Séance en hémicycle du 4 mars 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • dignité
  • détenu
  • langue
  • l’administration pénitentiaire
  • personnes détenues
  • prison
  • pénitentiaire
  • restriction
  • surveillance

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 3 mars 2009, en application de l’article 61 de la Constitution, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d’organismes extraparlementaires.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales à proposer deux candidats pour siéger au sein du Haut conseil de la famille.

J’invite également la commission des lois à proposer un candidat pour siéger au sein du Conseil supérieur des archives.

La nomination au sein de ces deux organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger, d’une part, au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et, d’autre part, au sein de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose les candidatures de M. Alain Gournac et de Mme Anne-Marie Payet pour siéger respectivement en qualité de membre titulaire et de membre suppléant au sein du premier organisme extraparlementaire.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Nicole Bricq pour siéger au sein du second organisme.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports n° 143, 201 et 222).

Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2 bis.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté confiées à l'administration pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer le mot :

contrôle

par les mots :

ou ses collaborateurs contrôlent

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement a pour objet d’intégrer dans la loi pénitentiaire la référence aux collaborateurs du contrôleur général des lieux de privation des libertés qui sont amenés, en vertu de la loi du 30 octobre 2007, à seconder le contrôleur dans sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.

Cet amendement vise donc à intégrer une référence aux collaborateurs dans la mesure où ces derniers peuvent être amenés, dans l’exercice de leurs fonctions, à prendre connaissance des conditions de prise en charge des détenus au même titre que le contrôleur lui-même.

Les articles 4 et 5 de la loi du 30 octobre 2007 font déjà référence à ces collaborateurs. Je vous propose donc qu’il en soit de même dans cette loi pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission avait tenu à ce que figure dans le texte de loi la référence au contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui est par excellence l’organe de contrôle du service public pénitentiaire. Nous ne sommes donc pas loin d’être sur la même longueur d’onde sur ce point.

Mais la référence au contrôleur incluant nécessairement les contrôleurs qui l’assistent, la précision ne nous semble pas indispensable.

Nous avons prévu de faire référence aux délégués du Médiateur parce que ce sont eux qui jouent un rôle en prison. Si le Médiateur avait lui-même joué ce rôle, la référence au médiateur aurait suffi.

Dans le cas des collaborateurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la précision n’est pas nécessaire, nous semble-t-il, et la commission émet donc un avis défavorable bien qu’elle soit en phase intellectuellement avec Mme Boumediene-Thiery.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Pour les mêmes arguments qui viennent d’être avancés par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable, non pas sur le fond, mais parce qu’il est fait référence au contrôleur, ce qui inclut nécessairement ses collaborateurs. Cette précision est donc superfétatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

J’ai bien compris les arguments qui viennent d’être présentés, et s’il est certain, comme l’ont affirmé Mme le garde des sceaux et M. le rapporteur, que les collaborateurs du contrôleur général sont bien concernés, …

Un conseil d'évaluation est institué auprès de chaque établissement pénitentiaire afin d'évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.

La composition et le fonctionnement de ce conseil sont déterminés par décret. –

Adopté.

Afin de permettre aux personnes détenues de bénéficier des dispositions de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, le Médiateur de la République désigne pour chaque établissement pénitentiaire un ou plusieurs délégués affectés à cette mission. –

Adopté.

Un décret détermine les conditions dans lesquelles un observatoire, chargé de collecter et d'analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive, établit un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la réinsertion.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 219, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous nous interrogeons sur les éventuelles implications de l’article 2 quinquies quant aux établissements pénitentiaires.

Cet article prévoit en effet qu’un observatoire sera chargé d’établir « un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines ».

Cette disposition ne risque-t-elle pas d’entraîner une sorte de compétition entre les établissements pour peines et d’influer sur les transferts de prisonniers ? Les établissements pourraient vouloir transférer ou accélérer le transfert de personnes condamnées et récidivistes ou considérées par l’administration pénitentiaire comme susceptibles de récidiver, dans le seul objectif de faire baisser ce taux. Le risque d’arbitraire dans les transferts n’est donc pas à exclure.

De plus, l’article 2 quinquies renvoie à une vision carcérale la lutte contre la récidive : or, celle-ci dépend avant tout des aménagements de peine et des moyens donnés à l’insertion et à la réinsertion du condamné – nous le disons d’ailleurs à chaque occasion – et à l’individualisation de son parcours de peine.

Dans le projet de loi, et singulièrement dans l’article 2 quinquies, le principe de la lutte contre la récidive est constamment mis en avant sans qu’il acquière jamais un contenu ou une définition.

Si les aménagements de peine étaient plus souvent prononcés – espérons qu’ils le seront après l’adoption de la loi – et si les services pénitentiaires d’insertion et de probation disposaient des moyens pour préparer le plus en amont possible un projet d’insertion et de réinsertion avec la personne condamnée, il ne serait peut-être pas nécessaire d’établir des statistiques établissement par établissement, s’agissant de la récidive.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article 2 quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Le Gouvernement entend instituer un observatoire national de l’exécution des décisions pénales et de la récidive. Cette nouvelle instance devrait permettre de centraliser l’ensemble des statistiques relatives à l’activité pénale, ce qui nous semble tout à fait intéressant.

Dans ce cadre, il a paru intéressant à la commission des lois de bénéficier d’études sur les taux de récidive par établissement pour peines – je dis bien « établissement pour peines », car cela n’aurait pas de sens pour les maisons d’arrêt –, et ce afin de mesurer l’impact des conditions de détention sur la réinsertion, ce qui permettra d’orienter utilement la politique pénitentiaire.

Je prendrai quelques exemples.

J’ai été très marqué, voilà déjà plusieurs années, par la visite de la prison de Casabianda, prison tout à fait particulière, sans miradors, sans murs, où sont incarcérés des délinquants sexuels, pour la plupart des délinquants sexuels intrafamiliaux : ces délinquants sont soumis à un régime de travail qu’ils ont choisi, régime d’ailleurs assez intense, et il semble que ce dernier donne des résultats tout à fait intéressants, notamment en termes de récidive.

J’ai également visité la prison de Mauzac sur la suggestion de mon collègue Robert Badinter, et j’ai été intéressé de la même manière par son fonctionnement. J’ai visité la prison de Caen, qui est également une prison pour délinquants sexuels, et j’ai intuitivement l’impression – mais je me trompe peut-être – que le taux de récidive doit être plus important à Caen qu’à Mauzac et plus important encore qu’à Casabianda.

Je souhaite que l’on puisse bénéficier de ce type de statistiques non pas pour établir un palmarès, comme on le faisait autrefois pour le meilleur député ou le meilleur sénateur, mais pour que l’on puisse « investir » sur des expériences de l’administration pénitentiaire, qui sont des expériences positives.

Madame le garde des sceaux, l’administration pénitentiaire réalise des expérimentations tout à fait intéressantes, mais elle a du mal ensuite à les généraliser.

Je ne demande pas que la totalité de la population pénitentiaire bénéficie d’un régime semblable à celui de Casabianda, car ce serait totalement déraisonnable ; mais il pourrait peut-être y avoir deux ou trois prisons sur ce modèle plutôt qu’une seule.

Le rapport de l’observatoire nous permettra de mieux réfléchir sur les conséquences des conditions de détention sur la récidive, et nous aurons à notre disposition un outil pour affiner notre législation.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Chaque fois que l’on prend des dispositions particulières, on nous demande si l’on a procédé à une évaluation ou à un bilan.

Cet observatoire national de l’exécution des décisions pénales et de la récidive nous permettra aussi de mesurer l’incidence des aménagements de peine. En effet, les statistiques ou les quelques indicateurs dont nous disposons à cet égard sont peu empiriques. Ils démontrent néanmoins que les aménagements de peine favorisent la réinsertion des personnes détenues et font chuter très fortement la récidive.

Nous pourrons donc nous rendre compte, par le biais de cet observatoire, de toute la valeur ajoutée et de tout l’apport des aménagements de peine.

Cet observatoire nous servira à mesurer l’impact des aménagements de peine et leur nature. Par exemple, la libération conditionnelle favorise-t-elle plus la lutte contre la récidive qu’une semi-liberté ou un placement extérieur ? Nous verrons en fonction des établissements quel est l’impact sur la récidive. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je le maintiens, mais ne demande qu’à me tromper ; si la création de cet observatoire est renvoyée à un décret, nous verrons ce qu’il en sera.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la question posée par l’observation de la récidive est importante.

Nous n’avons pas déposé d’amendement allant dans le sens de celui de Mme Borvo Cohen-Seat parce qu’il nous paraît utile d’observer les conséquences des politiques menées en termes de récidive, puisque l’objectif est que le taux de récidive soit le plus faible possible.

Comme un décret déterminera les conditions dans lesquelles cet observatoire sera mis en place, je tiens à vous faire part, madame le garde des sceaux, d’un certain nombre de préoccupations, qui rejoignent d’ailleurs celles qui ont été exprimées par Mme Borvo Cohen-Seat.

Il est clair que nous ne souhaitons vraiment pas en arriver à lire dans les hebdomadaires favoris de chacune et chacun d’entre nous le palmarès des prisons – M. le rapporteur a d’ailleurs insisté sur ce point –, comme il en existe déjà dans plusieurs domaines.

Si je prends l’exemple du palmarès des meilleurs lycées, le lycée Louis-le-Grand n’a aucune peine à être en tête du classement, car il accueille les meilleurs élèves ! Mais tel ou tel lycée d’une banlieue qui se retrouvera en bas du palmarès aura peut-être autant de mérite, sinon plus, car l’enseignement qui y est délivré permet à un certain nombre de jeunes de progresser et de réussir.

De plus, concernant les prisons, les conditions de détention sont fort différentes entre, par exemple, les établissements pour peine et les maisons d’arrêt, et la nature même des personnes qui y sont accueillies, si je puis dire.

À nos yeux, il importe de lutter contre la récidive. Cet observatoire, nous y insistons, doit être un outil de nature à évaluer les politiques publiques menées au regard de l’objectif qui est le nôtre, à savoir la lutte contre la récidive ; il ne doit en aucun cas contribuer à une stigmatisation des prisons, car ce serait alors un échec. L’enjeu est différent d’un classement, qui pourrait être extrêmement démagogique et pernicieux pour les établissements.

Madame le garde des sceaux, vous le savez bien, la politique pénale se traduit malheureusement par un taux d’incarcération très élevé. Et, dans bien des cas, la prison est l’école de la récidive. S’il s’agit de lutter contre la récidive, nous sommes cent fois d’accord, tout comme nous sommes d’accord pour évaluer les dispositifs permettant d’agir efficacement en ce sens.

Nous tenions à préciser notre état d’esprit, s’agissant de cette question.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 quinquies est adopté.

Les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et les représentants des associations et autres personnes publiques ou privées peuvent participer aux instances chargées de l'évaluation du fonctionnement des établissements pénitentiaires ainsi que du suivi des politiques pénitentiaires sont fixées par décret. –

Adopté.

L'État peut, à titre expérimental pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la présente loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.

Six mois avant le terme de la période prévue au premier alinéa, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet article est intéressant pour de multiples raisons.

Tout d’abord, il consacre le rôle des régions dans l’organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des détenus dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.

À titre liminaire, je tiens à souligner combien il est paradoxal de remettre en cause le rôle des collectivités territoriales, alors que, dans le même temps, on constate très concrètement que celles-ci sont irremplaçables, puisqu’on leur demande parfois de suppléer l’État pour certains financements. Nous sommes d’accord pour que les régions assument cette nouvelle responsabilité, mais je voudrais simplement un peu plus de cohérence.

En réalité, les collectivités se sont déjà engagées dans cette action. En effet, avant même l’examen de ce projet de loi, des expériences ont eu lieu, et quatre régions, dont l’Aquitaine, région que je connais particulièrement bien, se sont portées candidates et ont signé des conventions.

Avant même toute négociation avec l’État, l’Aquitaine a accepté la mission de délivrer une formation qualifiante aux détenus et de conclure des contrats de professionnalisation avec des groupements d’employeurs, dont on peut mesurer toute l’importance. Le coût annuel de cette mission s’élève à 80 000 euros.

Il m’a semblé entendre récemment une réflexion qui a tinté désagréablement à mon oreille, réflexion selon laquelle cette formation professionnelle serait fondée sur n’importe quoi. Or tel n’est pas le cas, car le programme est arrêté par la Chancellerie. S’il y avait des incohérences, ce serait donc à elle qu’il reviendrait de les corriger. Mais de toute façon, il n’y en a pas. Bien souvent, il s’agit de programmes relatifs à la restauration ou au bâtiment.

Je vous poserai, madame le garde des sceaux, deux questions auxquelles j’espère obtenir une réponse.

La première concerne le financement de cette mission, qui est satisfaisante. Tous les financements ne sont pas aujourd'hui assurés. J’observe que de 40 % à 50 % du financement provient du Fonds social européen, le FSE. Mais les crédits ne sont pas transférés aux régions. Celles-ci vont-elles devoir payer sur leurs deniers ou l’État va-t-il mettre en place un dispositif permettant de transférer la totalité des crédits ?

Par ailleurs, se pose la question du calendrier : la loi devrait entrer en application au 1er janvier 2010, et nous sommes déjà au mois de mars.

Outre une négociation avec l’État, une délibération, puis la signature d’une convention, la mise en place d’une formation professionnelle nécessite des marchés, donc des appels d’offres. Or je ne suis pas sûr que les régions soient prêtes à remplir cette mission le 1er janvier prochain, tout simplement parce que certains délais sont incompressibles. Toutefois, cette question est accessoire par rapport à celle du financement.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 187, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les procureurs de la République et les juges d'instruction effectuent au moins une fois par an une visite dans chacun des établissements pénitentiaires situés dans le ressort de leur juridiction.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 3 prévoit de renforcer l'obligation pour les magistrats du parquet et les juges d'instruction d'effectuer une visite annuelle dans les prisons qui relèvent du ressort de leur juridiction.

L’article 727 du code de procédure pénale prévoit déjà une obligation générale pour les magistrats de visiter les établissements pénitentiaires. Toutefois, force est de constater que très peu d’entre eux ont l’occasion de se rendre sur le terrain, certains d’entre eux se contentant quelquefois d’aller dans le bureau du directeur…

Cette situation est regrettable, d’autant que la décision de mise en détention préventive ou de demande d’une peine d’emprisonnement relève des juges, ce qui implique une connaissance des conditions d’incarcération. On peut espérer qu’une confrontation directe et régulière avec la réalité des établissements carcéraux permettra une meilleure protection des droits des détenus et favorisera le recours aux peines alternatives à la prison.

Par ailleurs, les psychiatres notent que l’absence d’humanité dans les relations entre certains magistrats et les prévenus ou les détenus est l’un des facteurs de déclenchement d’un certain nombre de crises chez ces derniers. Tout ce qui peut contribuer à améliorer la connaissance des conditions de détention et à mieux comprendre ce qui se passe dans la tête des détenus favorisera certainement le travail des uns et des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission des lois a beaucoup apprécié la possibilité offerte aux parlementaires de visiter les prisons, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

…et elle considère que le fait de renforcer les visites dans les prisons des magistrats, notamment des procureurs de la République, des présidents des chambres d’instruction et des procureurs généraux, ne peut avoir que des effets positifs.

Il ne s’agit pas de généraliser, car je connais des magistrats qui sont très présents en milieu pénitentiaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

… mais j’en connais effectivement d’autres qui – c’est un doux euphémisme ! – le sont beaucoup moins.

En conséquence, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

C’est un très bon amendement. Les magistrats qui se rendent déjà en prison…

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

… continueront à le faire. Quant aux autres, ils seront obligés d’y aller au moins une fois par an.

En conséquence, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous sommes bien sûr favorables à cet amendement. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ?

Toutefois, je formulerai quelques remarques.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur pour avis, ces visites doivent servir à quelque chose. Quantité de personnes visitent les prisons : c’est parfois quasiment la gare de l’Est à l’heure de pointe ! Mais il faut que ces visites soient suivies d’observations et de recommandations pour la vie des détenus, adressées à l’administration pénitentiaire et au garde des sceaux bien sûr qui en est responsable.

On ne peut bien évidemment pas inscrire dans un amendement que ces visites doivent être efficaces et utiles – ce serait d’ailleurs un vœu pieux –, mais il ne faut pas perdre de vue cet objectif.

Il y avait auparavant les comités de surveillance, qui ne servaient à rien. Ils se réunissaient parfois, ou pas du tout …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Certes ! Nous en reparlerons lorsqu’elles viendront en discussion, et j’espère que le nouvel organisme créé servira à quelque chose !

Quoi qu’il en soit, je suis favorable à cet amendement, mais je souhaite que les visites soient efficaces et suivies d’effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il importe tout d’abord de faire prendre conscience aux magistrats, y compris aux juges d’instruction, car c’est important pour le déroulement de l’instruction, des conditions de vie des détenus.

D’ailleurs, nous avions souhaité, madame le garde des sceaux, que les juges d’instruction puissent parfois se déplacer dans les prisons pour éviter en permanence les transferts des détenus …

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Il y a la visioconférence !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certes, mais nous avions aussi prévu dans certains établissements pénitentiaires des salles permettant aux juges d’instruction …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Écoutez, mes chers collègues, n’anticipons pas sur d’autres réformes !

Monsieur Yung, le travail de longue haleine engagé avec l’instauration du contrôleur général des lieux privatifs de liberté me paraît très important.

Au fil des années, nous n’avons pas simplement souligné des dysfonctionnements ; des contrats ont été passés avec les établissements pénitentiaires afin d’améliorer progressivement la situation, nous inspirant un peu du modèle britannique. Cette démarche est essentielle. Ce qui a été important pour le contrôleur général l’est aussi aujourd'hui pour les magistrats.

Au cours de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France créée en 2000, nous avions auditionné bon nombre de magistrats, parmi lesquels certains ont déclaré ne rien avoir à faire en prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En effet, surtout lorsque l’on est chargé de l’instruction ! D’ailleurs, ledit magistrat, qui était quand même le doyen des juges d’instruction, s’est fait réprimander par le président du tribunal dont il dépendait – je tairai la ville – et par le procureur général, lesquels ont estimé que ces propos étaient parfaitement inadmissibles, les magistrats ayant le devoir d’aller sur place, ne serait-ce que pour des raisons pédagogiques.

Il importe que les magistrats aient le réflexe de s’interroger sur la mise en détention d’un prévenu. Il me semble donc essentiel d’obliger les procureurs de la République et les juges d’instruction à se rendre une fois par an dans des établissements pénitentiaires.

Il me semble également très important d’obliger notamment les procureurs de la République à remettre des rapports à la Chancellerie.

