Intervention de Son Excellence M. Jo Indekeu

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 janvier 2024 à 13h40
Institutions européennes — Priorités de la présidence belge du conseil de l'union européenne - Audition de s.e. M. Jo Indekeu ambassadeur de belgique en france et à monaco

Son Excellence M. Jo Indekeu, ambassadeur de Belgique en France et à Monaco :

Je me félicite d'être parmi vous et suis honoré de pouvoir vous présenter le programme de la Présidence belge du Conseil de l'Union européenne. C'est la première fois que je participe à une audition dans une assemblée parlementaire et je fais observer que les diplomates ne sont que très rarement conviés au Parlement belge. Votre démarche témoigne donc de d'intérêt du pouvoir législatif à l'égard de cette étape importante pour l'Union européenne.

Je rappelle tout d'abord que c'est la treizième fois que la Belgique va occuper la présidence de l'Union européenne - j'espère que ce chiffre ne portera pas malheur ... - et nous sommes appelés à exercer cette fonction à un moment critique au plan international avec l'invasion russe en Ukraine, la situation à Gaza, le changement climatique et la montée de la désinformation. Il ne faut donc pas exclure que l'actualité européenne puisse à nouveau être fortement influencée par des événements imprévus.

En deuxième lieu, la présidence belge interviendra en fin de législature européenne. Les élections européennes auront lieu le 9 juin en France comme dans l'ensemble de l'Union européenne mais je signale qu'en Belgique, les élections nationales et régionales se tiendront à la même date, suivies, en octobre 2024, des élections municipales : on peut dire, si vous permettez, que c'est, pour les électeurs belges « la totale » et cela suscite des débats très intéressants dans notre politique intérieure.

Au niveau européen, nous prenons le relai de la présidence espagnole et nous nous félicitons que celle-ci ait permis de faire avancer de nombreux dossiers. Avant de détailler nos grands objectifs, je rebondis sur votre interrogation portant sur la connexion entre l'Europe et ses citoyens : nous pensons l'améliorer en offrant une meilleure protection aux citoyens européens et en renforçant la coopération non seulement intra-européenne mais également avec nos partenaires extérieurs. Nous entendons également préparer notre avenir commun en posant les jalons des débats futurs et en préparant le cycle législatif 2024-2029. Parallèlement, nous souhaitons affirmer notre soutien indéfectible à l'Ukraine, ce qui doit se traduire par le franchissement de plusieurs étapes importantes qui devront faire l'objet de décisions dans les mois à venir.

Notre stratégie va s'articuler autour des six thématiques suivantes : défendre l'État de droit, la démocratie et l'unité dans l'Union européenne ; renforcer notre compétitivité ; poursuivre une transition écologique juste ; renforcer notre agenda social et sanitaire ; protéger les personnes ainsi que les frontières ; et enfin, promouvoir une Europe mondiale.

En ce qui concerne le premier axe, il est primordial de continuer à promouvoir et à défendre le respect des droits fondamentaux, l'État de droit ainsi que les valeurs démocratiques. Il est également important de continuer à investir dans l'autonomisation et l'inclusion des citoyens, tout particulièrement en faveur des jeunes, à travers une éducation de qualité et davantage axée sur la mobilité ainsi que sur le sport. S'y ajoutent la consolidation des garanties en matière de pluralisme des médias, de transformation numérique et de lien avec la culture dont nous avons besoin et qui s'exprime de façon très diversifiée en Europe.

En deuxième lieu, nous envisageons d'accorder une priorité à la compétitivité et à la politique industrielle en renforçant les garanties de concurrence équitable, non seulement pour les grandes entreprises mais aussi pour les PME. Nous veillerons à apporter un cadre réglementaire cohérent, stable et simplifié. Nous serons également attentifs à la création d'un écosystème numérique durable, innovant et résilient. Il faudra également consolider le marché intérieur - comme celui des marchés des capitaux et de l'énergie - ainsi que l'avenir industriel de l'Union européenne en réduisant la dépendance dans les secteurs critiques, avec une attention particulière portée à notre autonomie stratégique, au niveau des matières premières essentielles et de la production alimentaire. Simultanément, nous devons également accroitre notre effort de recherche et d'innovation, tout en favorisant l'équilibre du marché du travail et l'augmentation des taux d'emploi grâce à la formation continue. L'ensemble de ces actions devra s'inscrire dans la poursuite d'une transition écologique juste en accordant une place centrale à la transition énergétique accélérée et inclusive - en faveur des citoyens et des entreprises - et en garantissant également la sécurité de nos approvisionnements guidés par l'objectif de neutralité climatique. Pour ce faire, il faudra accroître nos investissements de nature à aménager un réseau énergétique intégré et adapté aux évolutions futures. Au niveau environnemental, il faudra également favoriser l'économie circulaire et la gestion durable de l'eau.

