Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis vingt ans, les textes législatifs sur le terrorisme se sont succédé au point d’être dorénavant plus nombreux que ceux sur l’immigration. Ce n’est pas chose facile !
En 2009, Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, déclarait : « S’agissant du terrorisme, tout attentat aveugle dirigé contre des civils anonymes, par définition innocents, pour semer la terreur et la dévastation est un crime contre l’humanité. La fermeté s’impose. Cela dit, la lutte contre le terrorisme doit être conduite dans le respect des principes de l’État de droit, justement parce que nous refusons l’idéologie de mort et de violence des terroristes. »
Face aux attentats terroristes qui nous ont frappés, et afin de prévenir et d’éviter toute nouvelle attaque, malgré le formidable travail de nos services de renseignements et de nos fonctionnaires de police et de justice, le débat sur la modification et l’adaptation du droit existant est légitime.
Lorsque nous étions aux responsabilités et que nous avons assisté à l’augmentation des dangers au cours des années 2010, en particulier entre 2012 et 2015, nous avons fait évoluer notre droit.
En 2014, nous avons créé de nouvelles infractions afin de permettre une approche judiciarisée de personnes n’étant pas encore passées à l’acte violent, renforçant ainsi la capacité de l’action judiciaire.
La loi du 24 juillet 2015 a donné à nos services de renseignement la possibilité de détecter, dans un cadre légal, les risques qui pouvaient exister sur notre territoire.
La loi du 3 juin 2016 a introduit, en matière d’infractions terroristes, la peine complémentaire de suivi sociojudiciaire, qui emporte l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, à des mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive après l’exécution de la peine.
Nous sommes donc pour qu’on légifère en cas de nécessité, pour que l’on modifie alors le droit existant, mais à condition de toujours s’assurer de l’équilibre indispensable entre la sécurité de nos concitoyens et le respect des libertés fondamentales et individuelles.
Regardons attentivement les motivations des terroristes qui s’en prennent à notre pays : il s’agit avant tout de s’attaquer à ce que nous sommes, à nos valeurs, à notre État de droit et à notre justice. Aussi, chaque fois que nous modifions notre droit en fragilisant un peu plus nos principes fondamentaux et les droits de la défense, nous reculons face à eux.
Il y a quelques années déjà, la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine a fait l’objet d’une large censure de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2020. Le motif était que ces mesures contrevenaient à « la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée », ainsi qu’au « droit de mener une vie familiale normale », d’une manière qui n’était « ni adaptée, ni proportionnée à l’objectif » de prévention d’actes terroristes.
Ensuite, la loi du 30 juillet 2021 a instauré une nouvelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion : la mesure judiciaire de sûreté. Cette fois, le Conseil constitutionnel avait censuré l’allongement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas.
Nous avons bien compris que le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a fait céder de nombreuses digues, dont celle de la responsabilité du législateur. Désormais, des travées de la droite jusqu’à l’Élysée, jouer avec la Constitution et nos droits fondamentaux est un nouveau mode opératoire politique.