Vous le savez, mes chers collègues, la commission d’enquête a mis en lumière le fait que les magistrats, hormis quelques procureurs généraux qui respectaient les normes légales en la matière, n’adressaient plus de rapports à la Chancellerie. Or, subitement, à la suite de la commission d’enquête, les rapports ont à nouveau été envoyés, et les procureurs généraux ont signalé à la Chancellerie un certain nombre de problèmes dans les établissements pénitentiaires. Leur regard de magistrat ou de haut magistrat sur les prisons me semble très utile.

En conséquence, l’amendement n° 187 est bienvenu, ne serait-ce qu’à titre de rappel.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.

CHAPITRE II

Dispositions relatives aux personnels pénitentiaires et à la réserve civile pénitentiaire

Section 1

Des conditions d'exercice des missions des personnels pénitentiaires

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, étant nouvellement élu, je ne connais pas encore bien les usages de la Haute Assemblée.

Toutefois, dans mon intervention sur l’article 3, j’ai posé deux questions à Mme le garde des sceaux. Même si je n’attends pas forcément une réponse immédiate, j’estime que toute question mérite réponse. Je souhaiterais donc que Mme le garde des sceaux me réponde au cours du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 76, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le recrutement, la formation et les conditions de travail du personnel pénitentiaire doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

La règle pénitentiaire européenne n° 8 dispose que « le recrutement, la formation et les conditions de travail du personnel pénitentiaire doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus ».

En effet, la qualité du personnel pénitentiaire influe sensiblement sur la reconnaissance et le respect de la dignité de la personne détenue. Le choix attentif de ce personnel au moment du recrutement et lors des affectations successives doit donc tenir compte de l’intégrité, des qualités humaines, des capacités professionnelles et des aptitudes des personnes à exercer ces tâches.

La formation professionnelle du personnel doit par conséquent être développée. Le personnel doit être en particulier sensibilisé aux règles pénitentiaires européennes et aux normes juridiques énoncées dans la Convention européenne des droits de l’homme.

L’amendement vise donc à introduire dans notre droit la règle pénitentiaire européenne n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Nous retrouvons ici un débat sur les règles pénitentiaires européennes, que nous avons déjà eu à diverses reprises, hier. Comme nous l’avons dit alors, ces règles n’ont pas vocation à figurer systématiquement dans le texte de loi, mais elles guident notre action.

Sur le fond, il n’y a rien à redire concernant cet amendement. Nous tentons dans le projet de loi de concrétiser les dispositions de cette règle pénitentiaire européenne. Par exemple, le « haut niveau de prise en charge des détenus » se concrétisera dans le code de déontologie, dans la prestation de serment, dans le contenu de ce dernier et dans la formation continue dispensée. C’est une manière pragmatique de mettre en œuvre cette règle européenne.

En conséquence, la commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

La disposition figurant dans l’amendement n° 76 n’est pas normative. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.

Ces mesures sont déjà mises en œuvre au quotidien, dans les établissements pénitentiaires, dans le cadre des règles pénitentiaires européennes, les RPE.

Par ailleurs, monsieur Anziani, s’agissant de la formation professionnelle, l’État compensera sa part pour les détenus en formation professionnelle. Pour le reste, ce sera aux régions de solliciter directement les fonds complémentaires, notamment les fonds européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Les crédits du FSE sont gérés par l’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Notre amendement offre l’opportunité de réaffirmer fortement des principes en matière de recrutement, de formation et de conditions de travail...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

M. Claude Jeannerot. Même si cela semble évident, cette réaffirmation dans le socle de la loi est à nos yeux essentielle. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement.

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

L'administration pénitentiaire comprend des personnels de direction, des personnels de surveillance, des personnels d'insertion et de probation et des personnels administratifs et techniques.

Un code de déontologie du service public pénitentiaire, établi par décret en Conseil d'État, fixe les règles que doivent respecter ces agents ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2.

Ce même décret fixe les conditions dans lesquelles les agents de l'administration pénitentiaire prêtent serment ainsi que le contenu de ce serment.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans l'accomplissement de leurs missions, les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont intègres, impartiaux, disponibles et respectent les droits fondamentaux des personnes sous leur responsabilité.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement procède du même esprit que l’amendement n° 7 rectifié qui va suivre.

Il vise à inscrire dans la loi pénitentiaire plusieurs principes que devront respecter les agents de l’administration pénitentiaire dans l’exercice de leurs missions : intégrité, impartialité, disponibilité, respect des droits des détenus. Ce sont là des principes importants qu’il convient d’inscrire dans la loi, et pas seulement dans le code de déontologie, à l’article 4 de ce texte.

Je ne vois pas pourquoi nous inscrivons plusieurs principes concernant les missions d’un service public pénitentiaire alors même que nous omettons de préciser les corollaires immédiats.

Nous devons faire figurer non seulement les missions du service public et des agents, mais également les conditions dans lesquelles ces mêmes agents vont exécuter ces missions.

J’aurais d’ailleurs souhaité qu’un projet de décret puisse nous être présenté au sujet tant du contenu du code de déontologie pénitentiaire que de la manière dont seront déclinées les règles que devront respecter les agents.

Il me paraît en effet regrettable de renvoyer à un décret le soin de dicter les règles applicables à l’administration pénitentiaire : le but de la loi pénitentiaire est justement, à mon avis, de légaliser ces règles et ces principes !

À défaut, l’administration dictera à une autre administration le comportement à adopter, sans contrôle parlementaire ! Je préfère un contrôle parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont tenus à l'impartialité, sans aucune distinction tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent.

Il vise à inscrire dans la loi pénitentiaire une exigence fondamentale, celle du respect par les agents de l’administration pénitentiaire du principe d’égalité de traitement des détenus.

Même si les règles déontologiques auxquelles seront soumis les agents seront décrites dans le code de déontologie prévu par l’article 4 du présent projet de loi, il convient tout de même d’inscrire dans la loi les principes les plus importants.

Ainsi la commission des lois a-t-elle accepté de faire figurer dans son texte le respect de l’intégrité physique et l’encadrement du recours à la force.

Mais on ne retrouve aucune trace de l’interdiction de la discrimination au sein des établissements pénitentiaires, et je le regrette. Il s’agit en effet d’une pratique extrêmement répandue dans les prisons : en dehors de toute sanction, certains détenus font l’objet de discrimination. Je sais d’ailleurs de quoi je parle, de même que Mme la ministre, puisque nous en avons déjà discuté : il s’agit de discriminations qui ne sont pas justifiées sur le terrain de la sécurité ou de la santé du détenu. Elles sont simplement l’expression de comportements isolés de la part d’agents abusant de leur position.

Ces comportements doivent être sanctionnés lorsqu’ils ont pour objet de mettre de côté un détenu sans raison.

Je me permettrai d’évoquer devant vous le cas d’un détenu homosexuel m’ayant alertée sur son expérience : il a été mis au ban de l’établissement en raison de son orientation sexuelle. Compte tenu de cette dernière, il s’est vu priver de balades, de douches, sans parler des insultes et des pressions constantes qu’il a subies.

La notion de lutte contre les discriminations doit paraître clairement dans ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il n’est pas facile de répondre à Mme Alima Boumediene-Thiery : non seulement elle pose les questions, mais elle réfute à l’avance les réponses que l’on est susceptible de lui opposer !

Souriressur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Concernant l’amendement n° 6 rectifié, le texte élaboré par la commission dispose déjà que le service public pénitentiaire et l’administration pénitentiaire doivent garantir à tout détenu le respect de ses droits : il s’agit aussi bien de l’article 1er que de l’article 10.

Les précisions selon lesquelles les personnels de l’administration pénitentiaire et les concessionnaires des établissements pénitentiaires à gestion mixte doivent être intègres, impartiaux et disponibles relèvent non pas du domaine de la loi mais, beaucoup plus naturellement, du code de déontologie du service public pénitentiaire.

La commission invite donc au retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Concernant l’amendement n° 7 rectifié, le texte élaboré par la commission dispose déjà que le service public pénitentiaire et l’administration pénitentiaire doivent garantir à tout détenu le respect de ses droits, comme je le disais à l’instant, ce qui implique l’absence totale de discrimination.

L’énumération proposée, d’une part, alourdit inutilement le texte du projet de loi, et d’autre part, prend le risque de toute énumération, c’est-à-dire celui de ne pas être exhaustive. Par exemple, si la question de la nationalité n’y figure pas, pourra-t-on alors opérer une discrimination en fonction de la nationalité ? Non, bien sûr !

Ce type de précision pose plus de questions qu’il ne résout de problèmes.

C’est la raison pour laquelle, comme sur l’amendement précédent, la commission invite au retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Concernant l’amendement n° 6 rectifié, le code de déontologie prévu par un décret en Conseil d’État s’inspirera du code de déontologie de la police nationale qui reprend tous les principes que vous avez indiqués.

Par ailleurs, la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires prévoit déjà ces obligations.

Par conséquent, cette loi étant déjà applicable aux fonctionnaires, et le code de déontologie ayant pour modèle celui de la police nationale, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 6 rectifié.

Je rejoins les arguments exposés par M. le rapporteur au sujet de l’amendement n° 7 rectifié.

En outre, il est toujours étonnant d’inscrire dans un code le respect de certains principes interdisant les infractions, en l’occurrence la discrimination ! On inscrirait ainsi dans le code de déontologie l’obligation de ne pas commettre beaucoup d’infractions...

Or, la discrimination, même si elle ne figurait pas dans le code de déontologie, constitue une infraction pénale ; nous pourrions poursuivre en conséquence.

Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Madame Alima Boumediene-Thiery, les amendements n° 6 rectifié et 7 rectifié sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Oui, monsieur le président, je les maintiens.

Malheureusement, on connaît très bien la réalité. Vous me donnez l’exemple de la police, mais il y a eu aussi des bavures en matière de discrimination dans la police !

Je parle bien sûr de toutes les discriminations. Si la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ou HALDE, a été créée, c’est bien parce que des discriminations sont actées !

Il importe donc d’inscrire de manière très claire la lutte contre toutes les discriminations dans cette fameuse loi, qui a d’ailleurs pour objectif de rappeler les principes fondamentaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 6 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je comprends très bien le souci de notre collègue, puisqu’il existe hélas ! des discriminations dans les lieux de détention : elles sont même fréquentes.

Néanmoins, il faudra veiller à ce que le code de déontologie ne soit pas trop détaillé sur certains points et pas assez sur d’autres, de manière à le rendre suffisamment clair.

Par ailleurs, le contrôleur général des lieux de détention devra exercer un contrôle le plus poussé possible non seulement de l’application des principes qui figureront dans le code de déontologie mais aussi de la vie réelle dans les lieux de détention.

Je vais m’abstenir. Mais avec cet amendement, la précision risque d’être très poussée sur certains points alors que bien d’autres dispositions devraient figurer dans les devoirs et les droits des personnels d’administration pénitentiaire.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 77, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ces règles précisent l'obligation pour les personnels de veiller au respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.

La parole est à M. Charles Gautier.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Le 6 mars 2000, au terme de ses travaux, la commission animée par M. Canivet a considéré « qu’admettre que la peine d’emprisonnement qui a pour finalité la réintégration, dans la société, d’une personne condamnée induit une autre logique juridique, celle d’un détenu qui, à l’exception de la liberté d’aller et de venir, conserve tous les droits puisés dans sa qualité de citoyen, qu’il n’a pas perdue du fait de sa condamnation, mais aussi celle d’un lieu, la prison qui, faisant partie du territoire de la République, doit être régi selon le droit commun, y compris dans les adaptations qu’exige la privation de liberté ».

Cette philosophie est également développée dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : « l’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate ».

Pour la commission Canivet, les carences qui affectent le service public pénitentiaire dans le contenu des normes comme dans leur application ne sauraient être justifiées par « l’argument de sécurité, constamment avancé pour faire obstacle à l’évolution des prisons ».

Le Conseil constitutionnel, quant à lui, considère – c’est une décision de 1994 – que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’avilissement et de dégradation est un principe « indérogeable », en ce sens qu’il n’a pas à être concilié avec d’autres principes.

Afin que ces principes soient respectés, nous ne trouvons pas admissible que seul le décret traite de la déontologie des personnels de l’administration pénitentiaire. La loi doit intervenir au moins pour fixer les principes fondamentaux, et nous souhaitons que figure parmi ces principes le respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.

Cette rédaction reprend la règle pénitentiaire européenne n° 72-1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement a pour objet de prévoir que le code de déontologie du service public pénitentiaire devra préciser l’obligation, pour les personnels, de veiller au respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.

Cet amendement est au moins en partie satisfait par le texte de la commission.

Sur l’initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, l’article 4 bis fait bien obligation aux « personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire [de veiller] au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté ».

L’article 19 bis dispose également que « l’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ».

Quant à l’article 1er, il précise, sur l’initiative de notre collègue Hugues Portelli, que l’administration pénitentiaire doit garantir « à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne », ce qui inclut le principe de dignité.

J’ajouterai un argument qui m’a souvent été répété par les personnels pénitentiaires, lors de mes visites : les personnels pénitentiaires ne sauraient être tenus pour responsables des conditions de détention, lesquelles résultent, pour partie, de l’état des établissements pénitentiaires et de la surpopulation carcérale. Comment peuvent-ils veiller à la dignité des détenus lorsque quatre personnes doivent cohabiter dans une cellule de neuf mètres carrés ?

C’est un argument qu’il ne faut pas oublier lorsque l’on fait porter sur les personnels pénitentiaires l’obligation de veiller au respect de la dignité des détenus.

Pour ces raisons, la commission des lois demande le retrait de l’amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

La notion de respect de la dignité est totalement reprise à l’article 1er du projet de loi, qui prévoit que le service public pénitentiaire « garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. », lesquels incluent la dignité, et à l’article 10, qui précise que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. ».

Enfin, il est imposé aux personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire de veiller « au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté » – c’est l’article 4 bis –, et à l’administration pénitentiaire d’assurer « à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique » – c’est l’article 19 bis.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui est d’ores et déjà satisfait.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Nous ne faisons aucun procès d’intention.

Compte tenu des réponses apportées à la fois par M. le rapporteur et par Mme le garde des sceaux, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’amendement n° 77 est retiré.

L'amendement n° 78, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens et doivent tenir compte de la nécessité de faciliter la réinsertion des détenus dans la société à la fin de leur peine, par le biais d'un programme de prise en charge et d'assistance.

La parole est à M. Charles Gautier.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

La règle pénitentiaire européenne n° 72.3 dispose que « les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens et doivent tenir compte de la nécessité de faciliter la réinsertion des détenus dans la société à la fin de leur peine, par le biais d’un programme positif de prise en charge et d’assistance. »

Cette règle souligne l’aspect éthique de l’administration pénitentiaire. En l’absence d’une éthique forte, un groupe se voit octroyer un pouvoir substantiel sur un autre groupe, ce qui peut aisément conduire à une situation abusive. Le respect de l’éthique ne doit pas seulement caractériser le comportement des membres du personnel pénitentiaire à l’égard des détenus. Les responsables des établissements pénitentiaires doivent faire preuve d’un grand discernement et d’une forte détermination pour assumer la gestion des prisons dans le respect des plus hautes normes éthiques.

Travailler dans les établissements pénitentiaires exige donc une combinaison de talent personnel et de compétences professionnelles. Le personnel pénitentiaire doit faire appel à ses qualités humaines lorsqu’il traite avec les détenus, afin d’agir avec impartialité, humanité et justice.

Par conséquent, il nous paraît important que cette règle soit transposée dans notre législation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement est satisfait par le texte de la commission, d’une part avec l’article 4 bis dont j’ai donné lecture et que nous devons pour une grande part à l’initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, et, d’autre part, avec l’article 4 ter, qui prévoit que les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation « mettent en œuvre les politiques d’insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues. ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

En outre, la rédaction proposée pourrait s’avérer source d’insécurité juridique, puisqu’elle prévoit que « les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens ». Je m’interroge en effet sur le caractère normatif d’une telle disposition. Dans l’administration pénitentiaire, je connais les « personnels de surveillance », les « personnels d’insertion et de probation », mais je cherche vainement les « gardiens » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Les dispositions du projet relatives aux missions du service public pénitentiaire et de ses personnels sont suffisamment précises sur ce point. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement préfère privilégier une définition concrète des missions du service public pénitentiaire plutôt que de reprendre ce type de dispositions.

Je rappelle également que l’administration pénitentiaire et ses surveillants n’aiment pas le terme « gardien ». Je rejoins totalement leur point de vue : mieux vaut les qualifier par leur statut et leur mission réelle, et non par des termes qui n’existent pas dans le statut actuel.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Depuis hier après-midi, pour ceux qui ont suivi le débat dans son intégralité, l’immense majorité des réponses qui nous sont apportées reposent sur un seul argument : cela va tellement sans dire que mieux vaut ne pas le préciser. Je pense au contraire que si cela va sans dire, cela va encore mieux en le disant !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

En conséquence, contrairement à l’amendement, précédent, je vous propose de maintenir celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard.Je voudrais d’abord rappeler à notre assemblée qu’un rapport extrêmement important vient d’être publié, celui du comité Veil. Sont rappelés dans ce rapport les droits et libertés garantis dans notre système juridique français dont le panel est tel qu’il n’y a plus rien à ajouter dans les déclarations et la jurisprudence existantes.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Or, avec la série d’amendements déposés hier et aujourd’hui, vous nous demandez de répéter systématiquement dans nos lois des dispositions qui s’imposent déjà à nous, qui ont valeur juridique et même, la plupart du temps, valeur constitutionnelle.

Je ne vois pas pourquoi nous perdrions du temps à alourdir les textes juridiques en rappelant l’éventail des dispositions fondamentales reconnues par le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des Droits de l’homme, le Conseil d’État et la Cour de cassation. D’ailleurs, si nous le faisions pour cette loi pénitentiaire, il faudrait le faire pour toutes les autres lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Nous ne nous en sortirions plus ! Ce serait une erreur psychologique que de vouloir systématiquement répéter dans nos textes de loi ce qui a déjà valeur juridique, voire constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

S’il est important de faire des piqûres de rappel dans le débat pour rappeler l’existence de telle ou telle disposition, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

... il n’est pas pour autant nécessaire de les ajouter au texte de loi.

De plus, comme je l’ai dit hier, les dispositions des règles pénitentiaires européennes résultent d’une mauvaise traduction de l’anglais. J’en veux pour preuve le terme de « gardien », qui ne correspond à aucune réalité juridique française.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

M. Charles Gautier. C’est la faute à la Queen !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard.Il faut se méfier comme de la peste des habitudes et du flou artistique des textes juridiques anglais qui, contrairement aux textes français, se caractérisent moins par la précision de l’expression.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous n’avez quand même pas osé déposer des amendements pour décliner tous les principes qui figurent dans les règles pénitentiaires européennes ! Cela nous ferait entrer dans moult détails.

