Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pas de sécurité sans sûreté !
Notre sécurité collective nécessite en effet, plus que jamais, des moyens de fermeté et des mesures de sûreté. À cet égard, disons-le d’emblée, la présente proposition de loi s’avère absolument indispensable.
Dès avant les attentats de 2015, à force de missions d’information et de rapports, nous avons produit collectivement, au Sénat, un travail permettant de mieux connaître les nombreux aspects du terrorisme.
Nous mesurons par conséquent toute la singularité du terrorisme : son « hybridité », comme on dit à présent, c’est-à-dire sa forme à la fois civile et armée, à la fois politique et religieuse, qui nécessite des efforts constants, de nouvelles ressources et des moyens eux-mêmes hybrides.
Nous voudrions donc insister sur l’importance de la perspective originale retenue pour la présente proposition de loi : elle n’est ni préventive ni répressive, ou plutôt elle n’est pas exclusivement l’une ou l’autre, puisqu’elle s’intéresse au suivi des condamnés terroristes, qui est impératif.
Ce texte est indispensable, en premier lieu, du fait de la nécessité d’une adaptation de notre droit à la menace terroriste. Dès 2015, je présidais, avec ma collègue Nathalie Goulet, une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes, ce qui m’autorise à rappeler l’une de ses conclusions, qui n’a jamais été démentie depuis lors : il n’est de terrorisme que « dissimulé », menaçant, quelles qu’en soient les apparences religieuses et politiques, ou les formes insérées dans nos sociétés modernes.
Dans nombre de décisions émanant du juge pénal et du juge de l’asile, on relève ces « stratégies de dissimulation », les discours manquant de « cohérence ou de vraisemblance », les indices d’« allégeances » et de « loyautés » occultes des condamnés terroristes.
Comment, dès lors, la liberté ne risquerait-elle pas de cacher elle-même l’insécurité ?
On ne peut lutter efficacement contre le terrorisme qu’à l’aide de mesures de suivi, ainsi que de peines complémentaires et personnalisées. Il faut se réjouir à cet égard des dispositions de ce texte, qui assureront la sécurité de tous dans les transports, dans les manifestations, dans nos fêtes et nos célébrations, par des mesures de sûreté à l’encontre, si nécessaire, de quelques-uns.
Indispensable, ce texte l’est encore parce qu’il permet une adéquation de notre système aux condamnés terroristes.
L’on sait bien à quel point les discours de radicalisation peuvent faire impression sur les esprits simples ou jeunes, par le biais des nouvelles technologies ; cela a déjà été rappelé.
Nous avons d’ailleurs renforcé, en 2022, la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ; je me réjouis, en tant que rapporteur pour la commission des lois du texte l’ayant permis, que celui-ci bénéficie enfin d’un décret d’application.
Il reste toutefois à rendre le plus sûr possible le suivi des mineurs condamnés en la matière, ainsi qu’à assurer leur déconnexion de ces divers canaux, lesquels favorisent à coup sûr leur isolement et, parfois, leur radicalisation.
Enfin et surtout, cette proposition de loi est indispensable par son appréhension des condamnés terroristes qui, quels que soient leur profil psychologique ou leurs mobiles, présentent une dangerosité particulière.
Cette notion de « dangerosité », si imprécise soit-elle, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un dispositif répressif, ne peut être ignorée et abandonnée par le droit.
Comment ignorer, en effet, que des actes de terrorisme meurtriers peuvent encore être commis après une radicalisation en prison, un fichage S et des multirécidives pouvant aller jusqu’à trente condamnations ?
Le sénateur d’Alsace que je suis se souvient parfaitement d’un tel profil, mes chers collègues, puisque c’était celui du terroriste de 29 ans qui a frappé Strasbourg, voilà cinq ans, en plein marché de Noël, pour ne pas dire en plein cœur.
Dans ces circonstances, comme dans tant d’autres, les mesures de sûreté paraissent les mieux à même d’affronter la dangerosité des condamnés, si elle persiste.
Mon intervention serait toutefois incomplète si elle n’évoquait pas un point important, qui semble pourtant passer entre les mailles de ce texte. En effet, alors que l’objectif donné par les auteurs de cette proposition de loi à son titre II est de « renforcer le suivi des mineurs radicalisés », il faut regretter que ce texte ne s’intéresse pas plus résolument aux acteurs en contact étroit avec la jeunesse, à savoir, notamment, les enseignants et les éducateurs sportifs, qui seraient, à mon sens, les mieux à même de les suivre.
Pourtant, dès 2015, un rapport sénatorial recommandait de « mettre en place des actions obligatoires […] de formation à la détection de la radicalisation, à destination des acteurs de terrain (personnels enseignants, conseillers d’éducation, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’aide sociale à l’enfance, éducateurs sportifs », etc.).
Malgré la création de « référents radicalisation », au ministère de l’éducation nationale par exemple, cette offre de formation pour tous les agents publics reste à réaliser.
Je prends l’initiative d’attirer ici l’attention de notre assemblée sur l’offre de formation continue des agents publics titulaires et contractuels, qui pourrait être efficacement complétée, de surcroît sans surcoût pour nos finances publiques.
Malheureusement, les deux amendements que j’avais déposés à cette fin n’ont pas survécu au couperet de l’article 40 de la Constitution. Je ne le comprends pas ! En effet, le financement de la formation continue de ces agents existe. Il n’était pas question de l’augmenter, mais simplement de définir des priorités nouvelles.
Pour conclure, je veux souligner que nous soutenons cette proposition de loi parce qu’elle ajoute aux mesures de sûreté des moyens de fermeté. Ceux-ci nous semblent indispensables, car ils concernent la lutte contre le terrorisme là où elle peut encore être renforcée. Je pense notamment à la dissolution des groupements, à l’expulsion des étrangers et à la sanction des contenus numériques terroristes.
Dans ces domaines, face à une radicalisation qui non seulement précède l’acte terroriste, mais souvent persiste après une condamnation, le présent texte apporte une importante contribution. Cette proposition de loi combine utilement la sûreté et la fermeté, pour notre sécurité commune.