Séance en hémicycle du 6 février 2024 à 15h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • autorité parentale
  • commis
  • crime
  • familiale
  • garde des sceaux
  • jugé
  • parentale
  • sexuelle
  • suspension

Sommaire

La séance

Source

La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Panunzi

Lors du scrutin n° 43, sur l'ensemble du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, je souhaitais voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales (proposition n° 98, texte de la commission n° 298, rapport n° 297).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne saurai jamais d'où viennent ces « Ah ! », non plus s'il s'agit de marques d'encouragement ou de désapprobation…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

MM. Philippe Bas, Laurent Somon et Francis Szpiner . D'encouragement, bien sûr !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l'enfance a été placée par le Président de la République au nombre de nos priorités et la protection des droits de l'enfant est au cœur de la feuille de route du Gouvernement, qui en a fait un engagement prioritaire.

C'est la raison pour laquelle je me réjouis que la proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales soit discutée en deuxième lecture aujourd'hui par la Haute Assemblée.

Au fil des lectures, le texte arrive peu à peu à maturité. Les points sur lesquels les deux assemblées se rejoignent apparaissent aujourd'hui clairement, ainsi que ceux sur lesquels un consensus s'est naturellement dégagé, ces derniers étant très majoritaires.

En réalité, le seul article faisant encore l'objet de débats est l'article 1er, lequel modifie l'article 378-2 du code civil afin d'étendre le mécanisme de suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné.

La rédaction votée par la commission des lois du Sénat s'inscrit dans la continuité des travaux de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a rendu son rapport final en novembre dernier ; elle limite cette extension au cas de la poursuite ou de la condamnation d'un parent pour crime commis sur la personne de l'autre parent ou pour agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur la personne de l'enfant.

Cette rédaction ne manque pas d'intérêt et je veux ici saluer chaleureusement le travail de la rapporteure, Mme Marie Mercier.

Tout d'abord, il aurait été impensable d'introduire une hiérarchie entre les crimes dont un enfant peut être victime et de prévoir la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite pour certains d'entre ceux-ci et non pour d'autres. Nous pouvons nous féliciter que la nécessité de viser tous les crimes commis sur l'enfant ait été entendue lors des débats parlementaires et à nouveau par la commission des lois du Sénat.

Inversement, il me semble qu'il aurait été tout aussi inopportun de viser n'importe quel délit. La suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale dès le stade des poursuites, et alors que le parent est présumé innocent, doit être réservée aux infractions les plus graves. Il y va de la constitutionnalité et de la conventionnalité du dispositif. Il est donc cohérent de limiter celui-ci aux agressions sexuelles incestueuses.

À cet égard, il me semble tout à fait utile, dès lors que la simple décision de poursuivre permet de déclencher ce mécanisme, de préciser que les actes de poursuite émanent du procureur de la République ou du juge d'instruction. Une telle règle procédurale permet de prévenir les constitutions de partie civile ou les citations directes abusives par l'autre parent.

Ces éléments, fondamentaux pour l'équilibre du dispositif, font d'ailleurs consensus entre les deux assemblées, ce dont je me réjouis.

En revanche, la rédaction votée par votre commission a maintenu le caractère provisoire du mécanisme de suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale. Elle prévoit que cette suspension opère jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales (JAF) et pour une durée maximale de six mois.

Il y a là un premier point de débat entre les deux chambres, l'Assemblée nationale ayant souhaité que la suspension se poursuive non pas pour une durée maximale de six mois, mais jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par la personne poursuivie, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction, ou encore jusqu'à la décision ou l'arrêt pénal.

Ces deux approches traduisent la recherche d'équilibre entre les droits du parent et la protection des enfants. Des amendements posent ce débat, avec des rédactions préservant, à mon sens, la protection maximale de l'enfant, dans la mesure où nous entendons laisser aux parents la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales.

Par ailleurs, votre commission a supprimé l'alinéa 2 de l'article 1er, lequel vise à créer un dispositif de suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent condamné pour violence conjugale ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours, lorsque les faits se sont déroulés en présence de l'enfant. Ce dispositif étant réservé aux faits les plus graves commis en présence de l'enfant, nous avions atteint, à mon sens, un équilibre proportionné pour conserver un maximum de garanties aux bénéfices de ce dernier.

Telles sont finalement les deux seules dispositions qui ne recueillent pas, à cette heure, l'accord de vos deux assemblées et qui seront évidemment au cœur de nos débats cet après-midi.

L'article 2 fait désormais consensus, dans une rédaction qui constitue, à n'en pas douter, une avancée indéniable en matière de protection des enfants, puisque le juge pénal aura l'obligation – et non plus la simple faculté, comme cela est actuellement le cas – de retirer l'autorité parentale ou son exercice, en cas de condamnation du parent pour les infractions les plus graves commises sur son enfant ou sur l'autre parent.

L'article 2 ter, qui semble lui aussi faire consensus, puisque votre commission ne l'a pas modifié, prévoit que le parent privé de l'exercice de l'autorité parentale et de ses droits de visite et d'hébergement à la suite d'une condamnation pénale ne pourra pas saisir le juge aux affaires familiales afin de se voir restituer cet exercice et ses droits de visite et d'hébergement avant l'expiration d'un délai de six mois. Cet article est conforme à l'esprit de cette proposition de loi : renforcer la protection de l'enfant.

Enfin, l'article 3, qui fait lui aussi consensus, a pour objectif simple de simplifier le code pénal, par l'introduction d'un article unique regroupant toutes les dispositions applicables en matière de retrait de l'autorité parentale d'un contenu identique aux dispositions figurant dans le code civil.

Tel est donc le texte qui vous est présenté aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs. Au-delà des quelques divergences qui demeurent entre les deux chambres, ce texte - n'en doutons pas - est très attendu par nos concitoyens, parce qu'il renforce la protection des plus vulnérables d'entre nous, parce qu'il est de notre devoir de protéger l'enfant victime de son parent agresseur, et, enfin, parce que le foyer doit toujours rester un lieu où l'enfant peut grandir en paix et en sécurité.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme le rapporteur et M. Francis Szpiner applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans un esprit de compromis, la navette a déjà permis l'adoption conforme de quatre articles de la présente proposition de loi.

La commission des lois vous propose d'en adopter quatre supplémentaires afin de concentrer les débats sur l'article 1er, qui pose l'importante question de l'intervention du juge pour apprécier l'intérêt de l'enfant.

L'article 2 de la proposition de loi tend à modifier l'article 378 du code civil pour rendre plus automatique, mais sans l'imposer au juge – ce qui est important –, le retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur l'enfant ou pour crime sur l'autre parent.

Les députés ont conservé la réécriture que nous avions adoptée. Afin de rendre la disposition plus intelligible, celle-ci distingue trois types de situation. Les députés ont toutefois durci l'incitation faite aux juridictions pénales d'ordonner le retrait total de l'autorité parentale.

La commission a accepté cette formulation, dans la mesure où les juridictions conserveraient malgré tout le choix de moduler leurs décisions en fonction de l'intérêt de l'enfant, apprécié in concreto, à charge pour elles de le motiver spécialement.

Pour ce qui concerne l'article 3, les députés ont repris notre idée de rassembler en un seul article du code pénal l'ensemble des dispositions relatives au retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales, ce qui devrait en faciliter l'application. Ils ont choisi d'en faire une disposition miroir de l'article 378 du code civil sans procéder par renvoi, ce qui ne semble pas nuire à l'intelligibilité et à l'effectivité recherchées.

L'article 2 ter institue une période de stabilité minimale de six mois à l'enfant après une décision de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Nous sommes attachés à cette idée de répit, mes chers collègues, car le temps de l'enfant n'est pas le temps de l'adulte, or c'est bien l'enfant qui est au cœur du présent texte.

Dans ce même esprit de concorde, nous avons renoncé à supprimer l'article 4, bien qu'il prévoie la remise d'un rapport, ainsi qu'à modifier l'intitulé de la proposition de loi.

J'en viens à présent à l'article 1er de la proposition de loi, que les députés ont adopté dans les mêmes termes que leur texte de première lecture.

Cet article modifie l'article 378-2 du code civil pour élargir les cas de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement aux cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant, tout en modifiant le régime. C'est sur ce dernier point que nous avons un désaccord.

Il est en effet proposé qu'en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime commis sur l'autre parent ou de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant, l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement soient suspendus automatiquement, donc sans limite de temps, jusqu'à la décision du JAF ou jusqu'à la décision de la juridiction pénale.

Le JAF ne serait plus saisi systématiquement par le procureur de la République dans les huit jours, mais pourrait éventuellement l'être par le parent poursuivi.

Les députés ont également prévu un régime spécifique en cas de condamnation pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits. Comme en première lecture, nous avons accepté d'étendre le mécanisme de suspension provisoire avant tout jugement au cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant.

Il convient en effet de remédier au véritable défaut de l'article 378 du code civil en la matière. Je félicite donc Isabelle Santiago de cette initiative.

Nous avons toutefois souhaité maintenir le caractère provisoire de la suspension dans les conditions actuelles, c'est-à-dire pour une durée maximale de six mois, jusqu'à la décision du JAF, qui doit être saisi par le procureur de la République dans les huit jours.

Nous savons bien que les JAF sont débordés, mais puisque vous avez alloué des moyens supplémentaires à la justice, monsieur le garde des sceaux, il convient à présent de continuer de le faire au bénéfice des chambres de la famille. §

Ce mécanisme présente selon nous le mérite de ménager un équilibre satisfaisant entre la nécessité de protéger, d'une part, et le respect de la présomption d'innocence et le droit de l'enfant de maintenir des relations avec ses deux parents, d'autre part. À ce titre, un délai de six mois de suspension automatique avant l'intervention d'un JAF nous a semblé constituer la bonne mesure.

Nous avons enfin écarté le dispositif spécifique proposé en cas de condamnation pour violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté au fait.

Les juridictions doivent déjà se prononcer sur l'autorité parentale en cas de condamnation au titre de cette infraction, les enfants témoins étant des covictimes, ainsi que les désigne l'intitulé de la proposition de loi.

Mes chers collègues, c'est bien sur une question d'équilibre que nous aurons à nous prononcer lors de l'examen des différents amendements qui nous sont soumis. Contrairement à ce que certains tentent de faire croire de façon assez simpliste, il ne s'agit pas seulement de choisir le camp des enfants victimes contre celui des bourreaux. Il serait notamment dommage de prendre le risque de non-protection des enfants, qui ont le droit d'être reçus par un juge aux affaires familiales rapidement.

Nous partageons le même but, la même priorité, mes chers collègues : la protection absolue des enfants, car chacun d'entre nous est le reflet de l'enfant qu'il a été.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui d'une proposition de loi nécessaire, dont l'ancien président de la Ciivise, Édouard Durand, disait qu'elle était à la fois conforme aux principes et à la raison.

Les chiffres sont édifiants, et nous ne pouvons pas dire que nous ne les connaissons pas : 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences intrafamiliales de manière permanente ; 60 000 enfants sont victimes de violences sexuelles.

Dans mon département, La Réunion, chaque jour, sept enfants sont identifiés comme étant en danger par la cellule de recueil des informations préoccupantes, et les signalements directs ont augmenté de 60 % depuis 2019.

Cette proposition de loi comble un vide juridique en matière d'autorité parentale des parents coupables de violences criminelles.

Parce que la saisine du juge aux affaires familiales n'est pas toujours effective, parce que les délais pour obtenir une date d'audience du juge aux affaires familiales sont trop longs, le retrait et la suspension de l'autorité parentale restent aujourd'hui des possibilités trop peu appliquées. Il est donc urgent de rappeler dans la loi que tout enfant doit être protégé, y compris de ses parents quand il le faut.

La certitude selon laquelle le lien entre l'enfant et son parent doit être maintenu à tout prix irrigue encore trop souvent la pensée des magistrats.

Oui, cette certitude doit être remise en question. Non, un parent qui viole son enfant ne peut pas continuer à avoir l'autorité parentale sur lui.

L'intérêt supérieur de l'enfant doit l'emporter sur le droit des parents d'influer sur la vie de cet enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant et sa protection doivent nous guider, mes chers collègues.

C'est ce que nous enseignent les très nombreux témoignages recueillis par la Ciivise, notamment de mères s'inquiétant de laisser leur enfant repartir chez le père incestueux. Un enfant obligé d'aller chez le parent violent en attendant le jugement continuera d'y subir violences, emprise, influences et menaces. Il cessera alors d'un coup d'en parler.

La suspension de l'autorité parentale n'est pas seulement nécessaire à la libération de la parole : elle l'est aussi pour protéger les enfants. Plus qu'écouter, il faut protéger des conséquences dramatiques qu'ont les violences sur le développement, sur la construction et la scolarité des enfants.

On sait ce qu'engendrent les violences en termes de chocs traumatiques, de phénomènes de dissociation, de troubles de la mémoire et de conduites à risque. On sait que l'exposition précoce à ces violences constitue le premier facteur de risque de suicide, de dépression, de précarité et qu'elle accroît le risque de subir de nouvelles violences ou d'en faire subir à son tour.

Une étude de l'ONU montre qu'une femme qui a subi des violences physiques et sexuelles dans l'enfance a dix-neuf fois plus de risques de subir des violences conjugales ou sexuelles à l'âge adulte par rapport à une femme qui n'en a pas connu ; et qu'un homme qui a connu le même type de violences a quatorze fois plus de risques d'en commettre à son tour.

En définitive, tout plaide pour une mise en sécurité rapide et automatique des enfants victimes, pour une prise en charge plus précoce afin de limiter les conséquences sur la santé des victimes.

Nous devons garder en tête que tout retard dans cette mise en sécurité, tout retard dans cette prise en charge équivaut à une perte de chance pour chaque enfant concerné.

Mon groupe soutient donc cette proposition de loi, tout en regrettant que la commission en ait affaibli le texte en revenant sur son article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans son rapport rendu en novembre dernier, Violences sexuelles faites aux enfants : « On vous croit », la Ciivise souligne la difficulté des victimes à être entendues. Seule une victime sur dix révèle les violences au moment des faits, et sur 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année, seuls 19 % des cas donnent lieu à une plainte, cette proportion n'étant que de 12 % en cas d'inceste.

Concernant les violences sexuelles faites aux femmes, ça ne va pas mieux. Une étude du ministère de l'intérieur dévoilée en décembre 2023 indique que seules 5 % des femmes se déclarant victimes de violences sexuelles, dont la moitié connaissait leur agresseur, avaient déposé plainte en 2021.

Il ne s'agit pas de dresser un bilan à charge tant sont réelles les difficultés que rencontrent les acteurs de la lutte contre les violences intrafamiliales à identifier les cas et à protéger les victimes, qui, souvent, craignent pour leur sécurité, celle de leurs enfants, voire celle de leurs agresseurs.

Il nous faut saluer l'action du législateur et des pouvoirs publics tout en gardant à l'esprit l'ampleur des travaux que nous devons continuer à mener.

La réponse pénale est l'un de ces chantiers. Elle doit en effet évoluer et s'adapter afin de toujours mieux protéger les victimes. Le texte que nous examinons aujourd'hui vise à prolonger cette politique volontariste d'aide et de protection des victimes.

Je me réjouis que, sur la quasi-totalité des articles, la navette parlementaire ait permis d'aboutir à un texte commun entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Toutes ces mesures vont dans la bonne direction. Je salue le travail de notre rapporteure, que je remercie, ainsi que le travail de ceux qui sont à l'origine de ce texte.

Mon groupe émet toutefois une réserve importante quant à la version de l'article 1er adoptée par la commission des lois du Sénat. Je crains que notre Haute Assemblée ne se méprenne si elle décidait de maintenir cette version.

Chacun, dans cette assemblée, cherche à défendre l'intérêt des enfants. Si nous discutons le dispositif de l'article 1er, nous ne remettons nullement en cause le dévouement de notre rapporteure sur ce sujet ô combien difficile. Nous n'en demeurons pas moins favorables à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale. Nathalie Delattre défendra donc tout à l'heure un amendement visant à rétablir cette rédaction.

De fait, je ne vois pas de difficulté à ce que la suspension de l'autorité parentale soit effective jusqu'à l'obtention d'un jugement définitif sur les faits incriminés, dès lors qu'un recours auprès du juge aux affaires familiales reste possible pour le parent mis en examen.

Je comprends l'inquiétude de notre rapporteure quant à la longueur des procédures pénales, mais le délai maximal de six mois ne me paraît pas pertinent au regard des faits dont le parent est soupçonné d'être l'auteur, et dont la gravité emporte une possible mise en examen.

Le groupe RDSE attendra l'examen des amendements pour arrêter définitivement sa position, mais il pourrait être favorable à cette proposition de loi qui rejoint et complète l'arsenal législatif protégeant les victimes de violences intrafamiliales.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. - Mme le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, des chiffres effrayants, un constat largement partagé et une volonté commune de changer les choses : voilà ce qui nous réunit de nouveau pour l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

Ce texte consensuel a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, en première lecture tout d'abord, après avoir fait l'objet d'une réécriture transpartisane réalisée en lien avec le ministère de la justice, et le 13 novembre dernier, lors de son deuxième examen.

Les députés ont recherché l'équilibre en reprenant des apports importants du Sénat tels que l'exonération du parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection de communiquer tout changement de résidence à l'autre parent, l'interdiction de présenter une demande en rétablissement de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement avant la fin d'un délai de six mois suivant le jugement de retrait devenu irrévocable ou encore l'obligation, pour le juge, de motiver spécialement sa décision en cas de non-suspension du droit de visite et d'hébergement d'un enfant dans le cadre d'un contrôle judiciaire prononcé pour violences intrafamiliales.

La commission des lois du Sénat, par la voix de sa rapporteure, dont je tiens à souligner le travail de qualité, a quant à elle également fait un pas en direction de nos collègues députés en adoptant quatre articles sans modification.

En revanche, et fort malheureusement, subsiste entre nos deux assemblées un point de désaccord majeur, puisqu'il porte sur l'article 1er de la présente proposition de loi, qui élargit aux faits d'agression sexuelle ou de crime commis sur son enfant les principes et les modalités de suspension de l'autorité parentale et de ses attributs en cas de poursuite par le ministère public, de mise en examen par le juge d'instruction ou de condamnation, même non définitive, pour violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits.

Cette suspension provisoire, telle que souhaitée par les députés, serait effective jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, éventuellement saisi par le parent poursuivi, ou jusqu'à la décision de non-lieu ou jusqu'à la décision de la juridiction de jugement.

La commission a considéré que l'absence de limite dans le temps posait problème au regard de la présomption d'innocence et du droit de chacun de mener une vie normale.

Un vote conforme aurait pourtant permis une adoption rapide et définitive de ces dispositions par le Parlement, ce que nous ne pouvons que regretter.

Comme mon groupe le recommandait en première lecture, il nous semble indispensable de sécuriser la situation de l'enfant. Le retour au texte issu de l'Assemblée nationale, qui conditionne le maintien de cette suspension à une décision du juge, nous semble répondre à cet impératif. Nous vous présenterons un amendement dans ce sens, mes chers collègues.

Le Président de la République a fait de la protection de l'enfance une cause majeure de son second quinquennat. Le groupe RDPI estime que l'urgence à compléter la législation en vigueur pour protéger ces enfants nous oblige, et que la mobilisation de chacun d'entre nous est un impératif qui mène au vote de ce texte, mes chers collègues.

Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été indiqué précédemment, en France, près de 400 000 enfants vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent. Dans 21 % des cas, les enfants sont directement victimes de ces violences qui leur laissent des séquelles psychologiques et physiques graves.

Cette proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, déposée par notre collègue députée Isabelle Santiago après un travail avec la Chancellerie, nous revient en deuxième lecture, après avoir été de nouveau adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Ce texte constitue un pas de plus vers la protection des enfants. Il s'inscrit dans un continuum législatif qui, peu à peu, se consolide. Si nous sommes à chaque fois au rendez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous continuons d'espérer une grande loi sur la protection des femmes et des enfants, ainsi que sur les violences intrafamiliales, comme le soulignait ma collègue Laurence Rossignol en première lecture.

La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste a opéré un changement attendu dans l'appréhension pénale des violences sexuelles perpétrées sur des victimes mineures en insérant dans le code pénal de nouvelles infractions d'agressions sexuelles autonomes sur mineurs de moins de 18 ans dans le cas de l'inceste.

Rappelons que c'est le groupe socialiste qui avait, par amendement, proposé de relever l'âge du non-consentement de 15 à 18 ans dans le cadre du crime d'inceste.

Lors de l'examen de cette loi, de nombreuses associations avaient reproché au Parlement de ne pas être allé assez loin, notamment sur la question du retrait de l'autorité parentale, autorité trop souvent instrumentalisée par le parent auteur de crime ou d'inceste afin de garder une emprise sur la ou les victimes.

Lors de l'examen de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, notre groupe, par la voix de Michelle Meunier – je salue au passage l'ensemble des travaux relatifs à la protection de l'enfance de la commission des affaires sociales –, avait proposé par amendement le retrait de l'autorité parentale, notamment dans le cadre de l'ordonnance de protection. Cette disposition avait alors été rejetée. C'est regrettable, car de nombreux mois ont été perdus.

Le cœur du dispositif de cette proposition de loi est bien l'article 1er – tous les orateurs qui m'ont précédée l'ont souligné – relatif à la suspension de l'autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d'hébergement pendant toute la durée présentencielle, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant, soit enfin pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits.

Alors que l'article 1er a été voté à l'unanimité par les députés dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat, sur l'initiative de notre rapporteure, a vidé cet article de l'essentiel de son contenu en première comme en deuxième lectures.

Les dispositions relatives aux violences conjugales sont ainsi supprimées, comme la suspension de l'autorité parentale de plein droit pendant toute la durée de la procédure.

Nous le regrettons, et nos regrets sont partagés par d'autres groupes au Sénat, comme nous avons pu l'entendre. Un vote conforme aurait par ailleurs permis d'appliquer le nouveau dispositif plus rapidement.

Je rappellerai qu'une procédure peut durer plusieurs années, et qu'il est indispensable de protéger l'enfant pendant l'intégralité de cette période. Cette protection doit du reste être étendue de manière à inclure la protection du parent victime et la protection contre l'emprise du parent violent sur la victime par l'instrumentalisation de l'enfant.

Protéger l'enfant est primordial, mais cela emporte aussi de protéger le parent victime, la plupart du temps la mère. Rappelons que le nombre de féminicides a augmenté de près de 20 % lors des trois dernières années, et que pour l'année en cours, quatorze victimes sont déjà à déplorer, alors que nous ne sommes qu'au début du mois de février.

Notre groupe a donc déposé un amendement visant à rétablir l'article 1er dans sa version issue de l'Assemblée nationale, et ce afin de recentrer le texte sur son objet initial. La démonstration faite par le garde des sceaux précédemment montre que cette version du texte est équilibrée.

Je ferai deux remarques pour conclure.

Nous attendons encore des évolutions en termes de droit de l'enfant, notamment le droit pour celui-ci d'être entendu ou d'être automatiquement assisté par un avocat lors de toute procédure judiciaire le concernant.

M. Xavier Iacovelli applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Les annonces gouvernementales du mois de mai dernier, relatives notamment à la création de pôles spécialisés, vont certes dans la bonne direction, mais, au-delà des textes, la question des moyens se pose. Il ne faudrait pas, au prétexte que l'argent manque, limiter la portée de cette proposition de loi.

En tout état de cause, notre position est claire, mes chers collègues : nous voterons cette proposition de loi si l'article 1er est rétabli dans sa version issue de l'Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis SZPINER

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens à rendre hommage au travail de Marie Mercier et de la commission des lois du Sénat. Nous avons travaillé à l'élaboration de ce texte en nous efforçant d'établir la rédaction la plus consensuelle possible.

Le débat que suscite l'article 1er n'est pas un débat médiocre. Si nous sommes tous attachés à la cause de la défense des enfants, mes chers collègues, il n'en demeure pas moins que le dispositif voté par l'Assemblée nationale soulève tout de même quelques difficultés. La suspension provisoire ne peut pas s'exercer sans contrôle.

J'attire l'attention du Sénat sur le fait que la Convention européenne des droits de l'homme prévoit le droit à la vie familiale et le droit au juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis SZPINER

Un recours est certes en cours, ma chère collègue, mais, pour avoir fréquenté longuement les tribunaux, et souvent pour La Voix de l'enfant, je puis vous dire – et vous le savez bien - qu'en fonction des territoires, la saisine d'un juge aux affaires familiales peut prendre de huit à quatorze mois. Et je ne parle même pas de l'éventualité d'une contestation, qui constitue un autre droit, devant la cour d'appel !

L'article 1er permet de concilier la présomption d'innocence, à laquelle je vous sais particulièrement attaché, monsieur le garde des sceaux, …

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Vous aussi, non ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis SZPINER

… et les droits de l'enfant et le droit au juge.

Nous demandons tout simplement que le juge aux affaires familiales puisse être saisi, sous le contrôle du procureur de la République.

Si une telle disposition ne porte en rien atteinte à la protection de l'enfant, elle constitue une protection pour des personnes qui sont a priori présumées innocentes, qu'elles fassent l'objet d'une procédure à caractère criminel dont le délai d'achèvement se compte en années ou qu'elles fassent l'objet d'une enquête préliminaire, ce qui, en l'absence de notification de mise en examen, interroge quant à leur qualité de personnes poursuivies.

Par cette rédaction, la commission des lois du Sénat s'est donc simplement efforcée de protéger les libertés individuelles, dont, même en matière d'atteintes aux droits de l'enfant, nous ne pouvons pas faire litière, mes chers collègues. Le texte qui vous est proposé est équilibré.

En quoi la disposition retenue par la commission des lois et Mme le rapporteur serait-elle de nature à porter atteinte aux droits et à la protection de l'enfant ? Elle ne leur porte atteinte en rien. En revanche, elle préserve des personnes poursuivies qui ne seraient pas coupables – cela peut arriver – et qui se retrouvent dans une sorte de no man's land.

L'on me rétorquera qu'il est possible de saisir le juge. Je vous renvoie toutefois à la réalité de la pratique judiciaire, mes chers collègues. En la matière, et malgré l'augmentation considérable des budgets dont il faut rendre le mérite au garde des sceaux, force est de constater que la justice civile reste encore un parent pauvre de la justice, et que beaucoup reste à faire.

Telles sont les raisons pour lesquelles il me paraît préférable qu'à l'issue d'une période de suspension automatique, un débat contradictoire permette à chacune des parties de s'exprimer devant un magistrat indépendant. C'est le fondement même de nos libertés !

L'orateur martèle son pupitre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis SZPINER

En conséquence, mes chers collègues, je vous demande de soutenir cette proposition de loi et la rédaction nouvelle de l'article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - MM. Pierre-Antoine Levi et Fabien Genet applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les violences intrafamiliales représentent un véritable fléau pour notre société. Par définition, elles relèvent de la sphère privée, ce qui explique que l'on ait mis tant de temps à les prendre en compte dans le débat public.

Un enfant qui subit de telles violences, directement ou indirectement, en portera en lui la douleur tout au long de sa vie ; et l'adulte qui vit avec ce fardeau est un individu meurtri, torturé. Il aura toujours en lui une part d'ombre et, sans être responsable en quoi que ce soit des faits commis, éprouvera souvent une immense culpabilité.

On estime, en France, entre 10 % et 20 % la proportion d'adultes ayant subi de telles violences lorsqu'ils étaient mineurs : des millions de nos concitoyens sont donc directement concernés.

C'est pourquoi, au nom du groupe auquel j'appartiens, je me réjouis que l'exécutif se soit emparé de ce sujet avec tant de détermination. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture a d'ailleurs été inscrite à l'ordre du jour pendant une semaine réservée au Gouvernement ; je tenais à le rappeler.

La réunion de la Ciivise, il y a près de trois ans, a permis de mettre nos institutions à l'écoute des victimes. C'était un préalable indispensable pour que le législateur puisse mieux appréhender ce problème terriblement complexe.

Évidemment, pour lutter contre les violences intrafamiliales, il vaut mieux protéger la victime en la plaçant à l'abri de son agresseur.

Mes chers collègues, ce sujet est on ne peut plus sensible. En la matière, nous devons légiférer avec la plus grande prudence en nous en tenant à deux objectifs clairs : préserver l'intérêt supérieur de l'enfant et valoriser la parole des victimes. Ces deux enjeux doivent primer toute autre considération.

À ce stade de la navette parlementaire, plusieurs avancées ont été entérinées.

Je pense notamment à l'article 2, qui prévoit l'automaticité du retrait de l'autorité parentale et de son exercice, lorsque des violences ou un crime ont été commis contre l'autre parent ou lorsque l'enfant a subi un viol. Sur ce point, la navette a permis d'aboutir à un dispositif à la fois efficace et équilibré.

Ce n'est pas encore le cas pour l'article 1er.

Mme la rapporteure de la commission des lois, dont je tiens à saluer le travail consciencieux et rigoureux, a proposé de rétablir la version adoptée par le Sénat en première lecture, en conservant au juge aux affaires familiales la faculté de se prononcer sur la suspension provisoire de l'autorité parentale.

J'entends certains de nos collègues – et ils sont nombreux – insister pour que ce texte soit adopté et promulgué le plus rapidement possible, afin qu'il produise ses effets au plus vite et qu'un maximum d'enfants soient ainsi mis à l'abri.

Je comprends leur souci de diligence, que je fais mien ; mais je tiens à leur rappeler qu'il ne faut jamais confondre vitesse et précipitation, surtout lorsqu'il s'agit d'écrire la loi.

J'en suis convaincu : mieux vaut prendre le temps nécessaire pour concevoir la meilleure loi possible plutôt que de se hâter et d'adopter un texte probablement moins efficace ou moins équilibré.

Certes, l'Assemblée nationale a envoyé un message fort en votant sa version du texte à l'unanimité ; mais l'unanimité d'une chambre ne remet pas en cause le bicamérisme. Le Sénat doit poursuivre son travail de manière sereine et sérieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Les élus de notre groupe soutiennent l'adoption de cette proposition de loi tout en jugeant le texte de la commission plus équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. - M. Louis Vogel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au sujet des violences commises, en France, contre les enfants au sein de la famille, qu'ils en soient les victimes directes ou les covictimes, les chiffres sont vertigineux.

Au total, 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences conjugales et plus de 160 000 sont victimes chaque année de violences sexuelles. En outre, un enfant meurt tous les cinq jours à la suite de violences intrafamiliales.

N'oublions pas non plus que, même si les enfants ne sont pas directement l'objet des violences, ces dernières ont aussi un effet destructeur.

Pour ces enfants témoins, les répercussions de telles violences sont très graves, qu'il s'agisse de leur développement, de leur santé, de leur construction, de leur scolarité ou de leur vie sociale.

De plus, il n'est pas rare que l'enfant victime soit contraint de maintenir des liens avec le parent violent : cela peut paraître absurde et révoltant, mais c'est pourtant le cas.

Trop longtemps, l'idée selon laquelle on peut être un mari violent, mais un bon père, a prévalu, jusque dans nos tribunaux. Le présent texte entend corriger cela.

Bien entendu, nous ne partons pas de rien. Je pense par exemple à la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, dont vous étiez déjà la rapporteure, chère Marie Mercier. Je pense aussi, bien sûr, à la loi Billon, du nom de notre collègue ici présente, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

Monsieur le garde des sceaux, l'action du Gouvernement mérite aussi d'être saluée ; je connais d'ailleurs votre volontarisme en la matière.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Merci, madame la sénatrice !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Cette proposition de loi, que nous examinons en deuxième lecture, entend renforcer notre arsenal juridique afin de répondre à un enjeu que nous faisons tous nôtre ici : mieux protéger les enfants.

Concrètement, le présent texte permettra de suspendre plus facilement et plus rapidement, non seulement l'autorité parentale, mais aussi les droits de visite et d'hébergement.

Les faits concernés sont des crimes, parmi les plus graves, qui visent directement l'enfant ou l'autre parent. Ce texte apporte toutefois des limites nécessaires – je pense par exemple à la possibilité, pour le parent concerné, de saisir le juge aux affaires familiales pour réexaminer la décision de retrait.

Non seulement ce texte prévoit une suspension provisoire en cas de poursuite et un retrait total en cas de condamnation, mais il instaure un cas de délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers.

En outre, sur l'initiative de notre collègue Laurence Rossignol, il dispense le parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection d'informer l'autre parent de son changement de résidence. Cette demande est formulée de longue date par toutes les associations de victimes : elle sera bientôt enfin satisfaite.

Enfin, je me félicite de l'adoption conforme de l'article 3 bis, issu d'un amendement que j'avais déposé en première lecture en commission.

Cet article pose le principe de la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant dans le cadre d'un contrôle judiciaire comprenant une interdiction d'entrer en contact ou d'une obligation de résider hors du domicile du couple. Le juge devra dorénavant justifier la décision de ne pas ordonner cette suspension – jusqu'à présent, c'était l'inverse.

Il s'agit d'une des mesures récentes prises en la matière par l'Espagne, qui a vu les féminicides augmenter lors des passages de bras. Nous avons appelé l'attention sur cette disposition dans le cadre du plan rouge VIF.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Mes chers collègues, quatre articles ayant été votés conformes, cinq articles restent en discussion, dont quatre ont déjà été adoptés sans modification en commission.

Je tiens ici à saluer le travail et la recherche de compromis de notre rapporteure, Marie Mercier, dont l'engagement sur ce sujet est connu de tous.

J'insiste sur l'article 1er, le seul qui nous occupera véritablement aujourd'hui. La commission estime avec raison que l'alinéa 3 est à la fois peu clair et déjà satisfait. Toutefois, je considère que les apports du premier alinéa méritent d'être conservés.

Dans la rédaction de l'Assemblée nationale, la saisine du juge aux affaires familiales pour réexamen de la mesure de suspension est effectivement facultative et prise sur l'initiative du parent concerné ; mais est-ce vraiment une mauvaise chose ?

L'article 1er n'a vocation à s'appliquer que dans les affaires les plus graves : le parent poursuivi sera forcément assisté d'un avocat, qui saura lui rappeler la nécessité de saisir le juge aux affaires familiales. À ce titre, si j'entends bien M. Szpiner, des délais de six ou de huit mois ne sont pas si différents. Il me semble qu'une telle solution peut se révéler tout à fait satisfaisante.

Quant au parent qui, malgré tout, ne voudra pas effectuer cette saisine, peut-être aura-t-il de bonnes raisons de procéder ainsi ; nous aurons l'occasion d'en débattre.

Quoi qu'il en soit, dans un esprit de compromis, les élus du groupe Union Centriste voteront ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en France, un enfant meurt sous les coups de ses parents chaque semaine ; un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes. Pas une minute de plus nous ne saurions tolérer ces violences.

Certes, au cours des dernières années, l'ampleur des violences intrafamiliales a fait l'objet d'une prise de conscience. Il n'empêche que ces violences continuent le plus souvent à l'abri des regards : ainsi, seules 12 % des victimes d'inceste arrivent à porter plainte.

« On te croit » : c'est ce que chaque victime mérite de ressentir. Mais puisque les violences sont systémiques, croire les victimes n'est qu'une étape de la lutte contre ces violences.

Nul n'ignore que des mesures ont déjà été prises.

Je salue évidemment les annonces du plan de lutte contre les violences faites aux enfants pour les années 2024 à 2027, présenté en décembre dernier. Mais, si ce plan va dans le bon sens, beaucoup reste à faire, y compris pour faciliter le recueil des témoignages.

Il est tout aussi primordial que nous protégions les enfants victimes de violences intrafamiliales. D'une part, cette protection suppose une augmentation de moyens, y compris pour accélérer le traitement des affaires par notre système judiciaire, qui souffre toujours du sous-investissement chronique des dernières décennies. D'autre part, nous devons rendre notre législation plus protectrice pour les enfants victimes de violences.

La loi de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est malheureusement restée muette sur plusieurs aspects ; la proposition de loi de notre collègue députée Isabelle Santiago entend donc aller plus loin, dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Grâce au travail constructif et transpartisan mené en première lecture, le présent texte contient des avancées que les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiennent sans réserve. C'est le cas, par exemple, du retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime commis sur l'autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime commis sur l'enfant.

Madame la rapporteure, nous sommes ravis que quatre des cinq articles qui restent en discussion aient été adoptés conformes en commission, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

… grâce à votre esprit de compromis. Nous espérons vivement que l'examen des articles permette de renforcer la protection des enfants dont le parent est poursuivi par le ministère public pour un crime commis sur la personne de l'autre parent ou pour des violences sexuelles incestueuses.

Pour autant, comme l'ensemble de mes collègues du groupe écologiste, à commencer par Mélanie Vogel, qui m'a chargé de la représenter à cette tribune, je regrette que l'examen de ce texte en deuxième lecture ne permette pas une traduction législative des préconisations de la Ciivise. Pourtant, ces dernières portent directement sur la problématique dont nous traitons.

Je pense notamment au principe consistant à interdire toute confrontation directe entre la victime des violences sexuelles incestueuses et l'agresseur mis en cause, confrontation qui se révèle traumatique pour la victime. Ce n'est là qu'un exemple des nombreuses failles que les travaux monumentaux de la Ciivise ont permis d'identifier et qui permettent aux violences de persister à l'abri des regards.

Sous la coprésidence de Nathalie Mathieu et d'Édouard Durand, cette commission a relevé un grand nombre d'obstacles persistants, s'opposant à une poursuite pénale efficace. Il apparaît ainsi que la vidéo des premières auditions des victimes reste très peu visionnée par les juges.

De ces préconisations, on n'entend quasiment pas parler dans le plan de lutte contre les violences faites aux enfants : on croirait presque que le Gouvernement a décidé d'effacer ces travaux précurseurs de l'Histoire au moment même où il imposait à la Ciivise un changement d'orientation radical, choix qui a contraint plusieurs de ses membres à démissionner.

Monsieur le garde des sceaux, je m'adresse donc à vous : qu'allez-vous faire pour mettre fin aux manquements identifiés par la Ciivise ?

En attendant, nous allons veiller à ce que le présent texte, que nous soutenons pleinement, soit le plus protecteur possible pour les victimes.