Je comprends parfaitement que l’on s’assure que la loi correspond bien à ces règles. Mais je vous rappelle qu’il s’agit de recommandations du Conseil de l’Europe. De plus, ce Conseil regroupe des pays extrêmement divers qui ne connaissent pas forcément l’insertion et qui n’ont d’ailleurs pas tous l’équivalent d’un service pénitentiaire d’insertion et de probation, ou SPIP ! La France est en retard, elle est même condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour cela, mais il faut tenir compte de ce décalage !

Le rôle du Conseil de l’Europe est d’encourager tous ces pays à mettre en place une surveillance. Effectivement, les surveillants ont, j’en suis convaincu, un rôle à jouer en matière de réinsertion, et il existe des services spécialisés et des personnes extérieures qui, heureusement, contribuent également, dans les établissements pénitentiaires, à la réinsertion.

Les rappels, c’est très bien. Mais, honnêtement, vous étiez globalement d’accord avec le travail de la commission. Seulement, il fallait bien que vous déposiez des amendements !Alors, vous vous êtes appuyés sur les règles pénitentiaires européennes, que vous déclinez au fur et à mesure. Mais, je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas l’objet de la loi ! La loi doit être normative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sinon, je suis désolé, il s’agit de grands principes que nous avons approuvés.

Alors le dialogue peut continuer de cette façon...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

... pour décliner toutes les règles pénitentiaires européennes, afin que nous ayons le plaisir de les retrouver dans la loi pénitentiaire. Mais je vous rappelle que le nombre de ces règles pénitentiaires européennes est supérieur à cent !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous nous attentions à une telle charge, et nous nous demandions même – je pense notamment au propos de M. Patrice Gélard – pourquoi elle n’était pas advenue plus tôt !

Cette charge-là a un sens qui consiste à dire que nous ne devons pas forcément tenir compte d’un certain nombre de grands principes.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs socialistes

Mais si !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Permettez-moi de rappeler que les règles pénitentiaires européennes, au nombre de 108, ont été adoptées par le Conseil de l’Europe, et donc bien évidemment par la France qui en est membre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je rappelle également que, selon Nicolas Sarkozy, alors candidat à l’élection présidentielle, la loi pénitentiaire devait avoir pour objectif la conformité de notre droit avec les règles pénitentiaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je rappelle enfin que la France a été condamnée à de multiples reprises par la Cour européenne des droits de l’homme ou d’autres organismes. Il est donc difficile de nous répondre que nous n’avons pas besoin de nous conformer à ces règles, car elles vont de soi ! Tel n’est pas le cas, puisque leur non-respect nous a valu condamnation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Nous avons besoin de ces règles, y compris dans cette loi pénitentiaire, parce que ce sont ces règles qui vont la fonder.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je formulerai deux réflexions.

Tout d’abord, à l’instar de Pangloss, célèbre héros de Voltaire qui pensait que « tout est bien », M. Gélard estime que notre législation est déjà la meilleure possible. Si tel est le cas, nous n’avons pas besoin de siéger ! Tous les principes seraient écrits au mieux, déclinés de la meilleure façon possible et appliqués magnifiquement. Il n’est donc pas nécessaire de nous donner tout le mal que nous nous donnons pour légiférer.

Ensuite, je ne suis pas d’accord avec les remarques formulées pour la seconde fois par M. Gélard à propos de la langue anglaise. Notre collègue semble en effet présupposer – mais peut-être l’ai-je mal compris ? – que la langue française serait apte au droit, alors que la langue anglaise serait inapte à l’expression juridique.

Il existe une littérature abondante selon laquelle certaines langues seraient aptes à la pensée spéculative, alors que d’autres ne le seraient pas ! Il y aurait des langues adaptées à la philosophie ou au droit et d’autres qui ne le seraient pas !

Pour ma part, je pense au contraire que toute langue humaine est capable d’exprimer des spéculations, quelles qu’elles soient, notamment d’ordre juridique. Certes, chacune procède à sa manière, car il n’y a pas d’uniformité en la matière. Par respect pour les juristes non seulement britanniques mais aussi de toutes les nations du monde, je me permets donc de relativiser quelque peu – s’il veut bien l’admettre – les propos de M. Gélard.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pour moi, ce sujet ne prête pas à rire, encore que l’on puisse rire de tout

Si nous avons le souci de voir « transposées » dans la loi les règles pénitentiaires européennes, que la France a adoptées, c’est parce que nous constatons qu’elles ne sont pas appliquées.

Depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, reprise par le préambule de la Constitution, il est bon de s’interroger, à chaque fois que nous légiférons, sur l’application des droits qui y sont inscrits. Or, nombre d’entre eux, tels, notamment, le droit au logement, le droit au travail, ne sont pas appliqués.

En lisant les règles pénitentiaires européennes, que ce soit en langue anglaise ou non, nous devons nous interroger, en tant que législateur, sur le sens que nous leur donnons. S’agissant par exemple du respect de la dignité, je considère que le fait d’être obligé de déféquer devant quelqu’un porte atteinte à ce principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourtant, c’est bien ce qui se passe ! Je considère que le texte que nous examinons ne permettra pas d’appliquer le principe du respect de la dignité humaine, qui figure pourtant parmi les règles pénitentiaires européennes.

Selon moi, il faut poursuivre la réflexion en ce sens. Il ne suffit pas de dire que tout est écrit, que tout est dit. Oui, c’est vrai, la France, en matière de droits, a déjà tout dit : mais voyez où nous en sommes par rapport à ce qui est écrit !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Je souhaite revenir sur les propos de mon collègue Alain Anziani, avec lequel je suis d’accord sur le fond. Sur la forme, je rejoins M. le doyen Gélard.

Il existe une solution simple, dont je me fais simplement le porte-parole. Dans le cadre d’un amendement ou d’un sous-amendement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… nous pourrions tout simplement préciser que le code de déontologie du service public pénitentiaire fixe les règles que doivent respecter ses agents ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l’article 2, parmi lesquelles figurent les règles pénitentiaires européennes édictées par le Conseil de l’Europe. Cela permettrait d’intégrer globalement l’ensemble des règles pénitentiaires européennes à l’article 4 du projet de loi pénitentiaire, pour lequel elles sont particulièrement bienvenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il y a une limite à ce que l’on raconte ! Tout se passe comme si, à l’occasion d’un texte sur l’enfance, vous vouliez y intégrer toute la convention de New York !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est exactement ce que vous êtes en train de nous proposer !

Au demeurant, j’accepte tout à fait que vous déposiez des amendements visant à vérifier que les principes en question ont bien été intégrés dans le projet de loi. Nous vous apportons alors un certain nombre de réponses.

Ainsi, des amendements déposés par Mme Borvo Cohen-Seat, portant notamment sur le respect de la dignité de la personne, ont été intégrés aux travaux de la commission.

Il est tout à fait normal de vérifier que toutes les règles pénitentiaires européennes sont effectivement traduites dans ce nouveau projet de loi. Personne n’a dit que la situation était parfaite ! Au contraire, le Gouvernement, dans son projet de loi, puis la commission, au cours de ses travaux, ont veillé à ce que tous les principes des règles pénitentiaires européennes soient transcrits dans la loi.

Mais, mes chers collègues, si nous voulons que la législation soit claire, ne mélangeons pas, je vous en supplie, les déclarations de principe et les normes. Si nous procédons ainsi aujourd’hui, nous ferons de même demain ! Or nous avons eu trop de lois purement déclaratives !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour ma part, mon cher collègue, j’ai toujours lutté contre cette tendance, avec d’ailleurs beaucoup de mal, puisque vous défendiez les déclarations de principe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certes, on peut continuer ainsi !

On peut bien sûr se demander si ces principes sont bien respectés dans la loi pénitentiaire, laquelle, ne l’oublions pas, représente une avancée par rapport à la situation actuelle.

Mais il ne me paraît pas judicieux de faire figurer dans la loi toutes les règles pénitentiaires européennes. Au demeurant, ceux qui sont chargés du contrôle de la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes pourront vérifier si nous les appliquons bien.

J’ajoute qu’il y a, certes, les règles juridiques que nous fixons, mais il y a également – et c’est plus important encore –les moyens que nous engagerons pour faire respecter ces règles.

Ce matin, certains disaient : c’est tellement bien de faire des lois inapplicables ! Or on en a trop fait, dans ce domaine comme dans d’autres.

Pour ma part, je souhaite vraiment – et je crois que ce souhait est partagé par tous – que nous adoptions une loi applicable. Ce qui importe, c’est que les règles pénitentiaires européennes, par le biais de notre législation, du code de déontologie et de tout ce qui sera décliné dans ce projet de loi, permettent effectivement un progrès, pour que nos prisons soient enfin dignes d’une démocratie telle que la France.

Autant il nous possible de polémiquer sur certains sujets, autant ce serait une erreur, sur le plan normatif, de mélanger les principes généraux et les normes effectives, qui doivent y être conformes. Je défends cette idée depuis très longtemps. Nous éviterions de faire des lois bavardes, et pourrions ainsi adopter des lois efficaces.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

À la suite des propos que vient de tenir M. le président de la commission des lois, je rappelle que la moitié des 108 règles pénitentiaires européennes ont été reprises dans ce texte. Un grand nombre de dispositions sont d’ores et déjà mises en œuvre.

Par ailleurs, j’ai demandé à la direction de l’administration pénitentiaire de labelliser les expérimentations relatives à la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes dans les établissements pénitentiaires. Sur 196 établissements, pas moins d’une vingtaine sont aujourd’hui labellisés AFNOR.

En outre, les règles pénitentiaires européennes ne concernent pas uniquement la France. Elles ont également vocation à s’appliquer dans des pays où les services d’insertion et de probation, par exemple, n’existent pas. La mission de réinsertion, notamment, qui figure parmi les missions dévolues au surveillant pénitentiaire en France, n’existe pas dans d’autres pays.

Certaines règles ne sont donc pas appliquées, voire pas applicables dans d’autres pays, alors que la France est déjà en conformité avec certaines règles pénitentiaires européennes.

Enfin, les amendements adoptés par la commission ont enrichi le texte de nouveaux principes issus des règles pénitentiaires européennes. Vous ne pouvez donc pas dire que rien n’a été repris, ou peu a été repris. Au contraire, beaucoup a été repris.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je ne peux vous la donner, mon cher collègue, car vous êtes déjà intervenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Je me suis contenté de présenter l’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Sans doute devrais-je tenir une comptabilité plus précise des intervenants…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Tout à l’heure, en présentant cet amendement, je faisais allusion à ceux qui ont suivi le débat depuis le début.

Si vous aviez accepté hier, au moment où nous débattions de l’article 1er, que nos propositions de rappel des grandes orientations, y compris des orientations européennes, soient intégrées au texte, nous ne serions pas intervenus lors de l’examen des articles suivants. Or tout nous a été refusé.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Pourtant, votre attitude ne correspondait pas au climat qui a régné durant la discussion générale. Aujourd’hui, nous en sommes là ! Article par article, nous procédons à un certain nombre de rappels.

Cet acharnement à refuser l’intégration des règles européennes me porte à penser que, dans notre hexagone, si l’on estime respectables ces grandes orientations, on les juge également inapplicables – le terme a été rappelé – et l’on estime en conséquence qu’il n’est pas nécessaire de les transcrire dans la loi.

Nous ne partageons pas cette conception des choses. Il y a un écart important entre ce que nous proposons et le texte de la commission. Certes, une proposition intermédiaire a été présentée par M. Portelli, à laquelle je me rallierais assez facilement si l’ensemble de notre assemblée était de cet avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Monsieur Gautier, après vérification, il s’avère que vous étiez déjà intervenu, certes brièvement, pour explication de vote ! La prochaine fois, je vous aurai à l’œil ! (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je préciserai en complément que la bible en la matière, à savoir le texte de la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes, « recommande aux gouvernements des États membres de suivre dans l’élaboration de leur législation ainsi que de leurs politiques et pratiques les règles pénitentiaires européennes ». Il n’est donc nulle part question d’une transposition des règles pénitentiaires européennes. Il s’agit de suivre l’esprit de ces règles, lesquelles constituent un cadre. S’il nous paraît utile de les transposer, ce qui se produira d’ailleurs bientôt, nous le ferons. Mais, le plus souvent, la commission n’est favorable ni à une transposition générale directe ni à une transposition générale indirecte comme le propose M. Portelli.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire constituent, sous l'autorité des personnels de direction, l'une des forces dont dispose l'État pour assurer la sécurité intérieure.

Dans le cadre de leur mission de sécurité, ils veillent au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l'individualisation de leur peine ainsi qu'à leur réinsertion.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 220, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Au début du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

Dans le cadre de leur mission de sécurité,

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

L’article 4 bis est issu d’un amendement du rapporteur tendant à préciser que les personnels pénitentiaires constituent l’une des forces dont dispose l’État pour assurer la sécurité intérieure et que, dans le cadre de cette mission de sécurité, ils participent à l’individualisation de la peine ainsi qu’à la réinsertion des personnes privées de liberté.

Cet article nous semble devoir être modifié sur deux points.

Tout d’abord, la réinsertion de la personne condamnée constitue l’objectif essentiel du service public pénitentiaire, auquel concourent évidemment les personnels. Il nous semble donc quelque peu incongru d’inclure cet objectif dans une mission de sécurité qui, ainsi mise en avant, serait beaucoup plus globale.

Ensuite, l’article 4 bis comporte une lacune : si les personnels de surveillance doivent effectivement participer à l’individualisation des peines et à la réinsertion, ils ont aussi pour mission de protéger l’intégrité physique des personnes détenues. Pour mener à bien cette tâche, l’administration pénitentiaire devra adopter une politique ambitieuse de recrutement de personnels car, aujourd’hui, si des violences physiques ont lieu entre détenus, ce n’est pas uniquement le fait de surveillants peu scrupuleux, c’est avant tout en raison d’une insuffisance des moyens en personnels. En ces temps de surpopulation carcérale, les agents se trouvent dans l’impossibilité matérielle de veiller au respect de l’intégrité physique des détenus. Cet article va, je l’espère, contraindre l’administration pénitentiaire et, au-delà, le Gouvernement à modifier sa politique carcérale.

La commission des lois n’a retenu que l’un des deux points que nous venons d’exposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

C’est pourquoi nous présentons cet amendement, afin d’améliorer encore le texte retenu par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Comme notre collègue vient de le rappeler, la commission des lois a, d’une part, reconnu que les personnels pénitentiaires constituaient la troisième force de l’État en matière de sécurité intérieure, aux côtés de la police et de la gendarmerie et, d’autre part, adopté un amendement du groupe CRC-SPG qui prévoit que les personnels de surveillance doivent veiller au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté.

En revanche, la commission n’a pas souhaité supprimer la précision selon laquelle les personnels de surveillance participent, dans le cadre de leur mission de sécurité, à l’individualisation de la peine ainsi qu’à la réinsertion des personnes privées de liberté. Il convient en effet, à notre avis, de prévenir toute confusion entre les personnels de surveillance, d’une part, et les conseillers d’insertion et de probation, d’autre part. Si la participation à l’individualisation de la peine et à la réinsertion des détenus demeure la mission première des seconds, la sécurité demeure la mission principale des premiers.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Les surveillants pénitentiaires ont avant tout une mission de sécurité, puisqu’ils constituent la troisième force de sécurité de notre pays.

C’est dans le cadre de cette mission de sécurité qu’ils veillent à l’intégrité physique des personnes placées sous main de justice. Si cette référence était supprimée, on priverait ces personnels de l’essentiel de leur mission et il serait difficile de les distinguer des conseillers d’insertion et probation.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, après les mots :

l'intégrité physique

insérer les mots :

et de la dignité

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement a pour objet d’inscrire le principe du respect de la dignité humaine dans le corps de la loi pénitentiaire.

Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que cette notion de dignité humaine est totalement absente du projet de loi ? En effet, après une brève apparition, elle a été supprimée dans le texte adopté par la commission des lois, au motif que le respect de la dignité humaine allait de soi !

Dans ce cas, mes chers collègues, comment expliquez-vous que la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994 soit entièrement consacrée à cette notion et qu’un chapitre du code pénal soit exclusivement consacré aux atteintes à la dignité de la personne ?

Avec votre permission, je me risquerai à une interprétation de cette omission : j’ai bien peur qu’elle ne soit volontaire et qu’elle ne vise à éviter que les détenus puissent contester les conditions de détention et de prise en charge devant un juge ou même devant le Conseil constitutionnel, par la voie de la question préjudicielle de constitutionnalité.

Selon le Conseil constitutionnel, le principe du respect de la dignité humaine constitue un fil conducteur pour l’interdiction de toute forme de dégradation et d’asservissement. Or les conditions, parfois dégradantes et attentatoires à la dignité, dans lesquelles se trouvent placés les détenus en raison de la surpopulation carcérale pourraient, me semble-t-il, donner au Conseil constitutionnel la possibilité de faire condamner l’administration pénitentiaire par voie préjudicielle.

Le code pénal prévoit lui-même que le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, constitue un délit.

Pourquoi le détenu ne pourrait-il pas invoquer une telle disposition ? Pourquoi lui ôter la possibilité de se prévaloir d’une atteinte à sa dignité ?

La Cour européenne a pourtant largement développé sa jurisprudence dans le domaine de l’atteinte à la dignité des détenus : elle n’hésite pas à juger contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme des conditions de détention objectivement inadaptées au bien-être des prisonniers, en prenant en compte, notamment, l’aménagement des cellules, l’aération, la luminosité, la température, la séparation des sanitaires ou l’absence de matériel de couchage.

Il s’agit non pas de science-fiction juridique mais d’une réalité, la France étant régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme sur ce fondement.

On comprend mieux la raison de l’absence de la notion de respect de la dignité des détenus dans le texte qui nous est présenté : cette absence permet d’assurer une immunité de principe à l’administration pénitentiaire contre toute incompatibilité de son action avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Mes chers collègues, ce n’est pas en supprimant la possibilité pour les détenus de se prévaloir de ce principe que nous rendrons nos prisons plus humaines. Ces dernières resteront une honte pour notre République tant que nous empêcherons le droit d’y entrer.

Je propose donc, de manière très solennelle, d’intégrer ce principe de dignité humaine dans le corps de la loi pénitentiaire et d’assurer aux personnes détenues une véritable protection contre les atteintes à leur dignité.

