Intervention de Marie-Claude LERMYTTE

Réunion du 25 janvier 2024 à 10h30
Dépistage des troubles du neuro-développement — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Marie-Claude LERMYTTEMarie-Claude LERMYTTE :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui des troubles du neuro-développement, ou TND : une abréviation que l'opinion publique – plus particulièrement les parents, la communauté éducative et les professionnels médicaux et paramédicaux – intègre de plus en plus.

Notre pays, animé de longue date par la psychanalyse, prend progressivement conscience de l'existence de ces troubles, quasiment ignorés depuis trop longtemps. On pointait du doigt le mauvais élève, le fainéant, les parents absents et fautifs, mais on ne concevait pas qu'un enfant puisse présenter des symptômes de TDAH, des troubles du langage et des apprentissages, ou encore de nombreux autres dysfonctionnements.

Comparativement à certains pays comme l'Allemagne et la Belgique, ou encore à la province du Québec, la France accuse un retard important en matière de TND.

C'est tout le mérite de la proposition de loi de Jocelyne Guidez que de sensibiliser l'opinion à ce sujet. Quelque 10 % des enfants seraient concernés, soit environ 100 000 naissances par an !

Or, si le dépistage est recommandé systématiquement par la Haute Autorité de santé, il n'est pas obligatoire. L'article 6 a précisément pour objet d'inscrire dans la loi un repérage, en instaurant deux examens obligatoires, qui seraient réalisés, à 18 mois et à 6 ans, par un médecin dûment formé.

Un pas de géant est donc franchi ; nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais ce pas de géant risque d'être un pas de côté si vous ne prenez pas en compte, madame la ministre, l'absence cruelle de médecins formés à cette discipline !

C'est là que le bât blesse : seulement 300 médecins sur les 100 000 généralistes diplômés sont formés aux TND. Selon nos informations, il en faudrait environ 3 000 sur l'ensemble du territoire.

Plusieurs raisons expliquent cette réticence à l'égard de cette discipline. Les TND exigent une compétence transversale qui relève de la pédiatrie, de la neurologie, ou encore de la pédopsychiatrie. Ainsi, il n'existe ni spécialité, ni qualification, ni diplôme en la matière, ce qui rend la compétence difficilement lisible. Il faudrait donc une reconnaissance par le Conseil de l'ordre national des médecins et un diplôme.

Cette reconnaissance devrait être également assurée par la sécurité sociale, qui ne rembourse pas à leur juste valeur ces consultations particulièrement longues. §

La réalité d'aujourd'hui est la suivante : un enfant supposé être atteint d'un trouble du neuro-développement peut bénéficier du forfait d'intervention précoce, qui permet la prise en charge, pendant un an, des frais de bilans et des séances d'ergothérapeute, de psychomotricien ou de psychologue.

Ce forfait a pour but de faciliter le diagnostic. S'il doit être salué comme une avancée, il reste néanmoins limité à certains professionnels et le manque de coordination entre ces derniers est souvent regretté.

Encore faut-il décrocher un rendez-vous ! Ainsi, pour suivre des séances avec un orthophoniste, professionnel indispensable dans le cadre de l'accompagnement des troubles « dys », le délai est aujourd'hui d'une à deux années d'attente.

C'est un motif de découragement, qui peut avoir des conséquences néfastes, notamment sur la scolarité. De plus, il faut que l'enfant soit pris en charge par le professionnel adéquat.

Un médecin spécialisé dans les TND depuis vingt ans m'expliquait que, faute de spécialistes, nombre d'enfants ou d'adolescents sont orientés vers des prises en charge inadaptées. Cela peut entraîner des conséquences dramatiques, alors que, s'ils avaient été accompagnés par les spécialistes appropriés, la cause du trouble aurait été identifiée et le bon traitement aurait été prescrit.

Vous l'aurez compris : il ne suffit pas de dépister si l'on ne peut soigner correctement. Il faut donc prendre le problème à bras-le-corps pour réduire le coût humain et social d'un enfant non soigné. Faute de professionnels, dans certains cas, ce dernier développera des pathologies plus lourdes, telles que la dépression ou des addictions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion