Intervention de Ian BROSSAT

Réunion du 24 janvier 2024 à 15h00
Décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Ian BROSSATIan BROSSAT :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre, à Toulon, une femme, dite Nana, à Marseille, une femme, 34 ans, à La Rochelle, Cédric Roué, 43 ans, au Grau-du-Roi, Didier, 52 ans, ainsi qu’un bébé de 4 mois, à Paris, Elton, 44 ans, à Rosselange… Ces noms sont ceux de quelques personnes sans abri qui ont perdu la vie lors de la dernière vague de froid. La liste ne fait que s’allonger ; plus de 40 victimes sont dénombrées depuis le 1er janvier. Elles ne constituent qu’une part d’un alarmant tableau.

Certains pourraient souligner que ces réalités humainement dramatiques ne sont pas nouvelles en rappelant l’appel de l’abbé Pierre sur les ondes de Radio Luxembourg, il y a tout juste soixante-dix ans. Néanmoins, le sans-abrisme a pris une ampleur inquiétante au cours de la dernière décennie. Le phénomène n’a fait que s’amplifier au cours des derniers mois et des dernières semaines. Selon la Fondation Abbé Pierre, notre pays compte désormais 330 000 personnes sans domicile. Elles étaient 143 000 en 2012, soit un doublement de leur nombre en dix ans et un triplement par rapport à 2001.

Une question se pose à nous : comment en sommes-nous arrivés là ? Pour expliquer une évolution aussi inquiétante, nous nous devons de poser le constat suivant : il y a eu ces dernières années, singulièrement depuis sept ans, une forme d’aveuglement sur cette question.

Je n’ai pas besoin de rappeler les propos en 2018 du secrétaire d’État chargé du logement, Julien Denormandie, sur la « cinquantaine » de personnes sans abri en Île-de-France, Rémi Féraud l’ayant fait lors de son intervention. Je n’ai sans doute pas non plus besoin d’évoquer les mots du député de Paris Sylvain Maillard, alors simple membre de la majorité présidentielle et désormais président du groupe, qui expliquait que les sans-abri l’étaient par choix. Ce sont des propos qui ont été tenus en public. Ils disent l’ampleur de l’aveuglement et du déni.

Comme l’a rappelé à l’instant ma collègue Anne Souyris, souvenons-nous des débats lors de la discussion de la loi de finances : certains proposaient 6 000, d’autres 10 000 places d’hébergement supplémentaires. Le ministre de l’époque, Patrice Vergriete, nous avait assuré que ces dernières n’étaient pas nécessaires pour mieux accorder, quelques semaines plus tard, des crédits supplémentaires à l’hébergement d’urgence.

Il existe donc bien une forme de déni et il est nécessaire d’y remédier.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi nous paraît si juste et si nécessaire. En effet, ce décompte, qui existe d’ores et déjà à Paris et dans d’autres collectivités, nous permettra de prendre en compte une telle réalité. Nous pourrons voir, territoire par territoire, les besoins en matière d’hébergement d’urgence.

Sur cette base, l’État, dans un domaine qui relève de sa compétence, pourra mettre en place les moyens nécessaires, afin qu’on n’entende plus jamais un ministre nous expliquer que l’Île-de-France compte 50 sans-abri ou bien que ces derniers le sont par choix !

Ainsi, les collectivités locales et l’État, ensemble, pourront mettre en place les moyens nécessaires pour faire cesser le scandale de centaines de milliers de personnes sans abri ou sans domicile fixe, alors même que nous sommes la septième puissance économique du monde. Nous voterons évidemment cette proposition de loi de Rémi Féraud et du groupe socialiste, que nous remercions de cette excellente initiative.

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