Si vous refusez de donner aux détenus le droit de protéger leur dignité, vous les privez de l’essence même des droits inhérents à la personne humaine. Vous niez leur droit à la dignité !

Ce droit ne se devine pas ; il ne va pas de soi. Au contraire, il se proclame. Nous avons à faire à des populations vulnérables, particulièrement fragiles. Le droit doit les protéger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Votre préoccupation, qui consiste à vouloir inscrire dans ce texte le respect de la dignité, est parfaitement fondée. Une telle opportunité se présentera sans doute à mesure que nous égrènerons les articles de ce projet de loi. En revanche, le moment me semble mal choisi.

Vous souhaitez préciser que, dans le cadre de leur mission de sécurité, les personnels de surveillance veillent au respect de la dignité des personnes privées de liberté.

Je reprends l’argumentation que j’opposais tout à l’heure à notre collègue Alain Anziani sur l’amendement n° 77. Le personnel de surveillance ne saurait être tenu pour responsable des conditions de détention qui, très largement, conditionnent le respect de la dignité et qui dépendent en grande partie de l’état des établissements pénitentiaires et de la surpopulation carcérale. Cette difficulté me semble insurmontable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Pour cette raison, l’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Cet amendement rejoint les amendements n° 73 et 77, qui visaient à intégrer la notion de dignité. Je rappelle que les articles 1er et 10 du projet de loi reprennent déjà ce principe, sous une autre forme.

Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’inscription de ce principe a déjà été refusée dans d’autres articles. C’est pourquoi nous la proposons à nouveau ici. Il nous semble pourtant nécessaire que cette notion de dignité humaine apparaisse quelque part dans ce texte. Sinon, arrêtons de dire que sa vocation est de protéger le droit des détenus !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 79 rectifié est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 10 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu'ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire.

La parole est à M. Alain Anziani, pour défendre l’amendement n° 79 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je tiens très nettement à lever toute ambiguïté : cet amendement n’est pas défavorable aux personnels de l’administration pénitentiaire, qui méritent notre respect et nos encouragements. Nous proposons toutefois d’encadrer l’usage de la force en prison, une notion toujours difficile à appréhender, d’abord en définissant des cas d’usage de la force, y compris par arme à feu – légitime défense, tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés –, ensuite en posant le principe de proportionnalité, la force devant être utilisée pour ce qui est strictement nécessaire.

Je voudrais rappeler, sans déclencher de nouvelle furie, que cet amendement reprend les règles pénitentiaires européennes n° 64 et 65 ainsi qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

Je propose que ces notions, qui, à la lumière de mes commentaires, me paraissent devoir s’imposer, soient inscrites dans cette grande loi pénitentiaire que nous appelons tous de nos vœux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement résulte de la fusion de deux amendements complémentaires déposés par mon collègue Alain Anziani et par moi-même. Il a pour objectif premier d’inscrire dans le projet de loi le principe de la limitation du recours à la force.

Il vise les différents cas où le recours à la force peut être justifié : légitime défense, tentative d’évasion ou résistance par la violence.

Il pose également un principe consubstantiel au recours à la force : celui de la nécessité. En effet, tout recours à la force doit être rendu nécessaire par le comportement du détenu, et ne saurait s’exercer en dehors de cette nécessité.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est, dans ce domaine, très instructive : selon cette dernière, l’utilisation de la force à l’égard d’un détenu doit être prohibée si elle n’est pas rendue strictement nécessaire par le comportement de celui-ci.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter le principe de la nécessité, s’agissant du recours à la force, en l’assortissant des cas de figure où celui-ci est rendu légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Ces deux amendements identiques ont pour objet de définir un cadre légal à l’usage de la force par les personnels de l’administration pénitentiaire.

J’ai indiqué dans mon rapport que je considérais, à l’instar de la Commission sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, présidée, en 2000, par Guy Canivet, qu’il revient à la loi de fixer le cadre dans lequel les personnels de l’administration pénitentiaire peuvent recourir à la force, le cas échéant en faisant usage d’armes à feu.

Alors que j’avais envisagé de déposer un amendement à cette fin, j’y ai finalement renoncé, car il m’a été indiqué qu’une réflexion était en cours, en lien avec le ministère de l’intérieur, les discussions portant notamment sur la possibilité d’un usage des armes à feu en dehors de l’enceinte des établissements pénitentiaires, notamment dans les UHSI et les UHSA.

Toutefois, l’article 2 bis du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, adopté par le Sénat en décembre dernier, encadre l’usage des armes à feu par la gendarmerie. La commission ne voit donc plus de raison de différer encore l’adoption d’une mesure similaire pour les personnels de l’administration pénitentiaire et, par conséquent, elle a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Ces deux amendements visent à conférer une valeur législative aux dispositions, de nature réglementaire, qui figurent à l’article D. 283–5 du code de procédure pénale, dont ils reprennent l’exacte rédaction.

Madame la sénatrice, monsieur le rapporteur, je souscris à vos propos. Toutefois, il est vrai que le Gouvernement aurait souhaité inscrire ces dispositions relatives à l’usage des armes à feu par l’ensemble des forces de sécurité dans un texte unique, texte qui est actuellement en cours de préparation au niveau interministériel, à l’instar des dispositions qui ont été votées dans le cadre du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale.

Toujours est-il que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Les amendements sont adoptés à l'unanimité.

L'article 4 bis est adopté.

Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.

À cette fin, ils mettent en œuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 221, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation participent à l'individualisation des peines et des mesures pré-sententielles. Ils sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Dans ses préconisations, le comité d’orientation restreint écrit ceci : « Il importe que les SPIP s’approprient pleinement, dans sa plénitude, la mission qui est la leur, se définissant comme “la mise en œuvre et le suivi des mesures d’individualisation et d’aménagement des peines privatives de liberté” ».

Par cet amendement, nous entendons conférer une portée plus importante à l’article 4 ter du texte de la commission des lois, en inscrivant clairement dans la loi les missions fondamentales des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Nous proposons donc de mentionner leur rôle nécessaire dans l’individualisation des peines et des mesures « pré-sententielles » et, ainsi, dans les aménagements de peine, rôle complémentaire à celui qui est le leur en matière d’exécution des peines.

L’article 4 ter du texte de la commission des lois dispose que les SPIP ont pour mission de mettre en œuvre « les politiques d’insertion de prévention de la récidive ».

Précisément, pour que l’insertion et la prévention de la récidive réussissent, il importe en premier lieu de rechercher la sanction la plus adaptée possible, tant pour les personnes en détention provisoire que pour celles qui ont fait l’objet d’une condamnation. Autrement dit, la sanction doit être individualisée et non automatique, contrairement à ce que prévoient de plus en plus souvent hélas ! les textes votés par la majorité gouvernementale.

Les personnels des SPIP jouent un rôle actif dans l’aide à la décision des magistrats en leur apportant des éléments essentiels sur le détenu ou le prévenu. Ils font des enquêtes dites « rapides » avant comparution, dans le cadre des permanences d’orientation pénale. Ils peuvent être saisis de diverses mesures « pré-sententielles » sur le contrôle judiciaire, l’ajournement avec mise à l’épreuve, le suivi des détenus incarcérés.

Aujourd’hui, un conseiller des SPIP traite environ de 120 à 180 dossiers. Bien évidemment, confirmer aux SPIP leurs missions, c’est aussi décider de leur donner les moyens de les mettre en œuvre. Certes, il faut le reconnaître, un effort a été engagé depuis quelques années, mais celui-ci a besoin d’être intensifié. À cette fin, le budget de la justice doit être à la hauteur des exigences du moment et de celles qui découleront, s’il est adopté, du présent projet de loi, de manière à satisfaire réellement les droits effectifs des détenus.

Enfin, comme le fait la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il est permis de s’inquiéter également de la délégation de tout ou partie des fonctions d’insertion et de probation à des personnes de droit privé, délégation qui ne pourrait conduire qu’à affaiblir la mobilisation des acteurs publics pour l’exécution des peines et la réinsertion des condamnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

D’une part, elle considère qu’il est largement satisfait par son propre texte, qui lui paraît de surcroît plus concis. D’autre part, elle craint que les termes « mesures pré-sententielles », par exemple, qui ne figurent ni dans le code pénal ni dans le code de procédure pénale, n’introduisent une complexité supplémentaire.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’article 1er du projet de loi, en définissant précisément les missions du service public pénitentiaire, répond pleinement au but visé par les auteurs de cet amendement.

En outre, l’article 4 ter lui-même dispose que « les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation sont chargés de préparer et d’exécuter les décisions de l’autorité judiciaire relatives à l’insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice ». Cette formulation signifie bien que la peine est effectivement individualisée.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

œuvre

insérer les mots :

, par des programmes appropriés,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement, qui concerne les missions des SPIP, participe du même esprit que les amendements n° 3 rectifié et 4 rectifié, que j’ai défendus hier.

La notion de programme a ici encore plus de raison d’être qu’elle n’en a s’agissant des missions de l’administration pénitentiaire.

Les SPIP se trouvant au premier plan de la réinsertion des détenus, il n’est pas inconcevable de prévoir qu’ils exercent leurs missions dans le cadre de programmes appropriés.

Cela peut paraître évident : la réinsertion du détenu passe nécessairement par des programmes. Aussi, cet amendement tend à conférer à ceux-ci une certaine cohérence en les coordonnant au niveau national, en concertation avec tous les acteurs de la réinsertion. Ces programmes-cadres peuvent constituer le socle d’action des SPIP et peuvent être réactualisés régulièrement en fonction de l’évolution de leurs missions.

Aussi, mes chers collègues, je vous propose d’inscrire dans le projet de loi que ces programmes constitueront le cadre d’action des SPIP dans l’exercice de leurs missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J’apporterai la même réponse que celle que j’ai déjà faite hier : cette précision paraît inutile à la commission. On peut d’ailleurs légitimement espérer que les services pénitentiaires d’insertion et de probation élaborent des programmes d’insertion et de réinsertion appropriés. En outre, il nous semble que la situation de chaque détenu mérite d’être prise en considération dans sa singularité.

Par conséquent, par souci de conserver à ces programmes toute leur souplesse, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le contenu des programmes appropriés mis en œuvre par les SPIP, c'est-à-dire les modalités d’intervention de ces services, ne ressortissent pas au domaine de la loi. Ainsi, l’établissement pénitentiaire de Melun, qui accueille majoritairement des délinquants sexuels, met en œuvre des programmes appropriés de lutte contre la récidive, en matière sexuelle.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’un n’empêche pas l’autre ! L’élaboration de programmes appropriés à la situation de chaque détenu n’empêche pas que d’autres programmes puissent être mis en place au niveau national, de manière cohérente et homogène. Si tel était le cas, un même programme pourrait être appliqué dans différents sites, permettant ainsi aux détenus transférés d’un établissement à un autre d’en conserver le bénéfice.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 ter est adopté.

Au début de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les droits d'expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, sous réserve de l'alinéa suivant. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 288, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire exercent leurs droits d'expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

La commission des lois a introduit un article 4 quater relatif aux droits d’expression et de manifestation des personnels de l’administration pénitentiaire. Cet article vise à reconnaître ces droits au personnel des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire, par référence au statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les personnels pénitentiaires, compte tenu des missions de sécurité qui leur sont confiées, sont soumis à un statut spécial, qui découle de l'ordonnance du 6 août 1958. Ce statut spécial, à l’instar de celui auquel sont soumis les policiers, déroge au statut général de la fonction publique.

Cet amendement vise à lever l’ambiguïté que constitue la référence à ce statut général, puisque ces droits ne peuvent s’exercer que dans la limite du statut spécial, qui n’a pas vocation à être modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la fin de la seconde phrase du même article, les mots : « en dehors des garanties disciplinaires » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des garanties disciplinaires fixées par le statut général de la fonction publique ».

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Pour notre part, nous soutenons la thèse contraire et souhaitons que prime le droit commun.

Nous ne contestons pas que le personnel de l’administration pénitentiaire soit soumis à un statut spécial. Néanmoins, nous nous demandons si les incidents qui pourraient survenir lors de l’exercice, par ce personnel, de ses droits à l’expression et à la manifestation de ses idées ne devraient pas relever d’une procédure disciplinaire proche de celle du droit commun. Aussi, notre amendement vise à garantir un certain nombre de droits au personnel de l’administration pénitentiaire en cas de procédure disciplinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

S’agissant de l’amendement n° 288, l’article 1er de l’ordonnance du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire permet au Gouvernement de déroger, par décret, au statut général de la fonction publique.

L’introduction du droit commun dans les établissements pénitentiaires au profit tant des détenus que des personnels de l’administration pénitentiaire a constitué l’un des fils directeurs des travaux de la commission des lois, ainsi d’ailleurs que du Gouvernement si l’on évoque par exemple la formation et la compétence régionale.

L’article 4 quater du texte adopté par la commission présente un double intérêt, symbolique et juridique.

Sur le plan symbolique, il consacre dans la loi la soumission au droit commun des droits d’expression et de manifestation des personnels du service déconcentré de l’administration pénitentiaire, sous une double réserve : tout d’abord, le maintien de la prohibition de toute cessation concertée du service et de tout acte collectif d’indiscipline caractérisée ; ensuite, la possibilité de sanctionner ces faits en dehors des garanties disciplinaires lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public.

Je rappelle à cet égard, même si cela va de soi, que le statut général de la fonction publique s’applique aux personnels de l’administration pénitentiaire sans qu’il soit besoin de le préciser dans la mesure où il n’y est pas dérogé. Il en va de même de tous les fonctionnaires soumis à un statut spécial.

Le texte de la commission présentait néanmoins un intérêt juridique dans la mesure où il interdisait au pouvoir réglementaire d’apporter d’autres restrictions aux droits d’expression et de manifestation des personnels que celles qui sont prévues par l’ordonnance.

Il est vrai que l’amendement du Gouvernement fait perdre cet intérêt à l’article 4 quater, mais je ne pense pas que le Gouvernement ait l’intention de modifier quoi que ce soit sur ce point. Nous sommes en fait dans le domaine du symbole. En tout état de cause, il sera intéressant que les droits d’expression et de manifestation du personnel restent inscrits dans la loi.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 288 du Gouvernement.

J’en viens à l’amendement n° 80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste. L’article 3 de l’ordonnance de 1958 prohibe toute cessation concertée du service et tout acte collectif d’indiscipline caractérisée de la part des personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire. On ne peut effectivement pas imaginer une administration pénitentiaire à éclipse, car il faut s’occuper des personnes détenues.

L’article 3 de l’ordonnance prévoit que ces faits peuvent être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public. Des règles similaires sont d’ailleurs prévues pour les personnels de la police nationale.

Les événements du passé montrent qu’il faut à tout prix prévenir le risque de voir les personnes détenues livrées à elles-mêmes au sein d’un établissement pénitentiaire.

Telle est la raison pour laquelle il ne paraît vraiment pas souhaitable d’aligner le statut des personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire sur le statut général de la fonction publique.

Il convient par ailleurs d’observer que les contraintes de ce statut spécial ont pour corollaire des avantages, notamment en termes de retraite et de traitement, qu’un alignement sur le statut général de la fonction publique supposerait de remettre en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

C’est la raison pour laquelle la commission est résolument défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 288.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La commission des lois a élaboré une rédaction qui protège véritablement les droits des personnels pénitentiaires sans créer aucune difficulté par rapport aux valeurs de responsabilités et de sécurité, auxquelles nous sommes tous très attachés.

Madame le garde des sceaux, dès lors qu’existe l’article 3 de l’ordonnance du 6 août 1958, qui limite très précisément les conditions de manifestation des personnels pénitentiaires, et qu’il n’est pas question de le supprimer, je me demande en quoi l’amendement n° 288 du Gouvernement changerait les choses par rapport aux droits d’expression garantis par le statut général de la fonction publique.

Je considère que cet amendement ne modifie pas substantiellement la situation. Je ne vois donc que des avantages à conserver la rédaction de la commission des lois qui se réfère au statut de la fonction publique tout en prenant en compte les restrictions qui figurent dans l’ordonnance de 1958.

J’espère être clair : dès lors que l’article 3 de l’ordonnance est maintenu, je ne vois vraiment pas ce qui serait interdit par le statut spécifique à la fonction publique pénitentiaire et autorisé par le statut de la fonction publique.

Il me semble donc beaucoup plus cohérent de se référer au statut général de la fonction publique, comme le propose la commission des lois.

Nous voterons par conséquent contre l’amendement du Gouvernement afin de soutenir la rédaction de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

À la réflexion, cet article n’était peut-être pas indispensable. Sans doute avons-nous voulu trop bien faire !

Le statut des personnels de l’administration pénitentiaire, c’est bien évidemment le statut de la fonction publique assorti de dispositions particulières. Il est inutile de répéter dans chaque loi des dispositions qui figurent déjà dans d’autres lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les éléments du statut général s’appliquent à tous les fonctionnaires, et s’y s’ajoutent les éléments du statut spécial, propre aux personnels pénitentiaires. Jamais il n’est venu à quiconque l’idée de faire la même chose pour les personnels de la police nationale ! Et soudain, on se pose des questions.

L’amendement n° 80 porte sur un autre aspect.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Oui, c’est autre chose ! Mais l’amendement du Gouvernement, en se référant au statut des personnels de l’administration pénitentiaire, a l’avantage de la simplicité. Il n’y aurait plus lieu de s’interroger sur les éventuelles dérogations qu’il faudrait apporter au statut général de la fonction publique.

Cela vaut d’ailleurs pour tous les fonctionnaires. Le statut de la fonction publique territoriale comprend les éléments généraux qui s’appliquent à l’ensemble de la fonction publique et le statut spécial.

Il n’y a pas lieu d’énumérer les différents éléments du statut de la fonction publique. En revanche, les éléments du statut spécial sont forcément déclinés dans les textes concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce n’est pas l’objet du projet de loi. Pourquoi répéter les mêmes choses dans toutes les lois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne fais que défendre la position de la commission, et vous me le reprochez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez le droit de défendre cette position, mais j’ai aussi le droit de ne pas être totalement d’accord ou d’avoir réfléchi depuis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous êtes contre le texte élaboré par la commission : c’est un paradoxe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Des paradoxes, je vous en trouverai sans doute beaucoup avant la fin de ce débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai le droit de défendre la position de la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certes, mais compte tenu du présent débat, qui est tout à fait secondaire, je considère qu’il aurait mieux valu supprimer l’article 4 quater. Cela nous aurait évité un débat qui ne me paraît pas essentiel.

