Intervention de Jo Indekeu

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 janvier 2024 à 13h40
Institutions européennes — Priorités de la présidence belge du conseil de l'union européenne - Audition de s.e. M. Jo Indekeu ambassadeur de belgique en france et à monaco

Jo Indekeu :

En ce qui concerne l'élargissement, la décision d'ouvrir les négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie a été prise par l'UE en décembre dernier. Sur cette base, la Belgique s'inscrit dans les principes et la méthodologie qui régissent traditionnellement ce processus incluant, en particulier, le respect des critères de Copenhague ainsi qu'un traitement successif de chacun des chapitres, comme cela a été fait par le passé. Une attention particulière sera bien entendu accordée à certains sujets qui prêtent aujourd'hui à confusion ou inquiétude et aux considérations géopolitiques qui pourraient également influencer les débats au Conseil européen.

De façon plus générale, pour préparer le débat prévu à la fin de sa présidence du Conseil, la Belgique devra élaborer des idées afin de dessiner le trajet stratégique de l'Europe pour les années à venir. Il portera non seulement sur le positionnement de l'Europe en matière de sécurité et de défense, mais également sur l'organisation interne de l'UE à 27 États membres. Il faudra par exemple se demander quelles sont les ambitions européennes pour aller plus loin dans l'intégration ou s'il convient de réaffirmer la subsidiarité dans certaines matières : telles sont les questions difficiles auxquelles le Conseil européen de juin pourrait apporter des propositions de réponses.

En second lieu, l'éventuel élargissement de l'UE amène à se demander quels choix d'organisation pourraient être retenus au niveau de la gestion du Conseil européen, des conseil techniques, de la Commission et du Parlement européen. S'agissant de ce dernier, il faudra intégrer de nouveaux parlementaires et décider si on maintient les effectifs ou si on les diminue. Là aussi, j'espère que nous pourrons, au terme de négociations avec les parties prenantes, soumettre une proposition qui pourrait être adoptée lors du Conseil de juin.

Vous avez ensuite mentionné la présidence suivante et je fais observer que celle-ci rencontrera des défis un peu similaires aux nôtres avec une législature un peu particulière. En effet, le Parlement européen se réunira le 15 juillet 2024 pour la première fois et procèdera ensuite à la mise en place de son bureau qui sera suivie de la constitution des commissions parlementaires. Il est possible que la présidence hongroise ne puisse pleinement démarrer ses activités qu'à partir du 15 septembre ou du 1er octobre prochains. Sur le fond, nous connaissons bien les positions prise par la Hongrie sur certains dossiers particuliers mais, sur d'autres sujets, les Hongrois sont tout aussi européens que nous et partagent nos intérêts communs. En tout état de cause, nous nous efforçons de préparer au mieux la législature suivante, avec des trames d'idées et des stratégies qui dessineront les contours des débats à venir.

Par ailleurs, la politique industrielle est un objectif majeur pour le Premier ministre belge. Les événements liés au Covid et à l'Ukraine ont démontré la nécessité de garantir l'autonomie stratégique de l'Europe dans plusieurs domaines et, en particulier, de stimuler sa fibre industrielle tout en respectant le Green Deal. Il est essentiel de placer l'UE dans une situation aussi favorable que celle dont bénéficient ses partenaires ou concurrents extra-européens en trouvant un juste équilibre entre le développement industriel, la recherche et le respect des transitions écologiques. La présidence doit également veiller à ce que la course aux subsides ainsi que les avantages accordés à certains secteurs économiques ne perturbent pas le fonctionnement du marché unique. Il nous faut un « level playing field » (« règles du jeu équitables » garantissant une concurrence loyale et l'égalité des chances dans la compétition) tant vis-à-vis des partenaires de l'UE qu'à l'intérieur de celle-ci.

Simultanément, les ambitions du pacte vert restent inchangées : un certain nombre de mesures ont d'ores et déjà été adoptées et nous continuons à travailler sur des initiatives comme la révision des normes d'émissions des poids lourds ainsi que la directive sur l'emballage. Ces deux projets ont été retenus comme prioritaires parmi les multiples dispositions qui restent à adopter avant la fin de cette mandature et le renouvellement du Parlement européen - encore faudra-t-il être attentifs au déroulement des trilogues.

En ce qui concerne les attaques de navires en mer Rouge, la situation est effectivement inquiétante et pourrait sérieusement perturber l'économie européenne. Nous avons pris l'initiative d'organiser des discussions qui se déroulent en ce moment même à Bruxelles pour déterminer la manière dont nous pouvons nous mobiliser pour gérer cette menace à la circulation des biens vers l'Europe.

S'agissant d'Erasmus, des discussions sont également en cours avec la Grande-Bretagne. Ce n'est pas toujours une chose facile car celle-ci s'est retirée de l'UE mais elle reste intéressée par plusieurs aspects de notre coopération : il en va ainsi du programme-cadre de recherche et d'innovation « Horizon Europe », pour lequel la participation du Royaume-Uni a fait l'objet d'un accord politique de principe. Le dialogue porte également sur les solutions à apporter à la question de l'Irlande du Nord. J'ajoute que les prochaines élections en Grande-Bretagne risquent de rendre les discussions un peu plus compliquées au regard des promesses formulées par les gouvernements britanniques précédents. En tous cas, la présidence belge et surtout la Commission européenne travaillent pour pouvoir parvenir à des résultats positifs avec nos amis britanniques ; il reste que les Britanniques doivent accepter les conséquences de leur décision de quitter l'Union européenne même si cela est compatible avec des possibilités d'ouverture et d'accès à certains programmes européens, sous réserve de négociations.

En ce qui concerne l'intelligence artificielle, nous sommes satisfaits du compromis qui a été trouvé entre le Conseil et le Parlement, sachant que les trilogues n'ont pas toujours été très faciles et qu'il a fallu tenir compte des évolutions spectaculaires de l'IA. Nous visons à atteindre un équilibre entre innovation et régulation tout en préservant, au plan économique, les possibilités de développement d'applications et en protégeant la vie privée des citoyens. Nous entendons également éviter tout usage abusif de l'intelligence artificielle dans des domaines comme la désinformation, ce qui implique également une régulation ainsi qu'une supervision des médias sociaux et pour préserver la diversité dans le paysage médiatique.

Enfin, la culture est, pour nous, un sujet important au niveau européen. Je rappelle qu'en Belgique, la culture - y compris dans sa dimension patrimoniale - fait partie, comme l'éducation, des compétences régionalisées et nos ministres de la culture sont très attachés à agir dans ce domaine pour que les spécificités culturelles européennes puissent continuer à s'épanouir. Je peux également vous garantir que nous défendons énergiquement la place du français au sein de l'Union européenne ; mon propre exemple est d'ailleurs illustratif puisque je suis néerlandophone. Le logo que nous avons adopté en conseil ministériel belge s'inscrit dans un contexte où un certain nombre d'États membres ont choisi de designer leur pays en anglais mais nous sommes néanmoins très attachés, en Belgique, à préserver l'utilisation de nos trois langues nationales.

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