Certes, il y a eu des progrès, et l’Europe nous entraîne. Du point de vue juridictionnel, en 2008, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions qui ont marqué une avancée importante et qui viennent compléter une jurisprudence plus protectrice du droit des détenus. Un des commissaires du Gouvernement, dans un exercice de communication assez inhabituel pour le Conseil d’État, avait affirmé que le juge administratif prenait ses responsabilités de juge, qu’il y avait des zones de non-droit, car ce dernier ne jouait pas son rôle. Désormais, plus rien ne doit lui échapper en prison.
Trois décisions du 17 décembre 2008 sont essentielles à mon avis.
La première décision précise qu’une faute simple suffit à engager la responsabilité de l’État en cas de décès accidentel d’un détenu.
La deuxième décision énonce que, désormais, une mesure de placement à l’isolement à titre préventif pourra faire l’objet d’un recours.
La troisième décision énonce que l’administration pénitentiaire doit protéger la vie des détenus en prenant toutes les mesures appropriées.
Auparavant, le Conseil d’État avait reconnu, au travers de plusieurs décisions rendues entre octobre et décembre 2008, le contrôle croissant de l’administration par le juge administratif, qui concernait aussi bien les fouilles que la gestion des biens des détenus. Désormais, le contrôle du juge concernera la majorité des décisions prises par l’administration pénitentiaire.
Le 6 janvier dernier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a émis des recommandations après sa visite de la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Il a estimé que ses recommandations étaient susceptibles de s’appliquer à d’autres établissements déjà visités.
Son constat est clair. Les cours de promenades sont considérées comme des zones de non-droit, des lieux de tous les dangers, où le personnel ne s’introduit jamais. Le contrôleur général révèle que des blessures graves y sont fréquemment constatées et que bon nombre de détenus refusent d’aller en promenade par peur des agressions.
Le contrôleur général a également constaté que la possibilité de recours des détenus était insuffisamment développée et que leur prise en charge sociale était défaillante. Ce climat, où la tension est extrême, où les menaces de racket et la violence pèsent quotidiennement sur les détenus, est source de comportements dépressifs et suicidaires. Les détenus ne peuvent faire valoir leurs droits.
Certaines pratiques de l’administration pèsent lourdement sur l’état psychologique des détenus, comme la pose de caillebotis sur les fenêtres afin d’empêcher les jets de pierres, qui plongent les cellules dans une quasi-obscurité permanente. Le contrôleur général relevait, d’ailleurs, que cette pratique donne au détenu l’impression de ne plus être traité comme un être humain.
Le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté est donc essentiel. Évidemment, nous sommes satisfaits qu’un tel poste ait été créé ; mais il convient aujourd'hui de mettre un terme définitif à des pratiques qui ôtent tous droits aux détenus, y compris les droits les plus fondamentaux.
La rédaction de l’article 10 ne convient pas. Elle est en contradiction avec ce que nous voulons puisque nous ne voulons plus de non-droit. Nous ne pouvons accepter une rédaction qui reconnaît des droits au détenu sauf quand l’administration s’y oppose ! Il faut que les circonstances dans lesquelles les droits d’un détenu ne sont pas garantis soient exceptionnelles et expressément définies.
C’est ce qui justifie notre amendement. Il s’agit d’une question absolument essentielle. On ne pourra nous persuader du fait que tout cela est superflu ; sinon, pourquoi les règles européennes insisteraient-elles sur les droits des détenus ?
Certes, la prison est un milieu particulier ; certes les détenus sont privés de liberté ; certes les risques sont réels ; mais la restriction des droits des personnes incarcérées doit être expressément motivée et très ponctuelle.