Le fait de se référer au statut général des fonctionnaires aboutit immédiatement à ce que des collègues déposent un amendement visant à prévoir l’application aux personnels de l’administration pénitentiaire de l’ensemble du statut général de la fonction publique et se demandent quelles dispositions du statut spécial doivent être supprimées.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

M. Hyest a été très clair.

Permettez-moi de vous rappeler les termes du nouvel alinéa présenté par l’article 4 quater du texte de la commission : « Les droits d’expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales, sous réserve de l’alinéa suivant. »

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Cette rédaction, quelque peu ambiguë, risque de provoquer des contentieux ou des recours.

C’est pourquoi l’amendement du Gouvernement précise que « les personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire exercent leurs droits d’expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut. »

Cet amendement lève toute ambiguïté, donc tout risque de contentieux. Il ne s’agit pas de revenir sur la rédaction ou sur l’esprit de l’article qui a été adopté par la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

J’écoute toujours avec une grande attention les propos de M. Hyest. Depuis hier, il nous explique qu’il est inutile de répéter dans la loi les principes généraux, tout ce qui n’est pas normatif. Je le comprends fort bien.

Pourtant, c’est exactement ce que nous faisons lorsque nous précisons que les personnels de l’administration pénitentiaire sont soumis au statut général de la fonction publique de l’État. Peut-on imaginer que tel ne soit pas le cas, que le statut des fonctionnaires de l’État ne s’applique pas aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ? Il est bien évident que la réponse est négative.

Cet amendement tombe donc dans la catégorie des amendements non normatifs que vous pourfendez à juste titre, monsieur le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je suis tellement d’accord avec M. Yung que je considère qu’il vaudrait mieux retirer l’article 4 quater !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous pouvez voter contre, mais pas le retirer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il suffit de ne pas l’adopter !

Nous proposons que cet article ne figure pas dans la loi. À cette fin, nous demandons au Sénat de voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est votre position, mais pas celle de la commission des lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 4 quater de la commission a un sens différent du texte qui nous est proposé par l’amendement n° 288. Je tenais donc, moi aussi, à défendre le texte adopté par la commission.

M. le président de la commission des lois invite à l’instant le Sénat à voter contre l’article présenté par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il me semble néanmoins que ceux qui ont soutenu cette rédaction en commission pourront également la soutenir en séance publique.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, l’article 4 quater est ainsi rédigé, et l'amendement n° 80 n'a plus d'objet.

Les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sont tenus de suivre une formation initiale et continue adaptée à la nature et à l'évolution de leurs missions.

Ils participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation. –

Adopté.

I. - La protection de l'État dont bénéficient les agents publics de l'administration pénitentiaire en vertu de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires couvre les préjudices qu'ils subissent à l'occasion ou du fait de leurs fonctions.

Elle est étendue à leurs enfants, leurs ascendants directs, leurs conjoints, leurs concubins ou aux personnes auxquelles ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsque, du fait des fonctions de ces agents, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.

II. - Au premier alinéa du I de l'article 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, les mots : « les agents des services de l'administration pénitentiaire, » sont supprimés. –

Adopté.

Section 2

De la réserve civile pénitentiaire

Il est créé une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice, ainsi que de coopération internationale.

La réserve est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l'administration pénitentiaire.

Un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des missions prévues au premier alinéa ne peut se porter volontaire pour entrer dans la réserve civile.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 222 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Mes propos, qui viseront à exposer la position générale du groupe socialiste sur la proposition de création d’une réserve civile pénitentiaire, vaudront également pour les articles 7, 8 et 9.

L’idée est de créer une réserve civile pénitentiaire constituée de volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire.

Aux termes du texte, leur mission serait de nature sécuritaire, puisqu’elle consisterait à assurer la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, c’est-à-dire, si nous comprenons bien, à surveiller les palais de justice et à effectuer le contrôle de sécurité à l’entrée des tribunaux.

La réserve civile pénitentiaire n’assurerait pas la sécurité dans les établissements pénitentiaires, puisque cette mission ne relève pas de sa compétence. En revanche, elle participerait à des missions de coopération internationale, ce qui nous a étonnés, car c’est l’image de la France dans ce domaine qui est en jeu. Vous avouerez qu’il est assez curieux de faire appel, pour mettre notre savoir-faire à disposition de pays voisins, à des personnels retraités qui ne sont plus en activité depuis cinq ans au maximum, et qui, par conséquent, ne sont plus au fait des nouveautés et des dernières techniques employées ! Nous connaissons bien cela dans d’autres secteurs d’activité.

Nous nous posons donc des questions et émettons des doutes sur les missions qui seraient confiées à cette réserve civile pénitentiaire. En réalité, nous sommes même opposés à la création de cette réserve.

Nous considérons que la situation dans les établissements pénitentiaires, qui a été longuement décrite, est catastrophique. Il manque un certain nombre de personnels pour assurer l’encadrement nécessaire afin que nos établissements pénitentiaires soient convenables et ne soient plus montrés du doigt par les différentes administrations, par les corps de contrôle européens, peut-être même par les anglais…

Nous pensons que la création de cette réserve ne réglera pas du tout la question. La solution au vrai problème, celui dont on devrait s’occuper, nous la connaissons : c’est bien sûr le recrutement et la formation de nouveaux personnels pénitentiaires qui seront affectés à plein-temps dans la prison.

Nous estimons également – je l’ai déjà dit hier, et je n’y reviens donc pas – que la politique pénale en amont doit être révisée.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que les articles prévoyant le principe d’une réserve pénitentiaire civile soient supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 222.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il s’agit ici de créer une réserve civile pénitentiaire afin d’assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements pénitentiaires.

À l’instar de ce qu’avait fait la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure en créant une réserve civile de la police nationale, l’actuel gouvernement souhaite créer une réserve civile pénitentiaire. Mais la création d’une telle réserve ne va pas de soi, et nous nous devons de nous interroger sur les fondements de cette décision.

En effet, il n’a échappé à personne que la création d’une réserve civile pénitentiaire tend principalement à pallier le manque d’effectifs des personnels pénitentiaires, en permettant à l’administration pénitentiaire de faire appel à des personnels retraités.

Deux questions se posent alors.

Si les effectifs sont insuffisants pour assurer la sécurité, ce qui est effectivement le cas puisque le nombre de détenus a augmenté plus rapidement que le nombre de surveillants, pourquoi l’État ne recrute-t-il pas plus de personnels ? Ou alors, ne faudrait-il pas vider les prisons en stoppant l’escalade sécuritaire ?

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Par ailleurs, la création d’une réserve civile pénitentiaire constituée de personnels à la retraite risque, à terme, de remettre en cause l’âge de départ à la retraite des personnels pénitentiaires. Aujourd’hui, l’âge minimal de départ à la retraite est de cinquante-cinq ans pour cette catégorie de personnel. Cet aménagement de la législation traduit la prise en compte de la pénibilité de leur travail.

Mais si, demain, ces personnels, même retraités, peuvent reprendre leur activité dans les établissements pénitentiaires afin d’assurer des missions de sécurité, pourquoi le Gouvernement ne proposerait-il pas, à terme, de relever l’âge de départ à la retraite ?

Cette disposition, qui crée, à n’en pas douter, une faille dans la reconnaissance de la pénibilité de la profession de surveillant pénitentiaire, ne vise qu’à pallier le manque de personnels pénitentiaires.

Étant opposés à ce choix, nous demandons la suppression de l’article 6, ainsi que des articles 7, 8 et 9, et nous considérons que les amendements n° 223, 224 et 225 sont défendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

de renforcement de la sécurité

par les mots :

d'insertion, de formation, d'encadrement des activités sportives, d'extractions

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 281, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice,

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

La commission des lois a ajouté une mission supplémentaire aux personnels de la réserve civile pénitentiaire, le contrôle de l’exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice.

La réserve civile pénitentiaire a fait l’objet d’une expérimentation portant sur la sécurité des tribunaux. J’ai souhaité que cette réserve civile figure dans un texte législatif, au même titre que la réserve de la police nationale.

Imposer une nouvelle mission à cette réserve civile reviendrait à en dénaturer l’objet initial. La surveillance des personnes placées sous bracelet électronique, qui sont écrouées, ne peut être confiée qu’à des personnels de surveillance en activité et non à des réservistes, pour les raisons que je viens de vous indiquer.

Tel est l’objet de l’amendement n° 281.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 289, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les réservistes sont soumis au code de déontologie du service public pénitentiaire.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L’amendement n° 289 vise, pour répondre aux craintes exprimées par un certain nombre de personnes, à soumettre les membres de la réserve civile pénitentiaire au code de déontologie du service public pénitentiaire.

Je rappelle que cette réserve sera composée exclusivement de volontaires, qui feront l’objet d’une sélection stricte, puisqu’ils devront remplir des conditions d’aptitude précisées par décret en Conseil d’État. En tout état de cause, un agent ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour un motif incompatible avec l’exercice des missions de la réserve ne pourra être engagé.

Les amendements identiques n° 82 rectifié et 222 tendent à supprimer la réserve pénitentiaire.

La commission a non seulement approuvé la création d’une réserve civile pénitentiaire, mais elle a étendu le champ des missions de cette dernière : alors que le Gouvernement avait simplement prévu des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, ainsi que des missions de coopération internationale, la commission a ajouté le contrôle de l’exécution des mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice.

La réserve civile pénitentiaire reposera sur le volontariat. Il en existe une dans bien d’autres corps de l’administration, notamment la police nationale, où elle est obligatoire. Dès lors, rien ne paraît devoir s’opposer à sa création.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n° 82 rectifié et 222.

L’amendement n° 83 rectifié a pour objet, d’une part, d’exclure toute participation de la réserve civile pénitentiaire à des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, d’autre part, de lui confier des missions d’insertion, de formation, d’encadrement des activités sportives et d’extractions.

Sur le fond, il apparaît pour le moins singulier à la commission de vouloir exclure toute participation de la réserve civile pénitentiaire à des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, notamment les tribunaux, et de lui confier des missions d’extractions des détenus, qui sont ô combien plus dangereuses et qui relèvent des compétences régaliennes de l’administration pénitentiaire. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 83 rectifié.

J’en arrive à l’amendement n° 281 du Gouvernement. Les mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice connaissent actuellement une forte croissance : le nombre des bracelets électroniques utilisés simultanément est désormais supérieur à 3 000 pour le placement sous surveillance électronique « fixe », le PSE, et d’une vingtaine pour le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM.

Le projet de loi pénitentiaire tend à favoriser largement le développement de ces mesures de surveillance électronique, notamment en créant l’assignation à résidence avec surveillance électronique, destinée à limiter le recours à la détention provisoire, et en posant le principe du placement sous surveillance électronique des personnes détenues condamnées à de courtes peines d’emprisonnement dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à quatre mois.

Le contrôle de l’exécution de ces mesures pourrait utilement être confié aux réservistes de l’administration pénitentiaire, car il ne les expose guère à des risques. Cela permettrait aux surveillants en activité de se consacrer à d’autres tâches, plus exposées.

Les personnes qui travailleront dans la réserve civile pénitentiaire sont encore jeunes. Mme Assassi pourrait en faire partie

Mme Éliane Assassi rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les missions liées à la coopération internationale ne représenteront pas l’essentiel de la mission de la réserve pénitentiaire. Il ne reste donc que les fonctions de surveillance des bâtiments dépendants du ministère de la justice. C’est pourquoi il me paraissait réellement intéressant de prévoir que cette réserve civile pourrait se préoccuper en outre du contrôle du placement sous surveillance électronique.

J’entends les arguments avancés concernant la nature régalienne de ces fonctions. Mais où commence et où finit le caractère régalien ? Je serais tenté de dire, par exemple, que des fonctions d’extractions, visées par l’amendement n° 83 rectifié, me paraissent ô combien plus régaliennes que les missions de surveillance qui consistent à rester derrière un écran et à vérifier que la mise en place d’un dispositif d’alarme ne pose aucun problème.

On pourrait d’ailleurs très bien concevoir que cette réserve civile pénitentiaire soit cantonnée à ce rôle face à l’écran, et que les vérifications à domicile, missions plus régaliennes, soient effectuées par les personnels de l’administration, directement envoyés sur place.

« Les chants désespérés sont les chants les plus beaux… » Mes collègues de l’opposition ne sont pas favorables à la mise en place d’une réserve civile pénitentiaire, et le Gouvernement, quant à lui, souhaite limiter le champ d’action de cette réserve civile pénitentiaire à la portion congrue. Je pense pour ma part que, si l’on décide de créer cette réserve, il faut faire en sorte de lui donner des compétences plus nombreuses.

Je n’irai pas jusqu’à émettre un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement. Ce serait me donner à moi-même un avis défavorable, que je ne pense pas mériter sur ce point. Je me contenterai donc de m’en remettre à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Pour compléter l’argumentation de la commission, j’ajouterai que l’opération de pose d’un bracelet électronique peut se révéler dangereuse pour celui qui l’effectue, par exemple dans un quartier difficile. Quant à la surveillance électronique, on ne peut pas diviser la mission de sécurité et dire que les réservistes pourraient s’occuper de la surveillance devant les écrans mais qu’ils ne pourraient être envoyés sur place en cas de problème. Cela rendrait l’organisation et la gestion encore plus complexes.

En outre, je rappelle que, dans la police nationale, les réservistes ont pour mission, par exemple, d’accompagner le Tour de France. Ils ne sont pas chargés de missions de sécurité ou de missions régaliennes. Par conséquent, si le texte de la commission était adopté, les réservistes de l’administration pénitentiaire seraient les premiers à accomplir une mission régalienne.

Si l’on dit que surveiller n’est pas très compliqué, on en vient à considérer que la sécurité et la surveillance des personnes écrouées ne relèvent plus d’une mission régalienne, même si ces personnes sont dangereuses.

Or les personnes placées sous bracelet électronique mobile – une petite vingtaine, comme vous l’évoquiez – sont généralement des délinquants très lourds : l’expérimentation effectuée grâce au Sénat s’adressait en effet en premier lieu aux pédophiles, délinquants au profil généralement extrêmement dangereux.

S’agissant des amendements identiques n° 82 rectifié et 222, le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable, puisque la création de la réserve civile pénitentiaire constitue un élément fondamental dans l’effort de sécurisation des établissements, bâtiments et services relevant du ministère de la justice, les juridictions pour l’essentiel.

Aujourd'hui, le bilan que l’on peut tirer de l’expérimentation sur une durée de près d’un an est extrêmement positif. Les réservistes ont donné entière satisfaction à plusieurs égards, notamment par leur connaissance du milieu judiciaire, leur savoir-faire dans la gestion des incidents et de la sécurité.

Depuis 2006, l’expérimentation dans trois cours d’appel puis la généralisation de la mesure ont abouti à l’emploi d’environ cent quarante agents de sûreté chaque année.

Monsieur le rapporteur, vous évoquiez tout à l'heure les missions de coopération internationale pouvant être confiées à des personnes ayant cessé leur activité. Il ne me paraît pas déshonorant d’envoyer à l’étranger des directeurs, jeunes retraités, possédant des connaissances étendues et une grande expérience afin de contribuer à la promotion de l’action de la France au-delà de nos frontières.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’amendement n° 83 rectifié appelle les mêmes observations de ma part, puisqu’il vise à confier des missions d’insertion et de probation à la réserve civile.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Les missions d’insertion et de probation n’ont rien à voir avec l’accompagnement du Tour de France ! Elles sont extrêmement importantes non seulement pour la réinsertion des personnes détenues, mais également pour la sécurité de nos concitoyens. Par conséquent, laissons-les aux professionnels.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 83 rectifié.

En revanche, il est favorable à l’amendement n° 289.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 82 rectifié et 222.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je soutiens les amendements n° 82 rectifié et 222, et notre groupe votera contre l’article 6.

Les débats qui viennent d’avoir lieu au travers de la présentation des amendements montrent la très grande incertitude relative à cette section du texte consacrée à la réserve civile pénitentiaire.

Qui sont les réservistes en question ? Quels seront leur statut et leurs moyens ?

Tout d’abord, puisque Mme le garde des sceaux nous dit qu’une expérimentation a déjà eu lieu, cela signifie que des retraités de l’administration pénitentiaire effectuent d’ores et déjà des tâches de surveillance. Comment ont-ils été recrutés ?

Sachant que l’expérimentation a été mise en place sans disposition législative à cet égard, pourquoi faut-il inscrire dans une loi le statut de cette réserve ?

Si c’est une nécessité, l’expérimentation en cours est totalement illégale et ne devrait pas avoir lieu. Sur quelles bases juridiques se fonde-t-elle ?

Il y a là une contradiction que je ne comprends pas, et je souhaite que Mme la ministre m’apporte quelques éclaircissements à ce sujet.

Ensuite, cette disposition constitue la sanction du manque de moyens de l’administration pénitentiaire. Lorsque les moyens sont insuffisants pour assurer toutes les missions nécessaires, il est fait appel aux retraités, que l’on appelle « la réserve ». Que feront-ils ? Pourront-ils exercer des missions de contrôle et de sécurité ? Non, nous dit-on.

En dépit du travail intense de la commission et surtout du rapporteur, l’article 6 est mal rédigé, car ce point n’a pas été approfondi.

En effet, les missions de contrôle et de sécurité sont des missions régaliennes, qui appellent des moyens, notamment la nécessité d’être éventuellement armé. Les réservistes auront-ils l’usage d’une arme pour exécuter, dans des conditions quelquefois très difficiles, ces missions de contrôle, de sécurité et de surveillance des personnes portant un bracelet électronique ? Auront-ils seulement le droit d’en porter une ? Vraisemblablement, non !

Le texte ne dit rien sur les moyens dont disposeront les réservistes.

Enfin, M. le rapporteur, n’ignorant pas que cet article est un embrouillamini très mauvais, nous objecte que les réservistes seront soumis au code de déontologie. La belle affaire ! Que cela signifie-t-il ?

Les réservistes seront-ils recrutés en application d’une loi et non pas d’une simple circulaire ? Mais il est vrai que pour Mme le garde des sceaux, « chef des procureurs », les circulaires ont presque force de loi ! J’y reviendrai ultérieurement dans le débat.

Les réservistes resteront-ils membres du corps des personnels de surveillance des établissements pénitentiaires ? Telle est la vraie question. Si la réponse est « oui », le code de déontologie s’appliquera naturellement. Dans le cas contraire, les réservistes ne pourront exercer aucune des missions de contrôle et de sécurité dévolues aux surveillants des établissements pénitentiaires. Il faudra leur en confier d’autres.

Tel est bien le sens de l’amendement n° 83 rectifié du groupe socialiste : si vous ne disposez pas des moyens suffisants, confiez aux réservistes des missions d’insertion – accompagnement, surveillance des activités sportives, culturelles et du travail en prison – qui n’exigent pas le port d’une arme, puisqu’il ne s’agit pas de missions de sécurité et de contrôle. Une telle disposition permettrait de pallier le manque criant de personnel à l’intérieur des prisons. Mais vous n’y êtes pas favorables.