Mme Émilienne Poumirol applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Muller-Bronn

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail accompli sur ce texte important par notre rapporteure, Marie Mercier, ainsi que les apports de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences faites aux enfants, dont nous venons d'entendre les louanges, lesquels ont permis d'enrichir ce texte.

Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, le plus souvent dans le cercle familial, comme l'a rappelé l'ancien président de la Ciivise, le juge des enfants Édouard Durand. Parallèlement, le nombre de plaintes reste beaucoup trop faible pour lutter contre ce système d'impunité intrafamiliale, qui profite toujours aux agresseurs.

Monsieur le garde des sceaux, pourquoi avons-nous perdu tant de temps pour protéger ces enfants, pour les mettre à l'abri de parents destructeurs ? Pourquoi leur statut de victimes a-t-il été si longtemps ignoré, alors qu'il devait être au centre de nos préoccupations ?

Le temps est venu de prendre conscience de la gravité et des conséquences de ces violences sur le développement de l'enfant.

Le présent texte va enfin permettre de renforcer la procédure de retrait de l'autorité parentale : c'est une mesure de bon sens, qui doit devenir la règle pour les cas de crimes et d'agressions sexuelles.

Alors députée, notre collègue Valérie Boyer avait d'ailleurs proposé une mesure identique à l'Assemblée nationale dès 2019, préconisant de faire du retrait de l'autorité parentale le principe et de son maintien l'exception. Mais ladite disposition a hélas ! toujours été rejetée par le Gouvernement.

Grâce à la mobilisation du président Retailleau en commission mixte paritaire, une version remaniée de cette mesure a pu être inscrite dans la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. C'était en 2019.

Nous pouvons remercier nos deux collègues du travail accompli, tout en déplorant une nouvelle fois le temps perdu depuis lors par le Gouvernement pour renforcer la protection des enfants.

Nous sommes en 2024 et l'accumulation des textes législatifs a entraîné une inertie insupportable pour les victimes.

Tous les jours ou presque, des conjoints violents se servent des enfants. Tous les jours ou presque, ces enfants sont réduits au rang d'objets de transaction, qui permettent aux parents violents de maintenir une tyrannie quotidienne.

Ces enfants, qui vivent dans un foyer violent, sont restés trop longtemps invisibles et inaudibles pour les pouvoirs publics et les institutions judiciaires. Pourtant – nous le savons tous –, ces violences créent un stress post-traumatique. Leurs victimes s'en trouvent marquées pendant des années, voire pour toute leur vie.

En maintenant ces enfants sous l'autorité de parents abusifs, incestueux et criminels, nous les condamnons à voir se multiplier non seulement les atteintes de leurs agresseurs, mais aussi les atteintes qu'ils s'infligent à eux-mêmes – dépression, addictions ou même suicide –, ainsi que les atteintes aux autres.

On ne le répétera jamais assez : un parent violent ne peut être considéré comme un bon parent. Une société qui ne sait pas protéger ses enfants est une société malade et la violence faite à ces enfants relève aussi de notre responsabilité en tant que législateur.

Je souhaite que ce texte provoque une prise de conscience telle que chacun se sente investi d'une responsabilité face à ces problèmes, bien trop longtemps passés sous silence.

Le combat pour la protection des enfants est l'affaire de tous. Je voterai donc cette proposition de loi, qui replace l'enfant au centre du système judiciaire.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

L'article 378-2 du code civil est ainsi modifié :

1° Après le mot : « poursuivi », sont insérés les mots : « par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction » ;

2° Après la seconde occurrence du mot : « parent », sont insérés les mots : « ou pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. – L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l'ensemble de la fratrie jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.

« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit pour l'ensemble de la fratrie jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Les élus du groupe CRCE-K proposent de rétablir l'article 1er de cette proposition de loi dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Avec cet amendement, nous défendons nous aussi la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite, non seulement pour l'enfant victime, mais aussi pour les autres enfants de la fratrie.

Nous le savons : les faits de violences, notamment sexuelles et incestueuses, ne touchent pas le seul enfant subissant les faits. Les autres enfants de la fratrie en sont tous les victimes collatérales.

Un parent qui commet un crime sur l'un de ses enfants commet très souvent un crime sur un autre membre de la fratrie. L'extension de la suspension de l'autorité parentale à toute la fratrie éviterait d'avoir à mener une procédure longue et coûteuse pour protéger chacun des enfants. Tous seraient protégés du même coup.

Dans le cas où les autres enfants n'ont pas été victimes de crime de la part du parent accusé, la protection de l'ensemble de la fratrie permettrait d'éviter que le parent maltraitant ne maintienne son emprise sur les autres enfants ou ne réitère sur eux ses agissements passés : ces enfants auront été soustraits à sa violence.

Enfin, en procédant ainsi, l'on éviterait une mise à l'écart de l'enfant victime par rapport au reste de la fratrie : dans de telles situations, briser le silence, c'est faire exploser la cellule familiale. Il convient de protéger autant que possible toutes les victimes, toute la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les cinq amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 1 rectifié ter est présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mmes Sollogoub, Guidez et Antoine, M. Laugier, Mme O. Richard, MM. Longeot, Kern, Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme Herzog, MM. Maurey et Pillefer, Mme Romagny et MM. Hingray, Courtial et P. Martin.

L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Harribey, Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Chaillou et Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 3 rectifié bis est présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Masset, Bilhac, Cabanel, Daubet, Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Roux, Mme Pantel, M. Fialaire et Mme Girardin.

L'amendement n° 7 est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, MM. Bitz, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Rohfritsch, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 13 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378 -2. – L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.

« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la condamnation. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Cet amendement vise à rétablir l'article 1er dans sa version transmise par l'Assemblée nationale.

J'entends les inquiétudes qui s'expriment quant au respect de la présomption d'innocence, mais cette rédaction permet justement au parent poursuivi de saisir le JAF.

Les désaccords manifestes entre nos deux chambres et dans notre hémicycle le prouvent : il n'est pas évident de trouver un équilibre entre la protection de l'enfant et le droit de mener une vie familiale normale. Nous devons donc nous demander ce qui prime ; ce à quoi nous entendons donner la priorité.

Je rappelle que, dans notre pays, un enfant est tué par l'un de ses parents tous les cinq jours en moyenne. Les parents représentent 86 % des auteurs présumés de maltraitance et 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. Qu'allons-nous dire à toutes ces victimes ? Qu'au regard de la présomption d'innocence, il était disproportionné de les maintenir éloignés de leurs parents violents ? Pourquoi sacrifier la vie, la sécurité et le bien-être des enfants ?

Par ailleurs, les dispositions proposées permettent de prendre en considération les condamnations pour violences conjugales au-delà des seuls crimes commis par l'un des parents à l'égard de l'autre parent en présence de l'enfant.

En 2020, huit femmes victimes de violences sur dix avaient des enfants. En 2021, douze enfants ont été tués dans un contexte de violences conjugales ; mais, cette disposition étant peut-être satisfaite, je souhaite entendre Mme la rapporteure sur ce second point.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Laurence Harribey, pour présenter l'amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Nous demandons nous aussi le rétablissement de l'article 1er dans la version adoptée par l'Assemblée nationale.

Cette proposition de loi – je le rappelle – part d'un constat simple : les chiffres des violences commises envers les enfants sont particulièrement alarmants et nous ne pouvons plus détourner le regard.

Mes chers collègues, les enfants sont ce qu'une société a de plus précieux.

J'ai été assez sensible à l'argumentation développée par M. Szpiner lors de la discussion générale. Nous sommes bel et bien face à une question d'équilibre : il faut préserver les libertés individuelles tout en assurant la protection des uns et des autres.

Or, en la matière, la liberté individuelle ne me semble pas mise en cause : je le souligne à mon tour, le parent poursuivi pourra demander au juge de surseoir à cette suspension de l'autorité parentale.

Non seulement l'équilibre évoqué existe, mais on ne saurait, au nom de la liberté individuelle, dont je ne sous-estime nullement l'importance, mettre en péril la protection, voire la vie même des enfants.

Nous devons tout simplement raisonner autrement en adoptant une nouvelle approche juridique. En somme, le mouvement est le même que pour le renversement de la charge de la preuve : ce n'est pas à la victime, mais à la personne soupçonnée d'apporter la preuve de son innocence en demandant au juge de revenir sur sa décision.

J'y insiste, le présent texte est équilibré : M. le garde des sceaux l'a d'ailleurs démontré dans son propos liminaire. Il est important de revenir à la version de l'article 1er adoptée par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l'amendement n° 3 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

J'abonde dans le sens des oratrices précédentes : comme l'a souligné Maryse Carrère, présidente de notre groupe, lors de la discussion générale, nous soutenons nous aussi la rédaction de l'article 1er adoptée par l'Assemblée nationale.

Il est bon de le rappeler : cette version prévoit la suspension de l'exercice de l'autorité parentale dès le stade des poursuites, pour les agressions sexuelles incestueuses, les crimes commis contre l'enfant et les crimes commis contre l'autre parent, ce jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, saisi par le parent poursuivi, la décision de non-lieu du juge d'instruction ou la décision de la juridiction de jugement.

Nous parlons d'un sujet majeur et ce mécanisme nous semble aller pleinement dans l'intérêt de la protection de l'enfant.

Nous ne saurions faire preuve de timidité ou nous contenter d'un entre-deux. Il ne peut pas y avoir de compromis en la matière, d'autant que ce dispositif – M. le garde des sceaux l'a bien dit et Mme Harribey l'a rappelé – est assorti d'un garde-fou : le parent mis en examen conserve la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales.

Or la durée maximale de six mois, proposée par la commission, me donne précisément l'impression d'être un choix de compromis. Comment justifier ce délai auprès d'un enfant qui a subi de telles violences ou en a été le témoin ?

À nos yeux, la lenteur des procédures, encore aggravée par l'accumulation des dossiers sur les bureaux des juges, ne saurait être un argument ; à cet égard, il faut avant tout assurer un renforcement des moyens.

J'espère que notre assemblée reviendra au texte de l'Assemblée nationale…

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Ce faisant, elle aboutira à un vote conforme, qui permettra la nécessaire accélération de ce travail législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l'amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Ces dispositions ont été parfaitement défendues par les oratrices successives.

Afin de compléter le travail formidable accompli par Mme la rapporteure, nous souhaitons revenir, sur ce point précis, au texte voté par l'Assemblée nationale.

Mes chers collègues, ces dispositions permettent de sécuriser la situation de l'enfant ; elles sont plus protectrices. En particulier, elles prévoient la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale dans les conditions qui ont été rappelées.

C'est afin de poursuivre notre œuvre de coconstruction législative que nous souhaitons revenir à cette rédaction de compromis, conciliant les deux objectifs visés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l'amendement n° 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Nos deux assemblées s'accordent sur la nécessité de permettre la suspension de l'autorité parentale du parent inculpé pour des violences sexuelles incestueuses ou pour un crime commis sur la personne de l'autre parent. Mais, comme en première lecture, la majorité sénatoriale souhaite toujours limiter cette suspension à six mois.

Or les juges aux affaires familiales sont débordés et, dans ces conditions, il leur est difficile de statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale dans un tel délai. Les statistiques du ministère de la justice le confirment : en la matière, la décision du juge aux affaires familiales n'est prise, en moyenne, qu'après sept mois ; ce délai dépasse même dix mois dans certains tribunaux.

En pareil cas, que se passerait-il ? L'exercice de l'autorité parentale serait suspendu pour protéger l'enfant pendant six mois, puis cette suspension serait levée. Le parent poursuivi pour violences graves retrouverait alors le plein exercice de tous les droits dont il disposait auparavant. Il se peut qu'il soit condamné peu après : ses droits lui seraient de nouveau retirés, toujours dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Mais pendant quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois, ce dernier risque de se retrouver dans une situation dangereuse et d'être exposé à des violences.

C'est précisément le type de situation que nous devons éviter. Pour protéger l'enfant de potentielles violences, il faut permettre une suspension provisoire au-delà de six mois, comme l'ont prévu nos collègues députés. De plus, il faut suspendre provisoirement l'exercice de l'autorité parentale du parent condamné pour des violences majeures sur l'autre parent en attendant la décision définitive. Cette mesure a elle aussi été adoptée à deux reprises, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 10, présenté par Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378 -2. – L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit pour l'ensemble de la fratrie jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal. »

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne CORBIÈRE NAMINZO

Par cet amendement de repli, les membres du groupe CRCE-K proposent une nouvelle fois de revenir au texte de l'Assemblée nationale.

Se retranchant derrière la présomption d'innocence et le droit de chacun de mener une vie normale, la commission des lois du Sénat a supprimé la suspension de l'autorité parentale sans limite dans le temps jusqu'à la décision du juge ; elle l'a réduite à une suspension décidée en urgence, pour une durée de six mois.

Une telle mesure ne suffit pas à ériger la protection des enfants en priorité absolue. Elle signifie qu'au bout de six mois un enfant victime d'inceste ne serait plus protégé ; qu'il pourrait se retrouver sous l'emprise de son parent violent, l'exposant à maints dangers ; qu'il serait soumis au contrôle de son bourreau et, dès lors, pourrait cesser de parler des violences qu'il subit.

Non seulement ces dispositions entraveraient la libération de la parole des victimes de violences, mais elles entraîneraient la mise en danger de celles-ci.

Mes chers collègues, en cas d'inceste, les violences se déploient presque toujours de manière insidieuse. Je vous pose la question : selon vous, combien de temps faut-il à un enfant pour prendre conscience qu'il subit des violences, notamment de nature incestueuse, de la part de quelqu'un en qui il a entière confiance et pour qui il ferait tout ? Ne lui faut-il que six mois et pas un jour de plus ?

Il nous semble bel et bien nécessaire de rétablir la rédaction votée par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Billon, MM. Lafon et Longeot, Mme Tetuanui, M. Dhersin, Mme Antoine, MM. Pillefer, Laugier et Kern, Mme Herzog et MM. Maurey, Hingray, Courtial et P. Martin.

L'amendement n° 12 rectifié est présenté par Mme Vérien, M. Bonneau, Mmes Sollogoub, Guidez et O. Richard, MM. Delcros, J.M. Arnaud, Levi et Folliot, Mme de La Provôté, MM. Capo-Canellas et Delahaye et Mmes Romagny et Jacquemet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378 -2. – L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal. »

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 4 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 1 rectifié ter, qui avait surtout pour objet de demander des précisions à Mme la rapporteure.

Il tend à ne rétablir qu'un alinéa de la version de l'Assemblée nationale, afin d'inscrire dans le code civil la recommandation n° 52 de la Ciivise : la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse sur la personne de son enfant.

Comme je l'ai dit précédemment, la protection des enfants doit nous guider ; le bien-être supérieur de l'enfant doit être notre boussole. Un Français sur dix a été victime d'inceste durant son enfance, soit plus de 5 millions de femmes et d'hommes. Les chiffres et les statistiques font écho au quotidien et au passé traumatique de millions de Français et Françaises.

Les enfants victimes ne sont pas les seuls concernés par ce dispositif : les frères et sœurs d'une même fratrie seraient également protégés, et ce jusqu'à la décision du juge. La suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement s'appliquera nécessairement à tous les enfants sur lesquels le parent poursuivi ou condamné exerce son autorité.

Au-delà des violences physiques, nous devons traiter l'ensemble des traumatismes au sein d'une même famille. En réintégrant cette disposition, nous changerions de logiciel dans la manière d'aborder les violences sur des enfants et les violences intrafamiliales.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l'amendement n° 12 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

est-il nécessaire de saisir automatiquement le juge aux affaires familiales, dès lors qu'un avocat peut tout à fait conseiller à son client de le faire ?

Par ailleurs, M. Szpiner a relevé que le juge mettait entre huit et quatorze mois pour statuer : que se passe-t-il entre la fin du délai de six mois et le moment où ce dernier prononce sa décision ?

Le juge aux affaires familiales pouvant être saisi, la suspension que nous proposons répond totalement au besoin de liberté et, très clairement, protège beaucoup mieux l'enfant.

En revanche, nous ne reprenons pas l'alinéa 3, qui est redondant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Tous ces amendements visent à rétablir le texte de l'Assemblée nationale, selon diverses variantes.

L'amendement n° 9 tend à rétablir le texte des députés en précisant que la suspension concerne tous les enfants de la fratrie.

Les amendements identiques n° 1 rectifié ter, 2, 3 rectifié bis, 7 et 13 visent à rétablir purement et simplement le texte de l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 10 de Mme Corbière Naminzo est un amendement de repli par rapport à son amendement n° 9, sans le mécanisme de suspension spécifique en cas de violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. Je rappelle que la commission juge ce mécanisme à la fois très complexe et superfétatoire puisque, en cas de condamnation, le tribunal devrait se prononcer directement sur l'autorité parentale.

Les amendements identiques n° 4 rectifié bis et 12 rectifié sont des amendements de repli qui tendent à ne rétablir que le mécanisme de suspension en cas de crime et d'agression sexuelle incestueuse.

La commission a réaffirmé son attachement au fait qu'un juge aux affaires familiales soit systématiquement saisi pour prolonger la suspension au-delà de six mois. Voilà l'objectif : que le JAF puisse prolonger cette suspension, après l'avoir prononcée pour six mois dans un premier temps, et non qu'il y mette fin à l'issue de ce délai.

La commission émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.

Toutefois, si le Sénat devait adopter certains de ces amendements, je conseillerais, à titre personnel, d'opter pour les n° 4 rectifié bis et 12 rectifié, qui ne reprennent que le dispositif principal, et non le mécanisme spécifique de suspension en cas de condamnation pour violences volontaires ayant occasionné une ITT de plus de huit jours.

En ce qui concerne la question de la fratrie, il semble, madame Corbière Naminzo, que tous les enfants sur lesquels le parent exerce son autorité parentale soient concernés par le dispositif, le but étant une mise à l'abri. Pouvez-vous, monsieur le garde des sceaux, le confirmer ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Bien sûr ! Cela figure déjà dans le droit positif.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, mon propos sur l'ensemble de ces amendements ne sera pas bref, mais il ne sera pas long.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Au préalable, je signale à M. le sénateur Spziner qu'il ne dispose pas des derniers chiffres sur les délais de décision en matière d'affaires familiales ; ce sont là de vieilles statistiques. Sachez que, depuis que des contractuels ont été massivement envoyés dans les juridictions, nous avons assisté à l'échelle nationale à un phénomène de déstockage très important. Les décisions sont désormais rendues beaucoup plus rapidement.

Ensuite, la présomption d'innocence ne peut être traitée comme une tarte à la crème : on ne peut pas, si j'ose dire, mettre un principe aussi important à toutes les sauces. Lorsque l'on décide d'un placement en détention, on peut dire que cela viole la présomption d'innocence ; lorsque l'on prépare une ordonnance d'éloignement, comme nous sommes en train de le faire – la première lecture du texte en question interviendra dans les jours qui viennent –, on ne peut pas dire que l'on viole la présomption d'innocence.

Enfin – dernière remarque avant de donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements –, madame Harribey, vous avez évoqué un inversement de la charge de la preuve… Comme vous y allez !

Mme Laurence Harribey sourit.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je sais que c'est une revendication de plus en fréquente, en particulier dans les affaires de mœurs, mais le jour où nous le ferons, alors, comme le disait Émile Pollak, justice est morte et nous irons nous coucher.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

C'est surtout le cas en droit de l'environnement !

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

J'entends bien, mais je ne vous ai pas interrompue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Oui, ne vous laissez pas interrompre, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Il n'est pas question d'envisager une seconde l'inversion de la charge de la preuve.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous proposez, par ces multiples amendements, de rétablir la version de l'article 1er adoptée par l'Assemblée nationale, qui crée deux mécanismes de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et de droit de visite et d'hébergement.

Le premier interviendrait en cas de poursuites ou de condamnation du parent pour un crime commis sur l'autre parent ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur l'enfant.

Ce mécanisme s'appliquerait jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, celle de non-lieu du juge d'instruction ou celle du juge pénal.

Le second concerne les cas de violence sur l'autre parent ayant occasionné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits. Il s'appliquerait jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, saisi dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.

Je vous rejoins évidemment sur la nécessité de prévoir que le mécanisme de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale s'applique aux crimes et aux agressions sexuelles incestueuses dont peut être victime un enfant. C'est d'ailleurs une demande de la Ciivise, et le Gouvernement y voit un moyen efficace pour protéger les enfants d'un parent potentiellement violent ou abuseur dans l'attente de la décision du juge.

Il n'est pas nécessaire de préciser que le mécanisme s'applique à l'ensemble de la fratrie, car le droit positif le prévoit déjà.

Par ailleurs, vous souhaitez supprimer l'obligation pour le procureur de saisir le juge aux affaires familiales, afin qu'il statue sur cette suspension automatique de l'exercice de l'autorité parentale. Ce point fait débat entre les deux assemblées : la rédaction de la commission des lois du Sénat est plus protectrice des droits du parent que celle du texte adopté à l'Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout est question de proportionnalité. À mon sens, la prudence nous invite à conserver un minimum de garanties au bénéfice de l'enfant, le parent pouvant toujours saisir – dans des délais qui ne sont pas ceux que vous avez indiqués – le juge aux affaires familiales pour demander à être rétabli dans ses droits.

En ce qui concerne la suspension pour des violences commises sur l'autre parent et ayant occasionné une ITT de plus de huit jours, vous proposez de rétablir la version votée par les députés, que j'ai soutenue, en veillant à préserver les équilibres, s'agissant des faits de violence les plus graves auxquels l'enfant a assisté.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur l'ensemble de ces amendements.

Ah ! sur diverses travées. – M. Francis Szpiner applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je demande une suspension de séance de quelques instants, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Madame la présidente, la commission demande le vote par priorité des amendements identiques n° 4 rectifié bis et 12 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis donc saisie, par la commission, d'une demande de vote par priorité des amendements identiques n° 4 rectifié bis et 12 rectifié.

Je rappelle que, aux termes de l'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je ne m'y oppose pas, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La priorité est ordonnée.

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Sur la protection de l'enfance, il ne faut pas avoir la main qui tremble : peut-être devrions-nous assumer clairement des positions un peu plus fermes pour garantir l'intérêt supérieur de l'enfant.

Je le répète, un enfant meurt sous les coups de ses parents tous les cinq jours et 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences ou d'inceste. Il s'agit d'un sujet de société dont il faut absolument se saisir pour faire primer le droit supérieur de l'enfant.

Pour revenir à notre débat sur la présomption d'innocence, il n'est pas contradictoire de placer la protection de l'enfance en amont de ce principe. C'est même indispensable. La présomption d'innocence n'est pas remise en cause par les amendements de réintroduction de l'article adopté à l'Assemblée nationale – il est important de le rappeler.

Toutefois, dans une volonté de compromis, le groupe RDPI rectifie l'amendement n° 7 de M. Mohamed Soilihi afin de le rendre identique aux amendements n° 4 rectifié bis et 12 rectifié, qui tendent à réintroduire l'alinéa 2, mais non l'alinéa 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Il s'agit donc de l'amendement n° 7 rectifié, dont le libellé est identique aux amendements n° 4 rectifié bis et 12 rectifié.

La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis SZPINER

Compte tenu de l'intervention du président de la commission des lois, je renonce à prendre la parole, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Je rectifie également mon amendement n° 3 rectifié bis afin de le rendre identique aux amendements n° 7 rectifié, 4 rectifié bis et 12 rectifié. Ce qui importe, c'est que soit conservé l'alinéa 2, qui est majeur.

En outre, nous nous rapprochons peu à peu de la version de l'Assemblée nationale. Il ne nous restera donc qu'un petit pas à franchir en commission mixte paritaire pour rétablir la rédaction initiale de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Il s'agit donc de l'amendement n° 3 rectifié ter, dont le libellé est identique aux amendements n° 7 rectifié, 4 rectifié bis et 12 rectifié.

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Tout d'abord, je remercie la rapporteure de son avis favorable à titre personnel et le garde des sceaux de son avis de sagesse et de son accord pour faire voter ces amendements en priorité.

L'amendement n° 1 rectifié ter était un amendement d'appel, l'alinéa 3 étant, nous l'avons bien compris, satisfait, comme l'a montré le travail de la rapporteure.

Ce texte en faveur de la protection des enfants constitue une étape supplémentaire, qui en appellera d'autres. Nous risquons, madame la rapporteure, de vous revoir sur ce banc de nombreuses fois, car les victimes sont hélas ! très nombreuses.

Nous avons fait, au Sénat, un gros travail avec le garde des sceaux : loi renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en 2018, loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste en 2021, loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales de notre collègue Valérie Létard en 2023, plan rouge VIF, défendu la même année par la présidente Dominique Vérien.

Ces textes renforcent la lutte contre les violences intrafamiliales et la protection des enfants, mais nous voyons bien, compte tenu du nombre de victimes mis au jour par le travail de la Ciivise et de son ancien coprésident, le juge Édouard Durand, qu'ils sont insuffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Je veux bien que nous fassions des pas les uns vers les autres pour nous rapprocher du « mieux que rien du tout », comme l'a dit Mme Delattre, mais renoncer à cette référence aux violences ayant occasionné une ITT de plus de huit jours me semble dangereux. Cela supprime tout un volet de cette proposition de loi.

Nous ne pouvons pas nous inscrire dans ces pas ; nous nous opposons à cette nouvelle rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Pour répondre à vos inquiétudes, madame Harribey, je veux vous dire que l'alinéa en question – que, donc, nous ne rétablissons pas - affaiblit en réalité une disposition figurant plus loin dans le texte. Je vous invite à vous mettre à la place d'un juge pour constater par vous-même que cette rédaction ne fonctionne pas vraiment.

Aussi avons-nous supprimé cet alinéa pour que le Sénat puisse voter un texte plus facilement applicable. Je vous prie donc de bien vouloir revoir votre position, car, je vous en assure, nous n'affaiblissons aucunement le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Quel est donc, à l'issue de ces prises de parole, l'avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Madame la présidente, je vous ai donné non pas l'avis de la commission, mais mon avis personnel, en tant que rapporteur, en invitant mes collègues à choisir les amendements que nous nous apprêtons à voter. C'est mon avis – it's my opinion !

Sinon, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 3 rectifié ter, 7 rectifié, 4 rectifié bis et 12 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 116 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements n° 9, 1 rectifié ter, 2, 13, 10 et 14 n'ont plus d'objet.

(Non modifié)

L'article 378 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un crime ou d'une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d'un crime commis sur la personne de l'autre parent, la juridiction pénale ordonne le retrait total de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Si elle ne décide pas le retrait total de l'autorité parentale, la juridiction ordonne le retrait partiel de l'autorité parentale ou le retrait de l'exercice de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.

« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu'une agression sexuelle incestueuse, la juridiction pénale se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité.

« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de l'autre parent ou comme coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis par son enfant, la juridiction pénale peut ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou le retrait de l'exercice de cette autorité. » ;

2° Au début du second alinéa, le mot : « Ce » est remplacé par le mot : « Le ». –

Adopté.

(Non modifié)

L'article 381 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Après le mot : « total », sont insérés les mots : « ou partiel » ;

c) Les mots : « ou d'un retrait de droits » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsque le jugement a prononcé un retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement pour l'une des causes prévues à l'article 378, aucune demande au titre de l'article 373-2-13 ne peut être formée moins de six mois après que ce jugement est devenu irrévocable. » –

Adopté.

(Non modifié)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 221-5-5, 222-31-2 et 222-48-2 sont abrogés ;

2° et 3°

Supprimés

4° Le dernier alinéa de l'article 225-4-13 est supprimé ;

5° L'article 227-27-3 est abrogé ;

6° Le titre II du livre II est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VIII

« Du retrait total ou partiel de l'autorité parentale et du retrait de l'exercice de l'autorité parentale

« Art. 228 -1. – I. – En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un crime prévu au présent titre ou d'une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d'un crime prévu au présent titre commis sur la personne de l'autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Si elle ne décide pas le retrait total de l'autorité parentale, la juridiction ordonne le retrait partiel de l'autorité parentale ou le retrait de l'exercice de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.

« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit prévu au présent titre commis sur la personne de son enfant, autre qu'une agression sexuelle incestueuse, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité.

« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis prévu au présent titre sur la personne de l'autre parent ou comme coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis par son enfant, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou le retrait de l'exercice de cette autorité.

« II. – La décision de la juridiction de jugement est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

« La juridiction de jugement peut aussi se prononcer sur le retrait de cette autorité ou de l'exercice de cette autorité à l'égard des autres enfants du parent condamné.

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. » ;

7° Après le mot : « loi », la fin de l'article 711-1 est ainsi rédigée : « n° … du … visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À l'article 2-25, la référence : « 221-5-5 » est remplacée par la référence : « 221-5-4 » ;

2° À l'article 495-7, la référence : « 222-31-2 » est remplacée par la référence : « 222-31 ».

III. – Au onzième alinéa du 1° de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, la référence : « 222-31-2 » est remplacée par la référence : « 222-31 ». –

Adopté.

(Non modifié)

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales ou intrafamiliales et sur les modalités d'accompagnement parental. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures treize,

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle FLORENNES

Madame la présidente, lors du scrutin public n° 115 sur l'ensemble de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France, mes collègues Daniel Fargeot, Hervé Marseille et Franck Menonville ont été enregistrés comme ne prenant pas part au vote, alors qu'ils souhaitaient voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Lauriane JOSENDE

Madame la présidente, au cours du même scrutin, mes collègues Jean-Pierre Bansard, Mathieu Darnaud, Alain Houpert, Jean-François Husson, Évelyne Renaud-Garabedian, Bruno Rojouan et Jean Pierre Vogel souhaitaient voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Acte est donné de vos mises au point, mes chères collègues. Elles figureront dans l'analyse politique du scrutin concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative au régime juridique des actions de groupe (proposition n° 420 [2022-2023], texte de la commission n° 272, rapport n° 271).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de protection des consommateurs exige la mise en œuvre de moyens permettant de rechercher et de sanctionner les pratiques ne respectant pas leurs droits.

Au quotidien, la défense de l'intérêt des consommateurs est au cœur de l'activité des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dont je souhaite saluer le travail et l'engagement.

Sur ce sujet, la vigilance et la mobilisation des associations de défense des consommateurs sont également essentielles.

Dans ce combat, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a marqué une étape importante, puisqu'elle a introduit dans notre droit un dispositif d'action de groupe destiné à traiter les contentieux de masse, créant un modèle « à la française » visant à éviter les travers des class actions américaines.

Par ailleurs, depuis 2014, l'action de groupe a été étendue à d'autres secteurs, en tenant compte des spécificités propres à chacun d'entre eux.

Ainsi, depuis 2016, les associations d'usagers du système de santé agréées ont la possibilité d'intenter des actions de groupe pour les dommages causés par des produits de santé.

Depuis cette même année, l'action de groupe s'applique aussi à la lutte contre les discriminations, à la protection des données personnelles et aux dommages environnementaux.

En 2018, l'action de groupe en matière de consommation a également été étendue aux litiges relatifs à la location de biens immobiliers.

Le panorama actuel de l'action de groupe en droit français est donc complexe : il repose sur une diversité de régimes dont les règles procédurales, les préjudices indemnisables et les modalités de réparation ne sont pas uniformes.

En outre, le bilan des actions de groupe reste décevant.

En effet, seules trente-deux actions ont été intentées depuis 2014, et aucune d'entre elles n'est allée jusqu'au bout de la procédure, qui, pour rappel, est divisée en deux phases : le jugement sur la responsabilité, dans un premier temps, puis l'indemnisation des membres du groupe, dans un second temps. Plusieurs des actions introduites n'ont pas prospéré pour des raisons de recevabilité ; quelques-unes ont débouché sur des accords transactionnels.

Les causes de cette situation ont été bien analysées par les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin dans le rapport qui fut à l'origine de la présente proposition de loi ; je veux saluer leur implication sur ce sujet.

L'action de groupe est un outil qui doit permettre de faciliter l'accès des justiciables à la justice.

Au regard de cet objectif, le Gouvernement partage le constat des auteurs de ce texte quant à la nécessité de lever les obstacles aux actions de groupe, qui sont essentiellement liés à leur complexité.

Il s'agit du reste d'une exigence européenne, qui s'est traduite par la directive du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs. La France, lors des négociations, avait soutenu cette initiative, demandant que l'on introduise des actions de groupe nationales, mais aussi « transfrontières », compte tenu de la taille de certains marchés.

Le Gouvernement soutient donc pleinement la démarche engagée au travers de cette proposition de loi qui vise, d'une part, à rendre l'action de groupe plus accessible et plus efficace et, d'autre part, à transposer pleinement en droit français la directive que je viens d'évoquer.

J'en viens au texte adopté par l'Assemblée nationale en mars 2023, qui réforme profondément cette procédure.

Ce texte prévoit notamment une unification des différents régimes d'action de groupe ; un champ matériel désormais universel, quels que soient les intérêts en vertu desquels l'action est exercée ; une qualité pour agir très largement ouverte ; la désignation de juridictions spécialisées appelées à connaître des actions de groupe ; la création d'une amende civile pour faute dolosive ayant causé des dommages sériels ; la suppression de l'obligation de mise en demeure comme préalable nécessaire avant d'intenter une action.

Lors de son examen par la commission des lois du Sénat, et sur l'initiative de son rapporteur, M. Christophe-André Frassa, dont je salue le travail, plusieurs modifications importantes ont été apportées.

Je pense en particulier à la limitation de la reconnaissance de la qualité pour agir aux seules associations agréées, à la suppression de l'amende civile, à la généralisation d'une mise en demeure obligatoire préalable ainsi qu'à l'application de la loi aux seules actions dont le fait générateur est postérieur à sa publication.

Plusieurs de ces évolutions répondent aux préoccupations du Gouvernement ; je remercie le rapporteur d'en avoir tenu compte dans le cadre de ses travaux.

Je pense notamment au risque de sanctions disproportionnées auquel nous exposerait la création d'une amende civile, danger que souligne le Conseil d'État dans son avis, ainsi qu'à l'encadrement de la qualité pour agir, laquelle est nécessaire si l'on veut s'assurer que les entités qui se lancent dans une action de groupe auront les moyens de la poursuivre tout au long de la procédure – qui peut être longue.

Rendre universel le régime juridique de l'action de groupe implique toutefois d'instaurer des procédures d'agrément dans des domaines qui, pour l'heure, ne sont pas couverts par une telle procédure ; une telle réforme pose, en conséquence, la question de la charge associée à la délivrance desdits agréments.

Concernant l'obligation d'une mise en demeure préalable à toute introduction d'une action de groupe, le Gouvernement est plus réservé, compte tenu du risque associé d'allongement des procédures, sans bénéfice évident. Par ailleurs, la mise en demeure ne paraît pas adaptée aux actions en cessation introduites à l'encontre de pratiques illicites particulièrement préjudiciables aux intérêts des consommateurs ou à leur santé.

Pour ce qui est de l'application de la loi aux seuls faits générateurs postérieurs à sa publication, cette restriction a pour conséquence d'exclure les situations en cours et de priver les victimes des dommages concernés de cette voie de réparation que constitue l'action de groupe.

J'ajoute que cette modification aggrave notre retard dans la transposition de la directive européenne, dont les dispositions sont pourtant applicables depuis le 25 juin 2023.

Toutefois, nul ne peut nier que cette loi aura des incidences sur les équilibres économiques en présence. Ainsi, certains acteurs économiques pourraient être confrontés à des difficultés opérationnelles : je pense notamment aux contrats d'assurance en cours, qui n'ont pas été « calibrés » pour faire face au risque juridique inhérent au nouveau régime de l'action de groupe.

Le Gouvernement s'en remettra donc à la sagesse du Sénat…

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

… pour ce qui est de trouver un point d'équilibre garantissant les intérêts des victimes sans fragiliser les acteurs économiques.

Enfin, l'alignement des critères à respecter pour se voir reconnaître la qualité pour agir sur ceux que prévoit la directive européenne, tant en matière d'action nationale qu'en matière d'action transfrontière, permet d'uniformiser les règles applicables.

À cet égard, le Gouvernement se félicite que le texte issu des travaux de la commission emporte, sur l'initiative de son rapporteur, une transposition complète et conforme de la directive.

En effet, la présente proposition de loi exige des associations habilitées qu'elles mettent en place des mesures d'information et de publicité ; elle instaure un contrôle des conflits d'intérêts par le juge ; enfin, elle permet l'introduction d'une action en cessation dans des conditions conformes à celles que la directive instaure.

Voilà en quelques mots, mesdames, messieurs les sénateurs, une synthèse des principales observations du Gouvernement sur le texte que vous avez à examiner aujourd'hui.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Isabelle Florennes et Nathalie Goulet applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, garantir aux justiciables une voie de protection efficace de leurs intérêts, tout en préservant les opérateurs économiques d'un risque réputationnel potentiellement dévastateur pour leur activité : tel est le délicat chemin de crête qu'arpente le législateur depuis la création, voilà une décennie, de l'action de groupe.

Le débat sur l'opportunité de son introduction est bien plus ancien ; on peut le dater d'il y a au moins quarante ans…

Malgré son âge, ses termes n'ont pas beaucoup évolué : d'un côté, la protection des droits des justiciables, notamment des consommateurs, implique la mise à leur disposition de voies de droit efficaces leur permettant d'obtenir réparation de préjudices, y compris quand ceux-ci sont d'un faible montant ; de l'autre, notre système judiciaire, auquel incombe la protection de l'activité des opérateurs économiques contre d'éventuelles actions malveillantes visant uniquement à les déstabiliser, nécessite que l'action de groupe « à la française » ne soit pas calquée sur la class action américaine et sur ses dérives.

Ce cadre étant posé, la proposition de loi déposée et rapportée par nos collègues députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin se caractérise, à rebours de l'équilibre délicat recherché par le législateur il y a une décennie de cela, par une certaine forme de radicalité assumée.

Partant du constat que l'action de groupe n'a pas tout à fait trouvé son public, ils procèdent ainsi à l'unification de son cadre procédural, mais surtout à un considérable assouplissement de celui-ci.

S'il serait déraisonnable d'affirmer que l'action de groupe constitue aujourd'hui une voie procédurale plébiscitée, je veux souligner que la prémisse d'un échec de l'action de groupe me paraît contestable.

