Intervention de Akli MELLOULI

Réunion du 17 janvier 2024 à 15h00
Intégrité territoriale de la république d'arménie — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Akli MELLOULIAkli MELLOULI :

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents Retailleau et Devinaz – vous avez été, avec les autres présidents de groupe, à l’initiative de ce débat –, mes chers collègues, dans un mois, nous allons célébrer le quatre-vingtième anniversaire de l’exécution de Missak Manouchian, survivant du génocide arménien, mort en soldat régulier de l’Armée française de la Libération.

Manouchian symbolise à lui seul l’apport immense de la diaspora arménienne à notre pays. Peut-être son entrée prochaine au Panthéon amènera-t-elle la majorité sénatoriale et le Gouvernement à jeter à l’avenir un regard moins caricatural et plus réaliste sur l’apport inestimable de l’immigration à notre pays ? Ainsi, nombre de membres de la communauté arménienne, à l’image de Manouchian, ont contribué très largement à faire rayonner la France, sa culture et ses valeurs.

La singularité du lien qui nous unit à l’Arménie fait que l’injustice et l’horreur qui s’abattent sur les Arméniens du Haut-Karabagh nous touchent particulièrement.

Dans ce territoire, deux logiques s’affrontent : d’un côté, nous avons l’Azerbaïdjan, qui estime que tout soutien aux Arméniens du Haut-Karabagh est une violation de son intégrité territoriale ; de l’autre, nous avons l’Arménie, qui appelle légitimement au respect du droit des peuples à l’autodétermination. Deux principes qui s’affrontent, comme nous l’avons vu au Kosovo ou en Crimée.

Toutefois, bien que deux logiques s’affrontent en droit, il y a un agresseur et un agressé. Depuis 2016 et la guerre des Quatre jours, Bakou n’a de cesse d’attaquer de façon périodique le peuple arménien du Haut-Karabagh. L’offensive du 27 septembre 2020 a eu pour conséquence le massacre de 4 000 Arméniens en quarante-quatre jours. Le 19 septembre dernier, une nouvelle offensive azérie a une nouvelle fois fait couler le sang dans le Caucase.

Je citerai Charles Aznavour :

« La mort les a frappés sans demander leur âge

« Puisqu’ils étaient fautifs d’être enfants d’Arménie. »

L’objectif derrière toutes ces attaques est tristement limpide : forcer les populations arméniennes à fuir leur terre pour survivre, ce qui s’apparente ni plus ni moins à un nettoyage ethnique.

Malgré la tragédie qui s’abat sur ce territoire arménien ancestral, la communauté internationale peine à défendre les victimes du Haut-Karabagh et à imposer une paix durable qui ne porterait pas préjudice au peuple arménien.

La recherche d’une solution politique juste à ce conflit est rendue encore plus complexe par le jeu des différentes puissances régionales, lesquelles cherchent à étendre leur influence sur ce qu’elles considèrent comme leur pré carré. Il faut ajouter que la dépendance des pays européens aux énergies fossiles tend, par la force des choses, à aller de pair avec une dépendance politique vis-à-vis des pays qui nous fournissent ces énergies.

En effet, la guerre en Ukraine a considérablement modifié la politique énergétique de l’Union européenne au bénéfice de l’Azerbaïdjan. En juillet 2022, la présidente de la Commission européenne s’est rendue à Bakou, afin de signer un protocole d’accord pour un partenariat stratégique dans le domaine de l’énergie. Les exportations de gaz vers l’Union européenne depuis Bakou ont augmenté de 40 % entre 2021 et 2022.

Au regard de ce contexte et de notre dépendance énergétique, notre gouvernement sera-t-il libre demain de dénoncer les crimes commis contre le peuple arménien par l’Azerbaïdjan ? Je l’espère et le souhaite, monsieur le ministre.

Pour que la France retrouve sa voix singulière sur la scène internationale, il est important qu’elle garde comme boussole la défense des droits de l’homme. L’odeur du gaz ne doit pas nous aveugler au point d’oublier de dénoncer les atteintes à la dignité humaine et à la vie du peuple arménien.

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