utiliser certains réseaux électroniques d'information ou de messagerie spécialement désignés par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d'y maintenir une présence ou une activité, de quelque façon que ce soit. »
La parole est à M. André Reichardt.
Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :
1° Après le 3° de l’article L. 331-1, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans pour une infraction à caractère terroriste. » ;
2° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 331-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette durée est portée à deux ans pour l’instruction des infractions à caractère terroriste. » ;
3° Après l’article L. 333-1, il est inséré un article L. 333-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 333 -1 -1. – Le mineur âgé d’au moins treize ans peut être assigné à résidence avec surveillance électronique par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et la détention, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 137 et 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale, lorsqu’il encourt une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans pour des infractions à caractère terroriste. Ces juridictions statuent après avis du service de la protection judiciaire de la jeunesse ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation si l’intéressé est majeur au moment de la décision.
« Il peut en outre être astreint aux obligations prévues aux 1° à 14° de l’article L. 331-2 du présent code.
« Les dispositions relatives au placement sous surveillance électronique mobile ne sont pas applicables. » ;
4° Après l’article L. 433-5, il est inséré un article L. 433-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 433 -5 -1. – La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à trois mois pour l’instruction du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal.
« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 2° de l’article L. 433-2 du présent code est portée à un an pour l’instruction des crimes prévus au 1° de l’article 421-1 et aux articles 421-5 et 421-6 du code pénal. » ;
5° L’article L. 433-6 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La durée totale de détention provisoire mentionnée au 1° de l’article L. 433-2 est portée à un an pour l’instruction des délits à caractère terroriste, à l’exception du délit mentionné à l’article 421-2-1 du code pénal. » ;
b)
6° Le second alinéa de l’article L. 521-2 est complété par les mots : «, à l’exception des infractions à caractère terroriste ».
Compte tenu de l'utilisation courante des réseaux de communication ou d'information par les discours de radicalisation, il me paraît indispensable de permettre aux juridictions pour enfants d'interdire à certains mineurs, faisant l'objet de mesures de contrôle judiciaire, l'utilisation des réseaux sociaux et l'accès à ces derniers, comme je l'ai souligné dans la discussion générale.
Le présent amendement vise à inscrire cette mesure spéciale parmi les obligations susceptibles d'intégrer le contrôle judiciaire d'un mineur.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 14 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 34 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 14.
Le présent amendement vise à supprimer l’article 3, qui a pour objet de déroger au droit pénal spécial des mineurs pour étendre la durée maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire des mineurs radicalisés ou en voie de radicalisation et placés sous main de justice.
Cet article va à l’encontre du principe de l’autonomie du droit pénal des mineurs délinquants, qui consiste à adapter la réponse pénale en tenant compte de la minorité de l’auteur de l’infraction.
Cette spécificité, qui autorise l’aménagement des règles procédurales, est sans cesse remise en cause par le groupe Les Républicains du Sénat. Ainsi, d’année en année, la procédure pénale des mineurs se rapproche de celle des majeurs.
Pourtant, les mineurs radicalisés et délinquants sont aussi victimes d’un environnement et en perte de repères. Ils sont par essence influençables et doivent être protégés contre les atteintes à leur libre arbitre.
La pauvreté et l’isolement social des mineurs sont, par exemple, des facteurs propices à leur radicalisation, qui peut même s’apparenter à un phénomène d’emprise sectaire.
À ce titre, le législateur a déjà prévu une incrimination d’incitation de mineurs à participer à un groupement terroriste. Cette incrimination, inscrite à l’article 421-2-4-1 du code pénal, sanctionne tout ayant droit faisant la promotion des mouvements sectaires ou radicaux auprès de mineurs.
Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires réaffirme l’intérêt d’une justice pénale des mineurs qui tienne compte des spécificités d’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, de la primauté de l’éducatif sur le répressif, de la spécialisation des juridictions et des procédures.
Le tout-répressif et les mesures coercitives à l’égard des mineurs ont une incidence importante et néfaste sur leur avenir et sur leur construction. Une politique de prévention contre la radicalisation à la hauteur des enjeux serait bien plus efficace que la simple surenchère répressive pour lutter contre l’embrigadement.
Nous comprenons parfaitement l'intention de M. Reichardt, mais le dispositif proposé est difficilement opérationnel et particulièrement restrictif.
En outre, ainsi que je l'ai rappelé en commission, nous pensons, compte tenu des obligations existantes – nous avons proposé, à l'article 14, de reprendre une peine complémentaire de bannissement numérique –, que nous sommes déjà suffisamment armés et qu'il ne faut pas aller plus loin, sous peine de nous exposer à un problème de proportionnalité.
En conséquence, je sollicite le retrait de l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l’amendement n° 34.
Cet amendement tend lui aussi à supprimer cet article, qui nous semble contraire à l’esprit qui doit gouverner la justice des mineurs.
Je veux mentionner la note du ministère de la justice du 10 février 2017 relative à cette question.
Venant de passer quarante-huit heures d’immersion au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) de Gironde, j’ai pu mesurer le travail spécifique qui est mené sur cette question et qui reposer essentiellement sur le principe de la spécialisation.
Cet article est quelque peu contradictoire avec tout ce que nous tâchons de promouvoir et avec ce que le ministère de la justice essaie justement de développer.
Monsieur le sénateur, je formule la même proposition.
Je rappelle, par ailleurs, que le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique doit être examiné en commission mixte paritaire et que ce texte est plus large que ce que vous préconisez.
Je confirme que M. le rapporteur m'a tenu le même discours en commission. Je veux lui dire que cet amendement ne me paraît pas manquer de proportionnalité.
Selon moi, il ne pose pas d'interdiction générale : il reviendrait naturellement au magistrat de prononcer l'interdiction concernée dans chaque affaire, selon chaque réseau. Il s'agit donc d'une faculté distincte et complémentaire de celle que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, à savoir le bannissement numérique.
