Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le Président de la République a peu pris le temps de s'enquérir de la situation des maires, si ce n'est peut-être en les rangeant dans la catégorie de « ceux qui veulent agir et qui sont empêchés », pour paraphraser son propos. Il a estimé qu'« il y a encore trop de complexités qui découragent les entrepreneurs, les industriels, les commerçants, les agriculteurs, les artisans, les maires ». Si les maires sont derniers de cette liste, ce n'est pas un hasard...
Derrière ce propos sur la simplification, prenons garde aux raccourcis simplistes. Les maires connaissent les contraintes qui pèsent sur leurs mandats. À quelle place se situe la thématique des marges de manœuvre financières ?
Un maire sans argent est un maire sans pouvoir, démuni face à sa population. Si le Président l'ignore, pour notre part, nous le savons en tant que représentants de ces élus.
Ainsi, depuis 2010, la perte des recettes du bloc communal atteint 72 milliards d'euros du fait de la baisse et de la non-indexation sur l'inflation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Demandons aux maires ce qu'ils ressentent face à la dépossession du levier fiscal, depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
La recentralisation de la fiscalité locale, rendue possible par la loi organique de 2004, permet à l'État de transférer une ressource propre sur laquelle les collectivités n'ont aucun pouvoir, qu'il s'agisse de l'assiette ou du taux. Les maires sont mis hors jeu des orientations fiscales, et donc financières, de leurs communes. Or, sans autonomie financière, quid d'une autonomie politique ?
C'est peu dire que le droit des collectivités est poussiéreux et qu'un troisième coup de balai s'imposait.
« Balai », je le rappelle, est l'acronyme désignant ces textes de simplification rédigés sur l'initiative du Sénat, qui ont vocation à simplifier et corriger les dispositions législatives applicables aux collectivités territoriales. La présente proposition de loi prévoit ainsi quarante-trois abrogations totales ou partielles de textes figurant dans le CGCT et, en sus, l'abrogation totale ou partielle d'un peu moins de soixante-cinq lois ou ordonnances. Le groupe CRCE-K remercie le groupe Union Centriste de faire le travail du Gouvernement ! §
La rapporteure s'est attachée à respecter la loi, mais aussi le sens de celle-ci.
J'évoquerai, pour ma part, la loi dite Marcellin du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, laquelle a été remplacée par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui a créé le statut de commune nouvelle.
Au-delà des considérations politiques dont je pourrais vous faire part sur la suppression de la fusion-association, procédure qui permettait d'éviter la disparition des locaux municipaux et dont la disparition a éloigné, à certains endroits, les administrés de leur administration, je tiens à souligner que le remplacement d'une loi par une autre ne doit pas nécessairement se traduire par l'abrogation de la première.
Cette loi fondatrice enrayait un mouvement politique révolutionnaire, ébauché par un décret qui entérinait 44 000 municipalités sur le territoire des anciennes « paroisses », qui deviendront les « communes » en 1793.
Le droit est aussi une affaire de symbole. L'histoire du droit sera reconnaissante au législateur d'en conserver des traces, ses moments fondateurs et ses hésitations. Mais quelques constats supplémentaires s'imposent.
Selon le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), le coût financier de la réglementation que je viens d'évoquer, soit 2, 5 milliards d'euros, a explosé entre 2019 et 2022. D'ailleurs, sur plus d'un millier d'avis émis sur ces textes, 102 ont été défavorables, aux seuls motifs que lesdits niaient la concertation avec les représentants des élus ou qu'ils créaient des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales.
Légiférer pour exister, par des textes à la portée normative plus que limitée, voilà qui mine la démocratie et entérine une forme d'impuissance à transformer la société.
Enfin, j'aimerais vous recommander, mes chers collègues, de cesser de renvoyer systématiquement au Gouvernement le pouvoir de faire la loi. L'ancien président du CNEN, Alain Lambert, alertait le Sénat en ces termes : « Une mesure simple va tomber entre les mains d'experts qui vont prévoir un dispositif et organiser un dispositif de contrôle à cracher le sang. [...] Il y a donc bien des mesures que pouvons prendre pour alléger la réglementation qui frappe les collectivités. »
Mon groupe votera ce texte qui ne pose pas de difficultés majeures et qui permettra d'élaguer un maquis législatif nuisant, notamment, aux petites communes.