Certes, seules trente-cinq actions de groupe ont été engagées depuis 2014, et l'inégale qualité des demandes a eu pour effet qu'un certain nombre d'entre elles ont été déclarées irrecevables par le juge.

Pour autant, ce bilan mitigé peut en partie être attribué à la nécessaire phase d'appropriation qu'implique la création d'une telle procédure. Par ailleurs, certaines actions de groupe ont prospéré et permis l'indemnisation d'un préjudice, parfois dans le cadre d'un accord amiable.

Ne partageant manifestement pas cet avis, les auteurs – et rapporteurs pour l'Assemblée nationale – de la proposition de loi ont souhaité encourager le recours aux actions de groupe.

Au-delà de l'unification des sept régimes juridiques actuels en une seule loi-cadre, la relative radicalité du présent texte consiste en un « triple élargissement » procédural : celui du champ de l'action de groupe, tout d'abord, dont est prévue l'universalisation ; celui des préjudices indemnisables, ensuite, également universalisés, alors que certains des régimes sectoriels en vigueur ne prévoient d'indemnisation que pour quelques préjudices spécifiques ; celui de la qualité pour agir, enfin, celle-ci étant très largement ouverte, y compris à des associations représentant un nombre limité de personnes.

Dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, la position d'équilibre jusqu'à présent recherchée par le législateur semblait donc reléguée aux oubliettes au profit d'une proposition de loi nettement plus radicale, trait renforcé par l'introduction d'une amende civile en cas de faute intentionnelle ayant causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.

Face à un dispositif qu'elle a jugé quelque peu déséquilibré, la commission s'est en conséquence attachée à retrouver le chemin de crête qui a, jusqu'alors, guidé les pas du législateur.

Les amendements qu'elle a adoptés ont ainsi visé trois objectifs.

Premier objectif : resserrer un cadre juridique excessivement lâche.

Ainsi, tout en acceptant l'universalisation des préjudices indemnisables, mais également, dans son principe, celle du champ de l'action de groupe, la commission a souhaité – je sais que nous y reviendrons lors de la discussion des amendements – circonscrire l'application de cette voie procédurale à son périmètre actuel en ce qui concerne les domaines de la santé et du droit du travail.

Cela a paru nécessaire notamment en matière de santé, en raison du risque réputationnel encouru par des acteurs ne disposant que de peu de moyens de défense. À cet égard, le fait que le droit de la responsabilité ne soit pas modifié est sans importance, puisque le risque qu'emporte l'introduction d'une action de groupe porte non pas tant sur l'engagement indu de la responsabilité que sur le coût procédural et réputationnel qu'une telle action publique ne manque pas d'entraîner.

Surtout, la commission a significativement resserré les conditions d'octroi de la qualité pour agir. Au régime juridique très libéral résultant des travaux de l'Assemblée nationale, qui permettrait à un grand nombre d'acteurs, y compris malveillants, d'agir dans de nombreux domaines, la commission oppose un équilibre différent, fondé sur une capacité à agir élargie à divers domaines, mais réservée à un nombre restreint d'associations présentant toutes les garanties nécessaires.

L'instauration d'un agrément nous a ainsi paru incontournable pour garantir le sérieux et la transparence des personnes ayant qualité pour agir, notamment en matière de prévention des conflits d'intérêts : notre dispositif est peut-être perfectible, mais il me semble largement préférable à une simple attestation sur l'honneur, qui n'a d'autre valeur que celle de l'encre utilisée pour la rédiger.

Deuxième objectif : prévenir les risques juridiques que soulève le dispositif.

Le premier d'entre eux concerne naturellement l'amende civile prévue à l'article 2 undecies, dont le Conseil d'État a justement relevé les difficultés constitutionnelles qu'elle pose. Plus largement, l'opportunité d'insérer une telle disposition dans la loi a paru très douteuse à la commission, qui l'a en conséquence supprimée.

Nous en débattrons certainement dans quelques instants, mes chers collègues ; en tout état de cause, il me semble qu'une telle disposition pose un problème de méthode : l'insertion, presque par effraction, d'une mesure qui modifie très significativement le droit de la responsabilité civile dans un texte de procédure, sans étude d'impact préalable, paraît extrêmement problématique.

Troisième objectif : parachever la transposition de la directive relative aux actions représentatives, pour ce qui est tant de l'action de groupe nationale, et notamment des dispositions qui lui sont applicables en matière de transparence et de solvabilité des personnes ayant qualité pour agir, que de l'action de groupe transfrontière.

Au bénéfice de ces quelques aménagements, la commission a adopté un texte qui présente l'immense avantage – trop rare de nos jours ! – de simplifier effectivement le droit.

Elle n'a néanmoins pas souhaité faire dévier le législateur du chemin de crête qu'il s'est employé à arpenter jusqu'à présent.

Tel qu'il a été modifié par la commission, le texte qui est aujourd'hui soumis à votre examen, mes chers collègues, vise donc à préserver et à garantir un juste équilibre entre la protection des droits des justiciables et la sécurité juridique des opérateurs économiques.

Il est en cela utile pour permettre à l'action de groupe, dont la vocation n'est pas d'être un épiphénomène juridique ni une procédure banalisée, de trouver sa voie.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la consécration de l'action de groupe en droit français a été tardive.

Son refus a d'ailleurs été plus souvent dogmatique que juridique.

Il s'est tout d'abord agi d'un refus de principe : on lui opposait l'adage suivant lequel « nul ne plaide par procureur ». On a invoqué, ensuite, de prétendus motifs techniques, telle la difficile identification des personnes bénéficiaires de l'action. On a voulu y voir, enfin, une atteinte au principe de l'égalité des armes au cours du procès, en raison de la méconnaissance par le défendeur de l'identité des demandeurs.

Les études sur les résistances du système juridique français à accueillir la class action en son sein sont à présent suffisamment riches et détaillées pour nous faire admettre qu'un tel refus ne saurait continuer d'être opposé à ce mode de recours.

S'il fallait encore nous en convaincre, le droit comparé suffirait en un rien de temps à montrer que certains dogmes n'ont pas fait illusion dans l'esprit du législateur étranger : je pense au modèle américain bien sûr, mais aussi à ceux du Québec, de l'Argentine, du Brésil, du Portugal, de l'Angleterre, ou encore de l'Espagne et de la Suède.

Le législateur français a fini par franchir le cap avec la loi du 17 mars 2014, qui a donc introduit dans notre droit une procédure d'action de groupe.

D'abord trop cantonné, ce mode de recours fut ensuite progressivement enrichi via l'extension des matières dans lesquelles il peut s'appliquer. Citons par exemple la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui a introduit l'action de groupe en ce domaine.

Cependant, dix ans après, je rejoins les auteurs du présent texte sur le constat qu'ils ont dressé dans leur rapport de 2020 : le bilan de cette procédure est décevant.

Aussi cette proposition de loi, malgré son caractère aride et technique – mais, après tout, c'est souvent le propre du droit ! –, est-elle indéniablement nécessaire.

Je souscris à l'essentiel de son contenu, car il faut bel et bien unifier dans un seul texte le régime juridique du recours.

Cependant, tout comme j'ai pu souligner, il y a encore quelques jours, à cette même tribune, mon attachement à la lisibilité du droit en tant que rapporteure de la proposition de loi dite Balai III – issue des travaux du bureau d'abrogation des lois anciennes et inutiles –, je reste dubitative face au choix qui a été fait, conformément, certes, à la recommandation du Conseil d'État, de ne pas introduire toutes ces dispositions au sein d'un seul code.

Au-delà de cette remarque, le groupe du RDSE reste favorable à un usage modéré et encadré de la procédure d'action de groupe.

Les raisons d'une telle retenue sont connues, là encore : il est impératif, d'une part, d'éviter toute forme de marchandisation de l'action judiciaire et, d'autre part, de contenir un accroissement excessif du risque judiciaire pour les entreprises.

C'est aussi pour cette raison que nous saluons l'équilibre du texte dont nous débattons.

L'action collective doit être laissée à des associations, afin d'empêcher tout risque de marchandisation, c'est-à-dire de conjurer l'une des dérives observables du modèle américain.

Ce constat justifie également que les associations ayant qualité pour engager une action doivent répondre à certains critères. Nous suivrons donc la position du rapporteur, qui n'a souhaité ouvrir ce mode de recours qu'à des associations soumises à un agrément.

Reste la question de l'amende civile, disposition que proposaient nos collègues députés et que notre commission a souhaité ne pas conserver.

Nous comprenons évidemment le sens et l'opportunité de ce dispositif, s'agissant de sanctionner l'auteur d'un dommage lorsqu'il a délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie et lorsque la réparation du préjudice ne suffit pas à neutraliser le profit qu'il a réalisé.

Sur ce point, nous aurions tendance à suivre l'avis émis tant par le Conseil d'État que par notre rapporteur, chacun de son côté ayant exprimé de fortes réserves quant à la création de cette sanction civile, notamment parce qu'elle n'a pas été précédée d'une évaluation approfondie de ses effets dans chacun des domaines concernés.

Pour conclure mon propos, je souhaite évoquer une dernière difficulté qui a trait à l'application de la future loi. Nous avons été alertés par de nombreux professionnels au sujet de l'article 3, qui restreindrait le nouveau régime de l'action de groupe aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement allégué est postérieur à l'entrée en vigueur du présent texte.

Cette disposition pose de véritables difficultés, notamment en matière de discrimination. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles, mais je suis convaincue que nous ne pouvons pas laisser le texte en l'état.

C'est pourquoi je défendrai un amendement visant à ce que les justiciables puissent profiter de cette nouvelle procédure sans attendre. J'observe d'ailleurs que le rapporteur a lui aussi…

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

… déposé un amendement en ce sens.

Cette remarque étant faite, mes chers collègues, vous aurez compris que notre groupe se prononcera en faveur de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, l'action de groupe, qui a pour objectif de faciliter l'accès au droit des victimes d'un même dommage n'ayant pas toujours la possibilité d'agir seules en justice dans des contentieux souvent techniques, a été introduite en France par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon.

L'action de groupe a ensuite été étendue, en 2016, aux litiges en matière de santé, d'environnement, de protection des données personnelles et de discrimination au travail, puis, en 2018, aux litiges relatifs à la location d'un logement.

Aujourd'hui, comme mes prédécesseurs à cette tribune l'ont rappelé, son champ d'action est limité et, de surcroît, la qualité pour agir n'est ouverte qu'aux seize associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées.

En outre, il faut que les personnes lésées fassent la démarche d'adhérer au groupe pour être indemnisées.

La mission d'information lancée par nos collègues députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin en 2020 sur le bilan et les perspectives de l'action de groupe, qui est à l'origine de la présente proposition de loi, a permis de constater, d'une part, que seule une trentaine d'actions de groupe – dont peu ont abouti – ont été engagées en France depuis la création de cette procédure et, d'autre part, qu'il est nécessaire d'en simplifier le régime juridique pour remédier au désintérêt des justiciables.

En France, la réalité n'a rien à voir avec les indemnisations spectaculaires des class actions à l'américaine, qui ont inspiré plusieurs cinéastes – nous avons tous en tête le film Erin Brockovich, seule contre tous de Steven Soderbergh.

Les très fortes contraintes juridiques qui entourent cette procédure dans notre pays semblent avoir eu pour conséquence d'empêcher toute action de groupe, ou presque, de prospérer.

Aussi, et sans tomber dans les dérives que peuvent connaître les États-Unis, il est proposé, par ce texte, de créer un régime juridique unifié des actions de groupe là où existent aujourd'hui sept fondements législatifs correspondant à autant de procédures et de préjudices indemnisables différents.

La présente proposition de loi prévoit également, en toutes matières, d'élargir le champ d'application de l'action de groupe à la cessation d'un manquement ou à la réparation d'un préjudice subi à raison dudit manquement.

Il s'agit par ailleurs d'indemniser tous les préjudices, qu'ils soient corporels, matériels ou moraux, d'ouvrir la qualité pour agir et de maintenir la possibilité de recourir à la médiation pour faciliter l'indemnisation des victimes et favoriser le désengorgement des tribunaux.

Le texte instaure en outre une amende civile susceptible d'être prononcée à l'encontre d'une entreprise en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels ; son montant pourrait être porté à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel.

Il permettra enfin à la France d'honorer ses obligations européennes en achevant de transposer dans le droit national les dispositions figurant dans la directive du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives, qui visent à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et à prévoir, plus particulièrement, une procédure d'action de groupe transfrontière.

La saisine pour avis et les recommandations du Conseil d'État, comme celles de la Défenseure des droits, ont permis de renforcer la proposition de loi initiale déposée à l'Assemblée nationale.

Des aménagements restent malgré tout à effectuer.

À cet égard, je voudrais remercier le rapporteur et saluer le travail réalisé – sur son initiative – par la commission : elle a restreint les conditions de reconnaissance de la qualité pour agir, tenant compte du risque de déstabilisation que la démultiplication du nombre d'acteurs susceptibles d'exercer ce droit, dont on peut imaginer que certains pourraient se révéler malveillants, ferait courir aux opérateurs économiques.

La commission a également supprimé l'amende civile, au sujet de laquelle le Conseil d'État avait émis de fortes réserves.

Malgré des modifications substantielles, notre groupe considère que l'économie du texte est préservée. Dix années après la création de la procédure de l'action de groupe, nous serons vigilants pour que la version issue de nos débats permette une utilisation efficace de ce droit par les justiciables français. C'est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Marie Mercier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 17 mars 2014, sur l'initiative de Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire, le Parlement votait le projet de loi portant création de l'action de groupe à la française. L'objectif de ce dispositif était double : permettre aux victimes de se rassembler pour parler d'une seule et même voix ; permettre aux victimes de faire reconnaître le préjudice subi et de faire valoir leur droit à réparation.

La volonté du législateur était de rééquilibrer une relation contractuelle trop défavorable aux consommateurs.

Cette ambition était plus que louable. Elle était même noble. Pourtant, dix ans après, force est de constater que cette avancée législative n'a, hélas ! pas eu les effets escomptés.

Le législateur de 2014 avait souhaité limiter le champ de l'action de groupe au domaine de la consommation, et ce principalement parce qu'il voulait éviter les écueils et dérives manifestes ayant émergé dans le cadre des class actions en droit anglo-saxon.

Par la suite, le régime de l'action de groupe a lentement évolué : la loi du 18 novembre 2016 l'a étendu aux discriminations au travail, aux questions environnementales et au respect des données personnelles. Puis, en 2018, son champ a été ouvert aux préjudices causés par la location d'un logement.

Pourtant, malgré ces extensions successives, l'action de groupe est restée peu usitée. Depuis sa création, cela a été rappelé, ce droit n'a été activé qu'une trentaine de fois seulement. Six procédures ont débouché sur un résultat positif : dans trois d'entre elles, le défendeur a été déclaré responsable, tandis qu'un accord amiable a pu être trouvé dans les trois autres.

Six procédures qui prospèrent et aboutissent en dix ans, c'est peu ! C'est même trop peu, alors que, dans la même période, nous avons assisté à l'essor exponentiel de la vente par correspondance et des transactions commerciales sur internet, singulièrement pendant la crise sanitaire du covid.

Afin de dresser un bilan des premiers pas de l'action de groupe au sein de notre législation, les députés Philippe Gosselin et Laurence Vichnievsky ont rendu, le 11 juin 2020, un rapport exhaustif et précis. Selon nos collègues députés, le caractère relatif du succès des actions de groupe serait dû à de multiples freins.

Tout d'abord, notre droit en la matière serait trop complexe, puisque le régime en question n'a pas été unifié. Ensuite, son champ d'application serait trop restreint. Enfin, le faible nombre d'associations habilitées à agir – une quinzaine seulement – n'aurait pas été de nature à favoriser le recours à ce dispositif.

En vue de surmonter ces écueils, nos collègues rapporteurs émettaient treize recommandations visant à rendre les actions de groupe plus efficaces, plus opérationnelles et, surtout, plus à même de répondre aux besoins des victimes.

C'est sur la base de la transcription juridique de ces propositions que Philippe Gosselin et Laurence Vichnievsky ont déposé le 15 décembre 2022 la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

Cette initiative parlementaire a ensuite été largement enrichie en première lecture à l'Assemblée nationale. De six articles, le texte est passé à quarante et un articles dans la version qui a été transmise au Sénat.

Cette version, mes chers collègues, était pleinement de nature à nous satisfaire. D'abord, elle simplifiait le droit existant en l'assouplissant. Ensuite, elle créait une action de groupe au régime universel. En outre, elle permettait l'élargissement de la qualité à agir, du champ d'application et du préjudice indemnisable. Elle instaurait par ailleurs une sanction civile en cas de faute intentionnelle de l'entreprise ayant causé des dommages sériels à plusieurs individus. Enfin, elle ouvrait la voie à la spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d'action de groupe, choix que nous voyons plutôt d'un bon œil, mais qui nécessitera une vigilance certaine, afin que les juridictions en question soient justement réparties sur le territoire national.

Les associations de consommateurs avaient salué ce texte transpartisan, et la Défenseure des droits, Claire Hédon, s'était réjouie de sa qualité. Le soutien unanime de la société civile et des différents groupes politiques de l'Assemblée nationale n'a cependant pas pleinement convaincu notre rapporteur, que je remercie néanmoins pour la qualité de son travail et pour les nombreuses auditions qu'il a bien voulu organiser.

En effet, lors de nos travaux en commission, il a fait le choix de réduire substantiellement la portée de cette proposition de loi en rigidifiant la procédure de recours aux actions de groupe, tout en restreignant largement la capacité des associations à agir en la matière.

Il a par ailleurs choisi de supprimer la sanction civile réprimant les fautes intentionnelles ayant engendré des dommages sériels, et borné dans le temps l'application de cette loi aux seuls nouveaux litiges, refusant aux actions de groupe déjà en cours la possibilité d'en bénéficier.

Si cette dernière orientation venait à être confirmée ce soir, elle créerait, de fait, un droit à deux vitesses, une anomalie inédite dans notre législation, et un précédent peu souhaitable.

Notre rapporteur a justifié l'ensemble de ses décisions par la volonté de garantir la protection des activités de nos opérateurs économiques.

Je dois dire que ces arguments défensifs ne nous ont pas convaincus. Ils nous ont même déçus, comme ils ont déçu beaucoup d'associations de consommateurs, qui plaçaient de grands espoirs dans nos travaux.

L'expertise d'usage de ces associations aurait pu – aurait dû – nous convaincre toutes et tous de la pertinence de la philosophie du texte issu de l'Assemblée nationale. Si, s'agissant d'appréhender le spectre des abus et des infractions relevant d'une éventuelle action de groupe, nos collègues députés ont ouvert largement le compas, notre rapporteur, quant à lui, a semblé vouloir resserrer et refermer ce compas, au risque de laisser perdurer les insuffisances de la législation actuelle.

L'objectif affiché de cette proposition de loi était de rééquilibrer le rapport de force entre ce que l'on appelle familièrement le pot de terre et le pot de fer. À cet égard, le texte issu de la commission des lois du Sénat semble beaucoup moins ambitieux que nous ne l'aurions souhaité.

Je tiens à rappeler un élément essentiel : une entreprise qui respecte la loi, le droit et tout lien contractuel qu'elle aurait pu nouer n'a absolument rien à craindre d'un élargissement du champ de l'action de groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Seuls les opérateurs qui se savent délibérément en tort ou potentiellement fautifs portent aujourd'hui un regard désapprobateur ou critique sur cette initiative parlementaire.

À ce stade, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite partager avec vous deux observations que je formulerai sous forme de questions.

Si notre législation se fait suffisamment dissuasive et si elle pousse mécaniquement les acteurs économiques à se conduire de manière vertueuse, ne devrions-nous pas nous en féliciter ?

Notre souci principal ne devrait-il pas se trouver dans la défense du consommateur, et dans la capacité de la victime à faire valoir ses droits ?

Pour répondre à ces questions et atteindre ces objectifs, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a déposé quatre amendements. Ceux-ci visent principalement à revenir à une rédaction plus volontariste et à une approche plus inclusive et plus ambitieuse de cette proposition de loi, dans la droite ligne du travail produit par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Nous avons fait le choix de concentrer principalement nos efforts sur l'habilitation des associations à agir en matière d'action de groupe, ainsi que sur l'application de la présente proposition de loi aux litiges intentés antérieurement à son entrée en vigueur.

Si nous n'avons pas réussi à convaincre notre collègue rapporteur au stade de l'examen du texte en commission des lois, nous formons le vœu que les débats de ce jour nous permettent de converger pour en revenir à la philosophie et à la mouture du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. C'est à l'aune de l'accueil qui sera réservé à nos amendements et à ceux qui ont pour objet de revenir à l'esprit initial de la proposition de loi que les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain décideront de leur vote.

Mes chers collègues, nos travaux ont suscité de l'espoir chez nombre de justiciables et de consommateurs spoliés. Certains vous ont même peut-être écrit pour vous le signifier.

Nous avons aujourd'hui l'occasion d'offrir aux Françaises et aux Français un outil dont ils pourront davantage se saisir pour en tirer tous les bénéfices. Ne les décevons pas ! Il y va de notre responsabilité, et même de notre crédibilité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je commencerai par expliquer la position du groupe Les Républicains sur ce texte relatif aux actions de groupe. Ces procédures, vous le savez, ne sont pas habituelles dans notre droit ; elles sont issues du droit anglo-saxon, autrement dit de la common law. Elles consistent, pour un groupe de personnes qui ont subi le même préjudice de la part d'une même entreprise, à se pourvoir ensemble en justice contre celle-ci.

Ces actions de groupe ont été consacrées par le droit européen, et le texte qui nous est soumis procède notamment à la transposition d'une directive qui date de 2020 – nous pouvons d'ailleurs remercier notre rapporteur de nous prémunir contre toute surtransposition, ce mal français.

Elles ont été introduites dans notre droit par une loi de 2014, modifiée à plusieurs reprises pour aboutir à la coexistence de sept régimes juridiques correspondant à autant de thématiques distinctes.

Ces procédures ont été peu utilisées en dix ans. Les chiffres varient sur ce point ; ceux dont j'ai eu connaissance ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux qui viennent d'être évoqués, lesquels, du reste, diffèrent entre eux… Que l'on retienne un chiffre de trente-deux ou de trente-cinq actions engagées, force est d'admettre en tout cas, sur la foi du rapport du Conseil d'État, que quatre seulement ont donné lieu à un résultat positif.

C'est pourquoi nos collègues de l'Assemblée nationale ont estimé qu'il convenait de modifier les règles qui régissent la mise en œuvre de ces actions de groupe pour permettre un usage plus fréquent de cette procédure. Il faut saluer, bien sûr, comme l'a fait le rapporteur, le travail qui a été fait par nos collègues députés. Toutefois, sur plusieurs points, la commission des lois du Sénat, à laquelle le groupe Les Républicains se ralliera, n'y a pas totalement souscrit.

S'il est un point sur lequel tout le monde s'accorde, en revanche, c'est la simplification procédurale. Dans mes souvenirs, dont – je l'avoue – je n'ai pu vérifier l'exactitude, le professeur Perrot, grand spécialiste de la procédure civile, avait coutume de dire que la procédure est le véhicule du droit. Et, certes, la procédure est censée être totalement neutre dans le droit. Il n'est donc pas normal que le justiciable ait des difficultés à mettre en œuvre une procédure pour des raisons, précisément, de procédure ! Seul le fond du droit devrait être discuté.

Cela étant dit, l'unification du cadre procédural applicable aux différentes actions de groupe paraît tout à fait légitime, et nous suivons bien sûr le rapporteur sur ce point.

La question s'est par ailleurs posée de savoir qui peut engager une telle procédure : qui peut agir ? L'action de groupe peut d'ores et déjà être exercée par un certain nombre d'associations, de groupements. Faut-il élargir la liste ? Rien n'est moins sûr, car il ne faudrait pas déstabiliser un secteur économique en permettant à des entreprises d'agir de façon à déstabiliser un concurrent, tout simplement, soit en instrumentalisant soit en finançant de telles procédures – et le sujet de la transparence financière est aussi un sujet important, nous en reparlerons.

Dans quels domaines l'action de groupe peut-elle trouver à s'appliquer ? Là encore, le rapporteur, de façon assez justifiée, n'a pas voulu élargir outre mesure le champ d'application de ce régime procédural : il en a circonscrit le périmètre.

Pour ce qui est enfin de savoir à quels manquements et à quels litiges doit être ouverte l'action de groupe, nous avons trouvé un accord avec nos collègues de l'Assemblée nationale pour élargir le champ des préjudices qui peuvent être indemnisés.

Notre désaccord le plus important porte, me semble-t-il, sur l'amende civile. Il s'agit en quelque sorte de dommages et intérêts punitifs, qui sanctionnent la faute de celui qui l'a commise, en l'occurrence une entreprise. Cette mesure est controversée depuis fort longtemps, et elle le reste, comme l'ont montré les interventions précédentes, pour son caractère quelque peu hybride.

Les dommages et intérêts, en droit français, ont pour objet d'indemniser la victime, et ils sont calculés en fonction du préjudice, sans égard pour la faute qui l'a causé. Une amende est de manière générale une amende pénale, c'est-à-dire la sanction d'un trouble à l'ordre public, ce qui, pour le coup, est davantage en rapport avec la faute de la victime ; mais elle est touchée non par la victime, mais par l'État, via le Trésor public.

Quant à l'amende civile, ou dommages et intérêts punitifs, elle est hybride : il s'agit de dommages et intérêts qui prennent en compte non pas le préjudice, mais la faute, et qui sont touchés non par la victime, mais par l'État, hors de tout contexte pénal et de tout trouble à l'ordre public. Vous aurez compris qu'une telle notion n'est pas simple à insérer dans notre droit…

C'est donc en vertu d'une certaine sagesse, en l'absence de consensus sur ce point, que l'amende civile a été extraite du présent texte.

Voilà donc – je n'entre pas dans le détail, que nous aborderons plus tard et qui a été largement évoqué par le rapporteur – les raisons générales pour lesquelles le groupe Les Républicains s'apprête à voter pour l'adoption du texte de la commission, sous réserve que le débat d'amendement ne le dénature pas.

Permettez-moi néanmoins, puisqu'il me reste du temps, de vous faire part de quelques réflexions qui m'ont été inspirées non seulement par ce texte, mais également par ce que j'ai entendu de la part des orateurs qui m'ont précédée.

Est-ce vraiment le droit qui nous empêche aujourd'hui de mettre en œuvre des actions de groupe ? Ceux qui ont lu le rapport du Conseil d'État – ils sont quelques-uns dans cet hémicycle – ont pu y lire qu'au Portugal les actions de groupe, bien qu'étant largement admissibles, sont mises en œuvre dans des proportions qui sont très raisonnables, et pas du tout démesurées. J'ai coutume de dire, et je prie ceux qui ont l'habitude de l'entendre de m'excuser, que le droit n'est qu'un outil au service de nos projets – ne l'oublions jamais ! Il doit être une boîte à outils, et celle-ci doit rester bien rangée si l'on ne veut pas se perdre dans ses recoins.

Aussi, je me demande si c'est vraiment la difficulté à satisfaire les conditions d'accès à la procédure de l'action de groupe qui empêche qu'elle soit mise en œuvre. Je pense plus simplement que c'est l'introduction d'un élément de common law, c'est-à-dire de droit anglo-saxon, dans un édifice qui est essentiellement de droit romain, n'obéissant pas aux mêmes règles, qui pose problème. D'ailleurs, je rappelle que le Conseil d'État a déconseillé l'introduction dans un quelconque code des actions de groupe, qui demeureront inscrites dans une loi ad hoc.

Peut-être devrions-nous aussi nous donner un temps de réflexion supplémentaire avant de généraliser dans nos textes un principe tel que l'amende civile. Certes, cette sanction existe déjà en droit français, et elle a été par contamination étendue au droit de la famille et au droit de la concurrence, mais sans réflexion préalable suffisamment approfondie. Nous devons sans doute prendre garde à ne pas fragiliser l'édifice assez bien charpenté qu'est celui de la responsabilité civile.

Enfin, je suis navrée si je choque certains d'entre vous, mes chers collègues, mais nous devrions peut-être réfléchir au temps que nous consacrons à des mesures qui, somme toute, ont un intérêt plus que modéré pour nos concitoyens – quatre actions en dix ans ! Pouvons-nous véritablement penser que c'est d'une préoccupation majeure des Français que nous allons traiter aujourd'hui ? Je n'en suis pas certaine. Après tout, le fait que ces mesures ne comptent pas parmi les priorités des Français nous garantit peut-être, qui sait, une absence de censure de la part du Conseil constitutionnel…

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Sous réserve de ces observations, nous voterons ce texte tel qu'il a été amendé par la commission des lois. §

Debut de section - PermalienPhoto de Louis VOGEL

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'action de groupe n'est pas une nouveauté. Voilà bientôt dix ans qu'elle est entrée dans notre droit, et avec elle l'ambition de faire de chaque citoyen un procureur privé.

Pour autant, elle n'est pas devenue un réflexe naturel en France, puisqu'il n'y a eu que trente-cinq procédures de ce type qui ont prospéré depuis 2014 – Mme Jourda vient de le rappeler. C'est peu !

Cette réticence s'explique d'abord par le fait que cette action – il faut bien le reconnaître – ne s'inscrit pas dans notre tradition juridique : en France, l'intérêt général est défendu par l'action publique, par le procureur, par l'État, et non par des actions privées.

Ensuite, l'exemple du système américain a fait craindre, chez nous, la multiplication de procédures dilatoires hostiles, mettant à mal les entreprises.

Tout cela est vrai.

Pourtant, l'action de groupe à la française, telle que nous la concevons, a du sens. Elle représente la création réussie d'un équilibre entre l'accès des justiciables à la justice, d'une part, et la protection des défendeurs contre les actions malveillantes, d'autre part.

Elle est utile, indispensable, même, dans ce que l'on appelle les contentieux de masse. Des individus isolés, qui n'ont que de faibles demandes, n'obtiendraient pas justice si l'action de groupe n'existait pas. Ils renonceraient à saisir le juge, parce que le coût de la procédure serait disproportionné. Le regroupement des actions permet de mutualiser la défense des intérêts, mais également d'économiser les moyens de la justice.

Au départ circonscrit aux droits de la concurrence et de la consommation, le champ d'application de cette procédure a été progressivement étendu à d'autres domaines, le droit du travail, les données personnelles. Malheureusement, l'action de groupe, régime juridique en constante évolution, a perdu sa cohérence ; il était temps de la lui rendre.

Ainsi la proposition de loi que nous examinons vise-t-elle notamment à rassembler les différents régimes de l'action de groupe, actuellement disséminés au sein de notre droit. C'est une bonne chose et il fallait en passer par là.

Pour autant, la commission a fait le choix de s'opposer à l'universalisation du dispositif en limitant son champ d'application et en restreignant la qualité pour agir à certaines catégories de demandeurs. Si nous comprenons le besoin de sécurisation juridique, une telle limitation réduit l'efficacité de cet outil. Le nombre d'actions de groupe dans notre pays est relativement faible ; nous n'aurions rien eu à craindre à ouvrir plus largement l'accès à cette procédure. Nous estimons, en d'autres termes, que le législateur aurait pu aller plus loin.

Une action de groupe plus accessible constitue pour nos concitoyens un véritable moyen de mieux faire valoir leurs droits.

Le texte de la commission apporte un certain nombre d'améliorations et des garde-fous sont prévus. Je pense à l'exclusion des préjudices corporels du champ d'application de l'action de groupe, afin que, dans pareils cas, la réparation demeure individualisée, ou à la suppression de l'amende civile, sur laquelle je ne reviens pas : tout cela va dans le bon sens.

Afin de faciliter le recours à l'action de groupe, notre collègue Francis Szpiner propose de l'encadrer plus clairement en autorisant les sociétés de financement à intervenir dans cette procédure. Il y aurait là une garantie contre les actions abusives ; c'est une bonne idée.

Au total, nous sommes en train d'inventer un nouveau régime, propre à notre ordre juridique, de l'action de groupe. Ce nouveau régime représente une véritable innovation et un progrès du droit.

Loin d'encourager les actions abusives, nous veillons à ouvrir la possibilité d'engager une action de groupe dans les domaines où ce droit est indispensable. Bien que technique, cette proposition de loi traite d'un sujet fondamental pour l'évolution de notre société. Les améliorations qu'elle apporte nous paraissent décisives. Aussi le groupe Les Indépendants votera-t-il en faveur de son adoption.

MM. Alain Chatillon et Francis Szpiner applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle FLORENNES

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, souvent nous entendons dire que nous adoptons trop de lois, compliquant toujours davantage la vie des Français. Ne parle-t-on pas d'une passion normative française ?

Seulement, contrairement à ce que l'on pense, cette triste habitude ne remonte pas à des temps récents : Alexis de Tocqueville, au XIXe siècle, s'en plaignait déjà.

Aussi, je tiens à saluer le travail mené à l'Assemblée nationale par nos collègues Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, qui ont voulu simplifier les règles régissant les actions de groupe afin de rendre cette procédure plus accessible à nos concitoyens. Leur proposition de loi, modifiée, a été adoptée le 8 mars 2023 à l'unanimité.

Entretemps, le 25 juin 2023, la directive européenne relative aux actions représentatives est entrée en vigueur.

C'est dans ce contexte que nous allons examiner aujourd'hui le texte présenté par notre collègue rapporteur Christophe-André Frassa.

J'ajoute, pour être tout à fait exhaustive, que cette proposition de loi vient pour la quatrième fois modifier le texte fondateur en matière d'action de groupe, qui fut adopté en 2014, voilà donc seulement dix ans. Nos collègues avaient-ils donc, à l'époque, manqué d'audace, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle FLORENNES

… ou avaient-ils voulu laisser le soin à leurs successeurs d'apporter à leur texte des modifications susceptibles de renforcer encore les droits des consommateurs français ? Leur crainte, compréhensible au demeurant, était de tomber dans les excès observables aux États-Unis, où la procédure de class action est pratiquée depuis 1966. Il a ainsi été estimé que, pour la seule année 2022, 141 recours collectifs y ont été résolus pour un montant de 4, 77 milliards de dollars. Ces chiffres sont à comparer aux trente-deux ou trente-cinq actions de groupe engagées en France depuis 2014. Peu importe cette différence comptable, ce qui en ressort, c'est un bilan plus que décevant.

Par parenthèse, le registre national des actions de groupe, dont le chapitre IV du présent texte prévoit la création, permettra de disposer en la matière d'un décompte exact.

Quoi qu'il en soit, l'exemple de la démesure américaine suscite des craintes qui ont pesé tout au long de nos échanges en commission des lois ; c'est cette appréhension qui explique la teneur des amendements adoptés pour modifier le texte transmis par nos collègues députés.

Nos débats à venir prendront en compte, je l'espère, l'impératif d'ouverture du champ d'application de l'action de groupe, par exemple en élargissant la liste des institutions pouvant prétendre à exercer une telle procédure. C'est ce que propose notre collègue Nathalie Goulet, sous la forme d'un amendement qui tend à accorder ce droit aux syndicats agricoles ; elle aura l'occasion de le présenter.

Le processus de révision du régime des actions de groupe qui a été lancé sous la houlette de nos collègues députés a fait l'objet d'un large consensus politique, traduisant une volonté commune d'instaurer une procédure plus efficace et plus opérationnelle, un régime unifié et universel favorisant l'accès au juge pour tous, notamment les plus faibles, comme l'a souligné M. le garde des sceaux. Je forme le vœu que cet esprit de concorde perdure lors de nos débats et que nous adoptions un texte qui ménage la possibilité d'un compromis en commission mixte paritaire. L'échec de cette future CMP n'est pas souhaitable : il ralentirait l'adoption de mesures utiles pour donner toute leur portée aux actions de groupe, ce qui serait de toute façon regrettable pour nos concitoyens. §

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « les enfants exposés in utero au valproate présentent un risque élevé de troubles graves du développement et du comportement ». Cette phrase, on peut la lire sur les notices des médicaments qui contiennent du valproate, substance active d'un médicament antiépileptique. Et l'alerte est plus que fondée, car, dès 1984, des recherches médicales ont montré les effets nuisibles de cette substance lorsqu'elle est administrée pendant la grossesse.

Pour autant, le laboratoire Sanofi, qui vend le valproate sous le nom commercial de Dépakine, a attendu pas moins de vingt-deux ans pour mentionner ce risque sur la notice de son médicament !

Faute d'alerte sur les énormes risques associés, la Dépakine a été prise en cours de grossesse. Conséquence : des milliers d'enfants sont nés avec des malformations de leur colonne vertébrale, de leur crâne, de leur cœur. D'autres présentent des symptômes d'autisme ou des troubles d'hyperactivité. Une grande partie de ces victimes s'est jointe à une action de groupe introduite en 2017.

Dès l'année suivante, le fait d'être en âge de procréer est devenu une contre-indication à la prise de Dépakine. Il y avait là une première victoire directement imputable à l'action de groupe. Las ! cette première victoire pourrait rester un cas isolé. En effet, très peu d'actions de groupe ont effectivement été engagées en France ; or, si cette procédure est si rare, c'est parce que les règles qui en encadrent l'exercice sont particulièrement strictes et éloignées des besoins.

Pourtant, elle est susceptible d'améliorer la protection des citoyennes et des citoyens, qui sont trop souvent impuissants face à un acteur dominant comme l'est une grande entreprise.

Comme l'illustre tristement le scandale de la Dépakine, un enfant né avec des malformations peut difficilement traduire un grand laboratoire pharmaceutique en justice. La victime ne dispose guère d'informations sur l'étendue du problème, tandis que l'entreprise peut mobiliser d'importantes ressources pour se défendre.

En permettant aux victimes d'être représentées par un acteur tiers, l'action de groupe améliore l'accès à la justice. Mais cela n'est vrai qu'en théorie : en pratique, cette voie d'accès ne sert pas à grand-chose tant que demeurent les conditions qui la régissent actuellement, qui rendent l'action de groupe impraticable. En France, trente-cinq actions seulement ont été intentées depuis l'introduction de cette procédure dans notre droit en 2014.

Par comparaison, pendant la seule année 2022, pas moins de trente-sept actions de groupe ont été introduites au Portugal, et même quatre-vingt-neuf aux Pays-Bas !