Monsieur le garde des sceaux, je vous ai bien entendu également. Il est clair que le projet de loi que vous évoquez est important. Toutefois, il serait dommage de priver le juge de la faculté de prononcer cette interdiction.
Je maintiens mon amendement, monsieur le président.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 3 est adopté.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mme Josende, M. H. Leroy, Mmes Berthet, Drexler et Muller-Bronn, MM. Burgoa, Pellevat, Frassa, D. Laurent, Belin, Chaize, Chatillon et Anglars, Mme F. Gerbaud, M. Reynaud, Mmes N. Goulet et Dumont, MM. Bouchet, Mizzon et Kern, Mme Schalck, M. Longeot, Mmes Herzog, Vermeillet, Borchio Fontimp, Sollogoub et Billon, M. Paccaud, Mme Jacquemet et M. Sido, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 9° de l’article L. 331-2 du code de la justice pénale des mineurs, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° S’abstenir d’utiliser certains réseaux électroniques d’information ou de messagerie spécialement désignés par le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’y maintenir une présence ou une activité, de quelque façon que ce soit. »
La parole est à M. André Reichardt.
Compte tenu de l’utilisation courante des réseaux de communication ou d’information par les discours de radicalisation, il me paraît indispensable de permettre aux juridictions pour enfants d’interdire à certains mineurs, faisant l’objet de mesures de contrôle judiciaire, l’utilisation des réseaux sociaux et l’accès à ces derniers, comme je l’ai souligné dans la discussion générale.
Le présent amendement vise à inscrire cette mesure spéciale parmi les obligations susceptibles d’intégrer le contrôle judiciaire d’un mineur.
Nous comprenons parfaitement l’intention de M. Reichardt, mais le dispositif proposé est difficilement opérationnel et particulièrement restrictif.
En outre, ainsi que je l’ai rappelé en commission, nous pensons, compte tenu des obligations existantes – nous avons proposé, à l’article 14, de reprendre une peine complémentaire de bannissement numérique –, que nous sommes déjà suffisamment armés et qu’il ne faut pas aller plus loin, sous peine de nous exposer à un problème de proportionnalité.
En conséquence, je sollicite le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le sénateur, je formule la même proposition.
Je rappelle, par ailleurs, que le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique doit être examiné en commission mixte paritaire et que ce texte est plus large que ce que vous préconisez.
Monsieur Reichardt, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
Je confirme que M. le rapporteur m’a tenu le même discours en commission. Je veux lui dire que cet amendement ne me paraît pas manquer de proportionnalité.
Selon moi, il ne pose pas d’interdiction générale : il reviendrait naturellement au magistrat de prononcer l’interdiction concernée dans chaque affaire, selon chaque réseau. Il s’agit donc d’une faculté distincte et complémentaire de celle que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, à savoir le bannissement numérique.
Monsieur le garde des sceaux, je vous ai bien entendu également. Il est clair que le projet de loi que vous évoquez est important. Toutefois, il serait dommage de priver le juge de la faculté de prononcer cette interdiction.
Je maintiens mon amendement, monsieur le président.
Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.
L'amendement n° 15, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet article a pour objet de créer une nouvelle mesure administrative d'interdiction de paraître dans les grands événements, autonome des Micas.
Ces dernières, adoptées dans le cadre de la loi Silt, prévoient déjà l'obligation de ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, l'obligation de signaler ses déplacements au-delà d'un périmètre déterminé et l'interdiction de paraître en un lieu déterminé.
Sous couvert du principe de précaution, l'adoption d'une énième mesure administrative créera inévitablement un risque d'arbitraire pour une partie de la population.
Dès lors que les aménagements apportés au droit pénal permettent de judiciariser de manière plus précoce les personnes susceptibles de passer à l'acte terroriste, de telles mesures, qui tendent à renforcer le millefeuille législatif et qui sont source de confusion, ne nous semblent pas nécessaires.
Enfin, la législation pénale en matière de lutte antiterroriste en France étant extrêmement développée, l'inscription, dans notre droit commun, d'une multitude de mesures administratives coercitives adoptées dans une logique prédictive fait peser des menaces sur notre État de droit.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
L'amendement n° 35, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
dans lesquels se tient un évènement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste
par les mots :
par décret, dans lesquels se tiennent des grands événements et des grands rassemblements de personnes ayant pour objet d'assister à des événements exposés à un risque d'actes de terrorisme en raison de leur nature et de l'ampleur de leur fréquentation. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui les accueillent ainsi que leur organisateur
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Cet amendement a pour objet de préciser les lieux concernés par l'interdiction de paraître.
Nous estimons que cette mesure s'inscrit ouvertement dans la perspective des jeux Olympiques. Il convient donc de définir le plus précisément possible à quel type d'événement elle s'appliquerait.
Nous proposons de définir cette interdiction par décret, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les grands événements, notamment pour les jeux Olympiques.
Nous nous inquiétons de ce que cet article, qui concerne un événement exceptionnel, pourrait devenir d'application courante.
Article 7
Après le chapitre VI du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI BIS
« Interdictions de paraître dans des lieux exposés à un risque de menace grave ou terroriste
« Art. L. 226 -1 -1. – Aux seules fin de prévenir la commission d’actes de terrorisme, le ministre de l’intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, prononcer à l’égard de toute personne ne faisant pas déjà l’objet de la même mesure au titre des obligations prévues aux articles L. 228-2 et L. 228-4 du code de la sécurité intérieure ou aux articles L. 332-11 et L. 332-16 du code du sport et pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste.
« Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Sa durée est strictement limitée à celle de l’événement, dans la limite de deux mois. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur.
« Cette interdiction peut être assortie d’une obligation de répondre, au moment de l’évènement objet de l’interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par le ministre de l’intérieur, dans la limite d’une fois par jour.
« La personne soumise à l’obligation mentionnée au premier alinéa du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. Ce recours s’exerce sans préjudice des procédures ouvertes aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code.