Quant à confier aux réservistes des missions dans le cadre de la coopération internationale, pourquoi pas ? On peut les envoyer à l’étranger dispenser des cours pour présenter l’administration pénitentiaire française, qui, même si elle est « une honte pour la République », selon les termes du président Hyest, est tout de même meilleure que celle de certains pays.

Telles sont les raisons pour lesquelles il faut à tout prix voter l’amendement n° 82 rectifié et les suivants, qui visent à supprimer toute cette partie du texte consacrée à la réserve civile pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons indiqué dans le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France que les prisons françaises étaient une humiliation pour la République.

Mais je n’ai jamais, au grand jamais, mis en cause les personnels ; bien au contraire, j’en ai toujours fait l’éloge, parce qu’ils exercent un métier extrêmement difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme votre phrase était pour le moins ambiguë, mon cher collègue, je tenais à le rappeler de façon très claire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La création d’une réserve civile pénitentiaire me paraît une bonne idée. En tout cas, elle vaut la peine d’être expérimentée, car il est intelligent de ne pas se priver des compétences de personnes encore relativement jeunes, qui ont été sélectionnées sur des bases non contestables, puisqu’il s’agit de recourir non pas à des personnes n’ayant jamais exercé cette profession auparavant, mais à d’anciens agents ayant fait leur carrière dans l’administration pénitentiaire. C’est donc plutôt une bonne chose.

Le statut des réservistes est précisé dans le projet de loi. Quant à la question de savoir s’ils feront partie du corps des personnels de surveillance des établissements pénitentiaires, il faudra apporter une réponse à cet égard.

S’agissant du port d’armes, contrairement à notre collègue Jean-Pierre Michel, j’avais compris, pour ma part, qu’il ne posait pas de difficultés pour les réservistes.

En effet – et là, je m’oppose à l’un des arguments avancés par le Gouvernement pour justifier la réserve –, la mission qu’il est proposé de confier à la réserve est à mon avis régalienne. On ne peut affirmer que certains aspects de la mission sont régaliens, alors que d’autres aspects ne le seraient pas ! C’est tout ou rien ! Dans la mesure où les réservistes exerceront une mission qui leur sera confiée par l’État, par la puissance publique, leur statut est régalien.

Je souhaite également soulever un autre point important. S’agissant des bracelets électroniques mobiles, nous sommes encore dans une phase expérimentale de ce dispositif attendu par tout le monde depuis longtemps. Dans sa phase actuelle de montée en puissance, ce dispositif nécessite une vigilance particulière, car le moindre incident déclencherait des remous dans l’opinion.

Par conséquent, nous ne devons pas prendre le moindre risque concernant le suivi des bracelets électroniques fixes et a fortiori mobiles.

Dans la mesure où les réservistes exerceront leur profession à temps partiel – j’ai compris que ce serait un petit mi-temps –, il y a un risque de distension de leurs liens avec la hiérarchie et, peut-être, de relâchement disciplinaire, risque qui existe moins chez le personnel pénitentiaire travaillant à temps plein.

C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 281 du Gouvernement me paraît judicieux. Si, plus tard, il faut attribuer aux réservistes des missions complémentaires, nous le ferons, mais, dans un premier temps, ne leur confions pas le suivi des personnes portant un bracelet électronique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Plus le débat se développe, plus la question devient complexe et plus je suis confortée dans l’idée qu’il ne faut surtout pas voter la création de la réserve civile pénitentiaire. Je vous le dis nettement, nous sommes contre la réserve civile pour les raisons exposées précédemment par ma collègue Éliane Assassi.

Je fais d’ailleurs observer que, actuellement, la situation est telle que nous devrions nous soucier moins du sort des retraités que de celui des nombreux jeunes qui veulent travailler…

Entre l’idée de faire garder l’entrée des tribunaux par des personnes dites à la retraite et le flou de notre débat sur les tâches que l’on veut confier à la réserve civile, il y a un monde ! On s’interroge : port d’arme ou non ? Quelles missions ? Jusqu’où ? C’est incroyable ! Nous sommes en pleine confusion !

Puisque vous ne savez pas exactement quelles missions pourraient être confiées aux réservistes – surveiller un écran, poser un bracelet, aller chercher quelqu’un qui a ôté son bracelet, etc. –, incertitude à laquelle s’ajoute la question du port d’arme, je vous invite instamment, mes chers collègues, à ne pas accepter la création de la réserve civile pénitentiaire.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 6 est adopté.

Les agents mentionnés à l'article 6 peuvent demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service.

Les volontaires doivent remplir des conditions d'aptitude. Ceux dont la candidature a été acceptée souscrivent un engagement contractuel d'une durée minimum d'un an renouvelable. Ils apportent leur soutien aux services relevant du ministère de la justice, dans la limite de cent cinquante jours par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 84 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 223 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Ces amendements n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 7.

L'article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les agents mentionnés à l'article 6 participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Sur le principe, je suis opposée à la réserve civile, mais, puisque celle-ci est destinée à voir le jour, je vous propose, par le présent amendement, de renforcer le cadre d’intervention des réservistes, en précisant que ces agents pourront participer, « à leur demande ou à celle de l’administration, aux actions de formation ou de perfectionnement » adaptées à l’évolution de leur mission.

Je rappelle en effet que ces agents seront exclusivement des « volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire ». Ces volontaires pourront « demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service. »

Nous savons qu’en cinq années la prison bouge – du moins j’espère qu’elle sera amenée à le faire grâce à la présente loi ! – et que les réservistes devront prendre connaissance des changements intervenus. Cela doit se faire dans le cadre de formations adaptées, que ce soit dans des organismes privés ou – ce qui serait encore mieux – auprès de l’École nationale d’administration pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La rédaction proposée dans cet amendement constitue très largement un décalque du second aliéna de l’article 4 quinquies, qui vise les fonctionnaires en activité.

Aux termes de l’article 7, les réservistes « souscrivent un engagement contractuel d’une durée minimum d’un an renouvelable. Ils apportent leur soutien aux services relevant du ministère de la justice, dans la limite de cent cinquante jours par an. » Une formation peut donc se révéler utile.

La commission émet par conséquent un avis favorable sur l’amendement n° 57 rectifié.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Favorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le groupe CRC-SPG ne vote pas pour cet amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les socialistes sont contre la réserve, donc ils ne peuvent voter pour la formation des réservistes. C’est logique !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.

Le réserviste qui effectue les missions prévues à l'article 6 au titre de la réserve civile pendant son temps de travail doit obtenir, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, l'accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail, de conventions conclues entre l'employeur et le garde des sceaux, ministre de la justice.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment les conditions d'aptitude ainsi que le délai de préavis de la demande d'accord formulée auprès de l'employeur en application du présent article ainsi que le délai dans lequel celui-ci notifie à l'administration son refus éventuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 85 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 224 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Du fait des votes intervenus précédemment, ils sont devenus sans objet.

Je mets aux voix l'article 8.

L'article 8 est adopté.

Les périodes d'emploi des réservistes sont indemnisées dans des conditions fixées par décret.

Dans le cas où le réserviste exerce une activité salariée, son contrat de travail est suspendu pendant la période où il effectue des missions au titre de la réserve civile pénitentiaire. Toutefois, cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.

Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l'encontre d'un réserviste en raison des absences résultant des présentes dispositions.

Pendant la période d'activité dans la réserve, l'intéressé bénéficie, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions prévues à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve.

Un décret en Conseil d'État détermine en tant que de besoin les modalités d'application du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 86 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 225 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Du fait des votes intervenus précédemment, ils sont devenus sans objet.

Je mets aux voix l'article 9.

L'article 9 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 87, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre ...

Des lieux de détention

La parole est à M. Claude Jeannerot.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Afin d’améliorer la lisibilité du projet de loi, nous proposons d’introduire une division additionnelle intitulée : « Des lieux de détention ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cet amendement, comme les quatre suivants, tend à fixer des garanties concernant les lieux de détention.

Les préoccupations exprimées étant déjà largement satisfaites par les dispositions proposées par la commission, cette dernière demande le retrait de l’amendement n° 87.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Même avis !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 88, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des établissements pénitentiaires situés près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.

L'amendement n° 89, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération.

L'amendement n° 91, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tous les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment.

Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité.

Ces amendements ont été défendus.

Je les mets aux voix.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

CHAPITRE III

Dispositions relatives aux droits des détenus

Section 1

Dispositions générales

L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

L’article 10 concerne les droits des détenus. Dans un instant, M. Anziani présentera, au nom de notre groupe, un amendement visant à ce que cet article mentionne également « l’état de santé » des détenus.

Les droits des détenus, est-il écrit dans l’article, ne peuvent faire l’objet « d’autres restrictions » que celles qui sont indiquées. Au seul énoncé de ces mots, nous dressons forcément l’oreille, nous y regardons à deux fois et nous commençons à nous inquiéter. SI certaines de ces restrictions sont de bon sens, d’autres sont vagues ; d’autres encore sont si générales que l’on se demande comment elles vont se traduire dans la réalité.

Ne sont considérées, dit le texte, que les restrictions résultant « des contraintes inhérentes à la détention » – voilà qui paraît de bon sens – « du maintien de la sécurité » –pourquoi pas ? – « et du bon ordre des établissements » – soit.

Ces restrictions, cependant, en raison de leur caractère éminemment flou, ont toujours permis aux établissements pénitentiaires de jouir, au fond, d’une autonomie considérable, car on peut tirer de telles phrases toutes les conséquences que l’on souhaite.

En effet, même si le juge administratif a progressé, dans les années récentes, vers davantage de contrôle – les détenus saisissent de plus en plus le Conseil d’État –, celui-ci n’intervient jamais qu’après les faits, et parfois longtemps après. C’est la même chose qui se passe avec les expulsions d’étrangers : quand les instances délibèrent et décident d’un cas, cela fait bien longtemps que la personne concernée est repartie dans son pays !

Les décisions interviennent bien trop tard pour peser réellement sur la vie des détenus. Les pratiques carcérales ne changent donc pas forcément.

Le projet de loi ajoute aux restrictions précédentes « la prévention de la récidive » et « l’intérêt des victimes », ce qui est très flou. Qu’entend-on vraiment par là ? En quoi la restriction des libertés de la personne incarcérée peut-elle porter atteinte aux intérêts des victimes ? C’est à l’administration pénitentiaire de l’apprécier.

Il est indiqué enfin : « Ces restrictions tiennent compte de l’âge et de la personnalité des détenus. » Tout à l’heure, nous demanderons que l’on tienne compte aussi de leur état de santé, ce qui, assez souvent, n’est pas le cas, faute de moyens.

Mais ce qui nous inquiète surtout, c’est que le projet de loi ne fait pas de différence entre les droits absolus et ceux qui peuvent être soumis, dans leur exercice quotidien, à de telles restrictions. Or, celles qui sont proposées sont générales et potentiellement considérables.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU relevait en juillet 2008 « les efforts notables entrepris par la France pour rénover les bâtiments pénitentiaires ». C’est donc qu’il y a tout de même quelques avancées dans ce domaine ! Les efforts en question, était-il précisé, visaient également à « augmenter le nombre de places pour les prévenus ». Or, malgré cela, le taux d’occupation des prisons est actuellement de 136 %.

Dans son rapport, le Comité soulignait encore le souci de « mettre au point des mesures de substitution à l’incarcération, comme le maintien en liberté sous surveillance ». Ce mouvement est toutefois beaucoup trop lent, même si les choses commencent à bouger.

Le Comité donnait donc « acte à la France des projets tendant à recueillir systématiquement des données sur les allégations de mauvais traitements par les représentants de forces de l’ordre ». Pour autant, il se déclarait inquiet de ce que ces projets ne permettaient pas toujours d’y voir très clair.

Nous rendons toujours hommage – et à juste titre – au travail de la police et des personnels pénitentiaires, mais il faut tout de même être objectif et reconnaître que certains agents sont moins bons que d’autres ! Parfois, des brutalités et des violences sont commises par les représentants des forces de l’ordre envers les détenus.

Dire cela n’est absolument pas mettre en question l’autorité et la bonne conduite d’une immense majorité de ces personnels. Le Comité faisait pourtant état de « préoccupations […] quant aux comportements non déontologiques de certains agents pénitentiaires, notamment le recours inapproprié à l’isolement cellulaire et les violences à l’intérieur de la prison ». D’où la nécessité de renforcer le contrôle des établissements pénitentiaires « de façon énergique ». C’est le travail du contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, qui apparaît comme un homme très soucieux de bien remplir la mission qui lui a été confiée.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU se déclarait également « préoccupé par les allégations indiquant que des étrangers dont des demandeurs d’asile, détenus dans des prisons » – où, à mon sens, ils n’ont rien à faire – « et des centres de rétention administrative sont l’objet de mauvais traitements de la part des agents des forces de l’ordre ».

Encore une fois, je rappelle que c’est le Comité, et non pas moi, qui relève ces allégations. Le rapport signale ensuite « que la France n’a pas ouvert d’enquête sur ces violations des droits de l’homme ni sanctionné comme il convient leurs auteurs. » Nous avons souvent eu, dans cette assemblée, l’occasion de nous préoccuper du sort des demandeurs d’asile et de regretter le tort que fait au renom de la France, au niveau international, la façon dont ils sont traités.

Le commissaire européen aux droits de l’homme souligne, dans son récent rapport du 20 novembre 2008, que la réforme proposée de la législation pénitentiaire ne doit pas occulter le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Or il constate lui aussi que « la diminution de la durée de placement en quartier disciplinaire » est une urgence, dont nous aurons à nous préoccuper.

Et, de ce point de vue, ni le Gouvernement, ni même la commission, à mon sens, ne vont assez loin dans le présent projet de loi. Le commissaire européen évoque aussi la nécessité d’un « encadrement de l’isolement » et celle de garantir « le doit effectif de vote ». En effet, ce dernier existe dans les textes, mais n’est pas toujours appliqué. Il est aussi fait mention du « maintien des liens familiaux », sur lequel nous reviendrons. Sur tous ces aspects, la France ne respecte pas nécessairement les recommandations qui lui ont été faites.

Le commissaire européen insiste également sur la nécessité de « garantir le principe de l’encellulement individuel, pour les prévenus », et j’ajouterai : « pour les autres aussi ». Nous avons déjà parlé de ce point et y reviendrons.

Il demande en outre de mettre fin aux conditions de détention que nous connaissons, à savoir « le surpeuplement, la promiscuité et la vétusté des installations et des conditions d’hygiène. » Tout cela a déjà été amplement décrit.

Pour terminer, je rappellerai que la Commission nationale consultative des droits de l’homme a elle aussi voulu se faire entendre sur le sujet. Elle s’est référée au rapport Canivet du 6 mars 2000, dont nous parlons sans cesse, pour considérer que, très souvent, dans les textes – aussi bien législatifs que réglementaires – une trop grande liberté d’appréciation est laissée à l’administration.

L’article 10 du projet de loi, par des recours abusifs à des formulations telles que les « contraintes inhérentes à la détention », le « maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements » ou encore la « prévention de la récidive et […] la protection de l’intérêt des victimes », n’encadre pas juridiquement la détention avec toute la précision et la prévisibilité qu’il faudrait.

Pour ces raisons, nous demandons non seulement qu’il soit tenu compte de l’âge du détenu, mais aussi que M. le rapporteur, dont la plume est d’une grande vélocité, veuille bien préciser, dans cet article, que les droits des détenus doivent être garantis sans aucune discrimination.

En effet, nous ne voulons pas que les restrictions prévues, qui doivent tenir compte de l’âge, de la personnalité ou encore, comme nous allons le proposer dans un instant, de l’état de santé des détenus, risquent de porter atteinte à l’universalité des droits des détenus.

Il nous paraît donc souhaitable – et nous demandons à M. le rapporteur de bien vouloir envisager une rectification de l’article dans ce sens – de préciser que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits sans discrimination d’aucune sorte ». Les améliorations et les traitements particuliers que nous souhaitons voir accorder aux personnes âgées, malades ou à celles se trouvant dans un état mental déficient ne doivent pas signifier que les autres détenus peuvent être maltraités ou abandonnés !

Nous proposons donc que soient encadrés les pouvoirs du service public pénitentiaire. Nous ne devons laisser aucune possibilité à l’administration pénitentiaire d’agir de manière discrétionnaire. Il en va de l’honneur de notre administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je n’ajouterai pas grand-chose à ce que vient de dire excellemment notre collègue Louis Mermaz. Je dirai simplement qu’en lisant cet article j’avais l’impression, parfois, qu’il était beau comme une règle pénitentiaire européenne, à ceci près, toutefois, qu’il est moins précis. Je fais miennes à cet égard les remarques que vient de formuler notre collègue.

Cela dit, je souhaiterais, monsieur le président, vous interpeller sur un autre point. Tout à l’heure, vous avez estimé que les amendements n° 88, 89 et 91 avaient déjà été défendus et que leur rejet était évident dans la mesure où l’amendement précédent, qui visait à introduire une division additionnelle après l’article 9, n’avait pas été adopté.

Or ce n’est pas mon opinion et je tenais à vous le signaler, même s’il est trop tard. En effet, ces trois amendements n’avaient strictement rien à voir avec l’amendement n° 87 puisqu’ils avaient pour objet de clarifier les droits du détenu dans les domaines de l’hygiène ou encore du rapprochement avec la famille. Ils traitaient également d’autres droits ayant trait à la dignité du détenu. Ils n’étaient donc pas automatiquement liés à celui qui les précédait.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je regrette, mon cher collègue, mais aucun des cosignataires n’a élevé d’objection lorsque j’ai dit qu’ils avaient été défendus, dans la mesure où ils étaient la conséquence de l’amendement rejeté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je suis d’accord avec ce que vient de dire M. Mermaz.

Si nous avons ce débat, c’est que la prison a été une zone de non-droit pendant très longtemps. Il faut reconnaître les droits du détenu et admettre que la prison n’est que la privation de liberté et rien d’autre.

(Murmures amusés sur plusieurs travées.) Ne pensez pas que j’aie été une « groupie » de Valéry Giscard d’Estaing.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est ce qu’avait déjà cru bon de dire le président Giscard d’Estaing pour inaugurer son septennat. §Je veux simplement rappeler que cette déclaration remonte à 1974. Nous étions tous nés, mais c’était tout de même il y a longtemps. Pourtant, encore aujourd'hui, je ne suis pas sûre que cette assertion ait été assimilée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Certes, il y a eu des progrès, et l’Europe nous entraîne. Du point de vue juridictionnel, en 2008, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions qui ont marqué une avancée importante et qui viennent compléter une jurisprudence plus protectrice du droit des détenus. Un des commissaires du Gouvernement, dans un exercice de communication assez inhabituel pour le Conseil d’État, avait affirmé que le juge administratif prenait ses responsabilités de juge, qu’il y avait des zones de non-droit, car ce dernier ne jouait pas son rôle. Désormais, plus rien ne doit lui échapper en prison.