C'est pourquoi nous soutenons, bien évidemment, l'initiative de nos collègues députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, qui vise à faciliter le recours aux actions de groupe.

Pour y parvenir, ils ont prévu dans leur proposition de loi, en premier lieu, de faciliter l'introduction d'une action de groupe, notamment en élargissant la qualité pour agir. En second lieu, ils ont souhaité rendre la procédure plus équitable et plus efficace, par exemple en instituant des tribunaux judiciaires spécialisés en matière d'action de groupe.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souscrit pleinement à ces propositions, qui ont été améliorées grâce à l'important travail transpartisan mené au Palais-Bourbon.

Afin de lutter contre l'asymétrie entre les grandes entreprises, d'une part, et les citoyennes et citoyens, de l'autre, nous avons déposé une série d'amendements pour aller plus loin encore.

Monsieur le rapporteur, j'ai cependant constaté, avec grand regret, que vous souhaitiez aller dans le sens inverse.

Hormis quelques exceptions notables, comme la création d'une procédure d'action de groupe simplifiée, les amendements adoptés en commission sur votre initiative tendaient à recréer des obstacles aux actions de groupe que le texte initial avait pourtant pour objet de lever.

Ainsi en est-il de l'obligation d'une mise en demeure préalable, que vous avez voulu introduire alors même qu'elle n'est pas systématique dans le droit en vigueur.

Par ailleurs, j'ai entendu dire à plusieurs reprises, sur les travées de la droite, qu'il faudrait éviter une « surtransposition » de la directive européenne de 2020 sur les actions de groupe. Or cette directive n'est qu'un plancher, comme il est d'ailleurs rappelé dans le rapport de M. Frassa : libre aux États membres d'aller plus loin ! C'est le choix qu'ont fait d'autres pays. Au Portugal, le droit d'introduire une action de groupe est même inscrit dans la Constitution. Plutôt que de vous cacher derrière un tel argument, mes chers collègues, assumez ce que vous tentez de faire : créer des obstacles aux actions de groupe afin de protéger les intérêts des grandes entreprises ! Vous vous opposez ainsi à toute amélioration de la situation actuelle, dans laquelle la victime de mauvaises pratiques d'une grande entreprise n'a que peu de chances d'obtenir réparation.

Les actions de groupe permettent d'augmenter ces chances de réparation tout en améliorant la protection des consommatrices et des consommateurs ; nous nous devons donc d'en renforcer le régime juridique. C'est pourquoi le groupe écologiste votera en faveur de ce texte, à la condition qu'il permette, comparé au droit en vigueur, de lever certains obstacles. §

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE -K.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en 2013, l'action de groupe était qualifiée par le ministre de l'économie et des finances d'alors, M. Pierre Moscovici, de « véritable conquête démocratique » ; en même temps, selon lui, il n'était pas question « d'ouvrir la boîte de Pandore et de susciter des comportements de chasseurs de primes ».

Restreinte, à ses origines, au droit de la consommation, la procédure d'action de groupe a été élargie par la loi du 18 novembre 2016 à d'autres matières, telles que l'environnement et la santé. Mais les « garde-fous » visant à éviter « les dérives constatées dans d'autres pays », aux « graves conséquences pour les entreprises » – je cite toujours Pierre Moscovici –, ont dévitalisé cette promesse d'une justice accessible au plus grand nombre.

Le bilan établi par la direction des affaires civiles et du sceau fait apparaître un « défaut d'attractivité » de cette procédure – cela a été rappelé par plusieurs orateurs avant moi –, si bien que seules trente-cinq actions de groupe ont été intentées depuis 2014.

Une seule est parvenue à contourner les méandres procéduraux et à se frayer un chemin jusqu'au juge, qui l'a déclarée recevable : le 5 janvier 2022, celui-ci décidait que le laboratoire Sanofi allait devoir affronter une action de groupe intentée par l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant, qui représente les victimes du valproate de sodium, ou Dépakine. A été reconnue la légitimité des requérants à vouloir obtenir réparation des malformations et des troubles du neurodéveloppement qu'ils ont subis, effets bien connus par la firme. Sanofi a interjeté appel ; à ce jour, l'incertitude demeure : la première action de groupe à avoir passé l'étape de la première instance sera peut-être la première réelle déception engendrée par une procédure trop complexe depuis ses premiers jours.

Mme Véronique Legrand, maître de conférences à l'université de Caen, nous a rappelé quels freins procéduraux entravent l'exercice de l'action de groupe.

Le juge doit vérifier que les conditions de cette action sont bien remplies : respect des règles de compétences, des délais à agir, du fait que les requérants se trouvent tous dans une situation identique ou similaire, ou encore que les critères de rattachement au groupe sont bien déterminés. À titre d'exemple, la première action de groupe intentée dans notre pays – par l'UFC-Que Choisir à l'encontre de l'administrateur de biens Foncia, en octobre 2014 – a été déclarée irrecevable après presque quatre années de procédure, le 14 mai 2018, par le tribunal de grande instance de Nanterre.

Où est donc passée la souplesse censée être au fondement de cette procédure qui devait, disait-on, satisfaire l'impératif d'accessibilité de la justice ? Le désir de justice s'éloigne, et les brèches sont béantes quand le justiciable, même organisé, s'en prend à plus fort que lui, a fortiori lorsqu'il s'agit d'une multinationale.

Si le législateur a sa part de responsabilité, on constate également une réticence de certaines juridictions à donner droit aux requérants. Soit les cas exemplaires étaient trop peu nombreux aux yeux du juge, alors qu'ils ont pour seule vocation de permettre d'établir le lien juridique qui fonde la « situation similaire » et la mise en cause du défendeur, soit, comme l'explique M. Cédric Musso, directeur de l'action politique de l'UFC-Que Choisir, « le périmètre de la loi a été, via une interprétation restrictive, considérablement réduit », le champ d'application des actions de groupe étant borné aux manquements au droit de la consommation plutôt que d'être élargi à d'autres obligations légales et contractuelles, qui dépassent de beaucoup ces seuls dommages.

Les avancées contenues dans cette proposition de loi, telle que transmise au Sénat, nous convenaient, bien que le texte adopté par nos collègues députés fût imparfait. Or la réécriture à laquelle a procédé notre commission des lois est plutôt de nature à entériner un statu quo.

Nous discuterons des articles, mais plusieurs dispositions sont pour nous rédhibitoires : la restriction de l'intérêt à agir aux seules associations agréées et, marginalement, aux syndicats ; la restriction du champ des actions de groupe en matière de santé et de droit du travail ; la suppression de la sanction civile à la demande du ministère public ; l'application de la loi aux seuls manquements postérieurs à sa promulgation.

Nous ne simulerons pas un pas en avant pour en faire trois en arrière. Nous ne pouvons feindre de consacrer des droits dont nous savons d'emblée qu'ils ne pourront être correctement exercés par les justiciables.

Quoique certaines questions demeurent en suspens, cette proposition de loi détermine plusieurs orientations importantes en matière d'action de groupe. Maître Christophe Lèguevaques, avocat au barreau de Paris, les aborde de façon très pertinente. Selon ses propres termes, ce texte « ne remet pas en cause le dogme de l'[inclusion sur demande], refuse les dommages et intérêts punitifs et ne dote pas les demandeurs d'une arme puissante pour rivaliser avec le secret des affaires. Se pose alors la question de savoir si les pouvoirs publics ont conscience que ce texte en demi-teinte affaiblit la place de Paris au bénéfice d'autres capitales européennes qui jouent le jeu d'instaurer une “vraie” [action de groupe] ».

Nous espérons que notre assemblée reviendra sur les reculs opérés par la commission des lois : celle-ci, semble-t-il, souhaite protéger davantage les entreprises que leurs victimes en limitant les indemnisations de masse, le contentieux relatif au droit du travail et l'immixtion des citoyennes et des citoyens lésés dans le système judiciaire. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrons.

Il faudra, au cours de la navette parlementaire, continuer de lever les obstacles à cette procédure ; l'Assemblée nationale devra par ailleurs s'occuper du secret des affaires, qui ne saurait entraver le rendu d'une justice équitable. L'action de groupe doit pouvoir aboutir si l'on veut dissuader et faire cesser l'impunité !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE -K. – M. Hussein Bourgi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nadia Sollogoub applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à ce stade du débat, tout a été dit, ou presque. Le texte qui nous est proposé fait fond sur le constat d'un rendez-vous manqué ; ses auteurs reconnaissent en même temps que la complexité de la procédure d'action de groupe résulte d'un régime en patchwork qu'il convient d'unifier, ce à quoi ils s'emploient.

Nous avons d'ailleurs – ce n'est peut-être pas un hasard – exactement le même débat sur les lanceurs d'alerte, auquel s'applique également un régime en patchwork.

Le texte qui nous est soumis se veut un mariage de raison entre la proposition de l'Assemblée nationale et la directive européenne sur ce sujet. Je ne veux pas faire le griot, mais j'étais déjà très présente lors des débats préalables à l'adoption de la loi de 2014. De fait, les arguments qui étaient alors invoqués pour s'opposer à l'action de groupe sont toujours utilisés : protéger le secret des affaires et les entreprises, éviter les dérives à l'américaine, etc.

Dans leur ouvrage Économie des actions collectives, Bruno Deffains, Myriam Doriat-Duban et Éric Langlais détaillent les avantages économiques de l'action de groupe, particulièrement adaptée à la « réalité moderne », d'autant que les préjudices se multiplient et que la criminalité devient de plus en plus créative, à l'occasion notamment du développement des réseaux sociaux. Il est des situations où le justiciable a besoin d'engager une telle procédure, qu'il conviendrait de rendre plus facile d'accès et d'assortir d'une meilleure unicité de la réponse judiciaire afin de donner toute leur effectivité aux actions collectives.

C'est en raison des actions judiciaires menées dans les années 1960 et 1970 que la sécurité routière est devenue un enjeu pour les industriels de Detroit. D'un point de vue économique, il est parfois plus intéressant pour un industriel de supporter le risque limité et aléatoire d'une procédure que de rappeler un produit dont il connaît pourtant la dangerosité. En droit français, cela s'appelle la « faute lucrative », mise en lumière dans l'affaire du Mediator, qui a mis bien du temps à être réglée.

Pour lutter contre l'aléa moral, il faut pouvoir faire comprendre à un industriel ou un professionnel cynique que son calcul économique, consistant à privilégier un comportement dolosif parce qu'il sait qu'il n'aura pas à en payer le coût véritable, est vidé de son sens par le risque d'octroi de dommages et intérêts punitifs.

Nous sommes loin du compte ! En effet, la présente proposition de loi ne remet pas en cause certains vices de la loi Hamon et des lois subséquentes, qui imposent une double procédure : une action collective, pour établir le manquement, puis une procédure individuelle, pour liquider les préjudices.

Monsieur le garde des sceaux, quels moyens seront-ils déployés pour tenir le registre public des actions de groupe ? Par ailleurs, quel sort sera-t-il réservé aux actions collectives conjointes qui semblent échapper à l'inscription au registre ?

Certes, l'action de groupe n'a pas trouvé son public, mais la diffusion de l'information est bien réduite et l'accès à cette procédure bien complexe. Si le présent texte transpose la directive européenne, il le fait a minima ; on eût aimé une telle délicatesse de sylphide pour d'autres textes volontiers surtransposés !

Le texte se montre protecteur du secret des affaires en maintenant le régime d'opt-in en matière de charge de la preuve, régime dont vous savez mieux que moi qu'il pose des tas de problèmes. Tel n'est pas le choix qu'ont fait nos amis néerlandais ou portugais, voire québécois – ces derniers chers au cœur des Percherons –, ce qui offre à leurs pays un avantage compétitif indéniable pour attirer vers eux tous les demandeurs d'une action représentative. Le projet de loi manque là une occasion de hisser la place judiciaire française au premier rang des dispositifs européens d'action collective ; c'est vraiment dommage.

Les affaires du Mediator et des prothèses PIP, comme les procès de l'amiante, attestent la nécessité d'une procédure plus rapide : les demandeurs ont succombé depuis longtemps à leur empoisonnement alors que les procédures sont savamment enlisées. Tel est souvent le cas en matière environnementale, ou en matière sanitaire, mais aussi dans des affaires de fraude ou d'évasion fiscale. On sait très bien que les fraudeurs ont, pour se défendre, plus de moyens que la justice.

Décidément, ce texte est une occasion perdue. Il me semble d'ailleurs, monsieur le ministre, que cet échec est le symptôme d'une philosophie plus globale, au vu du mauvais sort qui vient d'être fait à la proposition de loi sénatoriale encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, largement rabotée par l'Assemblée nationale : c'est un très mauvais signal qui est envoyé dans ces matières qui exigent la plus extrême vigilance, tant pour la défense des contribuables que pour la limitation des conflits d'intérêts !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

TITRE Ier

L'ACTION DE GROUPE

Chapitre Ier

Objet de l'action de groupe, qualité pour agir et introduction de l'instance

Une action de groupe est exercée en justice par un demandeur mentionné à l'article 1er bis pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, résultant d'un même manquement ou d'un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par toute personne agissant dans l'exercice ou à l'occasion de son activité professionnelle, par toute personne morale de droit public ou par tout organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public.

L'action de groupe est exercée afin d'obtenir soit la cessation du manquement mentionné au premier alinéa du présent article, soit la réparation des préjudices, quelle qu'en soit la nature, subis du fait de ce manquement, soit la satisfaction de ces deux prétentions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 25, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

contractuelles

insérer les mots :

ou au devoir général de prudence ou de vigilance

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Depuis le début de la discussion, nous avons beaucoup entendu dire que cette proposition de loi permettait d'élargir les actions de groupe à tous les domaines ; mais le fait-elle vraiment ?

Certes, l'exercice de l'action de groupe ne serait plus limité à certains domaines, comme c'était le cas dans la loi Hamon, qui avait introduit cette procédure dans notre droit. On demeurerait très loin, néanmoins, de pouvoir en intenter une pour tout préjudice affectant plusieurs personnes. En effet, le texte dispose, en l'état, que le champ des actions de groupe se limite aux seuls préjudices qui résultent d'un manquement à des obligations légales ou contractuelles. Voilà qui ne concerne en réalité qu'une partie des situations où des centaines – voire des milliers – de personnes se trouvent lésées à cause d'un manquement d'une entreprise.

Prenons l'exemple du Mediator, ou celui des organismes de certification de prothèses mammaires. Dans ces affaires, il n'y a pas eu de manquement à des obligations légales ou contractuelles, mais les entreprises ont manqué à leur devoir de vigilance. De même, si Total a été condamné dans l'affaire du naufrage du pétrolier Erika, ce n'est pas parce que l'entreprise avait directement manqué à une obligation légale ou contractuelle, mais parce qu'elle avait manqué de contrôler l'état du navire qui transportait du pétrole pour son compte avant de s'échouer, causant une catastrophe environnementale que tous les Bretons ont subie.

Ce n'est pas pour rien que le code civil dispose que toute personne ayant commis une faute doit réparer le dommage qui en résulte. La jurisprudence a reconnu qu'un manquement au devoir général de prudence ou de vigilance constitue également une telle faute. Au civil, le devoir de réparation n'est donc pas conditionné à la violation d'une quelconque disposition légale ou contractuelle, et pour cause.

Dès lors, dans l'objectif d'améliorer l'accès à la justice, il convient d'élargir le champ de l'action de groupe aux manquements au devoir général de prudence ou de vigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Le présent amendement tend à élargir la définition de l'action de groupe aux actions relatives aux manquements au « devoir général de prudence ou de vigilance ».

Je comprends l'intention de ses auteurs, mais ne faisons pas durer davantage le suspense : la commission comme son rapporteur y sont défavorables.

D'une part, nous avons souhaité mieux circonscrire l'universalisation du champ d'application de l'action de groupe. Dès lors, en élargissant la nature des manquements susceptibles de donner lieu à une action de groupe, on irait à rebours de la position de la commission, ce qui me paraît poser des difficultés certaines. L'élargissement proposé est déjà considérable ; il convient donc de procéder avec prudence, afin de ne pas soumettre des opérateurs économiques à un risque réputationnel qui serait indu.

D'autre part, nous nous sommes attachés à aligner la rédaction de la proposition de loi sur le droit en vigueur, afin de ne pas créer d'effets de bord indésirable. Or le droit en vigueur ne contient pas une telle définition. Il nous semble donc préférable de nous en tenir à la rédaction actuelle.

À défaut d'un retrait, l'avis de la commission serait donc défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Votre amendement, monsieur le sénateur, a pour objet d'élargir le champ d'application de l'action de groupe aux manquements au devoir général de prudence ou de vigilance.

À l'évidence, un tel élargissement n'est pas adapté à ce type de recours, comme cela a d'ailleurs été parfaitement expliqué par M. le rapporteur, compte tenu notamment de la difficulté à qualifier ce type de manquements, qui de surcroît s'apprécient dans de très nombreux cas au regard de situations particulières – j'en prends pour exemple le devoir de vigilance du banquier.

Je note avec intérêt que les exemples que vous avez donnés pour motiver votre amendement sont des affaires dans lesquelles une infraction pénale a été retenue. Or une infraction pénale, c'est tout à fait particulier : cela s'assortit d'un certain nombre de critères spécifiques ; nous y reviendrons lors de l'examen d'autres amendements.

Vous comprendrez donc, j'en suis sûr, que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

I. – Par dérogation à l'article 1er, lorsqu'elle a pour objet un manquement aux obligations légales ou contractuelles résultant du code de la santé publique, l'action de groupe n'est exercée qu'à raison d'un manquement à ses obligations légales ou contractuelles d'un producteur ou d'un fournisseur de l'un des produits mentionnés au II de l'article L. 5311-1 du même code ou d'un prestataire utilisant l'un de ces produits.

II. – Par dérogation à l'article 1er, lorsqu'elle a pour objet un manquement aux obligations légales ou contractuelles résultant du code du travail, l'action de groupe n'est exercée qu'en vue d'établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 du code du travail et imputable à un même employeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 26 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 48 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l'amendement n° 26.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

La loi devrait-elle protéger contre les poursuites une entreprise qui a commis un manquement ? Telle est la question que je me suis posée quand la majorité sénatoriale, en commission, a fait adopter cet article, qui a justement pour objet de protéger les entreprises de poursuites dans certains cas.

On vient d'entendre que les actions de groupe devaient être étendues à tous les domaines ; et pourtant, cet article en rendrait au contraire l'exercice impossible pour plusieurs catégories d'affaires.

Ainsi, en matière de santé, l'action de groupe ne pourrait concerner que les producteurs ou fournisseurs de produits de santé, ce qui exclut par exemple toute action de groupe visant à obtenir réparation d'un préjudice de santé environnementale.

De même, en matière du droit du travail, cet article limite les actions de groupe aux seules discriminations à l'embauche, ce qui a pour conséquence de priver bien des travailleuses et des travailleurs de la possibilité d'engager une telle procédure contre leur employeur dans d'autres domaines, comme le temps de travail, le droit à la déconnexion ou encore la lutte contre le harcèlement au travail. C'est ce que regrette d'ailleurs la CFDT, qui note notamment que les actions de groupe seraient plus efficaces en la matière que des actions sérielles devant les conseils de prud'hommes.

Les actions de groupe en ces matières ne sont pas craintes par les organisations syndicales ; bien au contraire, elles sont très demandées. N'oublions pas que l'État vient d'être condamné, voilà à peine deux semaines, pour le fonctionnement défectueux des conseils de prud'hommes, où les délais de jugement sont bien trop longs. Plutôt que de craindre que les actions de groupe en matière de droit du travail privent les prud'hommes de leurs compétences, nous devons veiller à ce que tout le monde ait un accès effectif à la justice, ce à quoi contribuent justement les actions de groupe.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste demande que l'on supprime ces dérogations.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 48.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La principale avancée de cette proposition de loi est d'éviter une liste à la Prévert des matières pouvant faire l'objet d'actions de groupe ; elle ne procède pas non plus, dans sa version initiale, à des restrictions trop importantes qui excluraient des pans entiers du contentieux.

L'article 1er prévoit ainsi qu'une action de groupe peut être légitimement intentée pour le compte de plusieurs personnes placées dans une situation « résultant d'un même manquement ou d'un manquement de même nature » commis par une personne morale de droit public ou privé.

Feignant de s'en accommoder, la commission des lois en a accepté le principe, mais a imposé une double limitation : en matière de droit de la santé, elle cantonne l'action de groupe aux obligations légales et contractuelles des producteurs et fournisseurs de produits de santé ; en matière de droit du travail, elle la restreint aux discriminations à l'emploi.

Cette dévitalisation de deux pans majeurs de l'action de groupe laisse penser que la commission « protège », si je puis dire, les entreprises, en particulier les plus grandes, contre les justiciables lésés par des comportements hautement répréhensibles. La résorption de l'asymétrie des rapports de force, que l'action de groupe a justement vocation à permettre, serait ainsi entravée par l'article 1er bis A.

On relève au surplus une brèche, source d'insécurité juridique, entre cet article et l'article 1er bis, qui détaille les cas dans lesquels les syndicats peuvent engager des actions de groupe. Quel article faut-il croire ? Celui qui limite le champ des actions de groupe à la lutte contre les discriminations ou celui qui ouvre la possibilité d'agir collectivement en matière de protection des données personnelles et pour obtenir la cessation d'un manquement et la réparation de tout dommage causé à des personnes sous l'autorité d'un employeur ?

L'argument qui consiste à déplorer que les syndicats soient dépossédés du contentieux en matière de droit du travail ne résiste pas à l'épreuve des faits, dès lors que ceux-ci sont seuls à pouvoir engager une action de groupe en la matière lorsque les conditions sont réunies.

Le présent article ne répond en réalité qu'à une ambition, dévitaliser la proposition de loi ; aussi en proposons-nous la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Les amendements défendus par nos collègues Guillaume Gontard et Éric Bocquet tendent à supprimer l'article 1er bis A par lequel la commission, qui l'a ajouté dans le texte, a souhaité circonscrire les actions de groupe en matière de santé et de droit du travail à leur champ actuel, à savoir, respectivement, les produits de santé et les discriminations au travail. Cette limitation nous apparaît en effet nécessaire.

Premièrement, en matière de santé, nous avons été alertés quant au très grand risque que pourraient encourir des professionnels de santé disposant de faibles moyens de défense face à des actions de groupe destinées à salir leur réputation.

Entendons-nous bien, mes chers collègues : nous ne remettons pas en cause le champ actuel des actions de groupe en matière de santé. Des affaires telles que celles du Mediator ou des prothèses mammaires PIP, mentionnées par Mme Vogel dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 26, pourraient toujours faire l'objet d'actions de groupe. En revanche, nous estimons que le risque réputationnel que pourraient en particulier encourir des professionnels de santé justifie d'exclure ceux-ci du champ de l'action de groupe et d'en rester au champ actuel.

Je souhaite par ailleurs répondre à l'argument parfois avancé consistant à affirmer que, le « fond du droit » de la responsabilité n'étant pas modifié par la proposition de loi, ces changements procéduraux seraient sans effet sur l'engagement de la responsabilité des professionnels de santé. C'est exact, mais c'est oublier que le véritable coût d'une action de groupe est réputationnel : quel patient irait consulter un médecin dont le nom figure injustement au registre des actions de groupe, dont je rappelle qu'il est créé par la présente proposition de loi ? Dans le cas où la responsabilité du professionnel en question ne serait pas reconnue, comment compenser le préjudice ainsi subi ? L'action de groupe « à la française » ne nous paraît pas devoir s'orienter vers ce type de dérives.

Deuxièmement, en matière de droit du travail, il nous a semblé qu'une ouverture indiscriminée du champ d'application de l'action de groupe risquerait en particulier de dessaisir les conseils de prud'hommes de pans non négligeables du contentieux, ce qui serait un effet de bord particulièrement fâcheux de cette réforme, les prud'hommes rendant la justice au plus près des intérêts des salariés et des employeurs.

Il nous a également semblé, comme le rappelle Mme Vogel, que cela risquerait de priver les syndicats du rôle majeur qui leur échoit dans la conduite du dialogue social comme dans l'action contentieuse. L'écosystème des relations de travail, qui repose en particulier sur le rôle des syndicats et sur celui des conseils de prud'hommes, ne me paraît pas devoir être incidemment perturbé par cette réforme.

En conséquence, je demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Ces amendements visent à supprimer l'article 1er bis A, introduit par la commission afin de maintenir le droit en vigueur en matière d'action de groupe dans les deux domaines de la santé et du travail. Ces deux domaines exigent certes qu'un traitement particulier soit réservé au champ de l'action de groupe.

Ainsi, en matière de santé, si le champ de l'action de groupe était étendu, on pourrait voir de telles procédures intentées devant le juge pour des dommages occasionnés par la pratique de professionnels résultant de conditions d'organisation du service ; j'aurais pu évoquer également les domaines de la santé environnementale et de la santé alimentaire. Voilà qui pourrait provoquer – pardonnez-moi de le dire ainsi – une multiplication du contentieux et une instrumentalisation de ces procédures, des effets négatifs étant à craindre, notamment sur l'attractivité des métiers, ou encore sur le renchérissement des primes d'assurance.

Par ailleurs, dans les exemples que vous citez, que ce soit le Mediator ou les prothèses PIP, l'action de groupe est d'ores et déjà possible – autrement dit, ces exemples ne sont pas les bons.

En matière de droit du travail, deuxième matière qui fait l'objet de cet article, et comme cela a été parfaitement dit par M. le rapporteur, l'ouverture indiscriminée du champ de l'action de groupe risquerait de dessaisir les conseils de prud'hommes de pans non négligeables – j'y insiste – du contentieux.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable sur ces deux amendements identiques.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 1 er bis A est adopté.

I. – L'action de groupe est exercée par les associations agréées à cette fin. L'agrément peut être octroyé par l'autorité administrative chargée de sa délivrance à toute association régulièrement déclarée, à but non lucratif, dès lors qu'elle remplit les conditions suivantes :

1° Elle justifie à la date du dépôt de sa demande d'agrément de l'exercice d'une activité effective et publique de douze mois consécutifs en vue de la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte ;

2° Son objet statutaire comporte la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte ;

3° Elle ne fait pas l'objet, à la date du dépôt de sa demande d'agrément, d'une procédure collective prévue au livre VI du code de commerce ;

L'agrément peut être retiré par l'autorité administrative chargée de sa délivrance dès lors qu'elle constate que l'une des conditions prévues au présent I n'est plus remplie.

I bis. – L'action de groupe peut également être exercée par les organisations syndicales représentatives, au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou de l'article L. 221-1 du code général de la fonction publique, et les organisations syndicales représentatives de magistrats de l'ordre judiciaire :

1° En matière de lutte contre les discriminations ;

2° En matière de protection des données personnelles ;

3° Ou lorsqu'elle tend à la cessation du manquement d'un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l'autorité de cet employeur.

II. –

Non modifié

III. –

Non modifié

Il peut également intervenir, en qualité de partie jointe, dans toute action de groupe.

IV. – Les personnes mentionnées aux I à II du présent article qui peuvent exercer une action de groupe en application de l'article 1er peuvent exercer cette action conjointement ou intervenir volontairement à une instance ouverte.

V

VI

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 27, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 à 7

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

I. – L'action de groupe peut être exercée par :

1° Les associations agréées ;

2° Les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l'objet statutaire comporte la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte ;

3° Les associations régulièrement déclarées agissant pour le compte soit d'au moins cinquante personnes physiques, soit d'au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d'au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d'un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l'article 1er.

4° Un ou plusieurs avocats représentant les intérêts soit d'au moins cinquante personnes physiques, soit d'au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d'au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d'un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l'article 1er.

II. – Alinéa 15

Remplacer la première occurrence du mot :

par le mot :

et

III. – Alinéas 16 et 17

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Cet amendement vise avant tout à rétablir l'article 1er bis dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Je voudrais signaler, à ce propos, que ce texte a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale ; les députés du groupe Les Républicains ont donc voté pour, mes chers collègues…

Nous commençons, avec cet article, l'examen des conditions requises pour avoir qualité pour agir. En d'autres termes, cet article répond à la question suivante : « qui peut introduire une action de groupe ? » Or cette définition est primordiale pour faciliter le recours aux actions de groupe et, par ricochet, l'accès à la justice. Si les conditions encadrant la qualité pour agir sont trop restrictives, il est des cas dans lesquels il risque tout simplement de n'y avoir personne pour introduire une action de groupe. Tel est peut-être l'objectif de certains ; ce n'est pas le nôtre.

C'est pourquoi nous souhaitons revenir sur les restrictions introduites dans le texte par la commission, en ouvrant la qualité pour agir à davantage d'acteurs. Pourrait ainsi exercer une action de groupe toute association déclarée depuis au moins deux ans. De plus – innovation de notre amendement par rapport au texte de l'Assemblée nationale –, une avocate ou un avocat représentant au moins cinquante personnes pourrait également intenter une action de groupe.

Élargir la qualité pour agir est primordial si l'on veut améliorer l'accès à la justice des citoyennes et des citoyens. En aucun cas nous ne devrions conditionner la qualité pour agir à l'obtention d'un quelconque agrément. La perte par Anticor de son agrément aurait dû rappeler à toutes et à tous qu'une telle condition reviendrait à imposer des contraintes importantes aux associations, rendant plus difficile encore qu'auparavant l'accès à l'action de groupe.

Enfin, dans un État de droit, l'élargissement de la qualité pour agir ne devrait représenter aucun problème. L'introduction d'une action de groupe ne saurait en elle-même causer de préjudice aux entreprises mises en cause, car la présomption d'innocence vaut aussi pour cette procédure ; à la justice de décider ensuite s'il y a ou non préjudice. Grâce à notre État de droit, il est tout à fait possible d'élargir la qualité pour agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.

L'amendement n° 28 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 45 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéas 1 à 7

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

I. – L'action de groupe peut être exercée par :

1° Les associations agréées ;

2° Les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l'objet statutaire comporte la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte ;

3° Les associations régulièrement déclarées agissant pour le compte soit d'au moins cinquante personnes physiques, soit d'au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d'au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d'un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l'article 1er.

II. – Alinéa 15

Remplacer la première occurrence du mot :

par le mot :

et

III. – Alinéas 16 et 17

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l'amendement n° 21 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Cet amendement vise à revenir à l'article 1er bis tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.

Nous ne comprenons pas la volonté de notre rapporteur de restreindre, voire d'entraver, la possibilité pour un certain nombre d'organisations d'intenter des actions de groupe. Ce que nous propose notre rapporteur me dérange, parce que les conditions qu'il fixe à l'action des associations sont exorbitantes – et je parle sous le contrôle d'éminents juristes.

On prévoit de telles restrictions alors même que, devant les juridictions pénales, lorsque les associations se constituent partie civile, aux côtés de victimes de discrimination, par exemple, il suffit pour ce faire qu'elles aient cinq ans d'existence et que la lutte contre telle ou telle discrimination soit mentionnée dans leurs statuts comme faisant partie de leur objet.

Je ne comprends donc pas pourquoi notre rapporteur nous propose d'aborder les questions de la place des associations et des conditions d'accès au procès d'une manière si différente de ce qui prévaut actuellement. Les conditions qui sont aujourd'hui proposées par notre rapporteur sont exorbitantes, je le dis : si elles sont retenues, peu d'associations pourront intenter des actions de groupe.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, depuis que nous avons commencé l'examen de ce texte, vous évoquez systématiquement le risque réputationnel ; mais, sur ce point, vous n'arrivez pas à me convaincre.

D'une part, l'invocation du risque réputationnel ne résiste pas à la présomption d'innocence. D'autre part, si des associations ou des organisations venaient, multipliant les procédures, à user et à abuser du droit de l'action de groupe, rien n'empêcherait l'opérateur économique de se retourner contre elles et de leur intenter une action en procédure abusive, afin de faire condamner celles qui se seraient ainsi fourvoyées.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Autrement dit, cet argument ne tient pas la route : on ne saurait nous opposer le risque réputationnel, sinon pour faire en sorte que rien ne change et que les intérêts des opérateurs économiques soient à tout prix préservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l'amendement n° 28.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à revenir, sans modification, à la version adoptée par l'Assemblée nationale. Notre amendement n° 27 avait quant à lui pour objet de donner qualité pour agir aux avocates et aux avocats.

J'en profite pour faire la remarque suivante. À première vue, on pourrait penser qu'il devrait suffire de reconnaître la qualité pour agir à au moins une association par domaine : ainsi y aurait-il en tout domaine une association pour engager une action de groupe. Ce serait toutefois méconnaître la réalité des faits. En pratique, les capacités des associations sont évidemment limitées : leurs ressources sont loin d'être infinies. Or exercer une action de groupe demande un investissement financier et mobilise des ressources humaines, et ce pendant des années.

Pour aider les associations à introduire des actions de groupe, ce qui relève de l'intérêt général, la Défenseure des droits a d'ailleurs proposé de créer un fonds spécifique. Malgré tout, leurs capacités resteraient limitées.

Ainsi, dans les faits, l'association devra toujours choisir de quel manquement elle se saisit. En d'autres termes, elle sera toujours obligée, pour engager une action de groupe, de refuser d'en intenter d'autres, donc de renoncer à demander la réparation de certains préjudices. Par ricochet, certaines personnes ne pourront jamais bénéficier de l'introduction d'une action de groupe.

Afin de limiter le nombre de tels cas, il est donc important d'ouvrir plus largement la qualité pour agir. Plus il y a d'associations pouvant introduire une action de groupe, moins il y aura de personnes lésées privées d'un accès praticable à la justice.

Pour faire court, élargir la qualité pour agir permet d'améliorer l'accès à la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 45.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Après s'être attaquée aux périmètres et aux domaines pouvant faire l'objet d'actions de groupe, la commission des lois s'est employée à réduire drastiquement la liste des organisations ayant qualité à agir, c'est-à-dire des entités pouvant engager des procédures visant à obtenir cessation ou réparation du préjudice subi par plusieurs justiciables.

Aux termes du présent texte, seules les associations agréées et les organisations syndicales représentatives auraient la faculté de déposer une demande d'action de groupe. Exit les associations déclarées depuis deux ans au moins, dont l'objet est la défense d'intérêts spécifiques, c'est-à-dire qui se sont constituées aux seules fins de rassembler la force de plusieurs plaignants ; exit aussi les associations agissant pour au moins cinquante personnes ou cinq collectivités territoriales.

Comprimer la liste des organisations pouvant intenter de telles procédures revient à annihiler les bénéfices de l'élargissement des matières auxquelles est applicable l'action de groupe. Par ce détricotage, l'action de groupe est rendue difficile, voire impossible : elle devient un véritable parcours du combattant.

Pourquoi, à l'inverse, ne conférerait-on pas la faculté de déclencher une action de groupe à deux citoyens qui auraient subi le même préjudice ? Non : il a été convenu qu'il fallait nécessairement en passer par la forme associative, critère de surcroît assorti d'une condition de durée d'existence. Mais voilà qui serait déjà trop, estime-t-on désormais : avec une telle mesure, même ainsi limitée, les entreprises se trouveraient menacées par un trop grand risque de contentieux…

Il faut prendre l'impératif de justice au sérieux, mes chers collègues. Croyez-vous que nos concitoyens engageraient de telles procédures par simple malveillance, comme si réclamer réparation n'était pas long, fastidieux et coûteux ? On ne se présente pas devant le juge par plaisir !

Il faut sortir de cette logique qui voit le justiciable comme une menace au point qu'il faille en passer par un tiers. Faisons sauter les verrous et revenons à la rédaction initiale de ce texte, celle qui, je le rappelle, fut adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, au début

Insérer les mots :

Sauf dans les cas prévus au II de l'article 1er bis A,

II. – Alinéas 8 à 11

Rédiger ainsi ces alinéas :

I bis. – L'action de groupe peut être exercée par les organisations syndicales représentatives, au sens des articles L. 2122-1, L. 2122-5 ou L. 2122-9 du code du travail ou de l'article L. 221-1 du code général de la fonction publique, et les organisations syndicales représentatives de magistrats de l'ordre judiciaire :

a) en matière de discrimination ;

b) en matière de protection des données personnelles.

Les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peuvent agir pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Le Gouvernement souhaite préserver le rôle spécifique des organisations syndicales en matière de représentation et de défense des intérêts des salariés et des agents publics.

En effet, les organisations syndicales sont les mieux placées pour assurer cette défense, étant entendu qu'elles peuvent déjà être en lien avec des associations. La reconnaissance d'un rôle spécifique pour les premières ne remet pas en cause celui des secondes : conformément au droit actuellement en vigueur, les associations pourront intervenir pour défendre les intérêts des candidats à un emploi, à un stage ou à une formation.

En outre, concernant les cas de discrimination à l'égard des candidats, cet amendement vise justement à ouvrir les actions de groupe aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans, contre cinq ans actuellement.

L'adoption de cet amendement permettra ainsi de préserver un équilibre des rôles, en garantissant que les organisations syndicales restent centrales pour ce qui est de la défense des salariés et des agents.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 7, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

personnes

insérer les mots :

physiques, morales ou un État étranger

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il s'agit d'un amendement de précision visant à garantir l'indépendance des procédures engagées.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes N. Goulet et Billon, MM. Lafon, Bonneau, Bitz, Chasseing et A. Marc, Mme Sollogoub, MM. Canévet et Delcros, Mme Doineau, MM. Chatillon, Wattebled et Maurey et Mmes Devésa, Jacquemet et Romagny, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° En matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale ;

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet amendement vise à ajouter la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale aux matières susceptibles d'une action de groupe.

Il est extrêmement important que les organisations syndicales représentatives puissent agir dans ces domaines qui sont d'une actualité brûlante.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 46, présenté par MM. Savoldelli, Gay, Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° En matière de reconnaissance de la subordination définie à l'article L. 8221-6-1 du code du travail ;

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Voilà, de la part de notre groupe, un amendement simple : il s'agit de permettre aux travailleurs des plateformes, via des collectifs – des syndicats – représentatifs, d'engager des actions de groupe pour faire reconnaître leur lien de subordination et, ainsi, de leur garantir la possibilité de faire requalifier leur statut.