« Le fait de se soustraire aux obligations du présent article est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »
Nos collègues socialistes veulent limiter aux seuls grands événements et grands rassemblements le champ de l'interdiction de paraître, créée par l'article 7 bis et qui, je le rappelle, ne s'applique normalement que dans le cadre des Micas.
Une telle limitation ne me paraît pas nécessaire et me semble trop restrictive.
Je veux donner un exemple : le procès des complices des attentats de Trèbes et de Carcassonne, qui se tient actuellement, peut nécessiter que des interdictions de paraître soient prises à l'encontre de certains individus ; or si votre amendement était adopté, cela serait impossible !
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 15, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet article a pour objet de créer une nouvelle mesure administrative d’interdiction de paraître dans les grands événements, autonome des Micas.
Ces dernières, adoptées dans le cadre de la loi Silt, prévoient déjà l’obligation de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, l’obligation de signaler ses déplacements au-delà d’un périmètre déterminé et l’interdiction de paraître en un lieu déterminé.
Sous couvert du principe de précaution, l’adoption d’une énième mesure administrative créera inévitablement un risque d’arbitraire pour une partie de la population.
Dès lors que les aménagements apportés au droit pénal permettent de judiciariser de manière plus précoce les personnes susceptibles de passer à l’acte terroriste, de telles mesures, qui tendent à renforcer le millefeuille législatif et qui sont source de confusion, ne nous semblent pas nécessaires.
Enfin, la législation pénale en matière de lutte antiterroriste en France étant extrêmement développée, l’inscription, dans notre droit commun, d’une multitude de mesures administratives coercitives adoptées dans une logique prédictive fait peser des menaces sur notre État de droit.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 25, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 5, dernière phrase
Supprimer les mots :
Sauf urgence dûment justifiée,
La parole est à M. Ian Brossat.
L'alinéa 5 de l'article 7 prévoit notamment de déroger à la notification d'une interdiction de paraître à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur en cas « d'urgence dûment justifiée ».
Si l'alinéa 7 du même article permet expressément l'exercice d'un référé-liberté à l'encontre de cette interdiction, le juge administratif ne dispose que de quarante-huit heures pour statuer sur un tel recours.
Dès lors, et par cohérence avec la garantie du droit à un recours effectif, il convient de prévoir de manière systématique une notification à l'intéressé au plus tard quarante-huit heures avant l'entrée en vigueur de l'interdiction de paraître, sans qu'une quelconque urgence ne puisse justifier l'inverse.
Le fait qu'une telle mesure d'interdiction soit autonome d'une Micas rend cette disposition d'autant plus nécessaire.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 35, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
dans lesquels se tient un évènement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste
par les mots :
par décret, dans lesquels se tiennent des grands événements et des grands rassemblements de personnes ayant pour objet d’assister à des événements exposés à un risque d’actes de terrorisme en raison de leur nature et de l’ampleur de leur fréquentation. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui les accueillent ainsi que leur organisateur
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Par cet article, la commission a souhaité conférer un caractère beaucoup plus opérationnel à l'interdiction de paraître, dans un nombre de cas très limités et strictement nécessaires, dont la liste est précisée, afin de permettre au ministre d'intérieur de notifier la mesure moins de quarante-huit heures avant son entrée en vigueur.
Toutefois, nous avons conservé la possibilité d'une contestation devant le juge des référés dans un délai maximum de quarante-huit heures, ce qui permet d'exercer les droits de recours : avis défavorable.
Cet amendement a pour objet de préciser les lieux concernés par l’interdiction de paraître.
Nous estimons que cette mesure s’inscrit ouvertement dans la perspective des jeux Olympiques. Il convient donc de définir le plus précisément possible à quel type d’événement elle s’appliquerait.
Nous proposons de définir cette interdiction par décret, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les grands événements, notamment pour les jeux Olympiques.
Nous nous inquiétons de ce que cet article, qui concerne un événement exceptionnel, pourrait devenir d’application courante.
Nos collègues socialistes veulent limiter aux seuls grands événements et grands rassemblements le champ de l’interdiction de paraître, créée par l’article 7 bis et qui, je le rappelle, ne s’applique normalement que dans le cadre des Micas.
Une telle limitation ne me paraît pas nécessaire et me semble trop restrictive. Je veux donner un exemple : le procès des complices des attentats de Trèbes et de Carcassonne, qui se tient actuellement, peut nécessiter que des interdictions de paraître soient prises à l’encontre de certains individus ; or, si votre amendement était adopté, cela serait impossible !
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 49, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
même code
par les mots :
code de justice administrative
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 25, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéa 5, dernière phrase
Supprimer les mots :
Sauf urgence dûment justifiée,
La parole est à M. Ian Brossat.
L’alinéa 5 de l’article 7 prévoit notamment de déroger à la notification d’une interdiction de paraître à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur en cas « d’urgence dûment justifiée ».
Si l’alinéa 7 du même article permet expressément l’exercice d’un référé-liberté à l’encontre de cette interdiction, le juge administratif ne dispose que de quarante-huit heures pour statuer sur un tel recours.
Dès lors, et par cohérence avec la garantie du droit à un recours effectif, il convient de prévoir de manière systématique une notification à l’intéressé au plus tard quarante-huit heures avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de paraître, sans qu’une quelconque urgence ne puisse justifier l’inverse.
Le fait qu’une telle mesure d’interdiction soit autonome d’une Micas rend cette disposition d’autant plus nécessaire.
L’alinéa 5 de l’article 7 prévoit notamment de déroger à la notification d’une interdiction de paraître à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur en cas « d’urgence dûment justifiée ».
Si l’alinéa 7 du même article permet expressément l’exercice d’un référé-liberté à l’encontre de cette interdiction, le juge administratif ne dispose que de quarante-huit heures pour statuer sur un tel recours.
Dès lors, et par cohérence avec la garantie du droit à un recours effectif, il convient de prévoir de manière systématique une notification à l’intéressé au plus tard quarante-huit heures avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de paraître, sans qu’une quelconque urgence puisse justifier l’inverse.
Le fait qu’une telle mesure d’interdiction soit autonome d’une Micas rend cette disposition d’autant plus nécessaire.
