Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour délibérer sur la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, présentée par notre collègue M. François-Noël Buffet.
Au cours de son examen en commission puis en séance publique, nous avons tous reconnu, de façon unanime, l'importance cruciale de son objet, la lutte antiterroriste : il y va de la sécurité de notre nation, mais aussi – et surtout – de la préservation de nos valeurs démocratiques.
Par-delà les drames humains, je rappelle, car c'est un point essentiel, que ce sont l'unité et les valeurs fondamentales de notre République qui sont prises pour cible.
Afin de contenir la menace terroriste et de contrer les fléaux qu'elle peut entraîner, nous avons, depuis 2017, en transcendant les clivages partisans, considérablement renforcé les moyens juridiques, judiciaires et administratifs permettant de garantir la sécurité de nos concitoyens.
Conjuguées à l'action exemplaire de nos forces de l'ordre et de nos services de renseignement, ces mesures ont permis de prévenir la commission de nombreux attentats.
Toutefois, comme l'ont rappelé les tragiques événements d'Arras et du pont de Bir-Hakeim, la menace terroriste reste prégnante dans notre pays. Elle évolue de manière plus diffuse et plus imprévisible depuis 2015.
Un certain nombre des dispositions du texte nous semblent ainsi aller dans le bon sens. Je pense à la suppression de l'autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction dans les cadres des enquêtes sous pseudonyme, à l'interdiction de paraître dans les transports en commun pour les grands événements ou encore à l'élargissement des motifs de dissolution d'une association ou d'un groupement de fait.
Par ailleurs, la commission des lois a grandement contribué à enrichir le texte et nous tenons à saluer le travail de son rapporteur.
Plusieurs mesures nous semblent de nature à renforcer la sécurité de nos concitoyens. Je pense au caractère suspensif de l'appel interjeté par le ministre de l'intérieur en cas de jugement d'annulation d'une Micas, à la possibilité de prolonger la rétention administrative d'un étranger dont l'expulsion a été prononcée en lien avec des faits de provocation directe à des actes de terrorisme ou d'apologie du terrorisme. C'est également le cas de l'information transmise aux préfets de la prise en charge médicale sans leur consentement de personnes radicalisées ou de l'introduction d'un délit d'apologie du terrorisme dans les réseaux privés de communication.
Si nous pouvons partager un certain nombre de mesures contenues dans ce texte, nous demeurons, au sein du groupe RDPI, convaincus de la nécessité de déployer nos efforts contre la menace terroriste dans le respect l'État de droit et des principes fondamentaux qui le régissent.
À ce titre, en séance publique, nous avons salué les efforts déployés par M. le rapporteur pour atteindre le nécessaire équilibre entre lutter efficacement contre le terrorisme et garantir les droits et libertés constitutionnels.
Toutefois, au terme de son examen par notre assemblée, certaines des dispositions du texte ne nous paraissent pas encore satisfaisantes.
Aussi, les craintes que nous avons exprimées vis-à-vis de certaines mesures demeurent, craintes qui ont du reste été assez largement partagées par tous les groupes de cet hémicycle.
Si la substitution de la notion de « comportement manifeste » attestant du non-respect des principes de la République à la notion d'« inconduite notoire » témoigne d'un effort de compromis, force est de constater que cette nouvelle condition demeure tout aussi floue.
La possibilité de déclencher une mesure de sûreté sur le fondement d'un simple critère de dangerosité, en l'absence de tout trouble mental médicalement constaté, nous semble en contradiction très nette avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle suscite en outre des inquiétudes quant à une possible orientation vers une justice prédictive.
Bien que la rédaction de la proposition de loi ne soit pas encore optimale, le groupe RDPI se rallie au caractère d'intérêt général du texte et à l'objectif de sécurité publique que ses auteurs visent.
C'est pourquoi nous voterons ce texte. Nous avons bon espoir que la navette parlementaire réponde à nos réserves quant à la constitutionnalité de certaines mesures. §