Certes, faute de mieux, les collectifs existants ne représentent pas forcément la diversité de la profession. Pour autant, nous le savons, les travailleurs des plateformes sont livrés à eux-mêmes. Quand l'un d'entre eux, au terme de procédures longues, coûteuses et dissuasives, parvient à faire reconnaître le détournement du statut d'autoentrepreneur, les autres travailleurs sujets aux mêmes conditions ne profitent pas de cet acquis social.

Le contentieux via une action de groupe est possible, depuis peu, en matière de données personnelles : il y a là une réelle avancée. Il faut maintenant aller plus loin. Les travailleurs des plateformes subissant des préjudices similaires ou de même nature doivent pouvoir se coaliser face aux plateformes numériques qui rivalisent d'ingéniosité pour les priver de leurs droits.

Tout le monde ici le sait, les plateformes numériques sont des machines à précarité. Elles ne manquent pas d'avocats et contournent le droit du travail, exploitant chaque brèche.

Le droit, nous pouvons le changer. Nous ne devons pas attendre qu'aboutisse la directive européenne sur les travailleurs des plateformes, texte que, du reste, le Gouvernement ne cesse de bloquer. Les actions de groupe constituent un levier pour permettre aux travailleurs des plateformes de sortir d'une zone de non-droit.

Si nous ne légiférons pas, les décisions favorables aux travailleurs s'accumuleront partout chez nos voisins européens et nous devrons de toute façon y revenir.

Quand le droit ne protège plus, ce n'est plus du droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 47, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° En matière d'infractions boursières ou financières et de fraude ou évasion fiscale ;

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. Voici ce que déclarait il y a moins d'un an le ministre délégué chargé des comptes publics, devenu ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, désormais Premier ministre, Gabriel Attal – le temps passe vite, décidément !

Mme Sophie Primas rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La fraude et l'évasion fiscales pénalisent certes les finances publiques et rompent le pacte social, c'est une évidence, mais la fraude fiscale et boursière mine aussi le pacte social dans les entreprises en éludant une partie de la richesse créée ou en sacrifiant l'outil productif à quelques actionnaires au profit d'une valorisation boursière rehaussée. Pour cette raison, nous estimons que les travailleuses et les travailleurs, par l'intermédiaire de leurs représentants, doivent pouvoir entamer une action de groupe pour demander réparation du préjudice subi en cas de fraude financière ou fiscale.

Si le « partage de la valeur » est érigé en priorité par le Gouvernement, il l'est non pas par le biais de revalorisations salariales, mais seulement, par exemple, par l'allocation d'actions gratuites ou de primes. Tout mécanisme de fraude est à cet égard extrêmement préjudiciable.

Le dispositif de partage de la valeur voté l'été dernier suppose une augmentation du résultat sur trois années consécutives. On le sait, ce même résultat net peut être éludé par des fraudes fiscales en tout genre, par exemple par des prix de transfert démesurés : le résultat net se trouve estompé, car artificiellement maquillé, ce qui prive les travailleurs de la valeur qu'ils ont produite.

Il est donc temps de reconnaître que celles et ceux qui sont en première ligne pour créer de la valeur doivent être en première ligne pour en tirer profit. Le profit n'est pas réservé aux actionnaires ! Il doit, sinon ruisseler, du moins bénéficier aux travailleurs via des augmentations de salaires convenables.

Ouvrir les actions de groupe aux syndicats représentatifs d'une entreprise qui lèse ses employés et leur octroyer la qualité à agir en matière de fraude fiscale revient à garantir aux salariés un droit de regard qui est, in fine, un droit salarial.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 8 rectifié ter, présenté par Mme N. Goulet, MM. Menonville, Bonneau, Bitz, Chasseing, A. Marc et Henno, Mme de La Provôté, M. Delcros, Mmes O. Richard, Guidez, N. Delattre, Billon et Herzog, MM. Courtial et Chatillon, Mme Sollogoub, M. Wattebled, Mme Devésa, MM. Duffourg et Pillefer et Mmes Jacquemet et Romagny, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…. – L'action de groupe peut également être exercée par les organisations syndicales à vocation générale d'exploitants agricoles et les organisations des pêcheurs et des professions de la mer représentatives satisfaisant aux conditions prévues au I, lorsqu'elle tend à la cessation du manquement ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs de leurs adhérents.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il s'agit d'étendre la possibilité de l'action de groupe aux organisations syndicales à vocation générale d'exploitation agricole et aux organisations des pêcheurs et des professions de la mer.

La détresse des agriculteurs et la crise que vient de vivre notre pays, qui couvait depuis longtemps, justifient à elles seules cet amendement de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 51, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – L'action de groupe peut également être exercée par un ou plusieurs avocats représentant les intérêts soit d'au moins cinquante personnes physiques, soit d'au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d'au moins cinq collectivités territoriales ou groupements de collectivités se déclarant victimes d'un dommage causé par le défendeur et répondant aux conditions prévues à l'article 1er de la présente loi.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Mes chers collègues, nous avons essayé de vous convaincre de la nécessité de ne pas restreindre la liste des structures qui peuvent se voir reconnaître un intérêt à agir.

Cet amendement de repli vise quant à lui à permettre d'intenter une action de groupe, non pas directement, mais par l'intermédiaire d'un avocat. Vous vous méfiez des collectivités territoriales se regroupant en associations afin de faire valoir leurs droits ; dont acte. Mais pour quelle raison entretiendriez-vous une telle défiance pour cinq collectivités qui engageraient une procédure par l'entremise d'un avocat ?

La suppression de l'article 2 quinquies A relatif aux conditions de représentation des demandeurs par un avocat pose tout de même question sur votre rapport à la profession…

Lors de l'examen des précédents textes encadrant les actions de groupe, l'argument avait été avancé selon lequel les avocats ne sauraient être à la fois parties et défenseurs.

Quand bien même reconnaître la qualité à agir d'un avocat dans le cadre de l'action de groupe lui conférerait la qualité de demandeur au sens de la proposition de loi, il agirait dans l'intérêt des personnes physiques ou morales qui l'auraient mandaté pour ce faire.

L'article 411 du code de procédure civile ne dit pas autre chose : « Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. » Nous ne saurions assimiler l'avocat à un mercenaire de l'action de groupe, à un « chasseur de primes », pour reprendre les termes cités tout à l'heure.

Enfin, il est nécessaire de rappeler qu'un avocat ne pourrait engager une action de groupe que conformément aux règles déontologiques qui encadrent l'exercice de sa profession, lesquelles constituent, à nos yeux comme aux vôtres, une garantie au bénéfice des justiciables.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 6, présenté par Mmes N. Goulet et Florennes, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet amendement vise à suivre une recommandation émise par le Conseil d'État dans son avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

En l'espèce, pourtant, j'ai proposé de supprimer le monopole des syndicats sur certaines actions, et c'est le Gouvernement qui, au travers de l'amendement n° 52, entend le rétablir.

Sur ce point, monsieur le garde des sceaux, je ne peux pas être d'accord avec vous : au contraire, en matière de contentieux du travail, les associations peuvent jouer à jeu égal avec les syndicats. Cela me paraît beaucoup plus sain et beaucoup plus ouvert.

Je sais bien qu'une telle position risque de ne pas plaire à grand monde, la commission proposant une orientation qui va à rebours de ce qui se fait, hélas ! dans ce pays. Reste que rien dans le code du travail ne s'oppose à ce qu'il n'y ait pas de monopole syndical ; je comprends donc mal ce qui justifierait un retour audit monopole.

Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 52.

L'amendement n° 27, présenté par M. Salmon, tend à restaurer les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale relatives à la qualité pour agir et à ouvrir celles-ci aux avocats représentant des intérêts soit d'au moins cinquante personnes physiques, soit d'au moins cinq personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d'au moins cinq collectivités territoriales ou groupement de collectivités. Outre qu'elle supprimerait des dispositions de transposition nécessaires, l'adoption de cet amendement reviendrait à ouvrir à l'excès la qualité pour agir.

D'une part, le champ de la qualité pour agir tel que défini à l'Assemblée nationale paraît excessivement large. La commission s'est précisément attachée à restaurer un agrément permettant de garantir le sérieux et de contrôler la transparence des associations qui engageront des actions de groupe. Cette garantie est fondamentale s'agissant d'éviter que des associations créées en peu de temps et représentant peu de personnes n'agissent comme les faux nez d'entreprises cherchant à nuire à leurs concurrents.

D'autre part – et cela me permet de répondre à plusieurs d'entre vous, mes chers collègues –, la commission est défavorable à l'ajout des avocats parmi les personnes ayant qualité pour agir. En procédant à un tel ajout, nous nous approcherions dangereusement du système de la class action à l'américaine

M. le garde des sceaux acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Avis défavorable, donc, sur l'amendement n° 27.

Pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques n° 21 rectifié, 28 et 45, qui visent à restaurer l'article 1er bis dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Elle a en effet estimé nécessaire de mieux encadrer la qualité pour agir.

Depuis le début de l'examen de ce texte, je passe pour le méchant.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Il en faut toujours un, ma chère collègue, sauf que, méchant, je ne le suis pas.

Vous préféreriez donc des associations constituées le matin même, qui comptent cinq adhérents et auxquelles on demande une attestation sur l'honneur griffonnée sur un bout de papier, dont la seule valeur est celle de l'encre qui a servi à la produire ?

MM. Hussein Bourgi et Daniel Salmon protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Il n'y avait pas plus de subtilité dans les propos que j'ai entendus !

Je vous propose d'insérer dans le texte ce qui figure dans la directive européenne elle-même, c'est-à-dire de prévoir l'intervention d'associations dont l'activité et la transparence financière sont publiquement reconnues. Je ne vois là rien d'impossible pour des associations…

J'avoue ne pas comprendre la position de M. Bocquet, qui déplore que seules les associations agréées puissent, aux termes du texte de la commission, introduire une action de groupe. Aujourd'hui, au regard des conditions requises, n'importe quelle association peut recevoir l'agrément !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

On leur demanderait simplement d'être transparentes et d'avoir une activité, ce qui, je le répète, n'est quand même pas compliqué pour une association ! Les conditions de sérieux doivent être les mêmes pour tout le monde… Pour ce qui est des actions transfrontières, ce sont les mêmes critères qui seront exigés pour les associations européennes qui intenteront en France une action de groupe.

L'amendement n° 7 de Mme Goulet vise à préciser que les personnes ayant qualité pour agir ne sont pas influencées par des États étrangers. Je comprends l'intention et je la partage, les États étrangers pouvant s'employer à déstabiliser une entreprise par ce moyen. Reste que la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car la disposition dont il est question me semble poser deux difficultés techniques.

D'une part, la commission s'est fondée, pour la rédaction de ce critère qui a trait aux conflits d'intérêts, sur la directive européenne relative aux actions représentatives. En complétant ce critère de la façon proposée par notre collègue, je crains que nous ne procédions à une surtransposition préjudiciable à notre cadre juridique.

D'autre part, je m'interroge sur l'opérationnalité du dispositif : si, dès lors qu'une entreprise d'une autre nationalité, y compris non concurrente de l'entreprise française défenderesse à l'action, finance une association, l'on considère que l'État étranger de résidence de l'entreprise financeuse exerce ainsi une influence, on finira par prévenir tout financement international, ce qui ne me semble pas l'objectif. Cela pourrait même nuire gravement aux actions transfrontières, en infraction aux dispositions de la directive Actions représentatives que cette proposition de loi entend pourtant transposer.

Sur l'amendement n° 51 de M. Bocquet, qui tend à ouvrir aux avocats la qualité pour agir, la commission émet un avis défavorable, pour les raisons que j'ai déjà évoquées. L'octroi aux avocats d'une qualité pour agir me paraît ouvrir à l'excès le champ de l'action de groupe et rapprocher notre système des dérives de la class action.

J'en viens à l'amendement n° 6, qui a pour objet de supprimer l'obligation faite aux personnes ayant qualité pour agir de publier des informations relatives aux actions de groupe qu'elles ont engagées. La commission en demande le retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable. L'alinéa 16, que Mme Goulet entend supprimer, vise précisément, conformément à la recommandation du Conseil d'État, à transposer une disposition de la directive européenne.

Sur l'amendement n° 8 rectifié ter, la commission émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Quelle audace, en effet !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Cet amendement tend à inclure les syndicats agricoles et les syndicats de pêcheurs parmi les personnes ayant qualité pour agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Il est nécessaire de répondre à la crise que vient de traverser le monde agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

M. Hussein Bourgi. Y compris en Méditerranée ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Évidemment, mon cher collègue !

Je ne peux émettre qu'un avis défavorable, en revanche, sur l'amendement n° 1 rectifié bis, qui est contraire à la position de la commission ; je comprends néanmoins l'intention de ses auteurs.

D'une part, l'universalisation du champ des actions de groupe implique qu'aucun champ n'en est a priori exclu, comme c'était auparavant le cas. L'on peut en déduire que, dès lors qu'un manquement est commis par toute personne agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle, il pourrait faire l'objet d'une action de groupe, à tout le moins en cessation de manquement, voire en réparation de préjudices, si un préjudice peut être identifié. L'intention de Mme Goulet me paraît donc satisfaite.

D'autre part, le rôle des syndicats est non pas de lutter contre l'évasion fiscale, mais de contribuer au dialogue social dans l'entreprise. Il me semble donc qu'ils ne seraient pas les plus indiqués pour agir en la matière.

Quant à l'amendement n° 46 de M. Savoldelli, son objet est incompatible avec les dispositions de l'article 1er bis A, qui limitent le champ des actions de groupe en matière de droit du travail aux seules discriminations : avis défavorable.

L'avis de la commission est défavorable également sur l'amendement n° 47 de M. Bocquet, pour les mêmes raisons déjà exposées à propos de l'amendement n° 1 rectifié bis, qui ont trait à l'universalisation du champ des actions de groupe.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, nous étions d'accord sur tout. Pour quelle raison vous êtes-vous arrêté en si bon chemin ?

Sourires.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je ne suis sans doute pas le plus objectif pour m'exprimer à ce propos, mais je trouve que l'amendement du Gouvernement a du sens.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Par ailleurs, j'ai la faiblesse de penser que l'amendement n° 8 rectifié ter de Mme la sénatrice Goulet, qui vise à élargir l'action de groupe aux syndicats agricoles représentatifs, est satisfait. En effet, les articles L. 2122-1, L. 2122-5 et L. 2122-9 du code du travail consacrent d'ores et déjà la possibilité pour les syndicats d'intervenir. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble des autres amendements, reprenant en très grande partie à son compte les arguments de la commission. Je précise que la suppression de l'obligation de mise à disposition du public des informations relatives à l'état des actions de groupe engagées ou à venir rendrait incomplète la transposition de la directive UE 2020/1828 du 25 novembre 2020.

Par ailleurs, comme l'a souligné le rapporteur, une trop grande ouverture de la qualité pour agir, notamment aux avocats, risquerait de faire apparaître les mêmes dérives que celles qui sont constatées outre-Atlantique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

J'ai vraiment apprécié l'analyse qu'a exposée le rapporteur lorsqu'il a fait part de sa conception de la vie associative ; je n'ai pas manqué d'y percevoir, toutefois, une légère crainte des citoyens…

J'en viens à la question des droits des travailleurs des plateformes, dont il est question à l'amendement n° 46. Monsieur le rapporteur, vous dites que l'intention est bonne, mais que notre proposition est contraire à l'article1er bis A. Nous avons voté contre : nous sommes donc cohérents.

À force de dire que les intentions sont bonnes tout en persistant à ne pas y répondre, il ne faut pas s'étonner qu'il finisse par y avoir des crises. Dès lors que les gens ne sont pas respectés et qu'ils ne peuvent pas défendre leurs droits, c'est tout simplement le champ républicain qui leur est refusé.

On est en train d'exclure des dispositions de la proposition de loi les travailleurs des plateformes numériques. Il ne s'agit pas ici de discrimination : ce sont des algorithmes qui déterminent leurs courses, leur niveau de rémunération, leurs conditions de travail. Ces travailleurs sont des victimes ! Dans ces conditions, pourquoi a-t-on si peur de leur donner des moyens pour se battre ?

Nous venons d'apprendre que, grâce à des organisations comme la Ligue des droits de l'homme (LDH) ou la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), les chauffeurs de VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur) ont obtenu la condamnation d'Uber à une amende de 10 millions d'euros. Pour rétablir de la justice et de l'égalité, on le voit, il faut bel et bien en passer par des actions de groupe, menées non seulement par des associations qui ont fait leurs preuves, mais aussi par des citoyens et des citoyennes.

Il est temps de comprendre que le modèle économique et le travail ont largement évolué. Il faut que la loi évolue à l'avenant pour que nos concitoyens puissent se saisir de l'outil du droit ; à défaut, on mettra de côté, hors du droit de la société, des centaines de milliers de personnes.

Je pensais sincèrement que l'amendement n° 46 serait adopté et que personne ici n'avait envie de revenir au travail à la tâche ou au travail à la pièce. Une telle vision du droit me paraît franchement anachronique…

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, tout d'abord, je retire les amendements n° 7 et 6.

Je souhaite dire quelques mots supplémentaires, ensuite, sur l'amendement n° 8 rectifié ter, qui a reçu un avis favorable de la commission. Il s'agit d'un amendement de précision, les dispositions du code du travail et du code général de la fonction publique visées à l'alinéa 8 de l'article 1er bis, dont je vous épargne la lecture, ne correspondant pas exactement – et même pas du tout – à la situation dans laquelle se trouvent le secteur agricole et celui de la pêche.

Sur l'amendement n° 1 rectifié bis, relatif à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, je ne saurais partager l'avis du rapporteur, qui nous explique que les syndicats ne sont pas là pour mener une telle lutte. En la matière, certains syndicats jouent le rôle de lanceurs d'alerte, et c'est bien heureux.

Je précise que le groupe Lactalis est depuis quelques heures sous le coup d'une enquête pour fraude fiscale aggravée ; certes présumé innocent, il est soupçonné d'avoir détourné des sommes extrêmement importantes au profit de ses filiales au Luxembourg et en Belgique.

Au moment où les producteurs de lait sont dans une détresse invraisemblable, j'ose imaginer que les syndicats agricoles et ceux qui représentent les salariés de Lactalis sont totalement fondés à engager des actions de ce genre.

La fraude et l'évasion fiscale doivent absolument être ajoutées au dispositif, car c'est le rôle des syndicats que de conduire pareilles actions.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les amendements n° 7 et 6 sont retirés.

La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je suivrai évidemment l'avis du rapporteur, mais j'ai une sympathie forte pour l'amendement n° 46 de M. Savoldelli : ce qui se passe en matière de droit du travail pour ce qui concerne les plateformes, qui reposent sur le travail précaire, est absolument inadmissible.

Je pense néanmoins que le sujet est beaucoup plus vaste que le seul problème de l'action de groupe. Et je sais que notre collègue Frédérique Puissat travaille à une proposition de loi qui engloberait l'ensemble des questions relatives aux droits des travailleurs des plateformes. Je sais aussi que l'Europe est en train de travailler sur un règlement – il n'est que temps ! Ce sujet est de la plus haute importance et il est susceptible de faire consensus entre nous, tant la situation est dégradée pour ces travailleurs.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1er bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Szpiner, Rapin et Klinger, Mme Jacquemet, M. Somon, Mmes Ciuntu et Billon, M. Bouchet, Mmes Muller-Bronn et Richer, MM. Courtial et Bonhomme, Mme Romagny, MM. Henno et Hugonet, Mme Dumas, M. Daubresse, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone et Dumont, MM. Hingray et Brisson, Mmes Valente Le Hir, Di Folco et Joseph, M. Pellevat et Mme Canayer, est ainsi libellé :

Après l'article 1er ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes mentionnées aux I à II de l'article 1er bis peuvent recevoir des fonds de tiers, à la seule fin de soutenir l'exercice d'actions de groupe en réparation des préjudices, sous réserve que ce financement n'ait ni pour objet ni pour effet l'exercice par le tiers d'une influence sur l'introduction ou la conduite d'actions de groupe susceptible de porter atteinte à l'intérêt de personnes représentées.

La parole est à M. Francis Szpiner.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis SZPINER

Il apparaît souhaitable que les sociétés de financement puissent participer aux actions de groupe.

Tout d'abord, cela nous mettrait à égalité avec un certain nombre de consommateurs en Europe qui bénéficient de cette possibilité. Ensuite, s'agissant de procédures complexes et coûteuses, ces sociétés de financement peuvent mobiliser des moyens que les particuliers, ou même certaines associations, n'ont pas. Enfin, étant à but lucratif, elles ne se lancent généralement pas dans des procès à l'aveuglette : elles trouvent leur intérêt dans ces procédures.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Le sous-amendement n° 24, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Amendement n° 23

Compléter cet amendement par une phrase ainsi rédigée :

Ce financement par des tiers fait l'objet d'une publication dans des conditions fixées par décret.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Ce sous-amendement vise à compléter l'excellent amendement de Francis Szpiner en précisant que le financement par des tiers fera l'objet d'une publication dans des conditions fixées par décret. Il est bon que des financements puissent être mobilisés, mais ils doivent s'assortir de toute la transparence nécessaire : c'est un sous-amendement de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

L'amendement de Francis Szpiner a pour objet de prévoir explicitement que les personnes qui ont qualité pour agir peuvent recevoir des fonds de tiers tendant à financer l'exercice d'actions de groupe. La commission, lors de l'établissement de son texte, a débattu de ce sujet particulièrement épineux, celui du financement des actions de groupe.

Tout en étant très favorable, dans son principe, à cet amendement, je relève qu'il se borne à énoncer une disposition que l'on pourrait qualifier d'interprétative. La commission a donc choisi de s'en remettre à la sagesse du Sénat – mais, je le répète, à titre personnel, j'y suis très favorable.

Le sous-amendement de Mme Goulet, quant à lui, vise à prévoir la publicité du financement par des tiers. Mais l'amendement n° 23 rectifié bis comporte déjà des garanties en matière de prévention des conflits d'intérêts. Du reste, les dispositions relatives à la prévention des conflits d'intérêts prévues par l'article 1er quater AA me paraissent suffisantes.

La commission demande donc le retrait de ce sous-amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Je comprends que l'on veuille permettre un financement des actions de groupe par des tiers ; reste que cette possibilité est source de quelques difficultés.

En pratique, il sera extrêmement difficile de contrôler si le financement a pour objet ou pour effet de créer une situation de conflit d'intérêts. Comment le juge pourra-t-il déterminer si le financement a pour objet ou pour effet d'influencer l'action de groupe ? Selon quels critères ? Devra-t-il se livrer à une appréciation in abstracto ou in concreto ?

Par ailleurs, un financement qui n'est a priori constitutif d'aucun conflit d'intérêts peut se révéler par la suite être la source d'un tel conflit. Prenons l'exemple d'une société commerciale qui finance une action de groupe sans compter elle-même parmi les victimes. Si l'un de ses concurrents vient à adhérer au groupe de victimes, un conflit d'intérêts apparaîtra de manière évidente, le bailleur de fonds se retrouvant à financer une action au bénéfice de son concurrent.

Enfin, l'absence de sanctions attachées au non-respect de cette obligation lui fait perdre son efficacité juridique.

Cela dit, cet amendement me paraît intéressant. Je ne veux pas inonder son auteur d'un flot d'éloges : vous en avez eu votre compte il y a quelques instants, monsieur le sénateur, et il faut en garder pour l'avenir. §Je m'en remettrai donc, sur cet amendement comme sur le sous-amendement déposé et présenté par Mme la sénatrice Goulet, à la sagesse du Sénat.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er ter.

Le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices veille, en tout état de la procédure, à ne pas se placer en situation de conflit d'intérêts et à préserver l'exercice de l'action de groupe qu'il engage de l'influence d'un tiers à l'instance susceptible de porter atteinte à l'intérêt des personnes représentées.

Lorsqu'elle constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l'obligation prévue au premier alinéa, l'autorité administrative mentionnée au I de l'article 1er bis peut, après avoir invité le demandeur à présenter des observations écrites, retirer son agrément.

Lorsque le juge estime incertain le respect par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices de l'obligation prévue au premier alinéa du présent article, il peut enjoindre au demandeur de produire un aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l'action. Lorsqu'il constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l'obligation prévue au même premier alinéa, il peut déclarer l'action irrecevable et refuser l'homologation de tout accord entre les parties.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 3, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À cette fin, il joint une déclaration d'intérêts selon des modalités fixées par décret.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Ce texte contient beaucoup de mesures à visée déclarative, mais, j'ai eu beau chercher, les modalités de la déclaration d'intérêts n'y sont pas assez précisées, comme c'est le cas, d'ailleurs, dans la directive : le traitement de cette question me paraît un peu faible.

Si vous m'y autorisez, madame la présidente, je présenterai dans le même mouvement mon amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

J'appelle donc en discussion l'amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, et ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il justifie dès l'introduction de l'action de sa situation à l'égard de l'administration fiscale.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet amendement a pour objet de prévoir que le demandeur justifie, dès l'introduction de son action, de sa situation à l'égard de l'administration fiscale.

Nous avons parlé d'actions qui pourraient être dolosives ou, en tous les cas, nuire à la concurrence. Il est donc important de savoir dans quelle situation fiscale est le demandeur, s'il est en règle avec l'administration fiscale. Cela fait partie des choses qui doivent pouvoir être demandées dans le cadre de la procédure afin de s'assurer que les actions de groupe engagées ne le sont pas uniquement dans un but différent de celui qui est allégué.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Comme on dit en bon français : spoiler alert ! Pour parler comme nos amis québécois, je vais faire du divulgâchis, car ces deux amendements m'obligent à parler de l'amendement n° 53 du Gouvernement, dont l'examen suivra immédiatement et sur lequel je m'apprête à émettre un avis favorable.

Madame Goulet, l'avis de la commission est défavorable sur vos deux amendements.

Si la rigueur juridique de l'alinéa 3 est bel et bien perfectible, l'amendement n° 3 ne paraît pas présenter de garanties supérieures, puisque les intérêts en question n'y sont pas précisément définis. Vous souhaitez prévoir la production d'un aperçu financier, mais votre intention, ma chère collègue, est satisfaite par l'amendement du Gouvernement, dont l'objet est d'autoriser le juge à enjoindre au demandeur de produire les pièces justifiant qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts et énumérant les fonds destinés à soutenir l'action. La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 3.

Pour ce qui est de l'amendement n° 2, si, là encore, je comprends l'intention de son auteure, je peine à saisir son utilité pour la prévention des conflits d'intérêts, car une attestation de régularité fiscale ne saurait tenir lieu de preuve de solvabilité : le fisc se sert quoi qu'il advienne et, solvable ou non, l'on doit s'acquitter de ses impôts. Le demandeur ne sera donc pas réputé solvable du moment que le fisc aura prélevé les impôts. Du reste, la solvabilité est déjà garantie par le critère posé au 3° du I de l'article 1er bis.

Avis défavorable également sur l'amendement n° 2.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

L'amendement n° 3 vise à exiger du demandeur qu'il joigne à son action en justice une déclaration d'intérêts. Le Gouvernement partage évidemment votre objectif, madame la sénatrice. Il est nécessaire – vous l'avez dit vous-même – de clarifier et de faciliter le rôle du juge quant à la prévention des conflits d'intérêts des demandeurs aux actions de groupe. Il s'agit d'ailleurs d'une obligation fixée par la directive, et le Gouvernement a lui aussi déposé un amendement en ce sens.

Néanmoins, l'obligation de joindre à la demande une déclaration d'intérêts complexifierait inutilement l'engagement d'une action de groupe. Elle porte intrinsèquement en elle les risques de susciter du contentieux en cas d'allégation de faux, de reporter la charge de la preuve d'un éventuel conflit d'intérêts sur le défendeur et d'allonger la procédure en mêlant les voies civiles et les voies pénales. Par ailleurs, elle n'est pas de nature à contribuer à un véritable contrôle de l'absence de conflits d'intérêts, puisqu'il s'agit, par définition, d'une simple déclaration.

Pour toutes ces raisons, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.

Quant à l'amendement n° 2, il vise à contraindre le demandeur à justifier de sa situation fiscale lors de l'introduction de l'action de groupe. Je comprends parfaitement votre objectif, madame la sénatrice ; pour autant, l'instauration d'une telle obligation constituerait une surtransposition de la directive.

J'y suis défavorable, pour plusieurs raisons.

Il s'agit d'une condition inutile, car la régularité de la situation fiscale ne conditionne aucunement le bien-fondé de l'action.

En outre, les dérives des actions de groupe que vous évoquez ne sont pas liées à la situation fiscale du demandeur.

Par ailleurs, cette obligation serait source d'insécurité juridique, puisque la sanction de son non-respect n'est pas précisée.

En tout état de cause, il n'apparaît pas pertinent de conditionner la recevabilité d'une action à la régularité de la situation fiscale du demandeur.

Enfin, le juge a toujours la possibilité d'enjoindre aux parties de communiquer telle ou telle pièce s'il l'estime nécessaire.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Les amendements n° °3 et 2 sont retirés.

Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

En cas de contestation du respect de l'obligation prévue au premier alinéa par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices, le juge peut enjoindre à ce dernier de produire les pièces justifiant de l'absence de conflit d'intérêts. Lorsqu'il constate que le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices ne satisfait pas à l'obligation prévue au premier alinéa, il déclare l'action irrecevable et refuse l'homologation de tout accord entre les parties.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

L'objet de cet amendement est de réécrire l'alinéa 3 de l'article 1er quater AA afin de préciser le rôle et les pouvoirs du juge dans le contrôle de l'absence réelle de conflit d'intérêts en tant que condition de recevabilité de l'action de groupe. Cette réécriture s'inscrit dans la continuité des travaux de votre commission, qui a renforcé le texte en prévoyant un contrôle par le juge du conflit d'intérêts.

Il s'agit simplement de veiller à ce que ces dispositions soient pleinement opérationnelles en précisant la procédure, afin d'éviter la naissance de contentieux inutiles. L'amendement tend à préciser que le contrôle de l'absence de conflit d'intérêts sera effectué par le juge saisi d'une demande en ce sens. Le juge pourra solliciter la production de toutes pièces permettant de vérifier cette absence. Le contrôle par le juge sera ainsi pleinement effectif, et la directive pleinement transposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 4, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Lorsque le juge estime incertain le respect par le demandeur à une action de groupe en réparation des préjudices de l'obligation prévue au premier alinéa du présent article, il

par les mots :

Le juge

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

un aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés

par les mots :

la liste des financements obtenus

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je souhaitais simplement que nous revoyions la rédaction de l'alinéa 3 pour le rendre un peu plus clair, mais je doute que la commission réserve à cet amendement un meilleur sort qu'aux précédents…

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

L'amendement du Gouvernement tend à préciser la procédure qui a été insérée dans le texte par la commission des lois : trois modifications essentielles sont proposées afin de perfectionner l'alinéa 3 issu des travaux de la commission.

Premièrement, c'est à la suite d'une contestation du défendeur, et non sur le fondement de sa propre incertitude – critère dont j'admets qu'il était perfectible –, que le juge demanderait qu'il soit justifié de l'absence de conflits d'intérêts.

Deuxièmement, cette demande tendrait à la production de toutes pièces justifiant cette absence. La mention d'un « aperçu financier énumérant les sources des fonds utilisés pour soutenir l'action », issue de la directive, serait ainsi insérée dans notre droit avec davantage de précision, et l'amendement n° 5 de Mme Goulet serait satisfait.

Troisièmement, dans les cas où serait constaté un conflit d'intérêts, le juge déclarerait d'office l'action irrecevable et refuserait l'homologation d'un éventuel accord, là où nous avions prévu une simple faculté : voilà qui est en effet plus robuste.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis très favorable sur l'amendement n° 53 ; quant à l'amendement n° 5, elle en demande le retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement, madame la présidente.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er quater AA est adopté.

I

À peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office, l'action de groupe ne peut être introduite qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la réception de cette mise en demeure.

II. – Par dérogation au I, préalablement à l'engagement de l'action de groupe fondée sur un manquement au code du travail, le demandeur à l'action demande à l'employeur, par tout moyen conférant date certaine à cette demande, de faire cesser le manquement allégué.

Dans un délai d'un mois à compter de la réception de cette demande, l'employeur en informe le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. À la demande du comité social et économique ou à la demande d'une organisation syndicale représentative, l'employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement collective alléguée.

L'action de groupe engagée pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou de plusieurs salariés peut être introduite à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la demande tendant à faire cesser le manquement ou à compter de la notification par l'employeur du rejet de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 44, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet article témoigne du peu d'égards manifesté pour le travail transpartisan de l'Assemblée nationale.

Le rapport de la mission d'information de nos collègues députés sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, adopté à l'unanimité, contenait la recommandation n° 10 suivante : « Supprimer l'obligation de mise en demeure préalable pour les actions de groupe en matière d'environnement, de protection des données personnelles et de discrimination ». Les auteurs de la présente proposition de loi, souhaitant rendre toujours plus accessibles les actions de groupe, ont néanmoins décidé d'écarter cette disposition. Le Gouvernement a mis un pied dans la porte en cantonnant cette restauration de la mise en demeure préalable au droit du travail ; mais le champ de cette obligation a été élargi à tous les domaines par notre rapporteur.

La raison alléguée a le mérite d'être honnête, quoiqu'elle soit extrêmement floue : « Si la mise en demeure a effectivement pour effet de rallonger la procédure de l'action de groupe, elle peut néanmoins permettre d'éviter certaines procédures indues. » Monsieur le rapporteur, chers collègues de la majorité sénatoriale, qu'est-ce qu'une « procédure indue » ? Pourquoi craindrait-on ceux qui réclament justice ? Comment peut-on parler de « procédure indue » alors qu'il n'y a eu que trente-cinq procédures en neuf ans ? Les actions de groupe sont très loin d'engorger les tribunaux…

La mise en demeure préalable oblige les victimes présumées à avertir l'entité qu'elles entendent attaquer et à attendre de quatre à six mois, selon les matières, avant de saisir la justice. Pendant ce temps, le préjudice demeure et la situation pourrit. Le rapport d'information précité mentionne qu'Anne de Pingon, magistrate, s'interrogeait sur la justification de cette obligation de mise en demeure préalable pour les actions de groupe alors qu'un tel filtre n'est jamais exigé pour une action individuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Bocquet, vous évoquez, tel un mantra, le travail transpartisan de l'Assemblée nationale. Mais lorsque ce travail dit transpartisan a débuté, il n'y avait pas de directive à transposer ! Dans la proposition de loi initiale, la directive Actions représentatives n'était transposée qu'au tiers, à peine. Et c'est au Sénat qu'il a incombé, après sa transmission, il y a neuf mois, de faire la plus grande part du travail de transposition. Faire du transpartisan, c'est facile, quand on n'a pas la charge de transposer une directive ou que l'on s'affranchit de la nécessité de le faire. J'adorerais, moi aussi, vivre dans un tel monde, entouré de petits lapins roses !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Votre amendement vise à supprimer l'obligation de mise en demeure préalable, que j'ai restaurée et que la commission a adoptée. Une telle mise en demeure paraît nécessaire ; elle s'inscrit dans l'intention constante du législateur, qui est d'éviter, lorsque cela est possible, une action contentieuse inutile. Vous préférez la voie contentieuse, d'autres préfèrent l'arrangement. Chacun sa vie ! Je préfère la mienne à la vôtre.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Avis défavorable.

Je vous laisse le choix de la vie dont vous rêvez, monsieur le rapporteur ; qu'il me soit permis de dire que, pour ma part, je préfère vivre avec des sénatrices et des sénateurs qu'avec des petits lapins roses ! §

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 29, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1er

Remplacer le mot :

met

par les mots :

peut mettre

II. – Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

L'examen de ce texte nous réserve de nombreuses surprises.

Le député Philippe Gosselin, membre du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, a coécrit un rapport d'information qui préconise la suppression de la mise en demeure préalable avant l'introduction d'une action de groupe. Voici ce que l'on y lit : « Ce délai rallonge considérablement la durée des procédures alors que le manquement à une obligation légale ou contractuelle pourra continuer à porter préjudice pendant la durée de la procédure. »

Nous sommes d'autant plus d'accord avec cette analyse que la procédure est déjà très lourde. Il suffit pour s'en convaincre de citer l'affaire de la Dépakine : l'action de groupe a été introduite il y a déjà sept ans, et les personnes lésées n'ont toujours pas été indemnisées.

La proposition de loi initiale, coécrite par Philippe Gosselin, prévoit de supprimer la mise en demeure ; mais – telle est la surprise – la commission des lois de notre assemblée a supprimé cette suppression. Cherchez la logique ! J'espère donc que les sénatrices et sénateurs du groupe Les Républicains reviendront sur leur position pour suivre les préconisations du rapport d'information coécrit par un député… des Républicains.

Par ailleurs, l'obligation que vous prévoyez aurait pour conséquence que la procédure serait plus lourde qu'elle ne l'est actuellement. En effet, la mise en demeure n'est pas obligatoire pour les actions de groupe en matière de santé ou pour les contentieux locatifs ; elle le deviendrait si le texte était adopté en l'état. Vous prévoyez donc d'alourdir inutilement la procédure par rapport au droit en vigueur.

Le groupe écologiste souhaite faciliter les actions de groupe ; nous nous opposons donc avec force, en la matière, à tout recul. C'est pourquoi nous demandons que la mise en demeure ne soit pas une obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Monsieur Salmon, vous l'avez noté vous-même, le rapport de M. Gosselin a bientôt quatre ans : il a été publié bien avant la directive. Et notre collègue député a sans nul doute dû changer d'avis depuis que la version initiale de la proposition de loi a été déposée.

Vous proposez que la mise en demeure préalable ne soit qu'une simple faculté ; j'ai le plus grand mal à vous suivre, je le concède.

D'une part, cet amendement va à l'encontre de la volonté de la commission, qui est de favoriser le règlement amiable du différend. D'autre part, une telle faculté existerait même sans ce texte : la disposition que vous proposez constituerait un neutron législatif…

En conséquence, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Fialaire, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

comité social et économique

insérer les mots :

si l'entreprise en dispose

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Il s'agit d'un amendement quasi rédactionnel.

L'article 1er quater A dispose que l'employeur doit informer le comité social et économique (CSE) de l'entreprise lorsque celle-ci fait l'objet d'une action de groupe. Or le CSE doit être installé dans les entreprises de plus de onze salariés. Pour les autres, la mise en place d'une telle instance n'est pas obligatoire.