L'amendement est adopté.
Par cet article, la commission a souhaité conférer un caractère beaucoup plus opérationnel à l’interdiction de paraître, dans un nombre de cas très limités et strictement nécessaires, dont la liste est précisée, afin de permettre au ministre de l’intérieur de notifier la mesure moins de quarante-huit heures avant son entrée en vigueur.
Toutefois, nous avons conservé la possibilité d’une contestation devant le juge des référés dans un délai maximum de quarante-huit heures, ce qui permet d’exercer les droits de recours : avis défavorable.
L'article 7 est adopté.
Même avis, monsieur le président.
Je mets aux voix l’amendement n° 25.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l'amendement n° 16.
Cet amendement tend à supprimer l'article 7 bis, qui a pour objet de rendre suspensif l'appel interjeté par le ministère de l'intérieur à l'encontre du jugement d'annulation de renouvellement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.
Cette mesure confère un pouvoir disproportionné aux magistrats du parquet d'aller à l'encontre des décisions d'annulation des magistrats du pôle antiterroriste, alors que ces derniers souffrent d'un manque d'indépendance, étant placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques.
Pour rappel, les jugements d'annulation des Micas sont prononcés lorsqu'il n'existe plus de raisons sérieuses de penser que le comportement de l'individu constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics.
Ce sont des mesures particulièrement attentatoires aux libertés individuelles, de nature à porter atteinte à la liberté d'aller et venir. L'opportunité de mettre fin ou non à de telles mesures doit donc être laissée à l'appréciation du magistrat, sans que sa décision ne soit assortie d'un quelconque effet suspensif.
La prévention des actes de terrorisme est un objectif légitime, qu'il ne s'agit nullement de contester.
Cependant, cet article, comme l'ensemble de la proposition de loi, en rognant sur les libertés individuelles, sans apporter de garanties aux justiciables, témoigne d'une dérive inquiétante en écho à une logique de suspicion qui a pénétré notre État de droit.
L’amendement n° 49, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
même code
par les mots :
code de justice administrative
La parole est à M. le rapporteur.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l'amendement n° 36.
En commission, M. le rapporteur a souhaité conférer un caractère suspensif à l'appel interjeté par le ministère de l'intérieur à l'encontre du jugement d'annulation du renouvellement d'une Micas.
Selon certains, ce ne serait pas grave, puisqu'il est statué en appel dans un délai de soixante-douze heures. Mais cet argument ne tient pas : comme M. le rapporteur l'a expliqué en commission, lorsque le tribunal administratif annule la mesure de renouvellement, la surveillance de l'intéressé prend fin, y compris si le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait appel du jugement.
Pourquoi en irait-il autrement ? Dans notre pays, ce sont encore les tribunaux qui décident en la matière !
Je mets aux voix l’amendement n° 49.
Article 7 bis
L'amendement n° 50, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
Avant le dernier
par les mots :
Après le huitième
La parole est à M. le rapporteur.
Avant le dernier alinéa de l’article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’annulation de la décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article, le ministre de l’intérieur peut interjeter appel dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification dudit jugement. Il est statué sur cet appel par le président de la cour administrative d’appel ou un magistrat délégué par lui dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine de la cour. La mesure dont le renouvellement a été annulé demeure en vigueur jusqu’à l’expiration du délai d’appel ou, en cas de recours, jusqu’à l’expiration du délai de soixante-douze heures précité. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 16 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 36 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 16.
Cet amendement tend à supprimer l’article 7 bis, qui a pour objet de rendre suspensif l’appel interjeté par le ministère de l’intérieur à l’encontre du jugement d’annulation de renouvellement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.
Cette mesure confère un pouvoir disproportionné aux magistrats du parquet d’aller à l’encontre des décisions d’annulation des magistrats du pôle antiterroriste, alors que ces derniers souffrent d’un manque d’indépendance, étant placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques.
Pour rappel, les jugements d’annulation des Micas sont prononcés lorsqu’il n’existe plus de raisons sérieuses de penser que le comportement de l’individu constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics.
Ce sont des mesures particulièrement attentatoires aux libertés individuelles, de nature à porter atteinte à la liberté d’aller et venir. L’opportunité de mettre fin ou non à de telles mesures doit donc être laissée à l’appréciation du magistrat, sans que sa décision ne soit assortie d’un quelconque effet suspensif.
La prévention des actes de terrorisme est un objectif légitime, qu’il ne s’agit nullement de contester.
Cependant, cet article, comme l’ensemble de la proposition de loi, en rognant sur les libertés individuelles, sans apporter de garanties aux justiciables, témoigne d’une dérive inquiétante en écho à une logique de suspicion qui a pénétré notre État de droit.
Cet amendement tend à supprimer l’article 7 bis, qui a pour objet de rendre suspensif l’appel interjeté par le ministère de l’intérieur à l’encontre du jugement d’annulation de renouvellement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.
Cette mesure confère un pouvoir disproportionné aux magistrats du parquet d’aller à l’encontre des décisions d’annulation des magistrats du pôle antiterroriste, alors que ces derniers souffrent d’un manque d’indépendance, étant placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques.
Pour rappel, les jugements d’annulation des Micas sont prononcés lorsqu’il n’existe plus de raisons sérieuses de penser que le comportement de l’individu constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics.
Ce sont des mesures particulièrement attentatoires aux libertés individuelles, de nature à porter atteinte à la liberté d’aller et venir. L’opportunité de mettre fin ou non à de telles mesures doit donc être laissée à l’appréciation du magistrat, sans que sa décision soit assortie d’un quelconque effet suspensif.
La prévention des actes de terrorisme est un objectif légitime, qu’il ne s’agit nullement de contester.
Cependant, cet article, comme l’ensemble de la proposition de loi, en rognant sur les libertés individuelles, sans apporter de garanties aux justiciables, témoigne d’une dérive inquiétante en écho à une logique de suspicion qui a pénétré notre État de droit.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 36.
