Intervention de Jo Indekeu

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 janvier 2024 à 13h40
Institutions européennes — Priorités de la présidence belge du conseil de l'union européenne - Audition de s.e. M. Jo Indekeu ambassadeur de belgique en france et à monaco

Jo Indekeu :

Merci pour vos questions très intéressantes et parfois très techniques. Tout d'abord, j'aurais dû commencer par souligner qu'exercer la présidence du Conseil de l'Union européenne ne confère pas un droit d'initiative dans tous les domaines. On peut faire avancer certains sujets mais, dans les circonstances actuelles, la priorité est plutôt d'essayer de faire en sorte d'aboutir à des accords au niveau européen, ce qui demande beaucoup de travail ; l'exercice de notre présidence nous invite non pas à oublier nos intérêts, mais à les mettre au service de tous afin de pouvoir dégager des solutions consensuelles. Je fais observer que, compte tenu du calendrier électoral, nous ne disposerons pas, en pratique, de la durée habituelle de six mois dont bénéficie normalement la présidence mais plutôt de trois ou quatre mois pour faire avancer les trilogues pendant lesquels la présidence, la Commission et le Conseil discutent avec le Parlement européen, ce qui permet, ou pas, de parvenir à des accords. Il a été pour nous particulièrement instructif et fructueux que la présidence espagnole nous associe aux négociations en tant que présidence entrante. Ainsi, bien loin d'avoir découvert les dossiers européens en cours au 1er janvier, nous avons suivi le déroulement des négociations et connaissons les points de vue des uns et des autres. Notre ambition est de pouvoir faire avancer le plus grand nombre des initiatives législatives en cours : tel est en particulier le cas des textes que vous avez évoqués. Pour aboutir à un vote positif du Parlement, nous négocions dans différentes enceintes et à des niveaux très divers. Il en va ainsi du travail que nous accomplissons sur le projet de directive sur les travailleurs des plateformes sur lequel vous m'avez interrogé : le Comité des représentants permanents (Coreper) prévu le 24 janvier prochain devrait permettre d'aboutir à un accord qui servira de base au trilogue qui débutera le 30 janvier afin de garantir une adoption de ce texte avant la fin de cette mandature. Nous sommes en discussion avec les instances françaises compétentes afin de trouver une solution aux divergences qui subsistent et des pistes sont testées en ce moment pour y parvenir. Le remaniement ministériel en France a constitué une difficulté supplémentaire : le secteur a changé de titulaire et il faut reconstruire les contacts qui avaient été noués ainsi que la relation de confiance qui s'était établie ; nous nous attelons à la tâche pour parvenir à un accord.

En ce qui concerne votre question sur l'État de droit, j'indique que cette notion renvoie tout d'abord à un processus institué depuis longtemps et qui est aujourd'hui appliqué, par exemple à la Hongrie et à la Pologne : des décisions ont été prises, des propositions ont été formulées et nous continuons à suivre ce dossier en apportant notre concours aux négociations. Il demeure important d'affirmer que nos valeurs démocratiques et de conformité à l'État de droit restent intactes. En ce qui concerne les candidats à l'adhésion, comme la Moldavie et l'Ukraine et, à plus long terme, la Bosnie-Herzégovine - qui soulève encore certaines interrogations du point de vue de l'État de droit -, nous allons rédiger un rapport afin de déterminer si les critères de conformité à l'État de droit nous permettent de démarrer les négociations sur la candidature à l'adhésion à l'Union européenne. Ces négociations durent toujours un certain temps et passent par plusieurs étapes ; dans ce cadre, le respect des critères de Copenhague - à la fois économiques et politiques - doit être examiné dès à présent.

Pour préciser la signification concrète que nous donnons à l'autonomisation des citoyens européens, je ferai le lien avec les négociations sociales qui auront lieu à Val Duchesse et avec les développements que je vous ai présentés sur le premier axe de notre programme visant à mieux protéger les citoyens. Face au sentiment d'éloignement de l'Europe par rapport aux citoyens - celle-ci étant perçue comme imposant un grand nombre de réglementations -, nous voulons promouvoir un discours et une action permettant de réconcilier le citoyen avec l'Europe en garantissant ses droits sociaux ainsi que dans le domaine de l'emploi et du logement. Il s'agit d'assurer un traitement équitable des personnes au niveau européen ; il s'agit en particulier de réduire les distorsions sur le marché du travail que l'on a connues. Nous voulons à la fois maintenir le principe de la mobilité des travailleurs et leur donner des garanties permettant d'éviter des phénomènes de concurrence déloyale sur le marché du travail en instituant des seuils de protection sociale ainsi que de revenus applicables à tous ceux qui travaillent dans l'Union européenne.

La sécurité et le terrorisme reviennent au-devant de la scène en raison des tensions internationales actuelles mais ce sujet est toujours resté un point d'attention majeur pour les présidences qui nous ont précédés. Dans ce domaine, la présidence belge travaille, notamment sur proposition de la Commission, à faire progresser les mécanismes de partage d'informations et de travail commun entre les différents services concernés. La très bonne collaboration entre les services de police, de renseignement ainsi que les parquets belges et français peut être citée comme un exemple de bonnes pratiques. Celles-ci se sont développées sur la base d'instruments bilatéraux mais il nous manque un cadre européen pour les généraliser. Les dispositifs existants comme Europol et Eurojust méritent également d'être renforcés pour fluidifier et sécuriser le partage d'informations. L'ambition de la Belgique est aussi de convaincre le plus de pays possible à participer à cet échange de données en leur apportant des garanties de sécurité et de protection de la vie privée, conformément au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

S'agissant des États-Unis et des grandes puissances que vous avez évoquées à travers votre question sur l'Europe mondiale, je rappelle qu'un certain nombre d'élections interviendront en 2024 et que les événements internationaux récents nous ont confirmé que l'on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même dans de nombreux domaines. La construction - qui se déroulera en plusieurs étapes - d'une armée européenne est à ce titre important. La crise en Ukraine a mis en évidence le besoin de réarmement au niveau européen, ce qui nécessite la création de capacités de production d'armements permettant de dépendre le moins possible de pays tiers. Plusieurs initiatives européennes ont été lancées et certaines se mettent en place ; il faut faire observer que, dans ce domaine, beaucoup d'États membres jouent la carte de la souveraineté. Les événements extérieurs vont sans doute nous inciter à avancer dans le sens d'actions communes et il faut souligner que les instruments européens déjà prévus permettent de faire beaucoup : je citerai à cet égard la facilité européenne pour la paix (FEP) ainsi que les différentes sortes de missions civiles et humanitaires ciblées dans certaines zones géographiques et gérées ou coordonnées au niveau européen. Ces outils peuvent contribuer à renforcer la vigueur de nos actions au niveau européen.

Enfin, à mon grand regret, je ne dispose pas des éléments précis permettant de répondre à vos questions très spécifiques sur la réactualisation des niveaux souhaitables d'émissions de gaz à effet de serre ; nous pourrons peut-être vous les fournir par la suite.

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