Mon amendement vise donc à clarifier le texte en précisant que l'employeur n'est obligé d'informer le CSE que si l'entreprise dispose d'une telle structure.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

J'émets un avis de sagesse bienveillante sur cet amendement !

L'amendement est adopté.

L'article 1 er quater A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Chapitre II

L'action de groupe en cessation du manquement

Lorsque l'action de groupe tend à la cessation d'un manquement, le demandeur n'est pas tenu d'invoquer un préjudice pour les membres du groupe. L'intention ou la négligence du défendeur n'a pas à être établie. Le juge, s'il constate l'existence du manquement, enjoint au défendeur de cesser ou de faire cesser ce manquement et de prendre, dans un délai qu'il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin, au besoin avec l'aide d'un tiers qu'il désigne. Lorsque le juge prononce une astreinte, celle-ci est liquidée au profit du demandeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 30, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Troisième phrase

Remplacer les mots :

qu'il fixe

par les mots :

qui ne peut excéder six mois à compter de la date de l'introduction de l'action

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Un peu de concret pour illustrer mon propos : à la Réunion, dans les communes de Sainte-Marie, Saint-André, Salazie, Saint-Antoine et Les Avirons, l'eau du robinet était impropre à la consommation. L'agence régionale de santé y avait trouvé, entre autres, des bactéries fécales.

Pour éviter de boire de l'eau contaminée, les citoyennes et les citoyens n'avaient d'autre solution que d'acheter de l'eau en bouteille ; une telle situation ne pouvait pas durer. Pour autant, le distributeur d'eau n'a rien entrepris pour mettre rapidement un terme à cette contamination.

C'est pourquoi une association de défense des consommatrices et consommateurs a décidé d'engager une action de groupe. Son objectif était de faire cesser les manquements du distributeur d'eau et d'obtenir réparation.

Elle a d'abord dû mettre en demeure l'opérateur du réseau : un temps précieux a ainsi été perdu à cette étape, pendant lequel les habitantes et les habitants ont dû acheter des bouteilles d'eau, ce qui est coûteux et chronophage en plus de contribuer à la pollution plastique.

Quand l'action de groupe a finalement pu être introduite, il eût été utile que la justice ordonnât rapidement que cessent les manquements de l'entreprise de distribution d'eau. Or, bien que cela soit évidemment primordial pour éviter des dommages supplémentaires, l'organisation du système judiciaire ne le permet pas toujours. Et le sous-investissement chronique des dernières années n'aide pas, bien sûr, car il allonge encore davantage les délais.

C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les mesures provisoires tendant à ordonner la cessation d'un manquement soient prises dans les six mois après l'introduction d'une action de groupe. En instaurant ce délai, nous n'avons qu'un objectif : protéger les citoyennes et les citoyens des conséquences les plus graves du manquement en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Je suis toujours capable de lire, malgré l'heure et malgré mon âge !

Je comprends l'intention, disais-je ; je ferai cependant deux remarques.

D'une part, le délai courrait à compter de l'introduction de l'action de groupe : cela, certes, présenterait l'avantage d'accélérer les choses, mais pourrait laisser au professionnel très peu de temps pour faire cesser le manquement, la lenteur de la procédure pouvant être imputable à des facteurs indépendants de sa volonté.

D'autre part, il paraît préférable de laisser aux juges une marge d'appréciation suffisante dans l'appréciation du délai raisonnable dans lequel il peut être procédé à la cessation du manquement.

Pour ces deux raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er quater est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Chapitre III

L'action de groupe en réparation des préjudices

Section 1

Jugement sur la responsabilité

Lorsque l'action de groupe tend à la réparation des préjudices subis, le demandeur doit présenter des cas individuels au soutien de ses prétentions.

Le juge statue sur la responsabilité du défendeur.

Il définit le groupe de personnes à l'égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée, en fixant les critères de rattachement au groupe, et détermine les préjudices devant faire l'objet d'une réparation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu'il a défini.

Lorsque les éléments produits et la nature des préjudices le permettent, le juge détermine, dans le même jugement, le montant ou tous les éléments permettant l'évaluation des préjudices susceptibles d'être réparés, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu'il a défini.

Il ordonne, à la charge du défendeur, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d'avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté.

Il fixe également le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d'obtenir la réparation de leur préjudice. Sauf dispositions contraires, ce délai ne peut être inférieur à deux mois ni supérieur à cinq ans à compter de l'achèvement des mesures de publicité ordonnées par lui.

Il fixe le délai dont dispose le défendeur condamné pour procéder à l'indemnisation ainsi que le délai, ouvert à l'expiration de ce premier délai, pour le saisir des demandes d'indemnisation auxquelles le défendeur n'a pas fait droit.

Il prévoit les conditions et les limites dans lesquelles les membres du groupe peuvent saisir le juge aux fins d'obtenir une indemnisation individuelle.

Lorsqu'une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, à l'exception des préjudices résultant de dommages corporels, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le défendeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 56, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces mesures ne peuvent être mises en œuvre qu'une fois que le jugement mentionné au deuxième alinéa du présent article ne peut plus faire l'objet de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation.

II. – Alinéa 6, seconde phrase

1° Supprimer les mots :

Sauf dispositions contraires,

2° Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

deux

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Cet amendement vise à corriger un petit oubli. Il s'agit de préciser la procédure à suivre dans la phase de jugement sur la responsabilité, en rapprochant les dispositions de la présente proposition de loi du droit en vigueur.

D'une part, le droit en vigueur dispose que, en cas de responsabilité du défendeur, le juge ordonne aux frais de celui-ci des mesures de publicité, lesquelles ne peuvent néanmoins être mises en œuvre que lorsque le jugement sur la responsabilité n'est plus susceptible de recours. L'article 1er quinquies, dans sa rédaction issue des délibérations de l'Assemblée nationale, ne procédait pas à une telle précision, ce qui pourrait entraîner la mise en œuvre précipitée du jugement sur la responsabilité et complexifier la procédure.

D'autre part, le même article 1er quinquies prévoit que le délai d'adhésion des personnes dont les intérêts ont été lésés au groupe susceptible de recevoir une indemnisation est compris entre deux mois et cinq ans. Ce délai est à l'évidence trop long ; le régime de l'action de groupe en matière de consommation le limite actuellement à une durée comprise entre deux et six mois.

Afin de garantir la célérité des procédures, nous proposons de porter ce délai maximal de cinq à deux ans.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Cet amendement vise à faire en sorte que le jugement statuant sur la responsabilité puisse faire l'objet d'une publicité une fois qu'il a acquis un caractère définitif, c'est-à-dire qu'il ne peut plus faire l'objet d'un appel ou d'un pourvoi en cassation. Il s'agit d'une reprise des dispositions actuellement applicables aux actions de groupe.

Par ailleurs, cet amendement vise à réduire de cinq ans à deux ans le délai maximal de publicité du jugement pendant lequel les potentielles victimes peuvent adhérer au groupe.

Je comprends bien sûr la volonté de la commission de reprendre les dispositions actuellement applicables aux actions de groupe en ce qui concerne le caractère définitif du jugement statuant sur la responsabilité.

Néanmoins, je ne suis pas favorable à la réduction du délai maximal de publicité de cinq ans à deux ans. En effet, certains préjudices nécessitent, du fait de leur nature même, un délai d'adhésion plus long que deux ans : c'est le cas, par exemple, en matière de préjudices corporels.

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 41, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les faits sur lesquels le juge est amené à statuer mentionnés au présent article sont considérés comme des faits dont dépend la solution du litige pour l'application de l'article 143 du code de la procédure civile.

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

L'objet de cet amendement est avant tout de clarifier une question pour éviter que ce texte ne pose des difficultés d'application.

En effet, l'adoption d'un amendement de notre rapporteur a permis, dès l'examen du texte en commission, de rendre applicable aux affaires de groupe le code de procédure civile, le code de procédure pénale et le code de procédure administrative. Nous saluons cet élargissement, ainsi que la mention expresse de l'applicabilité du texte aux îles Wallis et Futuna, clarification qu'appelait de ses vœux le Conseil d'État dans son avis.

Ces dispositions devraient par ailleurs conférer aux juges statuant sur les actions de groupe la faculté d'ordonner des mesures d'instruction. Ce pouvoir d'instruction permettrait de réduire le déséquilibre informationnel qui existe systématiquement entre l'entreprise mise en cause et les personnes lésées.

En effet, la première dispose nécessairement de plus d'informations, par exemple sur les risques d'un procédé industriel, et il appartient à la partie demanderesse de démontrer que l'entreprise n'a pas correctement évalué les risques, donc qu'elle a manqué à prévenir un dommage. Afin de l'aider dans cette démarche, les juges pourraient, par exemple, demander la remise de certains documents.

Dans d'autres pays, les pouvoirs des juges en la matière vont beaucoup plus loin que ce qui est prévu par nos procédures civiles et pénales. Dans les pays de common law, mais aussi au Portugal, il existe des actions de groupe dites de discovery : celles-ci ont justement pour objectif d'obtenir des preuves et ainsi de lutter contre ce déséquilibre informationnel.

Par cet amendement, nous ne demandons pas à aller si loin. C'est une simple clarification que nous souhaitons : il s'agit de nous assurer qu'à chaque étape de l'action de groupe les juges disposent bel et bien des mêmes pouvoirs d'instruction dont ils disposent dans les procédures civiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Monsieur Salmon, il semble, de votre côté de l'hémicycle, que l'on frôle en permanence la class action sans toutefois vouloir y aller franchement… Je n'ai, pour ma part, aucun état d'âme. Je me plie à la volonté souveraine du Sénat en la matière : si tel est votre souhait, sautez le pas !

Vous citez, mon cher collègue, des pays qui ont choisi d'aller vraiment dans le sens de la class action. Vous parlez de procédures de discovery, d'avocats ayant la qualité pour agir, etc., mais tous ces éléments ne définissent pas autre chose que la class action à l'américaine : ils ne correspondent pas à l'action de groupe telle qu'elle est définie dans le droit français. Je suis prêt à vous accompagner dans cette voie, mes chers collègues, mais il faut, le cas échéant, que toutes les dispositions que nous adoptons soient conformes au système de la class action !

L'amendement n° 41 tend à ce que les juges puissent, lorsqu'ils statuent sur toute question en lien avec une action de groupe tendant à la réparation des préjudices subis, ordonner toute mesure d'instruction à leur disposition, en application de l'article 143 du code de procédure civile.

Cet amendement me semble doublement satisfait.

Dans la pratique, tout d'abord, les personnes que j'ai auditionnées, notamment des magistrats amenés à traiter ce type de dossier, m'ont toutes indiqué qu'elles faisaient déjà usage des articles 143 et 145 du code de procédure civile, tout en relevant que ces dispositions gagneraient à être plus souvent mobilisées.

Du point de vue du droit, ensuite, l'article 2 dispose que, sauf dispositions contraires, les actions engagées devant le juge judiciaire sont soumises aux règles du code de procédure civile. A contrario, l'adoption de cet amendement reviendrait à appliquer l'article 143 du code de procédure civile aux actions engagées devant le juge administratif : autrement dit, on introduirait dans la procédure administrative, où il peinerait à trouver sa place, un élément de procédure civile.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

Cet amendement vise à préciser les pouvoirs d'instruction du juge saisi d'une action de groupe en réparation des préjudices.

Cet objectif est satisfait par les dispositions de droit commun.

L'article 849-2 du code de procédure civile dispose d'ores et déjà que l'action de groupe est « formée, instruite et jugée selon les règles applicables à la procédure écrite ordinaire ». Cela signifie qu'actuellement, lorsqu'une action de groupe est intentée, un juge de la mise en état est désigné. Ce juge a le pouvoir d'ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction qu'il juge utile, conformément aux dispositions des articles 789 et 143 du code de procédure civile.

Ces dispositions seront évidemment applicables aux actions de groupe engagées sur le fondement de la nouvelle loi.

Votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer, monsieur le sénateur ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

L'amendement n° 41 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er quinquies, modifié.

L'article 1 er quinquies est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq,

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

En troisième lieu, une médiation est une procédure amiable entre les parties : il n'y a donc ni gagnant ni perdant.

Pour ces raisons, je vous demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 1er sexies.

Debut de section - Permalien
Marie Lebec

Nous devons garder à l'esprit que la médiation est un processus souple, qui doit permettre de trouver un compromis plus rapidement. Il ne me semble donc pas que nous devions rigidifier ou alourdir la procédure.

Sur le fond, cette procédure de médiation intervient avant un jugement en responsabilité ; à ce stade, le défendeur ne fait donc pas l'objet d'une décision qui reconnaîtrait sa responsabilité. On ne saurait lui imputer les frais de médiation tant que la responsabilité n'est pas judiciairement établie.

D'une certaine façon, le droit commun satisfait déjà votre demande, puisque le juge peut mettre à la charge du défendeur une partie des frais de la médiation lorsqu'il estime que la répartition est faite de manière inéquitable au regard de la situation économique des parties.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Photo de Sylvie Robert

Monsieur Fernique, l'amendement n° 32 est-il maintenu ?

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

incluant les frais d'assistance afférents à la gestion des demandes d'indemnisation présentées par les membres du groupe, pour la mise en œuvre de la phase de liquidation des préjudices

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Marie Lebec

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi pour commencer de vous dire mon plaisir de vous retrouver.

Cet amendement du Gouvernement est inspiré de l'article L. 623-12 du code de la consommation, qui donne au juge la possibilité, lorsqu'il statue sur la responsabilité, de mettre à la charge du professionnel condamné les frais relatifs à l'assistance à laquelle l'association de défense des consommateurs peut recourir pour le traitement des demandes d'indemnisation des membres du groupe.

Il s'agit de généraliser cette faculté à toutes les actions de groupe et de faciliter la mise en œuvre de ces procédures en réduisant le coût pour le demandeur de la phase de liquidation des préjudices.

En outre, il s'agit de répondre aux exigences de la directive relative aux actions représentatives, qui fait obligation aux États membres de prendre des mesures visant à garantir que les frais de procédure liés aux actions de groupe n'empêchent pas les entités qualifiées d'y recourir.

Photo de Sylvie Robert

Je mets aux voix l'article 1er quaterdecies.

Photo de Christophe-André Frassa

Cet amendement est nécessaire et tombe à point : avis favorable.

Photo de Sophie Primas

Je mets aux voix l'article 1er sexies, modifié.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 43, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces mesures sont mises en œuvre par le demandeur aux frais du défendeur.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Photo de Éric Bocquet

Même s'ils envisageaient cette procédure uniquement pour le droit à la consommation, les auteurs d'un rapport sénatorial d'information de 2010 intitulé L'action de groupe à la française : parachever la protection des consommateurs – nous puisons à bonne source… – relevaient déjà que les frais engagés par l'association agréée peuvent être élevés dans la deuxième phase de la procédure et qu'il est « envisageable d'imposer au juge de mieux prendre en compte, au titre de l'appréciation des frais non compris dans les dépens la réalité du travail fourni par l'association et son conseil juridique qui peut varier sensiblement en fonction de la difficulté de la preuve de la responsabilité de l'entreprise et de la taille du groupe des victimes ».

En résumé, la justice a un coût et la réussite des actions de groupe ne fait pas exception. C'est pour cette raison que nous estimons que les frais de publicité, c'est-à-dire les frais qui permettent aux autres victimes ayant subi un dommage similaire ou de même nature de se faire connaître pour se rallier à la plainte, devraient être à la charge du défendeur.

Cette mesure est rendue légitime par le fait que le juge a déjà admis à ce stade la responsabilité du défendeur.

Notre proposition est d'autant plus importante que les subventions de l'État aux associations de consommateurs ont connu une forte baisse ces dernières années, passant de 3, 64 millions d'euros en 2014 à 2, 83 millions d'euros en 2019. Par exemple, la subvention à la Confédération nationale du logement est passée de 219 952 euros en 2014 à 185 512 euros en 2018. De son côté, l'UFC-Que Choisir a perdu plus de 100 000 euros sur la même période.

Nous pensons qu'il faut inverser la responsabilité financière.

Photo de Christophe-André Frassa

Cet amendement tend à prévoir que les frais liés aux mesures de publicité pour informer les justiciables de l'existence d'un accord de médiation sont mis à la charge du défendeur.

Il me semble que c'est déjà le cas en pratique. En effet, lors de l'examen du projet de loi dit Justice du XXIe siècle, les députés Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteurs pour la commission des lois de l'Assemblée nationale, précisaient dans leur rapport que la charge des mesures de publicité échoirait en principe au défendeur.

C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 31, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Sauf décision contraire du juge, le jugement sur la responsabilité est exécutoire à titre provisoire.

La parole est à M. Daniel Salmon.

Photo de Daniel Salmon

Depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, de la réforme de la procédure civile, les jugements rendus en matière civile sont exécutoires, à titre provisoire, dès la première instance. C'est une avancée, dans un contexte où, en particulier, la justice civile continue à souffrir d'un manque de moyens qui allonge inévitablement les délais.

Il devrait en être de même pour les actions de groupe, les délais de traitement étant, dans ces procédures, particulièrement longs.

Ainsi, les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, respectivement membres du groupe Modem et Indépendants et du groupe LR de l'Assemblée nationale, ont proposé, par voie d'amendement, d'instaurer, dans ce domaine, l'exécution à titre provisoire des jugements sur la responsabilité. Leur amendement a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, avant que la disposition ne soit supprimée, lors de l'examen en commission au Sénat, par la majorité sénatoriale. Nous le regrettons, car l'exécution provisoire permettrait aux personnes lésées d'être indemnisées plus rapidement.

Le dispositif adopté par la commission, qui autorise la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d'une partie des sommes dues par le défendeur, n'est en effet qu'un leurre. Certes, l'entreprise mise en cause ne pourrait plus disposer de cet argent destiné à indemniser les victimes, mais ces dernières ne toucheraient pas non plus l'indemnisation. Compte tenu de la longueur des procédures d'action de groupe, voilà qui est inacceptable.

C'est pourquoi nous demandons que le jugement sur la responsabilité soit exécutoire à titre provisoire, comme le prévoit le code de procédure civile.

Marie Lebec

Monsieur le sénateur, vous proposez, dans le cadre d'un accord négocié et d'une médiation, l'engagement de mesures de publicité afin d'informer les personnes qui doivent être indemnisées.

Comme je l'ai rappelé à l'instant, la médiation est un processus souple et l'adoption de cet amendement irait plutôt dans le sens d'un alourdissement. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il y sera défavorable.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Salmon, votre amendement tend à restaurer l'exécution à titre provisoire du jugement sur la responsabilité.

Cette disposition nous a paru problématique, dans la mesure où elle n'était pas assortie des dispositions, prévues par le droit en vigueur, en vertu desquelles les mesures de publicité ne peuvent être ordonnées qu'à l'issue des éventuels recours ordinaires et pourvoi en cassation. C'est pourquoi nous l'avons supprimée.

Il est néanmoins juste de rappeler, comme vous le faites dans l'objet de votre amendement, que l'article 514 du code de procédure civile s'appliquerait dans le silence de la loi. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons souhaité revenir au droit en vigueur, en prévoyant que les mesures de publicité ne sont applicables qu'à l'extinction des éventuels recours ordinaires et pourvoi en cassation.

En outre, il paraît dommageable de retirer au juge la possibilité d'ordonner la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d'une partie des sommes dues par le défendeur, ce qui serait le cas si cet amendement était adopté.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Photo de Nathalie Goulet

Pour ma part, je voterai cet amendement.

La justice négociée est souvent un peu léonine, si bien qu'il est important que les frais de publicité soient mis à la charge du défendeur, comme le proposent les auteurs de l'amendement. Pour qu'une action soit efficace, il faut qu'elle soit la plus diffusée possible.

Marie Lebec

Monsieur le sénateur, votre demande est satisfaite.

En effet, comme vous l'avez d'ailleurs très bien rappelé, le droit commun dispose d'ores et déjà que les décisions de première instance sont par principe exécutoires. Ces dispositions s'appliqueront naturellement au jugement statuant sur la responsabilité du défendeur dans le cadre d'une action de groupe.

Par ailleurs, il nous semble important de conserver les dispositions de l'article 1er tel qu'il est rédigé actuellement : la possibilité pour le juge d'ordonner la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations d'une partie des sommes dues par le défendeur permet de se prémunir contre le risque d'insolvabilité en cas d'infirmation du jugement de première instance.

L'amendement étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Photo de Sophie Primas

Monsieur Salmon, l'amendement n° 31 est-il maintenu ?

Photo de Sylvie Robert

Je mets aux voix l'article 1er quindecies, modifié.

Photo de Daniel Salmon

Oui, je le maintiens, madame la présidente. La disposition que nous vous soumettons, mes chers collègues, vise l'indemnisation, dont il n'a pas été question dans les propos que je viens d'entendre.

Photo de Sylvie Robert

Chapitre IV

Registre national des actions de groupe

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 9, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La consignation peut aussi se faire au choix du défendeur conformément aux dispositions législatives relatives au maniement des fonds par les professions judiciaires réglementées.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Photo de Nathalie Goulet

Par cet amendement de précision, je propose que la consignation puisse se faire aussi, au choix du défendeur, conformément aux dispositions législatives relatives au maniement des fonds des professions judiciaires réglementées. Les sommes ainsi engagées pourraient très bien être placées sur les comptes de la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) ou sur ceux d'un notaire ou d'un avocat, et non seulement à la Caisse des dépôts et consignations.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Fialaire, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

et mis à la disposition du public

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Photo de Nathalie Delattre

L'article 1er sexdecies prévoit que les actions de groupe en cours, clôturées ou ayant fait l'objet d'un désistement devant l'ensemble des juridictions sont inscrites à un registre tenu et mis à la disposition du public par le garde des sceaux, ministre de la justice.

Le retentissement médiatique d'une action engagée peut avoir des effets considérables, voire destructeurs sur l'image d'une entreprise, notamment dans ses relations avec ses clients et ses fournisseurs.

Nous considérons donc que la mise à disposition du public d'un registre national des actions de groupe, avant le prononcé du jugement ou lorsque l'action de groupe a fait l'objet d'un désistement, irait à l'encontre de la présomption d'innocence. La publicité donnée à l'action risque en effet d'être assimilée à un prononcé sur la responsabilité du professionnel.

Pour éviter de détruire injustement la réputation d'un professionnel qui n'aurait pas les moyens de se défendre, il est proposé que les actions engagées contre les micro, petites et moyennes entreprises ne puissent faire l'objet d'une mise à disposition du public.

Photo de Christophe-André Frassa

Votre amendement, madame Goulet, tend à permettre la consignation auprès des professions judiciaires réglementées des sommes dues par le défendeur. Il est donc contraire au monopole reconnu en la matière par la loi à la Caisse des dépôts et consignations.

En effet, cet établissement public s'est vu confier, dès sa création, le monopole de la réception, de la conservation et de la sécurisation des fonds de tiers en numéraire ou en titres financiers en vue de la restitution à leurs bénéficiaires.

À cet égard, l'article L. 518-19 du code monétaire et financier est particulièrement clair : « Les juridictions et administrations ne peuvent autoriser ou ordonner des consignations auprès de personnes physiques et d'organismes autres que la Caisse des dépôts et consignations et autoriser les débiteurs, dépositaires, tiers saisis, à les conserver sous le nom de séquestre ou autrement. Les consignations faites en infraction à ces dispositions sont nulles et non libératoires. »

Je ne suis donc pas favorable à ce que de telles sommes soient conservées par des notaires ou des avocats.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Photo de Christophe-André Frassa

Votre amendement est contraire à la position de la commission comme à celle de l'Assemblée nationale.

Le registre mis à la disposition du public, qui est tenu par le garde des sceaux, recense les actions de groupe, les actions en reconnaissance de droit et les actions collectives. Je suis opposé à la suppression de cette mesure pour plusieurs raisons.

D'abord, l'objectif principal de la création de ce registre est précisément d'améliorer l'information des justiciables pour leur permettre, d'une part, de rejoindre plus facilement ces actions lorsqu'ils sont concernés et ainsi de favoriser l'indemnisation des victimes ; d'autre part, de savoir quelles actions ont prospéré dans le passé pour estimer si leur propre initiative est elle-même susceptible de prospérer. Supprimer la publicité de ce registre le rendrait en fait inutile.

Ensuite, la commission a précisément souhaité étendre le contenu de ce registre pour parfaire l'information des justiciables.

La suppression de la mise à disposition de ce registre est donc contraire à la position de la commission, raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d'émettre un avis défavorable.

Marie Lebec

Le Gouvernement ne souhaite pas ouvrir la possibilité de choisir un autre compte que celui de la Caisse des dépôts pour déposer les sommes consignées.

Une telle mesure, qui reviendrait à diversifier les comptes sur lesquels peuvent être effectuées des consignations, serait source de complexité.

Quant à la possibilité d'une consignation auprès de la Carpa, elle serait génératrice d'inégalité, dans la mesure où les produits des fonds qui y sont déposés ne profitent pas à leurs destinataires ; à l'inverse, les fonds déposés auprès de la Caisse des dépôts et consignations sont rémunérés, ce qui n'est pas négligeable compte tenu des montants en jeu ou de la durée du dépôt.

En conséquence, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Photo de Sophie Primas

Madame Goulet, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?

Marie Lebec

J'irai dans le même sens que le rapporteur, puisque la création de ce registre vise justement à informer ceux de nos concitoyens qui voudraient engager des actions de groupe.

Aux arguments avancés par le rapporteur, j'ajoute celui du risque de sous-transposition du droit communautaire : en effet, le paragraphe 2 de l'article 13 et l'article 14 de la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 visent à faciliter l'information des consommateurs susceptibles d'adhérer à une action de groupe.

Le registre doit donc nécessairement être public. C'est pourquoi, même si je comprends le risque de réputation que vous évoquez pour les entreprises, l'avis du Gouvernement est défavorable.

Photo de Nathalie Goulet

Je le concède, il s'agissait d'une mauvaise idée : je le retire, madame la présidente.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 9 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er septies.

Photo de Nathalie Delattre

Non, je le retire, madame la présidente.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 18 rectifié est retiré.

L'amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 6

Après le mot :

désistement

insérer les mots :

d'instance ou d'action

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Photo de Sophie Primas

Section 2

Réparation des préjudices

Sous-section 1

Procédure individuelle de réparation des préjudices

Photo de Nathalie Goulet

Cet amendement vise à préciser que le désistement en question est soit d'instance soit d'action.

Photo de Christophe-André Frassa

Cet amendement n'apparaît pas nécessaire. En l'état, l'article 1er sexdecies précise en effet que les différentes actions énumérées et ayant fait l'objet d'un désistement sont recensées dans le registre tenu par le garde des sceaux. Cela inclut donc aussi bien les désistements d'instance que les désistements d'action.

Pour cette raison, madame Goulet, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Marie Lebec

Même avis, madame la présidente : c'est bien l'ensemble des désistements qui devront figurer dans le registre, si bien que la précision proposée ne nous paraît pas utile.

Photo de Sylvie Robert

Madame Goulet, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?

l a président e

L'amendement n° 16, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

La personne déclarée responsable

par les mots :

La ou les personnes déclarées responsables

et le mot :

procède

par le mot :

procèdent

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Photo de Nathalie Goulet

Non, je le retire, madame la présidente. Le rapporteur et la ministre ont apporté les précisions nécessaires.

Photo de Nathalie Goulet

Il s'agit d'un amendement de précision.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 10 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er sexdecies.

Photo de Christophe-André Frassa

En réalité, s'il était adopté, cet amendement présenté comme étant « de précision » complexifierait le droit. Jusqu'à présent, tout au long de l'examen du texte, nous n'avons pas employé le pluriel ; pourquoi l'introduire subitement à cette occurrence ? Il me semble que procéder à cette modification à l'article 1er nonies ne présente pas vraiment d'intérêt.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Photo de Sylvie Robert

Chapitre V

Compétence juridictionnelle en matière d'action de groupe

Photo de Sophie Primas

Madame Goulet, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 33, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

Au moins deux tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent

par les mots :

Dans le ressort de chaque cour d'appel, un tribunal judiciaire spécialement désigné connaît

La parole est à M. Guy Benarroche.

Photo de Nathalie Goulet

Non, je le retire, madame la présidente.

Photo de Guy Benarroche

La proximité entre la justice et les justiciables permet de rendre celle-ci plus accessible. J'ai encore entendu hier, à Aix-en-Provence, le garde des sceaux décliner cet objectif, que nous partageons.

D'ailleurs, le Gouvernement a annoncé récemment que les convocations au tribunal ne devront plus obliger la personne convoquée à se rendre disponible pendant toute la journée et que les horaires devront être plus précis pour simplifier l'accès à la justice – figurera ainsi, sur les convocations, une heure définie. Encore une fois, nous sommes d'accord avec l'objectif d'accessibilité. C'est donc une bonne mesure, qui répond aux attentes des justiciables.

Dans le même état d'esprit, nous devrions nous assurer que les tribunaux qui connaîtront des actions de groupe soient créés à proximité des justiciables. Malheureusement, la rédaction actuelle de la proposition de loi ne permettrait pas de garantir une telle proximité, qui est pourtant l'un des objectifs affichés du Gouvernement, madame la ministre.

Le texte issu des travaux de la commission prévoit seulement qu'il faudra créer « au moins deux tribunaux judiciaires » spécialisés. Inutile de vous dire qu'avec deux tribunaux spécialisés sur tout le territoire, y compris les outre-mer, l'immense majorité de la population habitera très loin des tribunaux où seront examinées les actions de groupe… Nous devrons ainsi faire l'impasse sur l'objectif d'accessibilité de la justice pour les justiciables, y compris sur l'envoi de convocations aux horaires plus précis.

Pour y remédier, nous proposons, par cet amendement, la création d'un tribunal spécialisé en matière d'action de groupe dans le ressort de chaque cour d'appel – c'est d'une logique imparable, si je peux me permettre. De cette manière, trente-six tribunaux spécialisés seraient répartis sur tout le territoire. Si l'on me répond que c'est impossible, j'objecterai que tel est déjà le cas pour les tribunaux judiciaires spécialisés en matière de contentieux environnemental.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 16 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er nonies.

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Benarroche, il ne faut pas confondre proximité et spécialisation.

En l'espèce, nous sommes sur une question de spécialisation. Je comprends votre volonté d'avoir trente-six tribunaux judiciaires spécialisés en matière d'action de groupe, soit un par cour d'appel.

Photo de Christophe-André Frassa

Toutefois, trois raisons expliquent que je ne serai pas favorable à cet amendement, chacune étant suffisante pour justifier cette position.

La première, c'est le faible nombre des actions de groupe – moins de quarante en dix ans, je le rappelle. Comment justifier la création de trente-six tribunaux judiciaires spécialisés pour aussi peu de dossiers ?

La deuxième, c'est que, compte tenu des spécificités de la procédure et des domaines juridiques concernés, seule une spécialisation poussée des magistrats et des greffiers sur quelques tribunaux permettra de donner du sens à cette spécialisation. D'ailleurs, j'ai proposé d'écrire qu'il y aurait « au moins » deux tribunaux, pas « seulement » deux…

La troisième, c'est que l'argument visant à rapprocher les justiciables de l'institution judiciaire ne me semble pas opérant en matière d'action de groupe dans la mesure où, d'une part, l'action de groupe est portée par un seul demandeur – une association au nom de l'ensemble des membres du groupe – et, d'autre part, elle concerne potentiellement des justiciables répartis sur l'ensemble du territoire national, voire à l'étranger.

Pour ces trois raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Marie Lebec

Monsieur le sénateur, je veux d'abord rappeler que le Gouvernement est attaché à ses prérogatives et que la définition du nombre des juridictions dont nous parlons relève plutôt du domaine réglementaire.

Au-delà de ce rappel, je rejoins les arguments du rapporteur, en particulier le fait que la rédaction actuelle évoque la création d'au moins deux tribunaux spécialisés et pas de seulement deux.

Je veux tout de même vous donner quelques précisions sur l'état des lieux des travaux en cours. La question de la désignation des juridictions est à l'étude et nous rassemblons les données qui permettront d'en définir le nombre. C'est avec ces données, et après consultation des chefs de cour, que nous pourrons désigner les tribunaux spécialisés.

Il est en tout cas important de garder une certaine souplesse pour nous adapter à la situation du terrain.

Je comprends vos arguments, monsieur le sénateur, mais cela ne relève pas du domaine de la loi.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Photo de Nathalie Goulet

Je ne voterai pas cet amendement pour les raisons avancées par le rapporteur et la ministre.

Toutefois, si nous voulons que l'action de groupe se développe et rencontre son public – si vous me permettez cette expression –, alors même que chacun peut constater que cette procédure n'a jusqu'à présent pas fonctionné, nous devons à la fois la simplifier et rendre les juridictions accessibles.

Chacun d'entre nous a participé à des rentrées solennelles de juridictions et sait bien, malgré l'excellent budget qui a été voté pour le ministère de la justice, les grandes difficultés qu'elles rencontrent.

Nous devons donc allier spécialité et proximité pour que l'action de groupe soit plus accessible et plus compréhensible pour les justiciables.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

Photo de Hussein Bourgi

Il est vrai que cet amendement ressemble à un amendement d'appel : il est illusoire, eu égard aux moyens actuels de la justice, d'imaginer qu'il puisse y avoir trente-six tribunaux spécialisés en matière d'action de groupe.

Néanmoins, entre deux et trente-six, on doit pouvoir trouver un nombre satisfaisant qui permette de mailler le territoire sans pour autant mobiliser excessivement les effectifs des tribunaux – on sait qu'ils sont déjà fort limités.

Madame la ministre, certes l'organisation judiciaire relève des prérogatives du Gouvernement, mais souffrez que le Parlement, en l'occurrence le Sénat, apporte sa pierre à votre réflexion. Nous sommes les élus des territoires, nous connaissons les associations de personnes concernées, nous sommes au contact des administrés et des justiciables. Vous l'êtes peut-être aussi, mais nous avons un peu plus de temps à y consacrer. Par conséquent, souffrez que nous participions aux réflexions et éclairions vos travaux !

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Photo de Guy Benarroche

Je remercie mes collègues, la ministre et le rapporteur d'avoir bien compris le sens de cet amendement. Comme l'a souligné à l'instant Hussein Bourgi, nous lançons un appel au Gouvernement pour qu'il ne se contente pas de deux tribunaux spécialisés en matière d'action de groupe.

Nous souhaitons également que les travaux qui sont actuellement menés permettent d'avancer dans des délais rapprochés ; cela permettrait tout simplement au ministre de la justice d'atteindre les objectifs qu'il s'est lui-même fixés…

Photo de Sylvie Robert

Chapitre V bis

Dispositions spécifiques à certaines actions de groupe

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 32, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, les frais de la médiation mentionnés à l'article 22-2 de la loi précitée ne peuvent être mis à la charge ni du demandeur, ni des personnes lésées.

La parole est à M. Jacques Fernique.

Photo de Jacques Fernique

Si le recours à la médiation peut accélérer la procédure dans certains cas, celle-ci se déroule, par nature, en dehors du contrôle du juge, lequel n'intervient qu'a posteriori, en cas d'accord.

Dans le cas spécifique des actions de groupe, la médiation est marquée, elle aussi, par le déséquilibre entre la partie demanderesse et la partie défenderesse. La première est généralement une association, dotée de moyens très limités, qui, de surcroît, ne dispose pas de toutes les informations sur le litige. La seconde est fréquemment une entreprise qui dispose de davantage de ressources pour se préparer à la médiation.

Nous ne sommes pas opposés par principe à la médiation ; toutefois, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires plaide pour qu'il soit mieux tenu compte de ce déséquilibre là où il s'agit d'encadrer les médiations.

Plus spécifiquement, nous souhaitons éviter que la partie défenderesse ne profite de la médiation pour mettre certains frais à la charge de l'autre partie. En effet, la loi dispose actuellement que la répartition des frais est librement déterminée par les parties. Compte tenu du déséquilibre que j'ai évoqué, qui est souvent considérable, on pourrait imaginer une situation dans laquelle une entreprise conditionnerait l'accord de médiation à la prise en charge d'une partie des frais afférents par l'association demanderesse. Certes, le juge pourrait s'opposer à une telle répartition des frais lors de la vérification de l'accord, mais il ne serait pas tenu de le faire.

Ainsi existe-t-il un risque financier potentiellement important ; en particulier, de petites associations, disposant de réserves financières très limitées, pourraient se trouver dissuadées d'introduire des actions de groupe.

Or notre objectif est de faciliter les actions de groupe.

Vous l'aurez deviné, mes chers collègues : le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires souhaite, par le biais de cet amendement, interdire que les frais de la médiation soient mis à la charge de la partie demanderesse.

Photo de Christophe-André Frassa

Cet amendement du groupe écologiste vise à ce que les frais de médiation ne puissent pas être mis à la charge du demandeur ou des personnes lésées. Il s'agit d'éviter que les entreprises mises en cause ne fassent pression pour imputer ces frais aux associations qui ont intenté l'action de groupe.

J'y suis défavorable, et ce pour trois raisons.

En premier lieu, il me semble qu'il est déjà possible d'éviter toute pression de la part du défendeur.

Le droit commun de la médiation, applicable aux procédures de médiation engagées dans le cadre d'une action de groupe, prévoit, certes, que les parties déterminent librement la répartition des frais de médiation. En l'absence d'accord entre les parties, les frais sont théoriquement répartis à parts égales. Le juge peut néanmoins estimer que cette répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties et, en conséquence, décider d'une autre répartition. Il existe donc déjà des mécanismes, à la main du juge, permettant de protéger les associations, dont les budgets sont plus contraints que ceux des entreprises.

En deuxième lieu, nos collègues du groupe écologiste indiquent, dans l'objet de leur amendement, qu'une telle précision, qui interdirait de mettre les frais de médiation à la charge des personnes lésées, serait imposée par l'article 12 de la directive européenne relative aux actions représentatives. Or ledit article dispose que les États membres doivent veiller à ce que les frais occasionnés par une action de groupe en réparation soient mis à la charge de la partie perdante. Il ne traite donc pas des frais de médiation.