En commission, M. le rapporteur a souhaité conférer un caractère suspensif à l’appel interjeté par le ministère de l’intérieur à l’encontre du jugement d’annulation du renouvellement d’une Micas.
Selon certains, ce ne serait pas grave, puisqu’il est statué en appel dans un délai de soixante-douze heures. Mais cet argument ne tient pas : comme M. le rapporteur l’a expliqué en commission, lorsque le tribunal administratif annule la mesure de renouvellement, la surveillance de l’intéressé prend fin, y compris si le ministre de l’intérieur et des outre-mer fait appel du jugement.
Pourquoi en irait-il autrement ? Dans notre pays, ce sont encore les tribunaux qui décident en la matière !
L'amendement est adopté.
L'article 7 bis est adopté.
L'amendement n° 45, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
Au travers de cet amendement de suppression, nous tenons à faire remarquer deux choses, qui sont révélatrices à la fois de la dynamique de cette proposition de loi et d'un mouvement de fond qui, ces dernières années, va toujours dans le même sens.
M. le rapporteur a expliqué l'insertion de cet article par la présence d'une malfaçon dans la loi du 30 juillet 2021. Lorsque l'on veut légiférer aussi régulièrement et aussi rapidement sur ces questions, doit-on se plaindre de constater des malfaçons ?
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez une voie de recours contre la décision du juge des libertés et de la détention du refus d'exploitation de documents et de données saisis dans le cadre d'une visite domiciliaire. Permettez-nous de dire que cette hypothèse est suffisamment rare pour devoir être amplement justifiée !
Vous n'avez de cesse de proposer de limiter l'office du juge, mais jusqu'où et jusqu'à quand ?
L’amendement n° 50, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
Avant le dernier
par les mots :
Après le huitième
La parole est à M. le rapporteur.
Je mets aux voix l’amendement n° 50.
Je mets aux voix l'amendement n° 45.
Article 7 ter
L’amendement n° 45, présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
L'amendement n° 17, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Au travers de cet amendement de suppression, nous tenons à faire remarquer deux choses, qui sont révélatrices à la fois de la dynamique de cette proposition de loi et d’un mouvement de fond qui, ces dernières années, va toujours dans le même sens.
M. le rapporteur a expliqué l’insertion de cet article par la présence d’une malfaçon dans la loi du 30 juillet 2021. Lorsque l’on veut légiférer aussi régulièrement et aussi rapidement sur ces questions, doit-on se plaindre de constater des malfaçons ?
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez une voie de recours contre la décision du juge des libertés et de la détention du refus d’exploitation de documents et de données saisis dans le cadre d’une visite domiciliaire. Permettez-nous de dire que cette hypothèse est suffisamment rare pour devoir être amplement justifiée !
Vous n’avez de cesse de proposer de limiter l’office du juge, mais jusqu’où et jusqu’à quand ?
Par cet amendement de suppression, nous tenons à faire remarquer deux choses, qui sont révélatrices à la fois de la dynamique de cette proposition de loi et d’un mouvement de fond qui, ces dernières années, va toujours dans le même sens.
M. le rapporteur a expliqué l’insertion de cet article par la présence d’une malfaçon dans la loi du 30 juillet 2021. Lorsque l’on veut légiférer aussi régulièrement et aussi rapidement sur ces questions, doit-on se plaindre de constater des malfaçons ?
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez une voie de recours contre la décision du juge des libertés et de la détention du refus d’exploitation de documents et de données saisis dans le cadre d’une visite domiciliaire. Permettez-nous de dire que cette hypothèse est suffisamment rare pour devoir être amplement justifiée !
Vous n’avez de cesse de proposer de limiter l’office du juge, mais jusqu’où et jusqu’à quand ?
Il s'agit, cette fois, de supprimer l'article 7 quater, qui a pour objet de renforcer la transmission des informations ayant trait à la prise en charge d'une personne radicalisée hospitalisée sans son consentement aux préfets du lieu d'hospitalisation et du lieu de domicile.
Le Syndicat de la magistrature avait souligné, lors de l'examen de la loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, que ces dispositions marquaient une étape supplémentaire et significative dans le fichage et la surveillance des personnes souffrant de troubles psychiatriques.
Selon ledit syndicat, le secret médical est un principe fondamental de l'exercice de la médecine dont le respect découle des exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, relatives à la protection de la santé.
Sans confiance des patients envers leur médecin, par crainte de la diffusion de données médicales, l'incitation à aller se soigner se trouve dangereusement altérée, alors même que le code de déontologie médicale prévoit que le secret médical est institué dans l'intérêt des patients et pour préserver la confiance dans le corps médical.
Pour ces raisons, notre groupe s'oppose à cette mesure.
Je mets aux voix l’amendement n° 45.
Je mets aux voix l'amendement n° 17.
Article 7 quater
Chapitre II
Rénover les moyens d'entrave administrative aux activités et groupements terroristes
Après la première occurrence du mot : « consentement, », la fin de l’article L. 3211-12-7 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « se voir communiquer :
« 1° Les données d’identification de cette personne et les données relatives à sa situation administrative portées à la connaissance du représentant de l’État dans le département d’hospitalisation ou, à Paris, du préfet de police en application des articles L. 3212-5, L. 3212-8 et L. 3212-9 du présent code ou dont il dispose en application du chapitre III du présent titre et de l’article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque ces données sont strictement nécessaires à l’accomplissement de leurs missions ;
« 2° Les données relatives à la forme et à la durée de l’autorisation de sortie de courte durée, les données relatives à la modification de la forme de la prise en charge ainsi que les données relatives à la date de levée de la mesure de soins.
« Les données mentionnées aux 1° et 2° ne peuvent être communiquées lorsqu’elles sont antérieures de plus de trois ans à la date de levée de la mesure de soins sans consentement. »
L’amendement n° 17, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Benarroche.