Afin de renforcer le volet social et sanitaire, la Belgique s'efforcera de doter l'Union européenne d'un programme social ambitieux pour favoriser une société européenne plus inclusive, plus égalitaire et plus juste. Il s'agit de renforcer le dialogue social, de promouvoir une mobilité équitable de la main-d'oeuvre, de défendre la santé mentale au travail et d'améliorer l'accès à une protection sociale durable. J'ajoute que les ministres belges plaident fortement, d'abord, pour une action européenne commune en faveur d'un logement décent et abordable pour tous, ensuite, pour le renforcement de la sécurité d'approvisionnement en médicaments - sur ce point, une première étape a été enclenchée hier - et enfin pour une meilleure gestion des médicaments à des coûts abordables ainsi qu'une stratégie d'accroissement des effectifs des secteurs de la santé et des soins où l'on constate aujourd'hui des pénuries de personnel dans un certain nombre de pays.

Au titre de la protection des individus et des frontières, la première priorité va au traitement du dossier législatif en suspens sur la migration et l'asile. Comme vous le savez, lors des derniers jours de décembre 2023, la présidence espagnole a pu réunir un accord sur ce point : il revient donc à la Belgique de finaliser le trilogue et d'assurer le suivi du projet de texte jusqu'à la décision du Parlement européen. Nous prévoyons également de renforcer la dimension extérieure de notre politique en matière d'asile et d'immigration sur la base d'un partenariat mutuellement bénéfique avec tous les pays dont sont issues les principales vagues d'immigration. Par ailleurs, il faudra lutter contre la criminalité organisée en améliorant la prévention et la répression non seulement du terrorisme ainsi que de l'extrémisme violent mais aussi des trafics de drogue ou d'êtres humains. La discussion sur l'avenir de la sécurité et de la défense européenne devra également être poursuivie en mettant l'accent sur la consolidation de la base industrielle et technologique de notre industrie.

Enfin, il nous revient de promouvoir une « Europe mondiale » : face aux défis actuels, nous devons poursuivre les efforts pour renforcer notre résilience et notre autonomie, en défendant nos intérêts ainsi que nos valeurs. Il convient à ce titre d'utiliser et d'harmoniser tous les outils à notre disposition, au niveau sécuritaire, économique, dans le domaine du développement, de l'aide humanitaire et de la politique commerciale.

S'agissant du calendrier, selon le dernier décompte, 515 événements informels seront organisés par notre Présidence à tous les niveaux, ce chiffre n'incluant pas toutes les réunions liées au Conseil, dont les réunions des groupes de travail. À l'intérieur de ce total, notre Présidence tiendra près de 23 Conseils. Comme vous le savez, la Belgique est un pays fédéral, donc certaines réunions du Conseil de l'UE seront présidées, au nom de la Belgique, par des ministres régionaux. Pour leur part, les Conseils européens seront naturellement présidés par le président du Conseil européen, Charles Michel. En pratique, nous avons essayé de concentrer le plus possible les réunions prévues à Bruxelles dans les bâtiments situés autour du rond-point Schuman ou au Palais d'Egmont, qui s'apparente au Quai d'Orsay.

La présidence belge devrait connaître quelques moments forts, avec tout d'abord le Conseil européen du 1?? février prochain, suivi d'un Conseil européen ordinaire en mars puis de celui de juin où sera débattu l'agenda stratégique destiné à poser les jalons de la direction future de l'Union européenne : il s'agit en particulier de définir les priorités de la prochaine mandature 2024-2029. Je rappelle que les élections européennes seront suivies du renouvellement de la Commission européenne, de la désignation du nouveau bureau du Parlement européen ainsi que de l'élection du nouveau président du Conseil européen dont le mandat vient également à échéance en 2024. Les élections européennes seront un test significatif pour mesurer l'attachement de la population aux valeurs de l'UE et il est important pour tous les gouvernements des États membres de s'assurer non seulement que la construction européenne se poursuit mais aussi que l'UE est efficace pour gérer les événements de politique étrangère ainsi que le quotidien des personnes en respectant, bien entendu, le principe fondamental de la subsidiarité. Je signale enfin que nous avons mis en place un site internet dédié à la présidence belge (belgium24.eu) et je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

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