Intervention de Bruno Le Maire

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 décembre 2023 à 17h00
Comptes rendus de la commission des affaires europeennes

Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

Je partage vos propos, monsieur le rapporteur général. Si l'on veut résumer la situation à grands traits, on peut dire que la France a plus de dettes et que l'Allemagne a moins de croissance. L'Allemagne traverse ses propres difficultés, et le risque existe de la voir réduire ses investissements, notamment depuis la décision de la Cour de Karlsruhe. Sa situation économique difficile ne sert aucunement les intérêts de la France. L'analyse du Fonds monétaire international (FMI) montre que l'impact d'une récession en Allemagne sur la croissance française varie entre 0,1 et 0,2 point de PIB par an. Je rappelle qu'un point de PIB correspond à 26 milliards d'euros. Cet impact est donc considérable.

La France a connu une lente dégradation de ses finances publiques depuis un quart de siècle. En 2000, le niveau de la dette publique en France était à peu près équivalent à celui de l'Allemagne, c'est-à-dire 60 %. La crise financière a été un choc massif, dont la France est sortie avec 30 points de dette publique de plus que l'Allemagne. L'Allemagne a rétabli ses comptes et a retrouvé un taux d'endettement sur PIB de 62 % en 2011, alors que celui de la France dépassait 90 %. Nous n'avons jamais rattrapé ces 30 points. Ensuite, de 2011 à 2017, la situation s'est lentement dégradée, à un rythme moins soutenu, la dette publique passant de 90 à 98 % du PIB. En 2018, le déficit public est passé sous la barre des 3 % et nous avons accéléré le désendettement. Depuis, le triple choc de la crise des gilets jaunes, de la pandémie de Covid et du choc inflationniste nous ont amenés à augmenter la dette publique de 15 points, une augmentation légèrement supérieure à la moyenne européenne, située à 12 ou 13 points. Cette dégradation des finances publiques françaises nous a conduits à réagir en 2017 et en 2018, puis à amortir les chocs, et enfin à réagir de nouveau à présent. Je souligne avec force que le redressement des finances publiques est indispensable à l'indépendance française et à notre souveraineté. Et si certains n'aiment pas ces grands mots, le redressement des finances publiques est indispensable pour faire face à n'importe quel nouveau choc conjoncturel. Si demain nous sommes confrontés à un risque militaire plus élevé qu'aujourd'hui, et qu'il est nécessaire de réinvestir dans nos capacités de défense, alors nous devrons mobiliser des réserves financières. Aujourd'hui, nos scientifiques, nos laboratoires, nos algorithmes et nos supercalculateurs font de nous l'un des pays les plus attractifs d'Europe dans le domaine de l'intelligence artificielle. Mais si nous ne sommes pas en mesure d'investir les 10 ou 15 milliards d'euros requis, nous sacrifierons des emplois qualifiés ainsi que notre capacité de calcul indépendante. Le redressement des finances publiques est donc impératif et il me tient à coeur parce qu'il en va de l'intérêt supérieur du pays. La programmation des finances publiques est portée par cette ambition et doit être tenue coûte que coûte. La faible croissance économique actuelle en Europe rend la tâche difficile, mais d'autant plus nécessaire. Ce n'est pas parce que la situation économique est plus difficile qu'il ne faut pas suivre rigoureusement et scrupuleusement la trajectoire de rétablissement des finances publiques portée par la loi de programmation des finances publiques. Nous sommes parvenus plus vite que prévu à sortir de la crise inflationniste. Les chiffres de l'inflation, aujourd'hui, baissent rapidement, au prix néanmoins d'une croissance légèrement plus faible : les taux d'intérêt élevés font baisser l'inflation, mais ralentissent la croissance. Quelles sont nos solutions ? Les seules solutions à notre disposition sont soit le plan d'investissement France 2030, doté de 57 milliards d'euros, soit l'investissement privé. En revanche, il ne saurait y avoir de nouveaux investissements publics, à moins qu'au niveau européen, une réflexion collective nous mène à investir ensemble sur la décarbonation ou l'intelligence artificielle. Je ne vois pas d'autre option que cette réflexion collective sur l'investissement européen pour gagner en productivité, en croissance et en emploi.

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