En troisième lieu, une médiation est une procédure amiable entre les parties : il n'y a donc ni gagnant ni perdant.

Pour ces raisons, je vous demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

Marie Lebec

Nous devons garder à l'esprit que la médiation est un processus souple, qui doit permettre de trouver un compromis plus rapidement. Il ne me semble donc pas que nous devions rigidifier ou alourdir la procédure.

Sur le fond, cette procédure de médiation intervient avant un jugement en responsabilité ; à ce stade, le défendeur ne fait donc pas l'objet d'une décision qui reconnaîtrait sa responsabilité. On ne saurait lui imputer les frais de médiation tant que la responsabilité n'est pas judiciairement établie.

D'une certaine façon, le droit commun satisfait déjà votre demande, puisque le juge peut mettre à la charge du défendeur une partie des frais de la médiation lorsqu'il estime que la répartition est faite de manière inéquitable au regard de la situation économique des parties.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 34, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l'article 2 bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque les manquements reprochés portent sur des préjudices résultant d'un dommage à l'environnement, le juge peut statuer, lors du jugement sur la responsabilité en application de l'article 1er quinquies, sur la réparation du préjudice écologique dans les conditions fixées au chapitre III du sous-titre II du titre III du livre III du code civil.

La parole est à M. Daniel Salmon.

Photo de Sophie Primas

Monsieur Fernique, l'amendement n° 32 est-il maintenu ?

Photo de Daniel Salmon

Malgré l'augmentation des budgets, le stock des affaires en traitement, qui se sont accumulées, reste très important. En matière civile, par exemple, il faudrait 637 jours à nos juridictions pour traiter toutes les affaires pendantes, alors qu'il en faudrait seulement 237 à la médiane européenne.

Dans ce contexte, tout gain d'efficacité devrait être bon à prendre. C'est ce que le groupe écologiste propose par le biais de cet amendement qui vise à ce que la juridiction qui statue sur une action de groupe en matière environnementale puisse également statuer sur la réparation du dommage écologique.

Même si cela pourrait paraître logique, ce n'est pas ce que le texte prévoit en l'état. En effet, outre la cessation du manquement, l'action de groupe ne peut viser que la réparation du dommage subi par les personnes lésées composant le groupe. Elle ne pourrait pas concerner le préjudice écologique dont la réparation appartient, depuis la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, à l'auteur des faits.

Puisqu'une demande de réparation d'un préjudice subi à la suite d'un dommage à l'environnement va généralement de pair avec l'obligation de réparer ce préjudice, il ferait sens de rapprocher ces deux procédures. Voilà qui représenterait un gain d'efficacité pour le système judiciaire et, plus largement, pour l'État, et qui permettrait d'accélérer les procédures.

Nous savons que le système judiciaire manque cruellement de moyens, si bien que tout ce qui va dans le sens de l'efficacité devrait trouver un appui dans notre hémicycle.

Photo de Christophe-André Frassa

Je prends cet amendement comme un amendement d'appel. Je comprends que le groupe écologiste souhaite assurer une meilleure administration de la justice en matière d'action de groupe dans le domaine de l'environnement.

Néanmoins, les conséquences d'une adoption de cet amendement seraient loin d'être neutres. En effet, il vise à permettre au juge saisi d'une action de groupe en matière d'environnement de se prononcer par la même occasion sur la réparation du préjudice écologique prévue par les articles 1246 et suivants du code civil.

À ce stade, je ne dispose pas d'éléments permettant d'expertiser plus avant le dispositif proposé, qui pourrait entraîner des effets de bord négatifs que je ne saurais mesurer : dès lors, la commission n'a d'autre choix que de demander le retrait de cet amendement.

Photo de Sophie Primas

Je mets aux voix l'article 1er quaterdecies.

Marie Lebec

Le Gouvernement partage en tout point l'avis de la commission.

Tout d'abord, l'action de groupe prévoit que la réparation est directe et intégrale pour les seuls préjudices subis par les personnes membres du groupe.

Par ailleurs, la réparation d'un préjudice écologique s'inscrit dans un cadre juridique spécifique et s'effectue par priorité en nature ou, en cas d'impossibilité, par l'octroi de dommages et intérêts affectés à la réparation de l'environnement. Ce n'est donc pas un préjudice individuel et il existe un cadre juridique spécifique.

Pour ces deux raisons, je vous invite à retirer votre amendement.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Photo de Daniel Salmon

J'entends bien les arguments avancés par le rapporteur et la ministre, mais cet amendement ne sort pas de nulle part : c'est la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (Cepej) qui plaide en ce sens.

La justice est engorgée ; essayons de trouver des solutions au plus vite !

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 43, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces mesures sont mises en œuvre par le demandeur aux frais du défendeur.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Photo de Éric Bocquet

Même s'ils envisageaient cette procédure uniquement pour le droit à la consommation, les auteurs d'un rapport sénatorial d'information de 2010 intitulé L'action de groupe à la française : parachever la protection des consommateurs – nous puisons à bonne source… – relevaient déjà que les frais engagés par l'association agréée peuvent être élevés dans la deuxième phase de la procédure et qu'il est « envisageable d'imposer au juge de mieux prendre en compte, au titre de l'appréciation des frais non compris dans les dépens la réalité du travail fourni par l'association et son conseil juridique qui peut varier sensiblement en fonction de la difficulté de la preuve de la responsabilité de l'entreprise et de la taille du groupe des victimes ».

En résumé, la justice a un coût et la réussite des actions de groupe ne fait pas exception. C'est pour cette raison que nous estimons que les frais de publicité, c'est-à-dire les frais qui permettent aux autres victimes ayant subi un dommage similaire ou de même nature de se faire connaître pour se rallier à la plainte, devraient être à la charge du défendeur.

Cette mesure est rendue légitime par le fait que le juge a déjà admis à ce stade la responsabilité du défendeur.

Notre proposition est d'autant plus importante que les subventions de l'État aux associations de consommateurs ont connu une forte baisse ces dernières années, passant de 3, 64 millions d'euros en 2014 à 2, 83 millions d'euros en 2019. Par exemple, la subvention à la Confédération nationale du logement est passée de 219 952 euros en 2014 à 185 512 euros en 2018. De son côté, l'UFC-Que Choisir a perdu plus de 100 000 euros sur la même période.

Nous pensons qu'il faut inverser la responsabilité financière.

Photo de Christophe-André Frassa

Cet amendement tend à prévoir que les frais liés aux mesures de publicité pour informer les justiciables de l'existence d'un accord de médiation sont mis à la charge du défendeur.

Il me semble que c'est déjà le cas en pratique. En effet, lors de l'examen du projet de loi dit Justice du XXIe siècle, les députés Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteurs pour la commission des lois de l'Assemblée nationale, précisaient dans leur rapport que la charge des mesures de publicité échoirait en principe au défendeur.

C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Marie Lebec

Monsieur le sénateur, vous proposez, dans le cadre d'un accord négocié et d'une médiation, l'engagement de mesures de publicité afin d'informer les personnes qui doivent être indemnisées.

Comme je l'ai rappelé à l'instant, la médiation est un processus souple et l'adoption de cet amendement irait plutôt dans le sens d'un alourdissement. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il y sera défavorable.

Photo de Sophie Primas

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Photo de Nathalie Goulet

Pour ma part, je voterai cet amendement.

La justice négociée est souvent un peu léonine, si bien qu'il est important que les frais de publicité soient mis à la charge du défendeur, comme le proposent les auteurs de l'amendement. Pour qu'une action soit efficace, il faut qu'elle soit la plus diffusée possible.

Photo de Sophie Primas

Je mets aux voix l'article 1er quindecies, modifié.

Photo de Sophie Primas

Chapitre IV

Registre national des actions de groupe

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 50, présenté par MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le demandeur peut s'adjoindre les services d'un avocat pour l'assister, notamment afin qu'il procède à la réception des demandes d'indemnisation ou d'exclusion des membres du groupe, et plus généralement afin qu'il représente les personnes susceptibles d'être indemnisées auprès du demandeur, en vue de leur indemnisation.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

Photo de Hussein Bourgi

Lorsque nous avons entamé les auditions autour de cette proposition de loi, des organisations représentant les avocats nous ont dit qu'il fallait que l'avocat soit systématiquement présent dans la procédure. Nous avons fait valoir que le plaignant avait la liberté de choisir de se faire assister ou non. Aujourd'hui, un plaignant, une victime, peut aller tout seul devant les tribunaux pour faire valoir ses intérêts et ses droits. Il n'y a aucune obligation de se faire assister par un avocat.

A contrario, nous avons rencontré des personnes qui pensaient qu'elles ne pouvaient faire appel elles-mêmes à un avocat dès lors qu'elles contactaient une organisation ayant intenté une action de groupe.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement qui vise à reprendre la rédaction votée à l'Assemblée nationale prévoyant que le plaignant a la possibilité de se faire assister par un avocat. Il n'y a aucune obligation, mais il est important de rappeler dans la loi que cette possibilité existe.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Fialaire, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

et mis à la disposition du public

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Photo de Nathalie Delattre

L'article 1er sexdecies prévoit que les actions de groupe en cours, clôturées ou ayant fait l'objet d'un désistement devant l'ensemble des juridictions sont inscrites à un registre tenu et mis à la disposition du public par le garde des sceaux, ministre de la justice.

Le retentissement médiatique d'une action engagée peut avoir des effets considérables, voire destructeurs, sur l'image d'une entreprise, notamment dans ses relations avec ses clients et ses fournisseurs.

Nous considérons donc que la mise à disposition du public d'un registre national des actions de groupe, avant le prononcé du jugement ou lorsque l'action de groupe a fait l'objet d'un désistement, irait à l'encontre de la présomption d'innocence. La publicité donnée à l'action risque en effet d'être assimilée à un prononcé sur la responsabilité du professionnel.

Pour éviter de détruire injustement la réputation d'un professionnel qui n'aurait pas les moyens de se défendre, il est proposé que les actions engagées contre les micro, petites et moyennes entreprises ne puissent faire l'objet d'une mise à disposition du public.

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Bourgi, vous étiez présent durant nos travaux préparatoires et vous savez très bien que cette disposition est superfétatoire.

En effet, les avocats jouissent d'un monopole s'agissant de l'assistance et de la représentation des justiciables devant les juridictions. Pour les autres activités d'accompagnement juridique, hors des tribunaux, les justiciables sont libres de choisir le professionnel du droit de leur choix : un avocat, un notaire ou un commissaire de justice. Il n'apparaît donc pas nécessaire de rappeler dans la loi une faculté offerte aux demandeurs d'une action de groupe.

L'amendement que j'ai déposé en commission des lois, qui a été adopté par celle-ci et qui supprime cet article de la proposition de loi, permet de simplifier un texte déjà fort lourd. Je suis toujours défavorable à cet article, raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

Photo de Christophe-André Frassa

Votre amendement est contraire à la position de la commission comme à celle de l'Assemblée nationale.

Le registre mis à la disposition du public, qui est tenu par le garde des sceaux, recense les actions de groupe, les actions en reconnaissance de droit et les actions collectives. Je suis opposé à la suppression de cette mesure pour plusieurs raisons.

D'abord, l'objectif principal de la création de ce registre est précisément d'améliorer l'information des justiciables pour leur permettre, d'une part, de rejoindre plus facilement ces actions lorsqu'ils sont concernés et ainsi de favoriser l'indemnisation des victimes ; d'autre part, de savoir quelles actions ont prospéré dans le passé pour estimer si leur propre initiative est elle-même susceptible de prospérer. Supprimer la publicité de ce registre le rendrait en fait inutile.

Ensuite, la commission a précisément souhaité étendre le contenu de ce registre pour parfaire l'information des justiciables.

La suppression de la mise à disposition de ce registre est donc contraire à la position de la commission, raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d'émettre un avis défavorable.

Marie Lebec

Je comprends, aux propos du rapporteur, que vous avez déjà eu ce débat en commission. Permettez-moi d'apporter quelques précisions au nom du Gouvernement.

Tout d'abord, indépendamment de toute disposition législative, le demandeur, s'il le souhaite, pourrait s'adjoindre les services d'un avocat pour l'assister dans la phase de liquidation des préjudices.

En outre, d'autres professions judiciaires réglementées, comme les commissaires de justice, répondent aux exigences d'expertise et de déontologie, leur permettant d'exercer cette mission particulière d'assistance auprès des associations.

Ainsi, le Gouvernement serait favorable à la réintroduction de l'article 2 quinquies A sous réserve de deux aménagements : l'élargissement à d'autres professions judiciaires réglementées, comme les commissaires de justice ; la possibilité pour le juge de décider que les frais afférents à cet accompagnement soient mis à la charge du défendeur, à l'instar de ce qui existe déjà pour les actions de groupe dans le domaine de la consommation.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Marie Lebec

J'irai dans le même sens que le rapporteur, puisque la création de ce registre vise justement à informer ceux de nos concitoyens qui voudraient engager des actions de groupe.

Aux arguments avancés par le rapporteur, j'ajoute celui du risque de sous-transposition du droit communautaire : en effet, le paragraphe 2 de l'article 13 et l'article 14 de la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 visent à faciliter l'information des consommateurs susceptibles d'adhérer à une action de groupe.

Le registre doit donc nécessairement être public. C'est pourquoi, même si je comprends le risque de réputation que vous évoquez pour les entreprises, l'avis du Gouvernement est défavorable.

Photo de Sylvie Robert

En conséquence, l'article 2 quinquies A demeure supprimé.

Photo de Nathalie Delattre

Non, je le retire, madame la présidente.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 18 rectifié est retiré.

L'amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 6

Après le mot :

désistement

insérer les mots :

d'instance ou d'action

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Photo de Nathalie Goulet

Cet amendement vise à préciser que le désistement en question est soit d'instance soit d'action.

Photo de Christophe-André Frassa

Cet amendement n'apparaît pas nécessaire. En l'état, l'article 1er sexdecies précise en effet que les différentes actions énumérées et ayant fait l'objet d'un désistement sont recensées dans le registre tenu par le garde des sceaux. Cela inclut donc aussi bien les désistements d'instance que les désistements d'action.

Pour cette raison, madame Goulet, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 35, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Pour les actions de groupe exercées par les personnes mentionnées aux I à II de l'article 1er bis de la présente loi, la perte de la qualité à agir, pour quelque motif que ce soit, est sans effet sur la poursuite des actions engagées.

La parole est à M. Jacques Fernique.

Marie Lebec

Même avis, madame la présidente : c'est bien l'ensemble des désistements qui devront figurer dans le registre, si bien que la précision proposée ne nous paraît pas utile.

Photo de Jacques Fernique

Au début de l'examen de ce texte, nous avons longuement débattu de la qualité pour agir : qui peut introduire une action de groupe ?

Cette question est essentielle, mais la problématique de la qualité pour agir ne se limite pas au seul moment de l'introduction d'une action de groupe. En effet, la qualité pour agir pourrait se perdre, pour une raison ou une autre, au cours de la procédure. On pense ici, bien évidemment, à l'association Anticor, qui a perdu en décembre dernier l'agrément qui lui permettait de se constituer partie civile.

Nous risquons de rencontrer des situations similaires pour les actions de groupe. Or, dans l'intérêt des personnes lésées, il est primordial que les procédures entamées puissent être menées à leur terme. Lesdites personnes ont potentiellement déjà investi du temps pour suivre l'action de groupe et espèrent pouvoir toucher une indemnisation pour le préjudice subi. Leur annoncer que l'action de groupe se termine du jour au lendemain risquerait d'éroder la confiance dans cette procédure.

De plus, il faut rappeler que la perte de la qualité pour agir ne dit rien sur la responsabilité de la personne mise en cause. De même, elle ne dit rien sur les modalités d'une indemnisation dans le cas où la responsabilité serait reconnue. Ces questions seront appréciées par les tribunaux. Les magistrats spécialisés, qui statueront sur les questions pendantes, méritent notre pleine confiance.

Enfin, notre proposition entend limiter les conséquences d'une décision politique, alors que les actions de groupe devraient rester en dehors de toute ingérence de ce type.

Nous voulons simplement garantir que les actions en cours soient menées à leur terme.

Photo de Sophie Primas

Madame Goulet, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?

Photo de Nathalie Goulet

Non, je le retire, madame la présidente. Le rapporteur et la ministre ont apporté les précisions nécessaires.

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Fernique, je comprends votre intention. Dans votre esprit, l'adoption de votre amendement permettrait de sécuriser les membres du groupe dans l'hypothèse particulière – et probablement marginale –, où le demandeur perdrait sa qualité.

Toutefois, cet amendement est déjà satisfait par la rédaction actuelle de l'article 2 sexies, lequel dispose qu'en cas de défaillance du demandeur « toute personne ayant qualité pour agir à titre principal peut demander au juge sa substitution dans les droits du demandeur ». Dans ces conditions, votre proposition est redondante par rapport à la rédaction actuelle.

Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 10 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er sexdecies.

Marie Lebec

Monsieur le sénateur, nous partageons votre objectif : les membres d'un groupe ne doivent pas être lésés par la perte de leur agrément.

Cependant, votre amendement nous paraît satisfait puisque, en droit commun, les conditions de recevabilité de l'action et la qualité pour agir sont appréciées à la date d'introduction de la demande en justice.

Aussi, la perte de l'agrément par une association requérante n'empêche pas la poursuite de l'instance, une fois la demande en justice introduite.

Photo de Sophie Primas

Chapitre V

Compétence juridictionnelle en matière d'action de groupe

Photo de Sylvie Robert

Monsieur Fernique, l'amendement n° 35 est-il maintenu ?

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 33, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

Au moins deux tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent

par les mots :

Dans le ressort de chaque cour d'appel, un tribunal judiciaire spécialement désigné connaît

La parole est à M. Guy Benarroche.

Photo de Guy Benarroche

La proximité entre la justice et les justiciables permet de rendre celle-ci plus accessible. J'ai encore entendu hier, à Aix-en-Provence, le garde des sceaux décliner cet objectif, que nous partageons.

D'ailleurs, le Gouvernement a annoncé récemment que les convocations au tribunal ne devront plus obliger la personne convoquée à se rendre disponible pendant toute la journée et que les horaires devront être plus précis pour simplifier l'accès à la justice – figurera ainsi, sur les convocations, une heure définie. Encore une fois, nous sommes d'accord avec l'objectif d'accessibilité. C'est donc une bonne mesure, qui répond aux attentes des justiciables.

Dans le même état d'esprit, nous devrions nous assurer que les tribunaux qui connaîtront des actions de groupe soient créés à proximité des justiciables. Malheureusement, la rédaction actuelle de la proposition de loi ne permettrait pas de garantir une telle proximité, qui est pourtant l'un des objectifs affichés du Gouvernement.

Le texte issu des travaux de la commission prévoit seulement qu'il faudra créer « au moins deux tribunaux judiciaires » spécialisés. Inutile de vous dire qu'avec deux tribunaux spécialisés sur tout le territoire, y compris les outre-mer, l'immense majorité de la population habitera très loin des tribunaux où seront examinées les actions de groupe… Nous devrons ainsi faire l'impasse sur l'objectif d'accessibilité de la justice pour les justiciables, y compris sur l'envoi de convocations aux horaires plus précis.

Pour y remédier, nous proposons, par cet amendement, la création d'un tribunal spécialisé en matière d'action de groupe dans le ressort de chaque cour d'appel – c'est d'une logique imparable. De cette manière, trente-six tribunaux spécialisés seraient répartis sur tout le territoire. Si l'on me répond que c'est impossible, j'objecterai que tel est déjà le cas pour les tribunaux judiciaires spécialisés en matière de contentieux environnemental.

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Benarroche, il ne faut pas confondre proximité et spécialisation.

En l'espèce, nous sommes sur une question de spécialisation. Je comprends votre volonté d'avoir trente-six tribunaux judiciaires spécialisés en matière d'action de groupe, soit un par cour d'appel.

Photo de Christophe-André Frassa

Toutefois, trois raisons expliquent que je ne serai pas favorable à cet amendement, chacune étant suffisante pour justifier cette position.

La première a trait au faible nombre d'actions de groupe – moins de quarante en dix ans. Comment justifier la création de trente-six tribunaux judiciaires spécialisés pour aussi peu de dossiers ?

La deuxième, c'est qu'au regard des spécificités de la procédure et des domaines juridiques concernés, seule une spécialisation poussée des magistrats et des greffiers sur quelques tribunaux permettra de donner du sens à cette spécialisation. D'ailleurs, j'ai proposé d'écrire qu'il y aurait « au moins » deux tribunaux, pas « seulement » deux…

La troisième, c'est que l'argument visant à rapprocher les justiciables de l'institution judiciaire ne me semble pas opérant en matière d'action de groupe dans la mesure où, d'une part, l'action de groupe est portée par un seul demandeur – une association au nom de l'ensemble des membres du groupe – et, d'autre part, elle concerne potentiellement des justiciables répartis sur l'ensemble du territoire national, voire à l'étranger.

Pour ces trois raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Marie Lebec

Monsieur le sénateur, je veux d'abord rappeler que le Gouvernement est attaché à ses prérogatives et que la définition du nombre des juridictions dont nous parlons relève plutôt du domaine réglementaire.

Au-delà de ce rappel, je rejoins les arguments du rapporteur, en particulier le fait que la rédaction actuelle évoque la création d'au moins deux tribunaux spécialisés et pas de seulement deux.

Je veux tout de même vous donner quelques précisions sur l'état des lieux des travaux en cours. La question de la désignation des juridictions est à l'étude et nous rassemblons les données qui permettront d'en définir le nombre. C'est avec ces données, et après consultation des chefs de cour, que nous pourrons désigner les tribunaux spécialisés.

Il est en tout cas important de garder une certaine souplesse pour nous adapter à la situation du terrain.

Je comprends vos arguments, monsieur le sénateur, mais cela ne relève pas du domaine de la loi.

Photo de Sophie Primas

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Photo de Nathalie Goulet

Je ne voterai pas cet amendement pour les raisons avancées par le rapporteur et la ministre.

Toutefois, si nous voulons que l'action de groupe se développe et rencontre son public – si vous me permettez cette expression –, alors même que chacun peut constater que cette procédure n'a jusqu'à présent pas fonctionné, nous devons à la fois la simplifier et rendre les juridictions accessibles.

Chacun d'entre nous a participé à des rentrées solennelles de juridictions et sait bien, malgré l'excellent budget qui a été voté pour le ministère de la justice, les grandes difficultés qu'elles rencontrent.

Nous devons donc allier spécialité et proximité pour que l'action de groupe soit plus accessible et plus compréhensible pour les justiciables.

Photo de Sophie Primas

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

Photo de Hussein Bourgi

Il est vrai que cet amendement ressemble à un amendement d'appel : il est illusoire, eu égard aux moyens actuels de la justice, d'imaginer qu'il puisse y avoir trente-six tribunaux spécialisés en matière d'action de groupe.

Néanmoins, entre deux et trente-six, on doit pouvoir trouver un nombre satisfaisant qui permette de mailler le territoire sans pour autant mobiliser excessivement les effectifs des tribunaux, dont on sait qu'ils sont déjà fort limités.

Madame la ministre, certes l'organisation judiciaire relève des prérogatives du Gouvernement, mais souffrez que le Parlement, en l'occurrence le Sénat, apporte sa pierre à votre réflexion. Nous sommes les élus des territoires, nous connaissons les associations de personnes concernées, nous sommes au contact des administrés et des justiciables. Vous l'êtes peut-être aussi, mais nous avons un peu plus de temps à y consacrer. Par conséquent, souffrez que nous participions aux réflexions et éclairions vos travaux !

Photo de Sophie Primas

La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

Photo de Guy Benarroche

Je remercie mes collègues, la ministre et le rapporteur d'avoir bien compris le sens de cet amendement. Comme l'a souligné à l'instant Hussein Bourgi, nous lançons un appel au Gouvernement pour qu'il ne se contente pas de deux tribunaux spécialisés en matière d'action de groupe.

Nous souhaitons également que les travaux qui sont actuellement menés permettent d'avancer dans des délais rapprochés ; cela permettrait tout simplement au ministre de la justice d'atteindre les objectifs qu'il s'est lui-même fixés…

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 36, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l'article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les personnes mentionnées aux I à II de l'article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées aux dépens en application de l'article 696 du code de la procédure civile.

II. – Les personnes mentionnées aux I à II de l'article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La parole est à M. Guy Benarroche.

Photo de Guy Benarroche

Est-il juste que la partie introduisant une action de groupe doive payer des frais de procédure ? Cela nous semble profondément contraire à l'objet de ce texte, qui vise à faciliter les actions de groupe.

En l'état, le texte n'interdit pas que l'association ou le syndicat soit condamné aux dépens ou aux frais pour avoir engagé une action de groupe. De ce fait, ces derniers seront confrontés à un risque juridique et financier.

Comme nous l'avons souligné lors des débats sur les médiations, cette charge financière peut amener associations et syndicats à renoncer à introduire une action de groupe.

Ce risque financier, quelque peu absurde, s'explique par le fait que le code de procédure civile serait applicable aux actions de groupe en matière civile. Sur le fondement dudit code, la jurisprudence a déjà établi que le demandeur peut être amené à payer une partie des frais – tel avait été le cas pour une personne ayant utilisé une « procédure trop lourde », selon les termes mêmes des motifs de la décision.

De plus, la Cour de cassation a également établi le principe que la condamnation au paiement des frais de procédure n'est pas conditionnée à la reconnaissance d'une faute.

Il existe donc un réel risque, dans certains cas, que l'action de groupe soit considérée comme relevant d'une « procédure trop lourde » et que l'association ou le syndicat soient amenés à régler une partie des frais de procédure.

Cela irait à l'encontre de l'esprit de la directive européenne de 2020 sur les actions de groupe, qui demande aux États membres de veiller à ce que des considérations financières n'empêchent pas de telles actions de prospérer.

C'est la raison pour laquelle nous demandons d'inscrire de manière explicite dans le présent texte que la partie demanderesse ne doit pas payer de frais ni être condamnée aux dépens.

Il faudrait aller plus loin et créer un fonds spécial pour financer les actions de groupe. Les règles de recevabilité financière nous empêchant d'en proposer la création, ce sera à vous de le faire, madame la ministre !

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Benarroche, pour la clarté des débats, je rappelle que l'article 700 du code de procédure civile dispose que « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. »

D'une part, votre amendement est partiellement satisfait par l'article 2 nonies ; de l'autre, son adoption créerait un déséquilibre trop important entre les parties d'une action de groupe. En effet, l'article 2 nonies autorise déjà les juges à mettre provisoirement les frais d'expertise puis les dépens à la charge de l'État, même si le demandeur perd son procès.

En outre, dès lors que le juge décide d'exonérer le demandeur du paiement, il semblerait illogique qu'il lui impose de régler les frais non compris dans les dépens, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Photo de Sophie Primas

Chapitre V bis

Dispositions spécifiques à certaines actions de groupe

Marie Lebec

Même avis ; madame la présidente.

Photo de Sylvie Robert

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels

« Art. 1253. – Lorsqu'une personne est reconnue responsable d'un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l'exercice d'une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l'ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d'une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.

« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° L'auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie indu ;

« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.

« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l'auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l'auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.

« Lorsqu'une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.

« Le risque d'une condamnation à la sanction civile n'est pas assurable. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

Photo de Daniel Salmon

S'enrichir en transgressant la loi, voilà une situation que nous voulons toutes et tous ici éviter.

Pour autant, elle peut se produire si les sanctions des infractions sont moins élevées que les gains économiques que leurs auteurs peuvent en tirer.

Ce risque est particulièrement élevé pour les fautes qui donnent lieu à une action de groupe, laquelle permet uniquement de réparer le préjudice subi. Certes, le dommage en question peut être important et la réparation à payer élevée, mais le profit économique réalisé peut aussi être beaucoup plus important.

C'est non pas moi qui le dis, mais les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, auteurs du rapport d'information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe. Selon eux, il peut arriver que « le montant de la condamnation [soit] très probablement inférieur au profit retiré par l'entreprise du fait du non-respect des dispositions légales ou contractuelles ».

Dans de telles situations, l'entreprise serait encouragée à transgresser la loi, à mettre son devoir de vigilance de côté. Et il n'est même pas sûr qu'elle soit sanctionnée, car il faudrait qu'un contrôle, une plainte ou une action de groupe aboutisse.

Afin d'éviter cette situation, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande que les juges puissent sanctionner ces entreprises pour faute dolosive ayant causé des dommages sériels, même si le préjudice a été intégralement réparé.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté cette proposition.

Photo de Sylvie Robert

Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.

L'amendement n° 38 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 49 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels

« Art. 1253. – Lorsqu'une personne est reconnue responsable d'un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l'exercice d'une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l'ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d'une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.

« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° L'auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie indu ;

« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.

« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l'auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l'auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.

« Lorsqu'une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.

« Le risque d'une condamnation à la sanction civile n'est pas assurable. »

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l'amendement n° 19 rectifié.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 34, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l'article 2 bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque les manquements reprochés portent sur des préjudices résultant d'un dommage à l'environnement, le juge peut statuer, lors du jugement sur la responsabilité en application de l'article 1er quinquies, sur la réparation du préjudice écologique dans les conditions fixées au chapitre III du sous-titre II du titre III du livre III du code civil.

La parole est à M. Daniel Salmon.

Photo de Hussein Bourgi

Dans le prolongement des propos de l'orateur précédent, il s'agit ni plus ni moins de rétablir l'amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale et voté en séance.

Quel est son objet ? Mettre un peu de morale – juste un peu – dans le procès. Et en mettant un peu de morale dans le procès, on en mettra aussi dans les affaires économiques et commerciales, mes chers collègues.

Il nous semble anormal qu'un professionnel puisse volontairement commettre des manquements dans le seul but d'en tirer des gains illicites, sans craindre des pénalités financières. Le législateur, de même que le pouvoir judiciaire, sont là pour moraliser la société face aux dérives du monde économique et commercial.

Nous connaissons tous cet univers. Certains d'entre nous y ont travaillé, d'autres ont de la famille qui y travaille, comme moi. On y trouve des gens admirables et vertueux qui n'ont pas à être assimilés à ceux qui, beaucoup moins vertueux, se livrent à des pratiques que l'on ne peut que condamner et qu'il faut moraliser.

Photo de Daniel Salmon

Malgré l'augmentation des budgets, le stock des affaires en traitement, qui se sont accumulées, reste très important. En matière civile, par exemple, il faudrait 637 jours à nos juridictions pour traiter toutes les affaires pendantes, alors qu'il en faudrait seulement 237 selon la médiane européenne.

Dans ce contexte, tout gain d'efficacité devrait être bon à prendre. C'est ce que le groupe écologiste propose par le biais de cet amendement qui vise à ce que la juridiction qui statue sur une action de groupe en matière environnementale puisse également statuer sur la réparation du dommage écologique.

Même si cela pourrait paraître logique, ce n'est pas ce que le texte prévoit en l'état. En effet, outre la cessation du manquement, l'action de groupe ne peut viser que la réparation du dommage subi par les personnes lésées composant le groupe. Elle ne pourrait pas concerner le préjudice écologique dont la réparation appartient, depuis la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, à l'auteur des faits.

Puisqu'une demande de réparation d'un préjudice subi à la suite d'un dommage à l'environnement va généralement de pair avec l'obligation de réparer ce préjudice, il ferait sens de rapprocher ces deux procédures. Voilà qui représenterait un gain d'efficacité pour le système judiciaire et, plus largement, pour l'État, et qui permettrait d'accélérer les procédures.

Nous savons que le système judiciaire manque cruellement de moyens, si bien que tout ce qui va dans le sens de l'efficacité devrait trouver un appui dans notre hémicycle.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l'amendement n° 38.

Photo de Jacques Fernique

Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à notre amendement n° 37.

Nous demandons certes le rétablissement de la sanction civile, mais dans la rédaction adoptée à l'unanimité en séance publique à l'Assemblée nationale.

Cette version est un peu moins ambitieuse que celle de la commission des lois de l'Assemblée nationale en ce qu'elle prévoit de plafonner le montant de la sanction à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel, au lieu de 5 %.

Cette mesure, proposée par les députés ayant rédigé le rapport d'information et la présente proposition de loi, est également préconisée par la Défenseure des droits dans son avis sur le texte.

On pourrait même réfléchir à flécher le produit de cette sanction vers les associations habilitées à introduire une action de groupe. Dans la mesure où cette voie d'accès à la justice dépend de ces associations et de leur capacité financière, cela serait plus que légitime.

D'autres pays ont déjà reconnu que la capacité financière de ces associations est cruciale. Ainsi, le Québec et Israël ont mis en place des fonds pour financer les actions de groupe. De même, le Comité économique et social européen demande la création d'un tel fonds.

Beaucoup reste à faire en matière de financement. Le prochain projet de loi de finances nous donnera sûrement l'occasion d'en débattre à nouveau.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle vivement à mettre en place la sanction civile pour faute ayant causé des dommages sériels.

Photo de Christophe-André Frassa

Je prends cet amendement comme un amendement d'appel. Je comprends que le groupe écologiste souhaite assurer une meilleure administration de la justice en matière d'action de groupe dans le domaine de l'environnement.

Néanmoins, les conséquences d'une adoption de cet amendement seraient loin d'être neutres. En effet, il vise à permettre au juge saisi d'une action de groupe en matière d'environnement de se prononcer par la même occasion sur la réparation du préjudice écologique prévue par les articles 1246 et suivants du code civil.

À ce stade, je ne dispose pas d'éléments permettant d'expertiser plus avant le dispositif proposé, qui pourrait entraîner des effets de bord négatifs que je ne saurais mesurer : dès lors, la commission n'a d'autre choix que de demander le retrait de cet amendement.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 49.

Marie Lebec

Le Gouvernement partage en tout point l'avis de la commission.

Tout d'abord, l'action de groupe prévoit que la réparation est directe et intégrale pour les seuls préjudices subis par les personnes membres du groupe.

Par ailleurs, la réparation d'un préjudice écologique s'inscrit dans un cadre juridique spécifique et s'effectue par priorité en nature ou, en cas d'impossibilité, par l'octroi de dommages et intérêts affectés à la réparation de l'environnement. Ce n'est donc pas un préjudice individuel et il existe un cadre juridique spécifique.

Pour ces deux raisons, je vous invite à retirer votre amendement.

Photo de Sophie Primas

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Photo de Christophe-André Frassa

Mes chers collègues, si nous avions trois heures devant nous, je vous demanderais de prendre un stylo et une feuille pour répondre à la question suivante : le rôle du droit est-il de faire de la morale ?

Photo de Daniel Salmon

J'entends bien les arguments avancés par le rapporteur et la ministre, mais cet amendement ne sort pas de nulle part : c'est la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (Cepej) qui plaide en ce sens.

La justice est engorgée ; essayons de trouver des solutions au plus vite !

Photo de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Patience, vous avez trois heures !

Photo de Christophe-André Frassa

Pour revenir aux amendements, je ferai plusieurs observations. Premièrement, la proposition de loi que nous avons à examiner ce soir vise à unifier le régime des actions de groupe et à transposer la directive européenne du 25 novembre 2020. Or la sanction civile n'est pas imposée par le droit européen.

Deuxièmement, la création d'une sanction civile constitue une réforme d'ampleur du droit de la responsabilité civile, qui mériterait d'être discutée, à mon sens, dans un autre cadre.

Troisièmement, la sanction civile ne fait pas consensus entre les tenants de la doctrine, les praticiens du droit et les acteurs économiques. Ces derniers y sont – pour la plupart –particulièrement opposés, comme l'ont rappelé les personnalités que j'ai pu auditionner. En outre, lorsque la commission des lois a étudié cette sanction civile, elle s'est toujours montrée très réservée sur sa création dans notre droit interne.

Quatrièmement, tant le Conseil d'État que la direction des affaires civiles et du sceau ont fait part de leurs réserves, voire de leur opposition à la création d'une amende civile, à la fois pour des raisons de forme – je viens de les évoquer – et de fond. En effet, le dispositif proposé présente plusieurs fragilités juridiques, exposant ce texte à la censure du Conseil constitutionnel.

Cinquièmement, vous avez presque tous mentionné la création d'un fonds pour aider les actions de groupe ; mais la loi Hamon l'évoque déjà. Or c'est bien par-là que pêche aussi cette sanction civile, dont le produit va tout simplement dans les caisses du Trésor public. Elle vise donc complètement à côté de sa cible !

On créerait une sanction civile dotée de toutes les caractéristiques d'une sanction pénale, mais qui n'aurait pas pour finalité d'aider les associations à financer leurs actions de groupe et dont le produit ne ferait qu'enrichir le Trésor public.

Quel serait l'intérêt de créer une telle sanction ? Nous aurions pu débattre du fond, si son produit avait été fléché vers les associations. En l'espèce, il s'agit de créer, dans un titre du code civil, une sanction civile applicable partout et en tout temps, qui n'est même pas liée à l'action de groupe alors qu'elle est adossée à une proposition de loi relative à l'action de groupe.

Pour toutes ces raisons, et chacune se suffisant à elle-même, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.

Marie Lebec

Le Gouvernement partage l'avis de la commission, fort bien argumenté par le rapporteur.

À l'origine, le Gouvernement était favorable à la position d'équilibre trouvée par la commission des lois du Sénat. La suppression de l'article nous a paru opportune, puisqu'elle permet notamment de lever les fragilités juridiques présentes dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, notamment au regard du principe de légalité des délits et des peines, en l'absence d'une définition claire et précise de la notion de faute lucrative.

Autre fragilité : le manquement du professionnel à une obligation caractérisée n'est pas davantage précisé.

En outre, la notion de dommage sériel, comprise comme « un ou des dommages causés à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire », est inconnue du droit civil.

Par ailleurs, le texte pose le principe d'un cumul possible de cette sanction avec une amende administrative ou pénale, mais la rédaction retenue est trop générale et ne donne pas les leviers nécessaires au juge pour apprécier de manière précise la proportionnalité d'une telle sanction.

Si cet article était réintégré, il soulèverait un certain nombre de questions à propos de sa mise en œuvre et de l'effectivité des mesures.

Enfin, la directive européenne, que la proposition de loi tend à transposer, n'impose pas de telles sanctions.

Pour toutes ces raisons, et pour celles aussi que M. le rapporteur a évoquées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

Photo de Sylvie Robert

En conséquence, l'article 2 undecies demeure supprimé.