Il s’agit, cette fois, de supprimer l’article 7 quater, qui a pour objet de renforcer la transmission des informations ayant trait à la prise en charge d’une personne radicalisée hospitalisée sans son consentement aux préfets du lieu d’hospitalisation et du lieu de domicile.
Le Syndicat de la magistrature avait souligné, lors de l’examen de la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, que ces dispositions marquaient une étape supplémentaire et significative dans le fichage et la surveillance des personnes souffrant de troubles psychiatriques.
Selon ledit syndicat, le secret médical est un principe fondamental de l’exercice de la médecine dont le respect découle des exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, relatives à la protection de la santé.
Sans confiance des patients envers leur médecin, par crainte de la diffusion de données médicales, l’incitation à aller se soigner se trouve dangereusement altérée, alors même que le code de déontologie médicale prévoit que le secret médical est institué dans l’intérêt des patients et pour préserver la confiance dans le corps médical.
Pour ces raisons, notre groupe s’oppose à cette mesure.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 37 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l'amendement n° 26.
L'article 8 est celui qui a le plus attiré notre attention.
Il modifie les conditions de dissolution administrative des associations, en précisant la notion de « provocation » pouvant justifier une telle mesure.
Or cette dissolution dépasse largement le cadre de la seule lutte contre le terrorisme. Tel qu'il est rédigé, cet article modifie l'article L. 212-1 du code de sécurité intérieure, qui porte le régime de dissolution de toutes les associations et groupements de fait.
Si l'islamisme est la mouvance la plus concernée par les mesures de dissolution, avec dix-neuf dissolutions sur quarante-six depuis 2012, aucune d'entre elles n'a été suspendue ou annulée en justice.
À vrai dire, sur ces quarante-six dissolutions, seules deux ont été suspendues en justice et deux autres ont été annulées, dont celle qui visait les Soulèvements de la Terre.
On peut convenir que quatre sur quarante-six, cela ne relève pas exactement d'un « gouvernement des juges », expression qui revient de manière récurrente dans le débat public, de façon pour le moins confuse…
C'est pourquoi nous ne comprenons pas la volonté de « moderniser et renforcer » – pour reprendre les termes de l'exposé des motifs du texte – ce régime de dissolution administrative.
Plus généralement, le rapport de l'Assemblée nationale de novembre dernier sur l'activisme violent soulève plusieurs limites au principe même d'une telle mesure.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l'amendement n° 37.
J'ai peu à ajouter à l'excellente présentation de M. Brossat.
Nous demandons également la suppression de ces dispositions, dont nous estimons qu'elles ne relèvent pas de l'objet de ce texte, consacré au terrorisme. Les dispositions de cet article vont bien au-delà et concernent directement la question des associations.
Je mets aux voix l’amendement n° 17.
Article 8
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Ian Brossat.
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article L. 212-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La provocation mentionnée aux 1°, 6° et 7° est constituée lorsqu’une association ou un groupement de fait, à travers ses dirigeants ou un ou plusieurs de ses membres agissant en cette qualité ou directement liés à ses activités, dans les conditions fixées à l’article L. 212-1-1, incite des personnes, par propos ou par actes, explicitement ou implicitement, à se livrer aux agissements mentionnés aux 1°, 6° et 7° du présent article ou les légitime publiquement ou s’abstient de mettre en œuvre les moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d’incitation à les commettre. » ;
2° Après l’article L. 212-1-1, il est inséré un article L. 212-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 212 -1 -2. – Lorsque l’autorité administrative engage une procédure de dissolution d’une association en application de l’article L. 212-1 ou à défaut, dès le prononcé de cette dissolution, elle saisit, par requête, le président du tribunal judiciaire du ressort du siège de l’association, aux fins de désignation d’un curateur. Le président de la juridiction statue dans les cinq jours de sa saisine. La mission du curateur prend effet à la date où la dissolution est prononcée.
« Lorsque l’ordonnance est rendue au cours de la procédure de dissolution engagée sur le fondement du même article L. 212-1, la mission du curateur prend effet à la date où la dissolution est prononcée.
« Le curateur exerce les pouvoirs conférés par les articles 809-2 à 810-8 du code civil aux curateurs des successions vacantes.
« Le curateur a pour mission de procéder à la liquidation des biens de l’association et de convoquer, dans un délai déterminé par le tribunal, la réunion d’une assemblée générale à seule fin d’adopter une délibération sur la dévolution des biens, nonobstant toute clause figurant dans les statuts de l’association ou toute délibération préexistante ayant cet objet. L’assemblée générale est convoquée et délibère valablement à la majorité des suffrages exprimés quel que soit le nombre de membres présents. Le curateur communique immédiatement copie de la délibération de cette assemblée générale à l’autorité administrative.
« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’en application de la délibération mentionnée au quatrième alinéa du présent article, les actifs de l’association dissoute risquent d’être transmis à une personne morale dont l’objet ou les agissements sont de même nature que ceux ayant justifié la mesure de dissolution, ou lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé de la dévolution des biens, ou que le curateur a été empêché d’exercer sa mission, l’autorité administrative saisit le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de la délibération de l’assemblée générale et de désignation d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’une personne morale de droit public à laquelle les biens seront dévolus. La demande est formée, instruite et jugée selon les règles régissant la procédure accélérée au fond. À peine d’irrecevabilité, l’assignation est délivrée dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle la délibération mentionnée au premier alinéa a été portée à la connaissance de l’administration.
« La délibération de l’assemblée générale convoquée par le curateur ne produit ses effets qu’à l’expiration du délai imparti à l’autorité administrative pour saisir le tribunal judiciaire ou, le cas échéant, lorsque la demande est rejetée par une décision ayant force de chose jugée.
« Lorsque la décision de dissolution a fait l’objet d’une requête en annulation, la dévolution effective des actifs de l’association dissoute n’intervient le cas échéant qu’après rejet de cette requête.
« Dans l’attente des décisions juridictionnelles mentionnées aux sixième et septième alinéas, les actifs ayant fait l’objet de l’ordonnance de dévolution des biens par le tribunal judiciaire sont consignés à compter de son prononcé par le curateur. »
II. – L’article L. 212-1-2 du code de la sécurité intérieure s’applique aux procédures de dissolution engagées à compter de la publication de la présente loi.
