En matière spatiale, il faut appeler un chat un chat : j'ai bien dit que je n'étais pas content des services d'Ariane, dont nous sommes le premier utilisateur institutionnel. Je suis personnellement responsable du fonctionnement des systèmes Galileo et Copernicus. Il faut lancer quatre satellites Galileo pour que notre système de positionnement continue de fonctionner. On m'avait promis que ce pourrait être fait en 2022, puis cela a été reporté à plusieurs reprises, sans que les nouvelles promesses soient tenues. Je ne peux donc pas être content ! Il faut régler ce problème, qui est à la fois un problème industriel et, sans doute, un problème de management. Si nous pouvons aider, nous le ferons, même si nous ne pouvons pas reprendre toutes ces compétences. L'Agence spatiale européenne (ESA) nous a proposé de recourir à Space X pour les lanceurs ; j'ai accepté en l'absence d'autre solution. Quatre satellites pourront ainsi être mis en orbite cette année, en deux lancements. Il n'est pas question de faire de l'espace une compétence exclusive de l'Union, mais celle-ci, en tant que premier client institutionnel, doit avoir son mot à dire au sein de l'ESA, dans son conseil d'administration, qui est déjà élargi à d'autres que les seuls États membres de l'Union. C'est nécessaire pour qu'une compétition saine puisse se développer, en particulier pour les mini-lanceurs.
Concernant la constellation Iris 2, tout se déroule bien, contrairement à ce qui a pu être dit. Les acquisitions qui interviennent ici ou là n'ont rien à voir avec notre constellation, qui est totalement souveraine et dont les applications technologiques ne peuvent être offertes par aucune autre.
Concernant l'acte délégué sur les carburants synthétiques, les discussions continuent avec les États membres sur la base de notre proposition. Les premières conclusions de l'enquête sur la Chine seront rendues avant l'été. La différence entre les droits de douane sur les véhicules électriques en Europe et aux États-Unis est importante - 10 % là-bas, 27 % ici. Nous devons donc nous interroger sur le respect des règles en Chine ; j'ai d'ailleurs eu de nombreuses discussions avec les autorités chinoises.
Quant au travail forcé, je salue la volonté de la présidence belge d'avancer sur ce dossier. Pour qu'il soit conclu au cours de ce semestre, il faudra que les États membres acceptent des efforts de surveillance des marchés : tout ne pourra pas être fait par la Commission.
Sur le DNA, j'ai commencé par mener une très large consultation sur les infrastructures de communication nécessaires pour un véritable espace numérique informationnel. La dernière régulation en la matière remonte à l'an 2000, quand l'enjeu était l'accès au réseau de cuivre des opérateurs historiques. Il n'y a plus un seul réseau de cuivre aujourd'hui : il était donc nécessaire de reposer cette question. Les conclusions de la consultation seront connues dans un mois, nous élaborerons ensuite notre proposition ; il reviendra à la prochaine Commission de mener le projet à terme. Au-delà de l'aspect réglementaire, il faudra un volet de financement, parce que des investissements considérables, surtout privés, seront requis.
Sur le règlement pour une industrie « zéro net », il faut aller vite. Nous avons élaboré une étude d'impact de notre proposition. Je me suis battu pour un financement communautaire, mais les États membres n'en ont pas voulu. Le Conseil, qui est en quelque sorte notre Sénat, s'est montré rebelle... Nous sommes donc obligés de fragmenter, mais je continuerai à me battre et je suis confiant sur le fait qu'un accord sera trouvé en février.
La pédopornographie est un drame absolu. Nos régulations actuelles sont protectrices : aujourd'hui, déjà, de telles images doivent être retirées et, si elles ne le sont pas, il faut nous dénoncer les plateformes pour que celles-ci soient condamnées. Le comité chargé du contrôle du DSA, qui recevra désormais ces plaintes, va être finalisé à la fin de ce mois-ci ; l'Arcom y aura un représentant. Les plateformes prises en défaut en la matière pourront donc être condamnées, mais pas avant le 17 février 2024 : ainsi en a décidé, contre mon souhait, le législateur européen, qui a voulu leur laisser un délai de six mois pour s'adapter.
Les plateformes ont l'obligation d'autonomiser et de protéger les utilisateurs en ligne. La France a mis en place des régulations horizontales, sectorielles, mais on peut toujours faire ce qu'on appelle des « plug-ins », en conformité avec le droit européen ; j'en discute d'ailleurs aussi avec d'autres États membres. Il faut notamment considérer le cas des fournisseurs de contenus qui sont actifs dans un État alors que leur siège est ailleurs ; dans ce cas aussi, le respect du cadre juridique européen s'impose. On le fera en bonne intelligence : il ne s'agit pas de punir tel ou tel pour ses initiatives, mais de s'assurer que celles-ci respectent les lois européennes que nous avons ensemble adoptées.
Je n'ai pas de commentaires à faire sur Air France, qui n'entre pas dans mon champ de compétences, pas plus que CMA-CGM. J'en parlerai à ma collègue Margrethe Vestager, chargée de ce dossier.
Beaucoup de choses fausses ont été dites sur l'AI Act ; le ministre Jean-Noël Barrot lui-même a pu y participer... Le texte est le résultat de 38 heures de négociations en trilogue ; il ne s'agit pas seulement d'une étape, mais bien d'un projet finalisé selon les règles : les 80 articles ont été revus en Coreper, avant que les ministres en prennent connaissance. Chacun pourra voir, à sa lecture, que tout est bien protégé. Je n'ai aucun état d'âme ni doute : tout va atterrir dans les temps. La ministre allemande est tout à fait alignée sur nos positions et a d'ailleurs joué un rôle crucial dans cette affaire. Pas de désinformation ! Nous protégeons l'innovation tout en nous prémunissant contre les risques. De la sorte, nous exauçons de manière équilibrée une demande du Parlement européen, attaché à instaurer des contraintes pour les modèles génératifs : la démocratie impose que l'on tienne compte de telles demandes, même si elles n'émanent pas de la Commission, et encore moins des États membres.
Sur notre projet en matière de cybersécurité, notre POC (Proof of Concept) fonctionne. Il faut pouvoir affronter les problèmes de manière très anticipée. La cyberréserve est désormais enclenchée, sur la base du volontariat. Trois cybercentres fonctionnent déjà ; il en faudra sept ou huit pour couvrir l'ensemble des besoins de l'Union.
L'Europe doit-elle être un des piliers de l'Otan ? Je ne crois pas qu'elle doive l'être structurellement, mais elle participe de plus en plus aux réunions de l'Otan en tant que membre invité. Nous sommes pour l'Otan, parce que l'Otan, c'est nous ! Nous en sommes les principaux acteurs.
Je ne veux pas trop me prononcer sur le Scaf ; trois États membres y participent, j'aimerais qu'il y en ait plus.