Trois décisions du 17 décembre 2008 sont essentielles à mon avis.

La première décision précise qu’une faute simple suffit à engager la responsabilité de l’État en cas de décès accidentel d’un détenu.

La deuxième décision énonce que, désormais, une mesure de placement à l’isolement à titre préventif pourra faire l’objet d’un recours.

La troisième décision énonce que l’administration pénitentiaire doit protéger la vie des détenus en prenant toutes les mesures appropriées.

Auparavant, le Conseil d’État avait reconnu, au travers de plusieurs décisions rendues entre octobre et décembre 2008, le contrôle croissant de l’administration par le juge administratif, qui concernait aussi bien les fouilles que la gestion des biens des détenus. Désormais, le contrôle du juge concernera la majorité des décisions prises par l’administration pénitentiaire.

Le 6 janvier dernier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a émis des recommandations après sa visite de la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Il a estimé que ses recommandations étaient susceptibles de s’appliquer à d’autres établissements déjà visités.

Son constat est clair. Les cours de promenades sont considérées comme des zones de non-droit, des lieux de tous les dangers, où le personnel ne s’introduit jamais. Le contrôleur général révèle que des blessures graves y sont fréquemment constatées et que bon nombre de détenus refusent d’aller en promenade par peur des agressions.

Le contrôleur général a également constaté que la possibilité de recours des détenus était insuffisamment développée et que leur prise en charge sociale était défaillante. Ce climat, où la tension est extrême, où les menaces de racket et la violence pèsent quotidiennement sur les détenus, est source de comportements dépressifs et suicidaires. Les détenus ne peuvent faire valoir leurs droits.

Certaines pratiques de l’administration pèsent lourdement sur l’état psychologique des détenus, comme la pose de caillebotis sur les fenêtres afin d’empêcher les jets de pierres, qui plongent les cellules dans une quasi-obscurité permanente. Le contrôleur général relevait, d’ailleurs, que cette pratique donne au détenu l’impression de ne plus être traité comme un être humain.

Le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté est donc essentiel. Évidemment, nous sommes satisfaits qu’un tel poste ait été créé ; mais il convient aujourd'hui de mettre un terme définitif à des pratiques qui ôtent tous droits aux détenus, y compris les droits les plus fondamentaux.

La rédaction de l’article 10 ne convient pas. Elle est en contradiction avec ce que nous voulons puisque nous ne voulons plus de non-droit. Nous ne pouvons accepter une rédaction qui reconnaît des droits au détenu sauf quand l’administration s’y oppose ! Il faut que les circonstances dans lesquelles les droits d’un détenu ne sont pas garantis soient exceptionnelles et expressément définies.

C’est ce qui justifie notre amendement. Il s’agit d’une question absolument essentielle. On ne pourra nous persuader du fait que tout cela est superflu ; sinon, pourquoi les règles européennes insisteraient-elles sur les droits des détenus ?

Certes, la prison est un milieu particulier ; certes les détenus sont privés de liberté ; certes les risques sont réels ; mais la restriction des droits des personnes incarcérées doit être expressément motivée et très ponctuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 226, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant du maintien de la sécurité, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché.

Elle est tenue à l'impartialité, sans distinction aucune tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance ou à la non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’ai défendu cet amendement dans mon intervention sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :

âge

insérer les mots :

, de l'état de santé

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement, auquel tient M. Richard Tuheiava, est de bon sens.

Il convient de tenir compte également de l’état de santé du détenu. Nous devrions tous approuver cet ajout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La rédaction proposée par le premier alinéa de l’amendement n° 226 ne mentionne pas, contrairement à la version retenue par la commission des lois, la prévention de la récidive, la protection de l’intérêt des victimes et les éléments de différenciation des conditions de détention selon l’âge et la personnalité des détenus.

Le second alinéa de cet amendement, comme toute énumération, présente des lacunes. Il est plus sage de s’en tenir à la rédaction initialement proposée par la commission, étant entendu que le respect des droits des détenus affirmé par cet article implique que toute discrimination soit proscrite.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 94 rectifié. Il paraît en effet légitime de moduler les restrictions apportées à l’exercice des droits des détenus en fonction de leur état de santé.

Par ailleurs, je souhaite proposer un complément à la rédaction de l’article 10, puisque nous avons envisagé tout à l’heure la possibilité d’insérer la notion de dignité à ce niveau du texte. Je propose donc de rédiger ainsi la dernière phrase de l’article 10 : « Ces restrictions tiennent compte de l’âge, de l’état de santé et de la personnalité des personnes détenues, sans porter atteinte à leur dignité. »

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

L’article 10 du projet de loi vise à garantir la protection des droits des personnes détenues et à encadrer par une norme législative les restrictions apportées à l’exercice de ces droits.

L’article, en lui-même, pose un principe général concernant l’ensemble des droits des détenus. Nous n’avons pas souhaité le décliner davantage.

Imaginons qu’il y ait un droit nouveau. Faudra-t-il à chaque fois modifier la loi pour l’ajouter ? Il me semble préférable de poser un principe général.

L’article 10, d’ailleurs, inclut les hypothèses qui sont visées par l’amendement n °226.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

J’en viens à l’amendement n° 94 rectifié. Il est vrai que la prise en compte de l’état de santé d’un détenu peut paraître opportune à certains égards pour déterminer les restrictions éventuelles apportées à l’exercice des droits des personnes incarcérées.

En tout état de cause, je ne suis pas favorable à la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur. En effet, le respect de la dignité est consubstantiel à tous les droits. Pourquoi le faire figurer en cet endroit du texte et pas ailleurs ? À mon sens, il vaut mieux en rester au principe général.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

C’est le dernier endroit où l’on peut introduire la notion de dignité dans le texte.

Il est bien certain que, de toute manière, différentes restrictions s’appliqueront ; je pense aux fouilles, par exemple. Il faudra ainsi faire en sorte que les conditions dans lesquelles se dérouleront les fouilles soient compatibles avec le respect de la dignité des personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je ne comprends pas que le Gouvernement ne soit pas d’accord avec la commission sur cette rédaction, qui est presque une lapalissade, à savoir que les différentes restrictions ne peuvent pas porter atteinte à la dignité des personnes détenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Ne serait-il pas préférable, pour répondre aux préoccupations de la garde des sceaux et du rapporteur de rédiger ainsi le début de l’article 10 : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits et de sa dignité » ?

Mme Dati a raison de souligner que la dignité à respecter n’est pas seulement celle des personnes âgées ou malades ; c’est celle de tous.

La rédaction que je vous propose respecte l’universalité de ce principe, que l’on peut ensuite décliner avec l’âge ou l’état de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J’ai également envisagé la solution de M. Mermaz. Mais, si l’on rédige ainsi la première phrase de l’article, cela revient à dire que les restrictions pouvant être mises en place affecteront tant les droits que la dignité.

Je comprends que des restrictions concernent les droits, mais il ne peut être porté atteinte à la dignité.

C'est la raison pour laquelle j’ai écarté la rédaction que vous nous proposez, mon cher collègue, même si je vous sais gré de votre effort, qui me fait regretter que vous ne soyez pas membre de la commission des lois.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Nous pourrions ajouter une phrase pour que la mention de la dignité n’ait pas l’air de porter uniquement sur les personnes âgées, malades ou qui souffrent de troubles de la personnalité. On pourrait ainsi ajouter que le respect de la dignité doit être assuré à tous les détenus.

Votre objection, monsieur le rapporteur, ainsi que celle de Mme la garde des sceaux, me semble valable mais, si nous procédons comme je le propose, il n’y aura plus de problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’ai l’impression que Mme la ministre ne s’est pas penchée sur mon amendement.

J’en conviens, l’énumération présente toujours des défauts, et je ne m’y arrête pas. En revanche, écrire « ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché » me semble tout à fait pertinent.

Monsieur le rapporteur, en vue du contrôle qui pourra intervenir, il me semble important de préciser que de telles restrictions doivent être « exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché ».

Je vous propose donc de prendre position sur ce membre de phrase.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons tous exprimé la volonté d’introduire dans le texte de l’article 10 la notion de dignité de la personne, c’est pourquoi il me semblerait opportun de suspendre brièvement la séance pour établir une rédaction qui recueille l’accord général.

L’objectif de la rectification serait d’introduire la notion de dignité humaine dans le texte de l’article, en la distinguant nettement de la référence aux droits, car ces derniers peuvent subir des restrictions pour des raisons diverses, contrairement à la dignité de la personne.

C’est pourquoi, je demande une suspension de séance de quelques minutes, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Après concertation, la commission propose d’ajouter au début de l’article 10 un nouvel alinéa ainsi libellé : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité. »

Le texte de l’article 10, sans modification, constituerait le deuxième alinéa de l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Pour la clarté des débats, je donne lecture de l’article 10 ainsi rectifié :

La personne détenue a droit au respect de sa dignité.

L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 226.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je me réjouis de cette suspension de séance qui nous a permis d’avancer. Je souhaite toutefois faire remarquer, en me fondant sur l’argumentation développée tout à l’heure par Louis Mermaz, que l’amendement n° 226 comprend un certain nombre d’expressions très importantes qui ne figurent pas dans l’article 10 tel qu’il est rédigé.

Même si nous pouvons nous réjouir de la rectification du texte de l’article 10, je ferai remarquer, en premier lieu, que la rédaction proposée par l’amendement n° 226 mentionne explicitement le maintien de la sécurité, mais aussi la prévention de la récidive et la protection de l’intérêt des victimes.

J’ajouterai, en second lieu, que l’amendement précise que les restrictions susceptibles d’être apportées aux droits des personnes détenues doivent être « exceptionnelles, justifiées et proportionnées ». L’idée de proportionnalité est très importante : elle a le mérite d’être très claire et il serait bon qu’elle figure dans la loi.

En troisième lieu, cet amendement évoque l’impartialité de l’administration et le refus de toute distinction tenant à l’origine, à l’orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l’état de santé, au handicap, aux diverses opinions, etc. Ce point est également important.

Autrement dit, puisque nous répétons depuis le début de cette discussion que la mention des droits de la personne est primordiale et que tout être humain détenu doit être avant tout considéré comme être humain, la rédaction proposée par l’amendement n° 226 me semble tout à fait en harmonie avec l’affirmation de ces principes tout en définissant d’une manière également claire les restrictions nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Même si, à ce stade de la discussion, seuls la commission et le Gouvernement ont le droit de déposer des amendements, je me permets d’insister sur la rédaction proposée pour l’article 10, car c’est un point essentiel.

L’article 10 tel qu’il a été rectifié précise : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité. L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits… »

Je rappelle à Mme la garde des sceaux et à notre rapporteur la formule qui figure à l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme, texte sacré s’il en est : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » C’est René Cassin qui a fait ajouter les mots « en dignité », qui ne figuraient pas dans la version initiale de l’article.

C'est la raison pour laquelle il est selon moi infiniment préférable que l’on reprenne le texte de la Déclaration universelle et que l’on précise à l’article 10 : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits », la suite de l’article restant inchangée. Dans la Déclaration universelle est en effet solennellement consacrée la dignité de la personne humaine, qui précède la mention des droits.

Cette formulation me paraît donc plus légitime que celle que vous avez retenue, qui ne fait qu’énoncer un principe général – « la personne détenue a droit au respect de sa dignité » – puisque la dignité est notre attribut à tous. C’est l’administration qui doit garantir la dignité et les droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Permettez-moi de vous dire à quel point le rôle du rapporteur peut parfois être ingrat, quand, ayant été convaincu par les arguments des uns et des autres, il ne peut toutefois se résoudre à les suivre.

Je répondrai tout d’abord à l’argumentation exposée par Jean-Pierre Sueur à propos de l’amendement n° 226.

La précision selon laquelle les « restrictions doivent être exceptionnelles… »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La restriction à la liberté d’aller et venir ne peut pas être exceptionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

… ou en tout cas « justifiées et proportionnées à l’objectif recherché » nous paraît effectivement tout à fait intéressante. C’est un objectif que la commission s’est efforcée de décliner, article par article.

Ainsi, sur les fouilles, qui font l’objet de l’article 24, nous avons précisé : « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes. » La justification apparaît bien comme un critère.

Lorsque, au troisième alinéa de ce même article, nous indiquons que « les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé », c’est bien le critère de proportionnalité qui est respecté.

La philosophie qui sous-tend l’amendement de nos collègues du groupe CRC ne nous est pas étrangère, mais nous tentons de la déterminer concrètement.

Monsieur Badinter, permettez-moi de dire que nous nous approchons pas à pas – la procédure législative n’est pas terminée – de la meilleure façon de présenter les choses. Je pense, comme l’a à juste raison souligné Mme Alima Boumediene-Thiery, qu’il aurait été dommage de ne pas insérer la notion de dignité dans une loi pénitentiaire. §C’est certainement la dernière opportunité que nous avons de le faire d’une manière convenable et cohérente.

À ce stade, nous en restons effectivement à la rédaction que nous avons retenue pour l’article 10 : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité », avant d’enchaîner sur la suite de l’article.

La formulation que vous proposez est certainement plus séduisante et mieux pensée. Mais, selon moi, elle présente malgré tout deux inconvénients auxquels, pour l’instant, je ne vois pas comment remédier.

Premier inconvénient : après avoir énoncé le principe selon lequel « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits », il est fait ensuite référence aux restrictions. Je crains que l’on ne puisse entendre par là qu’il peut y avoir des restrictions à la dignité comme aux droits, alors que seuls les droits peuvent faire l’objet d’une restriction.

Le second inconvénient de votre formulation, monsieur Badinter, est qu’elle met en jeu le respect que nous devons à l’administration pénitentiaire.

Je reprendrai un argument que j’ai déjà présenté à diverses reprises. Si nous imposons à l’administration pénitentiaire de garantir à tout détenu le respect de sa dignité, que répondrai-je aux personnels que je rencontre lors de mes visites dans les prisons quand ils me diront que, s’il y a quatre personnes dans une cellule, des matelas par terre et que la dignité n’est pas assurée, ce n’est pas leur faute ?

C’est pourquoi, pour le moment, je préfère m’en tenir à la rédaction que nous avons retenue il y a quelques instants pour cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Nous précisons dans notre amendement que les « restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché », et, apparemment, vous souscrivez à ce principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Pour autant, vous ne souhaitez pas l’inscrire dans l’article 10 au motif que ce principe est décliné ensuite dans plusieurs des articles suivants. Or l’article 10 est l’article introductif sur le droit des détenus et il est important de lui donner une forme plus générale.

Nous avons ensuite tenu à mentionner l’impartialité de l’administration pénitentiaire. Au demeurant, pour éviter l’énumération nous pourrions nous en tenir à la rédaction suivante : « Elle est tenue à l’impartialité, sans distinction et sans discrimination. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Sur cet amendement très important, j’ai entendu ce que nous a dit M. le rapporteur ainsi que les différents intervenants. Je ferai quelques observations qui sont dans le droit-fil de celles qui ont été développées par Robert Badinter.

D’abord – et je vous le dis sans passion –, ne donnons pas l’impression de jouer à cache-cache avec la dignité. Ne faisons pas l’erreur, dès l’instant où le mot « dignité » apparaît dans ce texte, de céder aux trente-six objections qui s’élèvent pour ne pas le retenir. Ce serait une erreur grave que nous pourrions commettre là.

Par ailleurs, je ne comprends pas la logique qui consiste à affirmer que tout le monde a droit à la dignité. Il est inutile de le préciser, c’est une évidence. Tout homme, même s’il est détenu, a droit à la dignité. Mais alors, justement, qu’est-ce qui fait la différence ? L’important est que cette dignité soit garantie. Si vous dites simplement qu’une personne détenue a droit à la dignité, vous n’ajoutez rien. En précisant que l’administration pénitentiaire doit garantir ce droit à la dignité, c’est tout différent.

En fin de compte, M. le rapporteur a fait un aveu considérable. Il nous a dit avec beaucoup de sincérité qu’il ne fallait pas inscrire ce principe dans la loi car il ne pourrait pas être respecté, que l’administration pénitentiaire ne pourrait pas assurer ce respect de la dignité au sein des prisons. Je crois qu’il ne faut pas poser la question de cette façon. Il y a des droits et ils s’imposent à tous, y compris à l’administration pénitentiaire.

Admettre une telle logique – si un principe ne peut pas être respecté, nous ne devons pas le retenir – ne serait pas sans conséquences. Monsieur le rapporteur, avez-vous bien mesuré les incidences de cette logique sur la suite du texte ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’article 10, rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je me bats depuis le début de cette discussion pour que la dignité figure dans ce texte. Comme l’a d’ailleurs très justement rappelé M. Badinter, la dignité et les droits sont rappelés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le minimum que l’on puisse attendre d’une loi pénitentiaire où il est question des droits des détenus, c’est que la notion de dignité y apparaisse.

En revanche, déclarer que la personne détenue a droit au respect de sa dignité - cela va de soi ainsi que je viens de le dire – sans exiger que le respect de cette dignité soit de la responsabilité de quiconque me semble être une grave erreur. Si cette responsabilité n’est pas celle de l’administration pénitentiaire, qui justement peut faire respecter la dignité, la déclaration restera vide de sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Nous constatons que le rapporteur et la garde des sceaux ont fait un effort, puisque nous avons presque obtenu satisfaction sur la dignité, ce qui n’est pas rien.

En revanche, aucune des objections que j’ai formulées sur le flou qui caractérise la phrase « l’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que… » n’a été retenue, et la longue énumération qui suit permettra toujours au service public pénitentiaire de choisir ses priorités et de faire ce qu’il veut dans la gestion quotidienne.

Pour ces raisons, il me semble logique de ne pas voter l’article 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Tout être humain, par définition, a droit au respect de sa dignité. C’est un principe universel qui figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En énonçant que « la personne détenue a droit au respect de sa dignité », on rappelle une évidence : tout détenu est un être humain. Si nous voulons faire œuvre constructive, il faut aller au-delà de ce simple rappel, en apportant la précision que j’ai proposée tout à l’heure : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits. »

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Si M. le rapporteur et la majorité continuent de camper sur leur position, nous ne voterons pas contre l’article, puisque le mot « dignité » y figure, mais nous nous abstiendrons.