Il s'agit d'un amendement de repli ;
Nous proposons ici de ne supprimer que les dispositions de l'article qui touchent aux modalités de dissolution administrative des associations et groupements de fait, sans revenir sur celles qui instituent un régime de dévolution des biens de ces associations dissoutes, ajoutées en commission.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° 37 est présenté par M. Durain, Mmes Narassiguin et de La Gontrie, MM. Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 26.
L'amendement n° 51, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Constitue une provocation au sens des 1°, 6 ° et 7°, l'incitation explicite ou implicite, par propos ou par actes, à se livrer aux agissements qu'ils mentionnent ou la légitimation publique de ces agissements ou l'abstention à mettre en œuvre des moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d'incitations à commettre ces agissements. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 27.
L’article 8 est celui qui a le plus attiré notre attention.
Il modifie les conditions de dissolution administrative des associations, en précisant la notion de « provocation » pouvant justifier une telle mesure.
Or cette dissolution dépasse largement le cadre de la seule lutte contre le terrorisme. Tel qu’il est rédigé, cet article modifie l’article L. 212-1 du code de sécurité intérieure, qui sous-tend le régime de dissolution de toutes les associations et groupements de fait.
Si l’islamisme est la mouvance la plus concernée par les mesures de dissolution, avec dix-neuf dissolutions sur quarante-six depuis 2012, aucune d’entre elles n’a été suspendue ou annulée en justice.
À vrai dire, sur ces quarante-six dissolutions, seules deux ont été suspendues en justice et deux autres ont été annulées, dont celle qui visait les Soulèvements de la Terre.
On peut convenir que quatre sur quarante-six, cela ne relève pas exactement d’un « gouvernement des juges », expression qui revient de manière récurrente dans le débat public, de façon pour le moins confuse… C’est pourquoi nous ne comprenons pas la volonté de « moderniser et renforcer » – pour reprendre les termes de l’exposé des motifs du texte – ce régime de dissolution administrative.
Plus généralement, le rapport de l’Assemblée nationale de novembre dernier sur l’activisme violent soulève plusieurs limites au principe même d’une telle mesure.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
L’article 8 est celui qui a le plus attiré notre attention.
Il modifie les conditions de dissolution administrative des associations, en précisant la notion de « provocation » pouvant justifier une telle mesure.
Or cette dissolution dépasse largement le cadre de la seule lutte contre le terrorisme. Tel qu’il est rédigé, cet article modifie l’article L. 212-1 du code de sécurité intérieure, qui sous-tend le régime de dissolution de toutes les associations et groupements de fait.
Si l’islamisme est la mouvance la plus concernée par les mesures de dissolution, avec dix-neuf dissolutions sur quarante-six depuis 2012, aucune d’entre elles n’a été suspendue ou annulée en justice.
À vrai dire, sur ces quarante-six dissolutions, seules deux ont été suspendues en justice et deux autres ont été annulées, dont celle qui visait les Soulèvements de la Terre.
On peut convenir que quatre sur quarante-six, cela ne relève pas exactement d’un « gouvernement des juges », expression qui revient de manière récurrente dans le débat public, de façon pour le moins confuse… C’est pourquoi nous ne comprenons pas la volonté de « moderniser et renforcer » – pour reprendre les termes de l’exposé des motifs du texte – ce régime de dissolution administrative.
Plus généralement, le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’activisme violent publié en novembre dernier relève plusieurs des limites du principe même d’une telle mesure.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Nous avons pris soin de reprendre les termes utilisés par le Conseil d'État dans sa récente décision sur les Soulèvements de la Terre.
Nous ne faisons donc que graver dans le marbre de la loi une définition jurisprudentielle, afin de sécuriser l'action des services du ministère de l'intérieur : avis défavorable à l'amendement n° 27.
L'amendement de la commission vise simplement à rendre la rédaction de cet article plus lisible.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 37.
J’ai peu à ajouter à l’excellente présentation de M. Brossat.
Nous demandons également la suppression de ces dispositions, dont nous estimons qu’elles ne relèvent pas de l’objet de ce texte, consacré au terrorisme. Les dispositions de cet article vont bien au-delà et concernent directement la question des associations.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 18, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« S'agissant des provocations à la violence contre des biens, la décision de dissolution de l'association ou groupement de fait doit être adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d'être portés à l'ordre public au vu des effets réels qu'ont pu avoir ces provocations. » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Il s'agit d'un amendement important.
Nous souhaitons consolider la jurisprudence du Conseil d'État que vient d'évoquer M. le rapporteur, laquelle distingue les violences contre les biens et les violences contre les personnes.
À la suite des manifestations de Sainte-Soline, le ministre de l'intérieur avait qualifié les manifestants d'« écoterroristes » et avait fait des Soulèvements de la Terre l'objet de sa vindicte, remettant également en cause les travaux et le financement de la Ligue des droits de l'homme.
Notre groupe a toujours défendu toutes les libertés associatives et syndicales. Nous avons également toujours déploré l'acharnement déraisonnable et disproportionné qu'ont eu à subir certaines associations.
L'amendement que nous proposons nous semble essentiel à l'équilibre des droits des associations en ce qu'il vise à limiter l'arbitraire avec lequel l'État s'attaque à certaines manifestations.
Nous sommes stupéfaits par la minimisation de certains faits et l'acceptation de certaines dégradations par le ministre.
Rien que cette semaine, monsieur le ministre, nous avons assisté à une explosion revendiquée qui a soufflé le bâtiment de la direction de l'environnement à Carcassonne, ainsi qu'à un blocage des trains à Agen, avec déversement de pneus et fumier sur les voies ferrées… Il faut croire que toutes les actions ne se valent pas ! Pour autant, cela ne se justifie pas juridiquement.
