Intervention de Corinne Feret

Réunion du 25 janvier 2024 à 10h30
Dépistage des troubles du neuro-développement — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre d'une proposition de loi portant sur un enjeu qui me tient particulièrement à cœur depuis mon élection au Sénat : le dépistage des troubles du neurodéveloppement et, plus globalement, la prise en charge de ces troubles, qui sont avant tout des handicaps, chez l'enfant comme chez l'adulte.

Souvent associés chez une même personne, les TND prennent des formes variées et ont des conséquences plus ou moins sévères : on peut citer les troubles du spectre autistique, les troubles de l'attention avec ou sans hyperactivité, ou encore les troubles spécifiques du langage et des apprentissages, dits troubles dys, comme la dyslexie ou la dyspraxie. La stratégie nationale 2023-2027 pour les TND y intègre également les troubles du développement intellectuel.

La prévalence de chacun de ces troubles est en augmentation constante ces dernières décennies. On le sait notamment grâce à un meilleur repérage.

La loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis la reconnaissance des troubles dys ou TDAH en tant que handicap. Plus exactement, elle a reconnu l'existence d'un handicap dû aux troubles des fonctions cognitives, qu'elle a distingués des troubles mentaux ou psychiques. C'était une véritable avancée, qui n'a malheureusement pas été assez suivie d'effets pour les familles concernées, particulièrement en matière de scolarisation.

Pour ma part, je dois bien avouer que je ne suis pas toujours à l'aise avec ce terme de « TND », tant il recouvre des réalités variées et donc des handicaps différents, voire invisibles pour certains.

Surtout, comme je l'ai souligné l'an dernier lorsque j'étais rapporteure, avec Jocelyne Guidez et Laurent Burgoa, de la mission d'information de la commission des affaires sociales sur les troubles du neurodéveloppement, il est regrettable que notre pays ait pris tant de retard.

En 2024, nous pâtissons toujours d'un manque de données, notamment épidémiologiques, qui empêche l'ensemble des acteurs de prendre conscience de l'ampleur des besoins.

Selon la littérature internationale, entre 10 % et 15 % des enfants qui naissent chaque année seraient atteints d'un TND. Cette prévalence impose de renforcer l'action publique. Il nous faut construire une prise en charge globale, à la bonne dimension, pour répondre aux besoins des enfants, des adultes et de leurs familles.

La présente proposition de loi va dans le bon sens, car elle traite de la question du dépistage, du suivi des enfants nés prématurément, de la scolarisation, comme du soutien nécessaire aux proches aidants.

Je me réjouis aussi de la réécriture, en commission, de son article 1er, dont la portée était imprécise et, en tout état de cause, trop large pour garantir son applicabilité.

Il importe d'assurer une répartition équitable sur l'ensemble du territoire national des dispositifs consacrés à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un TND, particulièrement de ceux qui sont atteints d'un trouble du spectre autistique complexe, autrement dit qui nécessitent un accompagnement médicosocial particulier.

Il faut garantir aux familles d'enfants présentant ce type de handicap l'accès à un dispositif adapté à proximité de leur domicile, y compris en zone rurale. Bien évidemment – je veux être parfaitement claire sur ce point –, les enfants présentant des TDAH ou des troubles dys ont toute leur place dans une classe ordinaire, dès lors que des mesures adaptées d'aménagement et d'accompagnement de la scolarité sont prises.

Oui, les enseignants et les personnels d'encadrement des établissements scolaires ont un rôle central à jouer. Ils doivent donc être formés en conséquence. Or leur formation demeure encore trop lacunaire et inadaptée aux enjeux. Une montée en compétences est nécessaire. Une simple sensibilisation aux difficultés ne suffit pas.

En amont, le rôle de l'enseignant est majeur, car il est plus à même de repérer les troubles, ce qui ne signifie pas « diagnostiquer ». L'enseignant doit ensuite pouvoir orienter la famille vers un spécialiste, qui réalisera un diagnostic et un bilan pluridisciplinaire.

De même, après le diagnostic, il existe encore trop de disparités dans les accompagnements.

L'amélioration de la formation, initiale comme continue, des professionnels de santé sur le repérage, le diagnostic et l'accompagnement des TND constitue également un enjeu décisif.

On parle beaucoup des enfants, mais combien d'adultes n'ont jamais pu obtenir de diagnostic et ne bénéficient donc d'aucun suivi ? Cela signifie souvent que ces personnes subissent une errance médicale douloureuse, qui s'ajoute à des difficultés dans la vie personnelle et professionnelle.

Nous manquons fortement, il faut bien l'avouer, de professionnels de santé, même si les disparités territoriales sont fortes. Nous ne cessons pourtant d'alerter sur sujet, PLFSS après PLFSS, et nous l'avons encore fait l'an dernier dans notre rapport sénatorial. On peut voter toutes les lois, élaborer tous les plans et toutes les stratégies nationales que l'on veut, comment diagnostiquer manière précoce, puis accompagner, si l'on manque de professionnels ?

Dans mon département du Calvados comme ailleurs, nombre de familles voient leurs vies bouleversées par le handicap. Acceptation du diagnostic, incertitude quant à l'évolution de l'enfant, de ses capacités cognitives, de son degré de dépendance, d'autonomie : ce ne sont pas de petits sujets !

Tout doit être fait pour faciliter la vie des familles et je souscris sans réserve à l'inscription dans la loi de la possibilité de prendre des mesures d'inclusion scolaires pour la durée d'un cycle pédagogique. C'est une mesure attendue.

Enfin, en ce qui concerne le soutien aux proches aidants, il convient de simplifier le recours au relayage sur le temps long, afin d'apporter durablement une solution de répit adaptée. Il faut donc pérenniser les dérogations au code du travail prévues par la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite loi Essoc.

Je prends acte de la volonté de la rapporteure de permettre aux partenaires sociaux des branches concernées d'ajuster les dispositifs de soutien, afin qu'ils répondent au mieux aux réalités du terrain. Je note surtout qu'ils restent encore trop coûteux pour les familles. Compte tenu de leur intérêt, il serait souhaitable que le financement des prestations soit adéquat.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte.

Nous avons une pensée particulière pour toutes les familles en souffrance, pour celles dont la MDPH ne veut pas reconnaître administrativement le handicap de leur enfant, même lorsque le diagnostic a été posé.

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