En décembre 2020, après de longues négociations, un accord institutionnel entre le Parlement européen et le Conseil permettait l'adoption du Cadre financier pluriannuel (CFP) pour les années 2021 à 2027. Comme vous le savez, le CFP est le budget à long terme de l'Union. Il définit la programmation pluriannuelle des finances de l'UE et fixe des plafonds annuels maximaux de dépenses juridiquement contraignants. À la différence des budgets annuels, il est adopté au terme d'une procédure législative spéciale, requérant l'unanimité au Conseil, après approbation du Parlement européen à la majorité de ses membres.
Le CFP 2021-2027 constituait un changement majeur à deux titres. D'abord par son montant. Le budget total est fixé à plus de 1 800 milliards d'euros, avec 1 000 milliards d'euros auxquels se sont ajoutés exceptionnellement 750 milliards d'euros de NextGenerationEU, le plan de relance européen finalement décidé pour faire face aux conséquences économiques du Covid-19. Ensuite, ce CFP était original par les modalités de son financement. Près de 40 % du montant total est financé via le recours à un endettement commun sur les marchés financiers, premier du genre, ce contre quoi les États dits « frugaux » s'étaient longtemps opposés.
À mi-parcours de ce plan, trois ans après son adoption finale, le contexte a une nouvelle fois radicalement changé. Malgré les sommes importantes prévues, le CFP actuel se révèle incapable de faire face aux nouveaux défis posés par le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le soutien à ce pays dans son combat face à la Russie, le contexte inflationniste mondial, la hausse des taux d'intérêts : tous ces éléments obligent à réviser le CFP 2021-2027. À titre d'illustration, les intérêts de NextGenerationEU ont connu depuis 2022 une hausse aussi brutale qu'imprévue, ceux-ci ayant augmenté de près de 3 points. En conséquence, l'enveloppe de 15 milliards d'euros prévue pour le remboursement de ces intérêts sur la durée du CFP 2021-2027 a été épuisée dès l'été 2023...
En juin 2023, la Commission européenne a donc proposé de rehausser le CFP actuel de près de 100 milliards d'euros, dont 66 milliards de subventions budgétaires. La proposition de la Commission comportait quatre grandes priorités : l'aide à l'Ukraine d'abord, via une Facilité dédiée de 50 milliards d'euros ventilés entre 33 milliards d'euros de prêts et 17 milliards d'euros de subventions ; le paiement du renchérissement des intérêts de l'emprunt européen dans le cadre de NextGenerationEU, via un instrument sans montant prévisionnel et sans plafond, mais estimé par la Commission à 18,9 milliards d'euros ; le soutien aux technologies critiques émergentes via le programme STEP (Strategic Technologies for Europe Platform), doté de 10 milliards d'euros qui ne constituerait pas un instrument distinct mais s'appuierait sur des programmes existants ; enfin, les programmes sur les migrations et l'action extérieure bénéficieraient d'un rehaussement de 10,6 milliards d'euros pour l'action extérieure et de 2 milliards d'euros pour la gestion des frontières.
En outre, la Commission avait demandé dans sa proposition de juin 2023 une rallonge de 1,9 milliards d'euros sur 2024-2027 pour la Rubrique 7, c'est-à-dire pour ses dépenses administratives, afin d'augmenter ses effectifs au vu de l'extension de ses missions et d'indexer les rémunérations sur l'inflation.