Nous souhaitons permettre à toutes les colères de s'exprimer et protéger des tentatives de dissolution arbitraire certaines associations de désobéissance civile, qui organisent des actions d'occupation, qui ne véhiculent pas de haine, qui ne commettent pas de violence envers les personnes ou groupes de personnes.
À l'image des dernières déclarations du ministre Gérald Darmanin, nous comprenons que des actions menées par ces associations – blocus, occupation de lieux – ne peuvent être qualifiées d'« agissements troublant gravement l'ordre public ».
Nous souhaitons donc que la latitude d'expression accordée aux agriculteurs ces derniers jours puisse bénéficier à tous, quelles que soient leurs revendications, et pas seulement à ceux qui sont soutenus politiquement par le pouvoir.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Ian Brossat.
Il s’agit d’un amendement de repli.
Nous proposons ici de ne supprimer que les dispositions de l’article qui touchent aux modalités de dissolution administrative des associations et groupements de fait, sans revenir sur celles qui instituent un régime de dévolution des biens de ces associations dissoutes, ajoutées en commission.
Monsieur le sénateur, autant il nous semble nécessaire de graver dans la loi la définition – novatrice – de la « provocation », telle qu'elle a été définie dans la jurisprudence du Conseil d'État, autant il nous paraît superflu de le faire en ce qui concerne le devoir de l'administration de prendre des décisions adaptées, nécessaires et proportionnées. Une telle exigence n'a rien de nouveau et va de soi : avis défavorable.
L’amendement n° 51, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Constitue une provocation au sens des 1°, 6° et 7°, l’incitation explicite ou implicite, par propos ou par actes, à se livrer aux agissements qu’ils mentionnent ou la légitimation publique de ces agissements ou l’abstention à mettre en œuvre des moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d’incitations à commettre ces agissements. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 27.
Nous avons pris soin de reprendre les termes utilisés par le Conseil d’État dans sa récente décision sur les Soulèvements de la Terre.
Nous ne faisons donc que graver dans le marbre de la loi une définition jurisprudentielle, afin de sécuriser l’action des services du ministère de l’intérieur : avis défavorable à l’amendement n° 27.
L’amendement de la commission vise simplement à rendre la rédaction de cet article plus lisible.
Nous avons pris soin de reprendre les termes utilisés par le Conseil d’État dans sa récente décision sur les Soulèvements de la Terre.
Nous ne faisons donc que graver dans le marbre de la loi une définition jurisprudentielle, afin de sécuriser l’action des services du ministère de l’intérieur : avis défavorable sur l’amendement n° 27.
L’amendement de la commission vise simplement à rendre la rédaction de cet article plus lisible.
L'amendement n'est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
L'amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa du I de l'article 21 de la loi n° 2021-1109 du 2 août 2021 confortant le respect des principes de la République, après les mots : « contributions volontaires » sont insérés les mots : « les parts de sociétés civiles immobilières ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
L’amendement n° 18, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« S’agissant des provocations à la violence contre des biens, la décision de dissolution de l’association ou groupement de fait doit être adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public au vu des effets réels qu’ont pu avoir ces provocations. » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
Dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République, nous avions ajouté à la liste des biens qui devaient être listés les parts de sociétés civiles immobilières (SCI) détenues par les associations.
Le Sénat avait adopté cette mesure, qui a ensuite été supprimée en commission mixte paritaire.
Conformément à la jurisprudence du Sénat, je souhaite que ces parts de SCI figurent de nouveau dans les biens des associations. Il s'agit d'une demande expressément formulée par Tracfin dans son dernier rapport sur l'état de la menace.
Il s’agit d’un amendement important.
Nous souhaitons consolider la jurisprudence du Conseil d’État que vient d’évoquer M. le rapporteur, laquelle distingue les violences contre les biens et les violences contre les personnes.
À la suite des manifestations de Sainte-Soline, le ministre de l’intérieur avait qualifié les manifestants d’« écoterroristes » et avait fait des Soulèvements de la Terre l’objet de sa vindicte, remettant également en cause les travaux et le financement de la Ligue des droits de l’homme.
Notre groupe a toujours défendu toutes les libertés associatives et syndicales. Nous avons également toujours déploré l’acharnement déraisonnable et disproportionné qu’ont eu à subir certaines associations.
L’amendement que nous proposons nous semble essentiel à l’équilibre des droits des associations en ce qu’il vise à limiter l’arbitraire avec lequel l’État s’attaque à certaines manifestations.
Nous sommes stupéfaits par la minimisation de certains faits et l’acceptation de certaines dégradations par le ministre.
Rien que cette semaine, monsieur le ministre, nous avons assisté à une explosion revendiquée qui a soufflé le bâtiment de la direction de l’environnement à Carcassonne, ainsi qu’à un blocage des trains à Agen, avec déversement de pneus et fumier sur les voies ferrées… Il faut croire que toutes les actions ne se valent pas ! Pour autant, cela ne se justifie pas juridiquement.
Nous souhaitons permettre à toutes les colères de s’exprimer et protéger des tentatives de dissolution arbitraire certaines associations de désobéissance civile, qui organisent des actions d’occupation, qui ne véhiculent pas de haine, qui ne commettent pas de violences envers les personnes ou groupes de personnes.
À l’image des dernières déclarations du ministre Gérald Darmanin, nous comprenons que des actions menées par ces associations – blocus, occupation de lieux – ne peuvent être qualifiées d’« agissements troublant gravement l’ordre public ».
Nous souhaitons donc que la latitude d’expression accordée aux agriculteurs ces derniers jours puisse bénéficier à tous, quelles que soient les revendications, et pas seulement à ceux qui sont soutenus politiquement par le pouvoir.
Monsieur le sénateur, autant il nous semble nécessaire de graver dans la loi la définition – novatrice – de la « provocation », telle qu’elle a été définie dans la jurisprudence du Conseil d’État, autant il nous paraît superflu de le faire en ce qui concerne le devoir de l’administration de prendre des décisions adaptées, nécessaires et proportionnées. Une telle exigence n’a rien de nouveau et va de soi : avis défavorable.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.