Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui d'une proposition de loi nécessaire, dont l'ancien président de la Ciivise, Édouard Durand, disait qu'elle était à la fois conforme aux principes et à la raison.
Les chiffres sont édifiants, et nous ne pouvons pas dire que nous ne les connaissons pas : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences intrafamiliales de manière permanente ; 60 000 enfants sont victimes de violences sexuelles.
Dans mon département, La Réunion, chaque jour, sept enfants sont identifiés comme étant en danger par la cellule de recueil des informations préoccupantes, et les signalements directs ont augmenté de 60 % depuis 2019.
Cette proposition de loi comble un vide juridique en matière d'autorité parentale des parents coupables de violences criminelles.
Parce que la saisine du juge aux affaires familiales n'est pas toujours effective, parce que les délais pour obtenir une date d'audience du juge aux affaires familiales sont trop longs, le retrait et la suspension de l'autorité parentale restent aujourd'hui des possibilités trop peu appliquées. Il est donc urgent de rappeler dans la loi que tout enfant doit être protégé, y compris de ses parents quand il le faut.
La certitude selon laquelle le lien entre l'enfant et son parent doit être maintenu à tout prix irrigue encore trop souvent la pensée des magistrats.
Oui, cette certitude doit être remise en question. Non, un parent qui viole son enfant ne peut pas continuer à avoir l'autorité parentale sur lui.
L'intérêt supérieur de l'enfant doit l'emporter sur le droit des parents d'influer sur la vie de cet enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant et sa protection doivent nous guider, mes chers collègues.
C'est ce que nous enseignent les très nombreux témoignages recueillis par la Ciivise, notamment de mères s'inquiétant de laisser leur enfant repartir chez le père incestueux. Un enfant obligé d'aller chez le parent violent en attendant le jugement continuera d'y subir violences, emprise, influences et menaces. Il cessera alors d'un coup d'en parler.
La suspension de l'autorité parentale n'est pas seulement nécessaire à la libération de la parole : elle l'est aussi pour protéger les enfants. Plus qu'écouter, il faut protéger des conséquences dramatiques qu'ont les violences sur le développement, sur la construction et la scolarité des enfants.
On sait ce qu'engendrent les violences en termes de chocs traumatiques, de phénomènes de dissociation, de troubles de la mémoire et de conduites à risque. On sait que l'exposition précoce à ces violences constitue le premier facteur de risque de suicide, de dépression, de précarité et qu'elle accroît le risque de subir de nouvelles violences ou d'en faire subir à son tour.
Une étude de l'ONU montre qu'une femme qui a subi des violences physiques et sexuelles dans l'enfance a dix-neuf fois plus de risques de subir des violences conjugales ou sexuelles à l'âge adulte par rapport à une femme qui n'en a pas connu ; et qu'un homme qui a connu le même type de violences a quatorze fois plus de risques d'en commettre à son tour.
En définitive, tout plaide pour une mise en sécurité rapide et automatique des enfants victimes, pour une prise en charge plus précoce afin de limiter les conséquences sur la santé des victimes.
Nous devons garder en tête que tout retard dans cette mise en sécurité, tout retard dans cette prise en charge équivaut à une perte de chance pour chaque enfant concerné.
Mon groupe soutient donc cette proposition de loi, tout en regrettant que la commission en ait affaibli le texte en revenant sur son article 1er.