Le droit en vigueur autorise, à titre exceptionnel, à continuer d’enfermer une personne bien qu’elle ait fini d’exécuter sa peine lorsqu’elle présente « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’ell[e] souffr[e] d’un trouble grave de la personnalité ».
La disposition que je viens de citer se compose d’une conjonction de subordination, qui marque une relation causale, et de la mention d’un « trouble grave de la personnalité », qui renvoie à une pratique psychiatrique longue, connue, et à une évaluation d’ordre médical.
Il est proposé, dans cette proposition de loi, d’ajouter dans le code de procédure pénale une nouvelle possibilité d’enfermer quelqu’un sans qu’il y ait été condamné, s’il « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ».
Monsieur le rapporteur, ce que vous écriviez à propos du suivi judiciaire dans le rapport d’information que vous consacriez en février 2020 au bilan de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) peut être aujourd’hui répété : « les conditions d’appréciation de la dangerosité et du risque de récidive reposent exclusivement sur un examen clinique confié à des experts psychiatres. Or, comme l’ont indiqué les représentants du parquet national antiterroriste à la mission, une telle procédure, initialement conçue pour des auteurs d’infractions à caractère sexuel, ne permet que difficilement d’apprécier la dangerosité, d’un point de vue criminologique, des condamnés terroristes, qui ne présentent pas, dans leur grande majorité, de troubles mentaux. Dans la pratique, les experts sollicités peinent à se prononcer sur les cas de condamnés pour des faits de terrorisme, rendant parfois complexe, pour le magistrat, le prononcé d’une telle mesure, y compris dans les cas où la dangerosité apparaît évidente ».
De quelle « évidence » parliez-vous alors ? Il semble que vous ayez la prescience dont manquent tous les praticiens… Avez-vous bien réfléchi aux conséquences qu’emporterait l’application de la disposition qui nous est ici soumise ?