Je le répète, si on veut faire œuvre constructive, il faut que la dignité et les droits soient liés et que les deux termes figurent dans la première phrase.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il est dommage que nous n’ayons pu arriver à un accord pour garantir le respect de la dignité, alors que cela paraît vraiment être le minimum.

Par ailleurs, je regrette vraiment que notre amendement n’ait pas été adopté, car y figurait notamment un aspect de cette garantie, à savoir la nécessité de justifier précisément les restrictions apportées aux droits fondamentaux.

Je sais que la commission ne veut pas en entendre parler, mais je crois que ce point est essentiel : si on veut faire respecter un droit, il faut que les restrictions soient motivées pour qu’un juge, ou le contrôleur général des prisons, puisse savoir si elles étaient effectivement justifiées.

Notre groupe s’abstiendra donc sur cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Monsieur le président, je souhaiterais apporter un ultime argument. Nous discutons là d’une question primordiale : confier à l’administration pénitentiaire une mission aussi fondamentale, qui touche aux principes fondamentaux, la grandit et la magnifie.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Nous offrons à l’administration pénitentiaire une occasion de se valoriser considérablement. J’insiste donc pour que qu’on ne se contente pas de rappeler un principe de manière éthérée, mais que l’administration pénitentiaire soit chargée d’en assurer l’application.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Nous tournons autour du pot, mais j’ai le sentiment que nous sommes tous à peu près d’accord. Nous sommes gênés, car nous n’avons pas trouvé la formulation qui conviendrait à tous.

D’une part, toute personne, et donc tout détenu, a droit au respect de sa dignité. D’autre part, l’administration pénitentiaire qui devrait garantir le respect de ces droits n’a pas les moyens de le faire. Comment concilier ces deux points de vue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président de la commission des lois, vous pourrez penser ce que vous voulez, mais laissez-moi parler !

La seule obligation que l’on puisse imposer à l’administration pénitentiaire, c’est de prévoir qu’elle doit contribuer par tous ses moyens au respect de la dignité des détenus. Elle devra alors apporter la preuve qu’elle a mis en œuvre tous les moyens dont elle dispose, mais on ne pourra pas lui demander d’aller au-delà.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je suis bien entendu favorable à l’inscription dans le texte des notions de dignité humaine et de garantie des droits. Je voudrais simplement rappeler qu’aux droits sont toujours associés des devoirs.

On a évoqué la garantie des droits des détenus. Le président Hyest et M. le rapporteur l’ont rappelé avec beaucoup de force et de conviction, il ne faudrait pas pour autant oublier tous les personnels qui œuvrent au quotidien pour les détenus.

Je reconnais que cet article 10 est très complexe et que la tâche n’est pas simple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

En énonçant que toute « personne détenue a droit au respect de sa dignité », nous engageons une responsabilité collective. Il ne s’agit pas de nous décharger de notre responsabilité sur l’administration pénitentiaire : elle a certes un rôle à jouer, mais elle n’est pas la seule.

Mes chers collègues, cette responsabilité collective est d’abord la nôtre. J’ai constaté que ce sont toujours les mêmes collègues qui visitent les établissements pénitentiaires. Si nous étions plus nombreux à nous y rendre, chacun s’en porterait mieux !

Par ailleurs, dans cette même expression « toute personne détenue a droit au respect de sa dignité », il y a le mot « droit ». Lorsque, ensuite, est mentionnée la garantie des droits, cela comprend dans une certaine mesure la garantie de la dignité. Et cette garantie, nous devons vraiment en assumer collectivement la responsabilité. Loin d’être anodine, cette phrase engage, selon moi, le Parlement, et donc nous tous.

L'article 10, rectifié, est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Josselin de Rohan, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Notre collègue Jean-Louis Carrère a effectué hier un rappel au règlement pour s’étonner, au nom du groupe socialiste, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ait entendu deux collaborateurs du Président de la République sans qu’un compte rendu ait été dressé de cette réunion.

Je tiens à préciser que j’ai sollicité ces personnes de ma propre initiative. Je m’élève donc contre les propos de M. Carrère consistant à dire que des pressions seraient ainsi exercées sur les parlementaires avant le débat sur l’OTAN. J’ai jugé utile que ces deux personnes, qui ont également été des collaborateurs du précédent Président de la République, puissent éclairer la commission sur les conditions dans lesquelles se présentait la « réintégration » de la France dans l’OTAN.

Cette réunion s’est tenue dans des conditions particulières uniquement par respect de la séparation des pouvoirs. Une commission parlementaire n’est pas habilitée à entendre dans les conditions du droit commun des collaborateurs du Président de la République. Je regrette que nos collègues socialistes aient refusé d’assister à cette réunion, mais je ne peux laisser dire qu’elle a répondu à une sollicitation de l’Élysée.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pénitentiaire.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 10 bis.

Lors de son admission dans un établissement pénitentiaire, le détenu est informé des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations et aux recours et requêtes qu'il peut former. Les règles applicables à l'établissement sont également portées à sa connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, mon intervention portera sur cinq mots qui ne figurent pas dans cet article ou qui, plus exactement, n’y figurent plus.

L’article 10 bis précise qu’un détenu doit être informé des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations. À l’origine, le texte proposé par la commission précisait que ces informations étaient données au détenu « dans une langue qu’il peut comprendre », ce qui paraît aller de soi. Tout d’un coup, frappée par l’article 40 de la Constitution, cette expression est tombée.

Nous nous retrouvons dans une situation complètement absurde : on déclare qu’il faut informer un détenu de ses droits, et puis on décide qu’après tout on peut très bien le faire en anglais pour un détenu qui serait italien ou russe…

Nous devrions faire preuve de plus de sagesse et mettre en cohérence notre ambition et les moyens qui y sont consacrés. Pour cela, nous devrions, à tout le moins, accepter l’amendement qui sera défendu tout à l’heure par notre collègue Jacques Mézard visant à remettre un document écrit au détenu pour que ce dernier dispose d’une information complète.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’article 10 bis concerne l’information des détenus sur leurs droits et devoirs. Il est le fruit d’une proposition de la commission des lois. Nous nous en réjouissons, car cette disposition était absente du projet de loi du Gouvernement. Comme vient de l’indiquer notre collègue Alain Anziani, nous aurions souhaité qu’elle soit complétée par une précision sur la langue utilisée pour fournir l’information au détenu.

Lors de la réunion du 4 février dernier, M. le rapporteur a supprimé la précision selon laquelle l’information du détenu doit être effectuée « dans une langue qu’il comprend ». Il a estimé que cette disposition tombait sous le coup de l’article 40.

Je suis de ceux qui pensent qu’invoquer un tel motif pour refuser d’appliquer le droit à l’information aux détenus étrangers est tout à fait dommageable.

Notre initiative s’inspirait de différents travaux, notamment ceux de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui insiste sur le fait que les détenus étrangers doivent recevoir une information de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent. À vrai dire, on a quelque peu l’impression d’enfoncer des portes ouvertes : leur fournir une information dans une langue qu’ils ne peuvent pas comprendre revient à ne pas leur donner d’information !

Le Comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire avait recommandé de généraliser la délivrance d’un livret d’accueil dans une langue que les détenus étrangers peuvent comprendre.

Je rappelle aussi que l’avant-projet de loi prévoyait la transmission aux étrangers des documents – règlement intérieur, informations sur l’accès à leurs droits – dans une langue qu’ils comprennent.

Il n’est pas acceptable de refuser aux détenus étrangers l’accès à une information compréhensible. C’est par ailleurs non conforme à la règle pénitentiaire européenne 30.1, qui prévoit que « lors de son admission et ensuite aussi souvent que nécessaire, chaque détenu doit être informé par écrit et oralement – dans une langue qu’il comprend – de la réglementation relative à la discipline, ainsi que de ses droits et obligations en prison ».

Imaginez quelle peut être la détresse de ces personnes dans l’univers difficile de la prison ! Même si elles le méritent – nous ne jugeons pas de cela –, l’emprisonnement leur est d’autant plus pénible si elles ne comprennent pas le règlement ou les instructions des gardiens ; cela devient kafkaïen !

Or, vous le savez, les détenus étrangers sont les plus affectés par la détention : ils sont très souvent exclus des différentes activités, de l’accès à la formation professionnelle, au travail, à la santé. Comment dialoguer avec un médecin qu’on ne comprend pas ?

Il y a vraiment là une lacune. La rédaction initiale du rapporteur était bonne ; nous devons donc rétablir dans cet article la mention sur les langues, sinon nous risquons de vider de son contenu une disposition pourtant positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le problème qui nous occupe est simple, et je pense même que nous pourrions tous tomber d’accord.

Le traiter par l’absurde en considérant qu’un individu peut être informé de ses droits dans une langue qu’il ne comprend pas est grotesque. Je sais que M. le rapporteur, dont tout le monde salue le travail, partage ce point de vue et accepterait volontiers d’ajouter les cinq mots auxquels on oppose l’article 40. Nous ne sommes donc pas en désaccord sur le fond.

Reste que nous n’avons plus le droit de proposer un sous-amendement – c’est l’une des grandes novations de la réforme constitutionnelle – et que nous sommes donc obligés de nous tourner vers M. Lecerf – en l’occurrence, c’est un plaisir – pour lui demander de rétablir le texte de la commission dans sa version d’origine. À ce stade, il y a quelqu’un dans cet hémicycle qui détient le pouvoir magique d’empêcher l’application de l’article 40. Cependant, Mme la garde des sceaux doit être convaincue que le fait de s’adresser à une personne dans une langue qu’elle comprend plutôt que dans une langue qu’elle ne comprend pas est une question de dignité.

À propos de dignité, avec l’excellent débat qui a eu lieu tout à l’heure, nous avons collectivement fait la preuve que le travail parlementaire peut faire avancer les choses. Cela montre que, sur un texte de cette nature, la navette serait bien utile. Or il n’est jamais trop tard pour que le Gouvernement se rende, sinon à Canossa où il fait mauvais temps

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

En complément de l’argumentation de M. Frimat, je veux ajouter à destination de la commission et du Gouvernement que, même dans les centres de rétention administrative, qui ne sont pourtant pas des modèles du genre – j’en sais quelque chose en tant qu’auteur de deux rapports au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale –, les personnes retenues peuvent être informées de leurs droits en cinq langues, y compris en chinois. Et ces informations sont affichées !

Il serait donc incompréhensible de ne pas pouvoir agir de même dans les prisons. C’est pourquoi j’insiste vraiment auprès de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur pour que les détenus étrangers reçoivent les informations « dans une langue qu’ils comprennent ». Cette disposition devrait faire l’unanimité au Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Les voies de l’irrecevabilité financière, comme celles du Seigneur, sont parfois impénétrables…

Cela étant, mes visites dans les établissements pénitentiaires m’ont quelque peu rassuré. Ainsi, mardi dernier, à la maison d’arrêt de Loos-lez-Lille, en compagnie d’ailleurs du président Larcher, la directrice nous a montré les documents d’information distribués aux détenus. Ils sont traduits dans l’ensemble des langues parlées par les détenus de cet établissement. C’est elle-même qui s’est chargée de la traduction en allemand, l’aumônier et des visiteurs de prison ont assuré la traduction dans d’autres langues. Bref, aucune ne manquait.

Dans ce domaine, je suis donc tenté de faire confiance à l’administration pénitentiaire.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En tant que président de séance, je ne peux pas m’immiscer dans le débat. Je me permets donc simplement d’observer, en ma qualité de plus ancien membre de la commission des finances, que l’on peut parfois s’interroger sur l’usage qui est fait de l’article 40.

Les arguments que je viens d’entendre me paraissent plein de bon sens. C’est pourquoi je suggère que nous profitions de la conférence des présidents, qui doit se réunir tout à l’heure, pour demander au président de la commission des finances s’il n’y aurait pas eu une erreur d’appréciation.

Je tiens à préciser que, si le Gouvernement a la faculté de lever le gage sur un amendement, en l’occurrence, il s’agit de l’irrecevabilité financière prononcée, au titre de l’article 40, en amont.

Monsieur le président de la commission des lois, peut-être pourriez-vous vous rapprocher de M. le président de la commission des finances pour lui demander de réexaminer la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Effectivement, monsieur le président, nous sommes parfois un peu surpris de l’application de l’article 40. Mais, dès lors qu’il s’applique, nous sommes privés de tout moyen.

J’ai essayé une fois, en vain, de faire revenir la commission des finances sur sa décision concernant l’application outre-mer de dispositions pénales plus favorables. C’est le Gouvernement qui a dû reprendre l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la garde des sceaux, vous pouvez, vous aussi, reprendre l’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il paraît que réaliser des traductions représente une dépense. Mais il est évident que l’administration serait condamnée si le détenu ne comprenait absolument pas les informations qui lui étaient délivrées en langue française concernant ses droits et obligations et les recours qu’il peut former.

Cela étant, je comprends les craintes qui peuvent exister. On peut en effet redouter qu’un détenu ne fasse mine de ne rien comprendre en prétendant ne parler que la langue ourdoue, alors que l’on sait très bien qu’il comprend l’anglais pour avoir traversé un certain nombre de pays avant d’arriver en France.

Quoi qu’il en soit, je pense que cette question pourra évoluer au cours de la navette.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais si ! L’urgence a été déclarée, certes, mais je vous signale qu’il y aura une commission mixte paritaire. Ce texte sera en outre examiné par l’Assemblée nationale, qui est parfaitement informée de nos travaux. Je pense que l’on pourra ainsi régler ce problème, qui est préoccupant.

Il n’est en effet pas admissible que les gens ne soient pas informés de leurs droits, mais, dans le même temps, il faut vérifier, non pas ce que cela coûte, car c’est dérisoire, mais que toutes les garanties sont prises pour qu’il n’y ait pas d’abus.

Monsieur le président, malgré votre appel au titre de plus ancien membre de la commission des finances, je ne me permettrai pas de dire que la commission des finances n’a pas une parfaite compréhension de l’article 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je pense que l’erreur est humaine. Il y a là manifestement quelque chose d’incompréhensible. Je le dirai tout à l’heure, au nom du Sénat, au président Arthuis.

Ne pas adopter cette mesure dénaturerait le texte, alors même que tout le monde s’accorde sur ce point fondamental.

La conférence des présidents devant se réunir à dix-neuf heures, je vais devoir suspendre la séance dans quelques instants.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Très bien, monsieur le président, nous souhaitions justement une suspension de séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Plusieurs d’entre nous doivent y siéger. Nous aborderons donc ce sujet.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’aimerais que Mme la garde des sceaux s’exprime. En effet, nous avons commencé à discuter de l’applicabilité de l’article 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais si !

Maintenant, nous en sommes à nous demander si nous ne favoriserions pas la possibilité de « trichoter ».

Discutons-nous du fait que toute personne a le droit d’être informée dans la langue qu’elle comprend ou de la crainte qu’une telle mesure lui permette de profiter de la situation ? Tout cela est très confus.

Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous dire si vous êtes d’accord avec cette disposition, auquel cas l’article 40 ne pourra plus être invoqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je sais que Mme la garde des sceaux a la possibilité d’éviter l’application de l’article 40, ce qui me semble un point important.

Je rappelle qu’il y a 20 % d’étrangers dans les prisons en France, soit un détenu sur cinq. J’aimerais donc savoir si les dispositifs existants leur permettent d’être informés de leurs droits. Si de telles modalités n’existent pas, je demande à Mme la garde des sceaux de bien vouloir faire en sorte que l’article 40 ne s’applique pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En l’état actuel des choses, Mme la garde des sceaux ne peut pas empêcher que l’article 40 s’applique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas que l’article 40 soit utilisé abusivement.

Je comprends très bien que M. le président de la commission des lois ne puisse pas lui-même l’évoquer. S’il me le permet, je soulèverai moi-même ce point tout à l’heure en conférence des présidents.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je ne suis pas favorable au fait de faire figurer la mention « dans la langue qu’il comprend » dans le projet de loi. Pourquoi ?

Aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de faire respecter les droits fondamentaux des détenus étrangers, l’administration pénitentiaire fait appel à un interprète qu’elle paie. C’est le cas, par exemple, lors des comparutions devant une instance disciplinaire. En outre, les documents d’information générale leur sont déjà distribués dans plusieurs langues.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Dans ce cas-là, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Si la mention « dans la langue qu’il comprend » figure dans le projet de loi, on va s’amuser… Pour dire « bonjour » à un détenu, il faudra un interprète. Pour le conduire ou non à une activité, il faudra un interprète …

Soyons pragmatiques ! Ce n’est pas violer un droit que d’être pragmatique.

Quand il s’agit du respect des droits fondamentaux des détenus, je le répète, par exemple pour les instances disciplinaires, il y a des interprètes, qui passent beaucoup de temps avec eux. Des codétenus sont également mis à contribution pour traduire et expliquer certaines choses.

Certains détenus, vous le savez bien, notamment des étrangers condamnés pour trafics de produits stupéfiants, font un usage abusif de la procédure. Je crains donc que cet ajout ne complique la tâche de l’administration pénitentiaire.

Tel qu’il est rédigé, le texte prévoit le recours à un interprète et, à ce titre, le respect des droits des détenus est garanti. Quant aux guides, ils sont distribués en plusieurs langues. En outre, sur les 18 % de détenus de nationalité étrangère, 60 % sont francophones.

Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable au rétablissement de cette mention.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez raison, madame le garde des sceaux, s’agissant d’un grand nombre de démarches. Mais, en l’occurrence, il s’agit simplement de faire connaître au détenu, lors de son admission, les dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations et aux recours et requêtes qu’il peut former. Les règles applicables à l’établissement – en d’autres termes le règlement intérieur – sont également portées à sa connaissance.

Il s’agit de simples informations qu’il conviendrait de traduire dans les langues les plus répandues dans les prisons françaises. C’est possible puisque de telles traductions existent déjà dans cinq langues.

Je comprends très bien que l’on ait le souci d’éviter les risques de contentieux. Mais les informations que nous évoquons sont délivrées une fois pour toutes au détenu. Elles ne changent pas tous les jours ; il doit donc être possible de les rendre accessibles sans mobiliser de gros moyens.

Ce système existe même dans les centres de rétention, où la situation est pourtant très difficile et la population bien moins stable.

Comme d’habitude, monsieur le président, j’ai défendu fermement le point de vue de la commission des finances, même si je ne suis pas tout à fait convaincu.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je pense que les présidents de la commission des finances et de la commission des lois mettront à profit la suspension de séance pour rapprocher leurs points de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je rappelle au Sénat que les commissions des affaires sociales et des finances ont proposé respectivement deux et une candidature pour des organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Alain Gournac et Mme Anne-Marie Payet respectivement membre titulaire et membre suppléant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

- Mme Nicole Bricq membre de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.