Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte important. Il peut sembler convenu au regard de son contenu, mais il est essentiel au regard du nombre, qui ne cesse d'augmenter, des élèves en situation de handicap qui sont scolarisés.
Cette proposition de loi est bienvenue pour les familles, les professionnels, les accompagnants des élèves en situation de handicap et les collectivités locales, bref pour la société dans son ensemble.
Ce texte est destiné à apporter une avancée capitale dans la vie scolaire.
Le handicap reste évidemment une épreuve. Je veux saluer toutes les familles où un ou plusieurs enfants sont en situation de handicap : elles font beaucoup d'efforts et déploient des sacrifices considérables dans leur vie. Il appartient à notre société de les aider et de les accompagner. Cet investissement humain fait honneur à l'exigence d'humanité qui continue à nous habiter.
Le handicap est, en effet, un domaine où la solidarité nationale est naturellement appelée à s'exercer. Il revient à l'État d'appuyer celles et ceux qui sont confrontés à cette situation, car ce sont des charges et des exigences qui excèdent celles d'une vie ordinaire.
Dans une décision du 20 novembre 2020, le Conseil d'État a estimé que le financement des emplois relatifs à l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps méridien ne relevait pas de la responsabilité de l'éducation nationale.
Cette jurisprudence a eu pour conséquence de compliquer la vie des parents, mais aussi celle des collectivités locales, qui se sont retrouvées confrontées à la nécessité d'assurer ce financement. Elle a aussi entraîné des ruptures dans les parcours de ces jeunes.
Les collectivités locales ont dû intervenir financièrement, alors que leurs ressources sont déjà limitées et qu'elles sont abondamment sollicitées, comme on l'a encore vu récemment.
Il s'agit donc d'un goulot d'étranglement supplémentaire. Et je ne parle pas des modalités d'application, qui varient selon les écoles : certaines doivent en effet supporter des charges plus lourdes que d'autres. Finalement, cette inégalité pèse sur des milliers de familles en plein désarroi.
Je veux rappeler les difficultés de nos collectivités locales, sur lesquelles on se décharge un peu trop facilement quand il s'agit du soin, de la santé ou de l'accompagnement.
Je n'oublie pas les problèmes que cela suscite dans la pratique, notamment, mais pas seulement, pour les établissements privés sous contrat : il faut réorganiser les emplois du temps, faire appel à des volontaires, gérer de multiples contrats de travail, tandis que la multiplication du nombre des accompagnants, parfois pour un même élève, est source d'inconfort et d'angoisse pour les enfants.
Pour cette raison, je me réjouis que soit reconnu, dans le code de l'éducation, le principe de la rémunération à la charge de l'État du personnel affecté à l'accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de la pause méridienne.
Je me réjouis aussi pour les accompagnants, qui seront rémunérés sur le temps scolaire et sur le temps de la pause méridienne. C'est aussi une clarification importante pour les familles.
La proposition de loi apporte ainsi une clarification, qui s'inscrit dans l'esprit de la loi sur le handicap du 11 février 2005 – je salue, à cet égard, le travail de Philippe Bas, qui était, à l'époque, ministre des affaires sociales. En effet, ce texte majeur mettait à la charge de l'État l'organisation de la scolarisation des élèves en milieu ordinaire.
Or la jurisprudence du Conseil d'État crée une certaine dissonance dans ce cadre cohérent. Il nous importait de la corriger.
Je ne jette pas la pierre au juge administratif – il a voulu appliquer le droit existant –, mais cette affaire est l'occasion de rappeler que c'est au législateur, parce qu'il a la légitimité pour s'exprimer au nom des citoyens, qu'il revient d'agir pour corriger les effets d'une jurisprudence problématique. Voilà peut-être une démarche que nous serons appelés à renouveler, lorsque des décisions de justice nous paraîtront insatisfaisantes ou inadaptées.
Je rends hommage également à la commission de la culture, qui a joué son rôle. Elle a signalé le problème et rappelé les complications soulevées par notre cadre législatif, dont l'effet est de compromettre l'exercice des missions de l'État.
Je salue à cet égard mon collègue Cédric Vial, qui, dans son rapport du 3 mai 2023, avait rappelé la difficulté pour l'éducation nationale de répondre aux enjeux liés à la massification de l'aide humaine et à l'accessibilité de nos écoles. Ces dernières doivent être inclusives, dans le bon sens du terme.
Ce constat a débouché sur une proposition de loi qui a été largement cosignée, ce qui montre une nouvelle fois que le Sénat est la chambre des territoires et qu'il peut relayer avec réactivité les demandes de nos concitoyens, en l'occurrence celles des parents en difficulté. Notre assemblée n'est pas une maison opaque dont les sujets de préoccupation seraient déconnectés de ceux des Français.
Je remercie Anne Ventalon de son travail au sein de notre commission. Elle a défendu le texte qui nous est soumis et que nous avons adopté à l'unanimité.
Mes chers collègues, la problématique en jeu n'est pas seulement financière ou matérielle : elle touche à l'humain, à la place que nous accordons aux plus fragiles. C'est au fond une part de nous-mêmes qui révèle ce que nous sommes.
Comment ne pas se souvenir des propos du général de Gaulle à l'égard de sa fille, qui était atteinte de trisomie ? « Anne m'a aidé à dépasser tous les échecs et tous les hommes », disait-il. Le fondateur de nos institutions nous rappelle ainsi que la Ve République, c'est aussi ce devoir permanent d'humanité.
Ce texte, qui fait consensus, constitue un pas important. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à le voter.