Intervention de Annick Billon

Réunion du 23 janvier 2024 à 14h30
Accompagnement humain des élèves en situation de handicap — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’éducation nationale croule sous les sujets importants, qui sont tous plus urgents les uns que les autres.

Je tiens donc à saluer nos collègues qui ont réalisé un travail d’ampleur sur cette proposition de loi : son auteur, Cédric Vial, et notre rapporteure, Anne Ventalon, que je remercie de la qualité et du nombre des auditions que nous avons pu mener.

Quel est le constat ? Depuis la loi pour l’égalité des chances, promulguée voilà dix-huit ans, la question de la prise en charge des élèves par les AESH sur le temps méridien et périscolaire n’a jamais été traitée de façon satisfaisante et définitive.

L’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020 dispense l’État de prendre en charge l’accompagnement des élèves sur le temps périscolaire. Depuis trois ans, il incombe donc aux collectivités territoriales de supporter financièrement le coût des AESH mobilisés sur le temps méridien.

D’après la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), entre 20 000 et 25 000 élèves en situation de handicap seraient concernés par un dispositif d’accompagnement durant la pause méridienne. À la suite de la décision du Conseil d’État, ces élèves, leurs familles et leurs établissements scolaires sont en grande difficulté. Des dizaines d’enfants, d’ailleurs, ont été déscolarisés.

Le recrutement des AESH est complexe. La circulaire du 4 janvier 2023, qui rappelle les trois types de conventionnement possibles, ne remédie pas à leur lourdeur administrative.

En conséquence, dans le premier et le second degré, les parents et les établissements doivent mettre en œuvre des solutions souvent bricolées.

Les difficultés de financement par les collectivités territoriales varient d’un département à l’autre. Dans sept régions, aucune prise en charge effective des élèves pendant la pause méridienne dans le second degré n’est prévue.

Au cours des auditions, nous avons également constaté les inégalités entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Dans ces derniers, la seule solution pour financer les AESH pendant le temps périscolaire est souvent de faire payer les familles. Que leurs enfants soient dans le public ou dans le privé, les parents qui embauchent eux-mêmes un accompagnant pour la pause méridienne doivent débourser 400 euros.

Toutes les familles n’ont pas la possibilité de dépenser un tel montant. En Loire-Atlantique, une mère a ainsi lancé un appel au secours dans les médias après avoir dû arrêter de travailler pour pouvoir déjeuner avec son enfant dans sa voiture… À l’heure de l’école inclusive, une telle situation est inconcevable !

Une autre conséquence inacceptable de la décision du Conseil d’État est la mise en danger des enfants.

La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté a donné aux collectivités territoriales la possibilité de consulter le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais). Or les parents qui embauchent un AESH, en utilisant par exemple le chèque emploi service universel (Cesu), n’ont évidemment pas la possibilité de consulter et de procéder à ces vérifications.

Pour toutes ces raisons, des familles sont contraintes de renoncer à leurs droits.

Bien que l’on ne dispose pas de données chiffrées consolidées, comme cela a souvent été répété au cours de nos auditions, il est apparu durant ces dernières que le nombre des non-recours est supérieur à celui des demandes d’embauche.

Depuis trois ans, tous les acteurs attendent une solution pour clarifier et sécuriser la prise en charge des élèves. C’est donc avec enthousiasme que je salue la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, qui entend remédier à ces difficultés, en apportant une première réponse.

Pour ce qui concerne le personnel, le rapport sénatorial sur les modalités de gestion des AESH indique que 288 000 élèves en situation de handicap ont besoin d’un accompagnement : 140 000 AESH devraient en effet exercer à la fin de l’année 2024, soit environ un pour deux élèves.

Néanmoins, deux points sont à prendre en considération : d’une part, les AESH ne sont pas répartis de façon égale sur le territoire ; d’autre part, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés continue d’augmenter chaque année, comme vous l’avez souligné, madame la ministre.

Je rappelle que l’on compte en moyenne deux à trois contrats d’AESH par élève, pour couvrir le temps scolaire, le temps périscolaire et le temps méridien. La qualité de cet accompagnement, fortement saccadé, n’est assurément pas optimale.

Je m’interroge par ailleurs sur le temps de travail. Légalement, l’employeur a l’obligation d’accorder au salarié un temps de pause à l’occasion du déjeuner. Qu’en sera-t-il pour un AESH travaillant sans discontinuer entre huit heures et dix-huit heures, en enchaînant le suivi en classe et l’accompagnement de la pause méridienne ?

Je tiens enfin à souligner que ce métier, qui est exercé à 93 % par des femmes, demeure précaire et peu attractif.

Les travaux parlementaires ont permis d’apporter une première amélioration grâce à l’adoption, en 2022, de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation (AED). Celle-ci constitue un premier pas qui en appelle d’autres, à l’image, par exemple, de la récente augmentation, le 1er septembre 2023, de la prise en charge des frais de transport. Il s’agit d’une mesure positive, mais je déplore le manque de solutions pérennes pour les AESH et les AED exerçant milieu rural, qui sont lésés par ces dispositifs.

Je m’interroge également sur la formation. Accompagner un élève durant le temps méridien ne requiert probablement pas les mêmes compétences que pour suivre son apprentissage en classe. La formation initiale de soixante heures mérite d’être musclée.

Le sujet de la formation est d’autant plus important que le Gouvernement entend fusionner les métiers d’AESH et d’AED pour créer le métier d’accompagnement à la réussite éducative.

L’accompagnement des élèves en situation de handicap est un métier à part entière, tout comme celui de l’animation durant les temps périscolaires. Les missions des uns et des autres ne peuvent pas forcément fusionner ni être interchangeables.

En conclusion, ce texte apporte une première amélioration incontestable et nécessaire. Une réflexion devra être menée sur le temps périscolaire dans sa globalité. Je suis convaincue que le renforcement et le développement de l’école inclusive passent par l’attractivité et la stabilité de la loi.

Dans certains départements, les chiffres sont déjà encourageants. En Vendée, 90 % des enfants ayant fait l’objet d’une notification de la MDPH seraient accompagnés, selon la directrice académique des services de l’éducation nationale (Dasen). Mais, comme l’a souligné Michel Canévet, le coût est important : il s’élève à 500 000 euros pour le département du Finistère, rien que pour les écoles publiques. On comprend aisément que tous les départements n’en aient pas les moyens !

Nous ne devons pas détruire les fondations déjà construites ; il convient au contraire d’y ajouter de nouvelles briques. Nous avions voté contre l’article 53 du projet de loi de finances, qui visait à transformer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en pôles d’appui à la scolarité (PAS).

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