Chapitre II

Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 50, présenté par MM. Bourgi et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le demandeur peut s'adjoindre les services d'un avocat pour l'assister, notamment afin qu'il procède à la réception des demandes d'indemnisation ou d'exclusion des membres du groupe, et plus généralement afin qu'il représente les personnes susceptibles d'être indemnisées auprès du demandeur, en vue de leur indemnisation.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après le mot :

approprié

insérer les mots :

et dans les langues officielles de l'Union européenne

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Photo de Hussein Bourgi

Lorsque nous avons entamé les auditions autour de cette proposition de loi, des organisations représentant les avocats nous ont dit qu'il fallait que l'avocat soit systématiquement présent au cours de la procédure. Nous avons fait valoir que le plaignant avait la liberté de choisir de se faire assister ou non. Aujourd'hui, un plaignant, une victime, peut aller tout seul devant les tribunaux pour faire valoir ses intérêts et ses droits. Il n'y a aucune obligation de se faire assister par un avocat.

A contrario, nous avons rencontré des personnes qui pensaient qu'elles ne pouvaient faire appel elles-mêmes à un avocat dès lors qu'elles contactaient une organisation ayant intenté une action de groupe.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement qui vise à reprendre la rédaction votée à l'Assemblée nationale prévoyant que le plaignant a la possibilité de se faire assister par un avocat. Il n'y a aucune obligation, mais il est important de rappeler dans la loi que cette possibilité existe.

Photo de Nathalie Goulet

L'alinéa 7 de l'article 2 duodecies prévoit qu'il faut mettre à disposition du public, par tout moyen approprié, des informations relatives aux actions engagées.

S'agissant d'actions de groupe transfrontières, je me suis demandée quelles langues seraient utilisées pour communiquer lesdites informations.

Aussi, je propose un amendement visant à préciser qu'il s'agit des « langues officielles de l'Union européenne », parce qu'il s'agit d'actions transfrontières.

Dans le cas d'une action franco-espagnole ou entre la Lituanie et la Pologne, quelles seraient les langues utilisées ? Je l'ignore, d'où cet amendement d'appel, qui va recevoir, j'en suis sûre, l'approbation de notre commission.

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Bourgi, vous étiez présent durant nos travaux préparatoires et vous savez très bien que cette disposition est superfétatoire.

En effet, les avocats jouissent d'un monopole s'agissant de l'assistance et de la représentation des justiciables devant les juridictions. Pour les autres activités d'accompagnement juridique, hors des tribunaux, les justiciables sont libres de choisir le professionnel du droit de leur choix : un avocat, un notaire ou un commissaire de justice. Il n'apparaît donc pas nécessaire de rappeler dans la loi une faculté offerte aux demandeurs d'une action de groupe.

L'amendement que j'ai déposé en commission des lois, qui a été adopté par celle-ci et qui supprime cet article de la proposition de loi, permet de simplifier un texte déjà fort lourd. Je suis toujours défavorable à cet article, raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

Photo de Christophe-André Frassa

Madame Goulet, vous nous proposez d'organiser un festival dans les vingt-quatre langues de l'Union européenne afin de pouvoir obtenir l'agrément du ministre chargé de la consommation.

Une telle mesure ne serait pas conforme à la directive, dont l'article 4 précise que, pour exercer une action de groupe transfrontière, les personnes morales doivent mettre à disposition du public des informations sur les sources de leur financement, leur structure organisationnelle, leurs activités, etc. À défaut, elles ne peuvent être désignées en tant qu'entités qualifiées pour exercer des actions de groupe transfrontières.

En revanche, la directive ne précise en aucun cas que ces informations doivent être mises à disposition du public dans toutes les langues de l'Union européenne pour pouvoir exercer des actions de groupe transfrontières.

Une telle précision ajouterait une nouvelle obligation non prévue par la directive et ne serait donc pas conforme au droit européen.

En outre, cette obligation supplémentaire induirait des coûts très importants pour les associations souhaitant exercer des actions de groupe transfrontières, alors même que leur situation financière est souvent plutôt fragile.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Marie Lebec

Je comprends, aux propos du rapporteur, que vous avez déjà eu ce débat en commission. Permettez-moi d'apporter quelques précisions au nom du Gouvernement.

Tout d'abord, indépendamment de toute disposition législative, le demandeur, s'il le souhaite, pourrait s'adjoindre les services d'un avocat pour l'assister dans la phase de liquidation des préjudices.

En outre, d'autres professions judiciaires réglementées, comme les commissaires de justice, répondent aux exigences d'expertise et de déontologie, leur permettant d'exercer cette mission particulière d'assistance auprès des associations.

Ainsi, le Gouvernement serait favorable à la réintroduction de l'article 2 quinquies A sous réserve de deux aménagements : l'élargissement à d'autres professions judiciaires réglementées, comme les commissaires de justice ; la possibilité pour le juge de décider que les frais afférents à cet accompagnement soient mis à la charge du défendeur, à l'instar de ce qui existe déjà pour les actions de groupe dans le domaine de la consommation.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Marie Lebec

Madame Goulet, plus tôt dans nos débats, vous avez rappelé à très juste titre que la question de l'accessibilité à la justice était essentielle. J'entends donc votre proposition sur le recours aux différentes langues de l'Union européenne.

Néanmoins, et pour reprendre l'argument avancé par M. le rapporteur, une telle mesure soulève la question des moyens financiers. Souvent, en effet, les entités qui exercent des actions représentatives transfrontières ont peu de moyens. À cet égard, l'adoption de votre amendement créerait une charge excessive pour les associations : avis défavorable.

Photo de Sylvie Robert

Madame Goulet, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?

Photo de Sophie Primas

En conséquence, l'article 2 quinquies A demeure supprimé.

Photo de Nathalie Goulet

Je comprends très bien les arguments de la ministre et du rapporteur.

Toutefois, s'agissant d'une question transfrontière, des problèmes linguistiques se poseront forcément. Ils doivent être résolus par des traductions, qu'elles pèsent ou non financièrement.

Imaginez un document écrit en grec : qui voudra adhérer à une procédure collective engagée sur la base d'une langue qu'il ne connaît pas ?

Je retire cet amendement, madame la présidente, mais je considère qu'il s'agit d'un véritable sujet.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 12 est retiré.

L'amendement n° 39, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et informe également la Commission européenne de toute modification

La parole est à M. Guy Benarroche.

Photo de Guy Benarroche

L'objet de cet amendement est très simple : il s'agit de faciliter la coordination des actions de groupe transfrontalières par la Commission européenne.

En effet, c'est la Commission qui veille à ce qu'aucune situation potentiellement problématique ne se produise. À ce titre, elle peut, par exemple, demander à l'Autorité de la concurrence et à ses homologues des autres pays membres de vérifier si les associations qui peuvent entamer une action de groupe transfrontalière ne violent pas les conditions pour le faire.

Elle tient également un registre des acteurs qui peuvent entamer de telles actions.

Afin de mener à bien son travail, il faut qu'elle dispose de toutes les informations nécessaires de la part des États membres, et ce en temps réel.

Cependant, en l'état, il faudrait qu'elle récupère elle-même toute information nécessaire des autorités françaises, lesquelles ne seraient pas tenues de l'informer de leur propre initiative.

Informer la Commission européenne aurait donc du sens, notamment en cas de perte d'agrément d'un acteur. Dans ce dernier cas, la Commission devrait agir rapidement, des actions de groupe en cours dans d'autres États membres étant potentiellement concernées par la perte de la qualité pour agir.

Pour cette raison, la directive européenne demande explicitement que la Commission européenne soit informée de toute modification du registre des acteurs habilités. En toute logique, les États membres ayant déjà transposé cette directive ont également inscrit dans leur droit cette obligation d'information, à l'instar du Portugal.

Nous devrions faire de même. Toutefois, en l'état, la rédaction de la présente proposition de loi ne nous le permettrait pas. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'inscrire explicitement cette obligation d'information, afin de transposer pleinement la directive européenne de 2020, comme le font les autres États membres.

Photo de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à assurer la bonne transposition du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive européenne relative aux actions représentatives, qui précise que les États membres doivent informer la Commission européenne à chaque modification de la liste des entités qualifiées pour exercer des actions de groupe transfrontières.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 35, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Pour les actions de groupe exercées par les personnes mentionnées aux I à II de l'article 1er bis de la présente loi, la perte de la qualité à agir, pour quelque motif que ce soit, est sans effet sur la poursuite des actions engagées.

La parole est à M. Jacques Fernique.

Photo de Christophe-André Frassa

Il s'agit bien d'actions « transfrontières », monsieur Benarroche, et non « transfrontalières ». Malgré cette erreur, la commission émet un avis favorable sur votre amendement.

Photo de Jacques Fernique

Au début de l'examen de ce texte, nous avons longuement débattu de la qualité pour agir : qui peut introduire une action de groupe ?

Cette question est essentielle, mais la problématique de la qualité pour agir ne se pose pas seulement au moment de l'introduction d'une action de groupe. En effet, la qualité pour agir pourrait se perdre, pour une raison ou une autre, au cours de la procédure. On pense ici, bien évidemment, à l'association Anticor, qui a perdu en décembre dernier l'agrément qui lui permettait de se constituer partie civile.

Nous risquons de rencontrer des situations similaires pour les actions de groupe. Or, dans l'intérêt des personnes lésées, il est primordial que les procédures entamées puissent être menées à leur terme. Lesdites personnes ont potentiellement déjà investi du temps pour suivre l'action de groupe et espèrent pouvoir toucher une indemnisation pour le préjudice subi. Leur annoncer que l'action de groupe se termine du jour au lendemain risquerait d'éroder la confiance dans cette procédure.

De plus, il faut rappeler que la perte de la qualité pour agir ne dit rien sur la responsabilité de la personne mise en cause. De même, elle ne dit rien sur les modalités d'une indemnisation dans le cas où la responsabilité serait reconnue. Ces questions seront appréciées par les tribunaux. Les magistrats spécialisés, qui statueront sur les questions pendantes, méritent notre pleine confiance.

Enfin, notre proposition entend limiter les conséquences d'une décision politique, alors que les actions de groupe devraient rester en dehors de toute ingérence de ce type.

Nous voulons simplement garantir que les actions en cours soient menées à leur terme.

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Fernique, je comprends votre intention. Dans votre esprit, l'adoption de votre amendement permettrait de sécuriser les membres du groupe dans l'hypothèse particulière – et probablement marginale –, où le demandeur perdrait sa qualité.

Toutefois, cet amendement est déjà satisfait par la rédaction actuelle de l'article 2 sexies, lequel dispose qu'en cas de défaillance du demandeur « toute personne ayant qualité pour agir à titre principal peut demander au juge sa substitution dans les droits du demandeur ». Dans ces conditions, votre proposition est redondante par rapport à la rédaction actuelle.

Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Marie Lebec

Avis favorable, madame la présidente.

Marie Lebec

Monsieur le sénateur, nous partageons votre objectif : les membres d'un groupe ne doivent pas être lésés par la perte de leur agrément.

Cependant, votre amendement nous paraît satisfait puisque, en droit commun, les conditions de recevabilité de l'action et la qualité pour agir sont appréciées à la date d'introduction de la demande en justice.

Aussi, la perte de l'agrément par une association requérante n'empêche pas la poursuite de l'instance, une fois la demande en justice introduite.

Photo de Sophie Primas

Monsieur Fernique, l'amendement n° 35 est-il maintenu ?

Photo de Sylvie Robert

Je mets aux voix l'article 2 duodecies, modifié.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 36, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l'article 2 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les personnes mentionnées aux I à II de l'article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées aux dépens en application de l'article 696 du code de la procédure civile.

II. – Les personnes mentionnées aux I à II de l'article 1er bis de la présente loi ne peuvent être condamnées au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La parole est à M. Guy Benarroche.

Photo de Guy Benarroche

Est-il juste que la partie introduisant une action de groupe doive payer des frais de procédure ? Cela nous semble profondément contraire à l'objet de ce texte, qui vise à faciliter les actions de groupe.

En l'état, le texte n'interdit pas que l'association ou le syndicat soit condamné aux dépens ou aux frais pour avoir engagé une action de groupe. De ce fait, ces derniers seront confrontés à un risque juridique et financier.

Comme nous l'avons souligné lors des débats sur les médiations, cette charge financière peut amener associations et syndicats à renoncer à introduire une action de groupe.

Ce risque financier, quelque peu absurde, s'explique par le fait que le code de procédure civile serait applicable aux actions de groupe en matière civile. Sur le fondement dudit code, la jurisprudence a déjà établi que le demandeur peut être amené à payer une partie des frais – tel avait été le cas pour une personne ayant utilisé une « procédure trop lourde », selon les termes mêmes des motifs de la décision.

De plus, la Cour de cassation a également établi le principe que la condamnation au paiement des frais de procédure n'est pas conditionnée à la reconnaissance d'une faute.

Il existe donc un réel risque, dans certains cas, que l'action de groupe soit considérée comme relevant d'une « procédure trop lourde » et que l'association ou le syndicat soient amenés à régler une partie des frais de procédure.

Cela irait à l'encontre de l'esprit de la directive européenne de 2020 sur les actions de groupe, qui demande aux États membres de veiller à ce que des considérations financières n'empêchent pas de telles actions de prospérer.

C'est la raison pour laquelle nous demandons d'inscrire de manière explicite dans le présent texte que la partie demanderesse ne doit pas payer de frais ni être condamnée aux dépens.

Il faudrait aller plus loin et créer un fonds spécial pour financer les actions de groupe. Les règles de recevabilité financière nous empêchant d'en proposer la création, ce sera à vous de le faire, madame la ministre !

Photo de Christophe-André Frassa

Monsieur Benarroche, pour la clarté des débats, je rappelle que l'article 700 du code de procédure civile dispose que « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. »

D'une part, votre amendement est partiellement satisfait par l'article 2 nonies ; d'autre part, son adoption créerait un déséquilibre trop important entre les parties d'une action de groupe. En effet, l'article 2 nonies autorise déjà les juges à mettre provisoirement les frais d'expertise puis les dépens à la charge de l'État, même si le demandeur perd son procès.

En outre, dès lors que le juge décide d'exonérer le demandeur du paiement, il semblerait illogique qu'il lui impose de régler les frais non compris dans les dépens, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Marie Lebec

Même avis ; madame la présidente.

Photo de Sylvie Robert

Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 14

Rédiger ainsi ces alinéas :

II. – Les dispositions mentionnées au I demeurent applicables aux actions introduites avant la publication de la présente loi.

III. – La présente loi, à l'exception de l'article 2 undecies, est applicable aux seules actions intentées après sa publication.

L'article 2 undecies est applicable aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité du défendeur est postérieur à la publication de la présente loi.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

Photo de Hussein Bourgi

Nous proposons de rétablir l'article 3 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale qui permet d'appliquer les dispositions de ce texte dès son entrée en vigueur à toutes les actions de groupe actuellement pendantes devant les juridictions françaises.

À rebours, notre rapporteur souhaite que cette proposition de loi ne s'applique qu'aux seules actions de groupe dont le fait générateur serait postérieur à son entrée en vigueur.

Voter l'article 3 en l'état ne conduirait qu'à ralentir l'essor et le succès des actions de groupe en France, ce qui serait antinomique avec le constat que nous avons toutes et tous dressé au cours de cette discussion sur les insuffisances de la loi de 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon.

Il est temps de faire un saut tant qualitatif que quantitatif dans la législation applicable aux actions de groupe.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

I bis. – Le code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 532-2 est ainsi modifié :

a) Les mots : « des articles L. 211-9-2, L. 211-10 et L. 211-12 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 211-10, L. 211-12 et L. 211-15 » ;

b) Les mots : « loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » sont remplacés par les mots : « loi n° du relative au régime juridique des actions de groupe » ;

2° Aux articles L. 552-2 et L. 562-2, la référence : « L. 211-9-2, » est supprimée.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Marie Lebec

Il s'agit d'un amendement de coordination.

Photo de Sophie Primas

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels

« Art. 1253. – Lorsqu'une personne est reconnue responsable d'un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l'exercice d'une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l'ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d'une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.

« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° L'auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie indu ;

« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.

« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l'auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l'auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.

« Lorsqu'une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.

« Le risque d'une condamnation à la sanction civile n'est pas assurable. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 57, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

introduites avant la publication

par les mots :

dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est antérieur à l'entrée en vigueur

La parole est à M. le rapporteur.

Photo de Daniel Salmon

S'enrichir en transgressant la loi, voilà une situation que nous voulons toutes et tous ici éviter.

Pour autant, elle peut se produire si les sanctions des infractions sont moins élevées que les gains économiques que leurs auteurs peuvent en tirer.

Ce risque est particulièrement élevé pour les fautes qui donnent lieu à une action de groupe, laquelle permet uniquement de réparer le préjudice subi. Certes, le dommage en question peut être important et la réparation à payer élevée, mais le profit économique réalisé peut aussi être beaucoup plus important.

C'est non pas moi qui le dis, mais les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin, auteurs du rapport d'information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe. Selon eux, il peut arriver que « le montant de la condamnation [soit] très probablement inférieur au profit retiré par l'entreprise du fait du non-respect des dispositions légales ou contractuelles ».

Dans de telles situations, l'entreprise serait encouragée à transgresser la loi, à mettre son devoir de vigilance de côté. Et il n'est même pas sûr qu'elle soit sanctionnée, car il faudrait qu'un contrôle, une plainte ou une action de groupe aboutisse.

Afin d'éviter cette situation, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande que les juges puissent sanctionner ces entreprises pour faute dolosive ayant causé des dommages sériels, même si le préjudice a été intégralement réparé.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté cette proposition.

Photo de Christophe-André Frassa

Cet amendement vise à répondre aux craintes et interrogations évoquées en commission.

Afin de parer tout effet d'éviction, le régime antérieur à la loi doit demeurer applicable aux actions dont le fait générateur est antérieur à son entrée en vigueur.

À titre d'exemple, des actions de groupe pourraient toujours être engagées en matière de lutte contre les discriminations sur des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi, mais elles seraient soumises au régime procédural antérieur.

Photo de Sophie Primas

Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.

L'amendement n° 38 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 49 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels

« Art. 1253. – Lorsqu'une personne est reconnue responsable d'un manquement à ses obligations légales ou contractuelles résultant de l'exercice d'une activité professionnelle, le juge peut, à la demande du ministère public, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, ou du Gouvernement, devant les juridictions de l'ordre administratif, et par une décision spécialement motivée, la condamner au paiement d'une sanction civile, dont le produit est affecté au Trésor public.

« La condamnation au paiement de la sanction civile ne peut intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° L'auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie indu ;

« 2° Le manquement constaté a causé un ou plusieurs dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire.

« Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l'auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l'auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel, hors taxes, calculé sur les trois derniers exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.

« Lorsqu'une sanction civile est susceptible de se cumuler avec une amende administrative ou pénale infligée en raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.

« Le risque d'une condamnation à la sanction civile n'est pas assurable. »

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l'amendement n° 19 rectifié.

Photo de Sylvie Robert

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 15 est présenté par Mme N. Goulet.

L'amendement n° 40 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 15.

Photo de Hussein Bourgi

Dans le prolongement des propos de l'orateur précédent, il s'agit ni plus ni moins de rétablir l'amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale et voté en séance.

Quel est son objet ? Mettre un peu de morale – juste un peu – dans le procès. Et en mettant un peu de morale dans le procès, on en mettra aussi dans les affaires économiques et commerciales, mes chers collègues.

Il nous semble anormal qu'un professionnel puisse volontairement commettre des manquements dans le seul but d'en tirer des gains illicites, sans craindre des pénalités financières. Le législateur, de même que le pouvoir judiciaire, sont là pour moraliser la société face aux dérives du monde économique et commercial.

Nous connaissons tous cet univers. Certains d'entre nous y ont travaillé, d'autres ont de la famille qui y travaille, comme moi. On y trouve des gens admirables et vertueux qui n'ont pas à être assimilés à ceux qui, beaucoup moins vertueux, se livrent à des pratiques que l'on ne peut que condamner et qu'il faut moraliser.

Photo de Sophie Primas

La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l'amendement n° 38.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 40.

Photo de Jacques Fernique

Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à notre amendement n° 37.

Nous demandons certes le rétablissement de la sanction civile, mais dans la rédaction adoptée à l'unanimité en séance publique à l'Assemblée nationale.

Cette version est un peu moins ambitieuse que celle de la commission des lois de l'Assemblée nationale en ce qu'elle prévoit de plafonner le montant de la sanction à 3 % du chiffre d'affaires moyen annuel, au lieu de 5 %.

Cette mesure, proposée par les députés ayant rédigé le rapport d'information et la présente proposition de loi, est également préconisée par la Défenseure des droits dans son avis sur le texte.

On pourrait même réfléchir à flécher le produit de cette sanction vers les associations habilitées à introduire une action de groupe. Dans la mesure où cette voie d'accès à la justice dépend de ces associations et de leur capacité financière, cela serait plus que légitime.

D'autres pays ont déjà reconnu que la capacité financière de ces associations est cruciale. Ainsi, le Québec et Israël ont mis en place des fonds pour financer les actions de groupe. De même, le Comité économique et social européen demande la création d'un tel fonds.

Beaucoup reste à faire en matière de financement. Le prochain projet de loi de finances nous donnera sûrement l'occasion d'en débattre à nouveau.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle vivement à mettre en place la sanction civile pour faute ayant causé des dommages sériels.

Photo de Daniel Salmon

Il faut apprendre des erreurs du passé. Si nous limitons le nouveau régime juridique des actions de groupe aux seuls faits postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi, ce régime ne s'appliquera de manière effective que dans plusieurs années.

On pourrait penser que le législateur n'a pas le droit d'édicter des normes rétroactives, mais tel n'est pas le cas. Nous souhaitons non pas créer une nouvelle infraction pénale de manière rétroactive, mais modifier une procédure pour saisir la justice, ce qui est parfaitement possible.

Quand les actions de groupe en matière de droit de la consommation et en matière de santé ont été instituées, elles pouvaient viser des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi.

Il n'existe donc aucun obstacle juridique. Au contraire, prévoir une entrée en vigueur rapide relève de l'obligation. D'une part, parce que nous sommes déjà en retard : la France, comme tous les États membres de l'Union européenne, avait jusqu'au 26 décembre 2022 pour transposer la directive européenne sur les actions de groupe. D'autre part, parce que nous devons offrir aux personnes lésées un accès effectif à la justice : nous sommes dans l'obligation de faciliter le recours aux actions de groupe.

Pour autant, la droite sénatoriale a voulu, en commission, repousser l'entrée en vigueur effective de cette proposition de loi. Au travers de cet amendement, mes chers collègues, nous vous appelons à changer d'avis. Force aux actions de groupe ! §

Photo de Sophie Primas

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 49.

Photo de Sylvie Robert

L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. P. Joly et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

III. – La présente loi est applicable aux seules actions intentées après sa publication.

La parole est à M. Patrice Joly.

Photo de Sylvie Robert

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Bilhac.

L'amendement n° 42 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l'entrée en vigueur de la présente loi

par les mots :

intentées après sa publication

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié bis.

Photo de Christophe-André Frassa

Mes chers collègues, si nous avions trois heures devant nous, je vous demanderais de prendre un stylo et une feuille pour répondre à la question suivante : le rôle du droit est-il de faire de la morale ?

Photo de Nathalie Delattre

Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, je suis soulagée que le Gouvernement et la commission des lois aient présenté un amendement à l'article 3.

Si la rédaction de notre amendement ne vous convient pas, je le retirerai. Il importe surtout de traiter efficacement ce problème, car les attentes en la matière sont fortes.

Photo de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Patience, vous avez trois heures !

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 42.

Photo de Éric Bocquet

Il est défendu, madame la présidente.

Photo de Christophe-André Frassa

Pour revenir aux amendements, je ferai plusieurs observations. Premièrement, la proposition de loi que nous avons à examiner ce soir vise à unifier le régime des actions de groupe et à transposer la directive européenne du 25 novembre 2020. Or la sanction civile n'est pas imposée par le droit européen.

Deuxièmement, la création d'une sanction civile constitue une réforme d'ampleur du droit de la responsabilité civile, qui mériterait d'être discutée, à mon sens, dans un autre cadre.

Troisièmement, la sanction civile ne fait pas consensus entre les tenants de la doctrine, les praticiens du droit et les acteurs économiques. Ces derniers y sont – pour la plupart –particulièrement opposés, comme l'ont rappelé les personnalités que j'ai pu auditionner. En outre, lorsque la commission des lois a étudié cette sanction civile, elle s'est toujours montrée très réservée sur sa création dans notre droit interne.

Quatrièmement, tant le Conseil d'État que la direction des affaires civiles et du sceau ont fait part de leurs réserves, voire de leur opposition à la création d'une amende civile, à la fois pour des raisons de forme – je viens de les évoquer – et de fond. En effet, le dispositif proposé présente plusieurs fragilités juridiques, exposant ce texte à la censure du Conseil constitutionnel.

Cinquièmement, vous avez presque tous mentionné la création d'un fonds pour aider les actions de groupe ; mais la loi Hamon l'évoque déjà. Or c'est bien par-là que pêche aussi cette sanction civile, dont le produit va tout simplement dans les caisses du Trésor public. Elle vise donc complètement à côté de sa cible !

On créerait une sanction civile dotée de toutes les caractéristiques d'une sanction pénale, mais qui n'aurait pas pour finalité d'aider les associations à financer leurs actions de groupe et dont le produit ne ferait qu'enrichir le Trésor public.

Quel serait l'intérêt de créer une telle sanction ? Nous aurions pu débattre du fond, si son produit avait été fléché vers les associations. En l'espèce, il s'agit de créer, dans un titre du code civil, une sanction civile applicable partout et en tout temps, qui n'est même pas liée à l'action de groupe alors qu'elle est adossée à cette procédure.

Pour toutes ces raisons, et chacune se suffisant à elle-même, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.

Photo de Christophe-André Frassa

J'émets un avis favorable à l'amendement de coordination présenté par le Gouvernement.

En outre, l'amendement n° 57 de la commission me semble préférable aux amendements n° 20 rectifié, 15, 40, 22 rectifié, 13 rectifié bis et 42.

Outre une disposition d'entrée en vigueur de l'article 2 undecies supprimé à l'amendement n° 20 rectifié de M. Bourgi, l'ensemble de ces amendements tendent à revenir sur la position adoptée par la commission visant à n'ouvrir la possibilité d'engager des actions de groupe sur le fondement du régime principal prévu par le présent texte que pour les faits générateurs postérieurs à la publication de la loi.

Pour répondre à l'ensemble des points soulevés, il est vrai que le législateur est libre de prévoir la rétroactivité de dispositions de procédures civiles, ce que je n'ai jamais mis en cause. Il est également possible de faire le choix contraire – ce que je vous propose –, sans que cela pose de problème de constitutionnalité, comme l'estime Mme Goulet.

Il ne résulterait de ce régime aucune rupture d'égalité. D'une part, ce régime d'entrée en vigueur a été prévu par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle pour les actions de groupe en matière de discriminations ou de questions environnementales, sans que le Conseil constitutionnel ait à s'en émouvoir particulièrement. D'autre part, il existe déjà des différences entre le justiciable recherchant la réparation du préjudice à titre individuel et celui la recherchant à titre collectif, la possibilité de prétendre à une réparation dépendant du domaine dans lequel l'action est engagée. Par ailleurs, le législateur est parfaitement libre de prévoir des modalités procédurales distinctes en fonction du nombre de demandeurs et de la nature de l'affaire en question, ce qu'il a déjà fait dans le cadre du régime actuel de l'action de groupe.

Ensuite, à supposer qu'un opérateur n'étant pas en situation de manquement n'ait pas à craindre une action de groupe, il n'en demeure pas moins que les contrats d'assurance le couvrant en cas de réalisation de ce risque – qui ne résulte pas toujours d'une intention malveillante – ne sont pas nécessairement calibrés pour les conditions d'engagement de la responsabilité prévues par la présente proposition de loi. En particulier, l'universalisation du champ de l'action de groupe va entraîner la possibilité pour des opérateurs de se la voir appliquer, alors même que leurs contrats d'assurance n'ont pas été pensés pour une telle fréquence de réalisation du risque juridique.

Enfin, au risque de me répéter, le fait que nous ne modifiions pas le fond du droit de la responsabilité n'enlève en aucun cas le coût réputationnel important que peut faire peser sur un opérateur, y compris de petite taille, une action de groupe. Or, en universalisant le champ de l'action de groupe, nous allons soumettre des pans entiers du droit à cette procédure : des personnes vertueuses pourront ainsi faire l'objet de procédures longues, aboutissant à l'absence de reconnaissance de leur responsabilité. Nous devons aussi faire la loi pour eux. Or, pour revenir à la problématique de l'assurance, les contrats d'assurance de protection juridique de ces personnes n'ont logiquement pas été calibrés à cette fin, dans des domaines qui n'y étaient jusqu'à présent pas soumis. Le coût qui va en résulter ne saurait donc être mésestimé.

Pour l'ensemble de ces raisons, je demande à mes collègues de retirer leurs amendements au profit de celui de la commission ; à défaut, j'y serai défavorable.

Marie Lebec

Le Gouvernement partage l'avis de la commission, fort bien argumenté par le rapporteur.

À l'origine, le Gouvernement était favorable à la position d'équilibre trouvée par la commission des lois du Sénat. La suppression de l'article nous a paru opportune, puisqu'elle permet notamment de lever les fragilités juridiques présentes dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, notamment au regard du principe de légalité des délits et des peines, en l'absence d'une définition claire et précise de la notion de faute lucrative.

Autre fragilité : le manquement du professionnel à une obligation caractérisée n'est pas davantage précisé.

En outre, la notion de dommage sériel, comprise comme « un ou des dommages causés à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire », est inconnue du droit civil.

Par ailleurs, le texte pose le principe d'un cumul possible de cette sanction avec une amende administrative ou pénale, mais la rédaction retenue est trop générale et ne donne pas les leviers nécessaires au juge pour apprécier de manière précise la proportionnalité d'une telle sanction.

Si cet article était réintégré, il soulèverait un certain nombre de questions à propos de sa mise en œuvre et de l'effectivité des mesures.

Enfin, la directive européenne, que la proposition de loi tend à transposer, n'impose pas de telles sanctions.

Pour toutes ces raisons, et pour celles aussi que M. le rapporteur a évoquées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

Marie Lebec

Je vous épargnerai de plus amples explications, étant donné la clarté et la précision de l'avis rendu par le rapporteur.

Le Gouvernement préfère la rédaction de l'amendement n° 57, qui vise à préciser le sort des actions de groupe dont le fait générateur de responsabilité est antérieur à l'entrée en vigueur du présent texte, mais qui n'ont pas été introduites avant sa publication. Pour celles-ci, il est prévu la survivance de la loi ancienne, compte tenu du lien étroit avec les amendements précédemment évoqués.

En raison des arguments précédemment avancés, sur les amendements n° 20 rectifié, 22 rectifié, 13 rectifié bis et 42, le Gouvernement émet un avis défavorable ; sur l'amendement n° 57, il s'en remet à la sagesse du Sénat.

Les amendements n° 15 et 40, qui prévoient la suppression pure et simple de l'alinéa 14, posent des difficultés juridiques : avis défavorable.

Photo de Sylvie Robert

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

Photo de Hussein Bourgi

Je remercie notre rapporteur pour l'évolution de sa position sur l'article 3. Nos débats au sein de la commission des lois et les interventions de plusieurs de nos collègues ont permis d'éclairer nos travaux. Je salue en particulier la contribution de Francis Szpiner et la sagesse du président Buffet, qui ont amené le rapporteur à changer de regard sur cet article.

Photo de Sophie Primas

En conséquence, l'article 2 undecies demeure supprimé.

Chapitre II

Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières

Photo de Sylvie Robert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 15 et 40.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après le mot :

approprié

insérer les mots :

et dans les langues officielles de l'Union européenne

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Photo de Nathalie Goulet

L'alinéa 7 de l'article 2 duodecies prévoit qu'il faut mettre à disposition du public, par tout moyen approprié, des informations relatives aux actions engagées.

S'agissant d'actions de groupe transfrontières, je me suis demandée quelles langues seraient utilisées pour communiquer lesdites informations.

Aussi, je propose un amendement visant à préciser qu'il s'agit des « langues officielles de l'Union européenne », parce qu'il s'agit d'actions transfrontières.

Dans le cas d'une action franco-espagnole ou entre la Lituanie et la Pologne, quelles seraient les langues utilisées ? Je l'ignore, d'où cet amendement d'appel, qui va recevoir, j'en suis sûre, l'approbation de notre commission.

Photo de Sylvie Robert

Je mets aux voix les amendements identiques n° 13 rectifié bis et 42.

Photo de Christophe-André Frassa

Madame Goulet, vous nous proposez d'organiser un festival dans les vingt-quatre langues de l'Union européenne afin de pouvoir obtenir l'agrément du ministre chargé de la consommation.

Une telle mesure ne serait pas conforme à la directive, dont l'article 4 précise que, pour exercer une action de groupe transfrontière, les personnes morales doivent mettre à disposition du public des informations sur les sources de leur financement, leur structure organisationnelle, leurs activités, etc. À défaut, elles ne peuvent être désignées comme qu'entités qualifiées pour exercer des actions de groupe transfrontières.

En revanche, la directive ne précise en aucun cas que ces informations doivent être mises à disposition du public dans toutes les langues de l'Union européenne pour pouvoir exercer des actions de groupe transfrontières.

Une telle précision ajouterait une nouvelle obligation non prévue par la directive et ne serait donc pas conforme au droit européen.

En outre, cette obligation supplémentaire induirait des coûts très importants pour les associations souhaitant exercer des actions de groupe transfrontières, alors même que leur situation financière est souvent plutôt fragile.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Marie Lebec

Madame Goulet, plus tôt dans nos débats, vous avez rappelé à très juste titre que la question de l'accessibilité de la justice était essentielle. J'entends donc votre proposition sur le recours aux différentes langues de l'Union européenne.

Néanmoins, et pour reprendre l'argument avancé par M. le rapporteur, une telle mesure soulève la question des moyens financiers. Souvent, en effet, les entités qui exercent des actions représentatives transfrontières ont peu de moyens. À cet égard, l'adoption de votre amendement créerait une charge excessive pour les associations : avis défavorable.

Photo de Sophie Primas

Madame Goulet, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?

Photo de Nathalie Goulet

Je comprends très bien les arguments de la ministre et du rapporteur.

Toutefois, s'agissant d'une question transfrontière, des problèmes linguistiques se poseront forcément. Ils doivent être résolus par des traductions, qu'elles pèsent ou non financièrement.

Imaginez un document écrit en grec : qui voudra adhérer à une procédure collective engagée sur la base d'une langue qu'il ne connaît pas ?

Je retire cet amendement, madame la présidente, mais je considère qu'il s'agit d'un véritable sujet.

Photo de Sophie Primas

L'amendement n° 12 est retiré.

L'amendement n° 39, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et informe également la Commission européenne de toute modification

La parole est à M. Guy Benarroche.

Photo de Guy Benarroche

L'objet de cet amendement est très simple : il s'agit de faciliter la coordination des actions de groupe transfrontalières par la Commission européenne.

En effet, c'est la Commission qui veille à ce qu'aucune situation potentiellement problématique ne se produise. À ce titre, elle peut, par exemple, demander à l'Autorité de la concurrence et à ses homologues des autres pays membres de vérifier si les associations qui peuvent entamer une action de groupe transfrontalière ne violent pas les conditions pour le faire.

Elle tient également un registre des acteurs qui peuvent entamer de telles actions.

Afin de mener à bien son travail, il faut qu'elle dispose de toutes les informations nécessaires de la part des États membres, et ce en temps réel.

Cependant, en l'état, il faudrait qu'elle récupère elle-même toute information nécessaire des autorités françaises, lesquelles ne seraient pas tenues de l'informer de leur propre initiative.

Informer la Commission européenne aurait donc du sens, notamment en cas de perte d'agrément d'un acteur. Dans ce dernier cas, la Commission devrait agir rapidement, des actions de groupe en cours dans d'autres États membres étant potentiellement concernées par la perte de la qualité pour agir.

Pour cette raison, la directive européenne demande explicitement que la Commission européenne soit informée de toute modification du registre des acteurs habilités. En toute logique, les États membres ayant déjà transposé cette directive ont également inscrit dans leur droit cette obligation d'information, à l'instar du Portugal.

Nous devrions faire de même. Toutefois, en l'état, la rédaction de la présente proposition de loi ne nous le permettrait pas. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'inscrire explicitement cette obligation d'information, afin de transposer pleinement la directive européenne de 2020, comme le font les autres États membres.

Photo de Sylvie Robert

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Photo de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à assurer la bonne transposition du paragraphe 1 de l'article 5 de la directive européenne relative aux actions représentatives, qui précise que les États membres doivent informer la Commission européenne à chaque modification de la liste des entités qualifiées pour exercer des actions de groupe transfrontières.

Photo de Sylvie Robert

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Photo de Christophe-André Frassa

Il s'agit bien d'actions « transfrontières », monsieur Benarroche, et non « transfrontalières ». Malgré cette erreur, la commission émet un avis favorable sur votre amendement.

Photo de Sylvie Robert

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :

Le Sénat a adopté.

Marie Lebec

Avis favorable, madame la présidente.

Photo de Sophie Primas

Je mets aux voix l'article 2 duodecies, modifié.

L'article 2 duodecies est adopté.

(Non modifié)

À la demande de la Commission européenne ou d'un État membre de l'Union européenne, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation procède aux vérifications nécessaires quant au fait que l'un des organismes mentionnés à l'article 2 duodecies ne répond plus aux critères ayant justifié l'attribution de son agrément.

L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation informe de sa position l'autorité à l'origine de la demande. –

Adopté.

Chapitre III

Dispositions de coordination

Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l'article L. 132-1 A et au deuxième alinéa des articles L. 241-1-1, L. 241-5 et L. 242-18- 1, les mots : « et L. 623-1 » sont remplacés par les mots : « et du titre Ier de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe » ;

bis L'article L. 621-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 621 -7. – Les associations mentionnées à l'article L. 621-1 et les organismes mentionnés au I bis de l'article 1er bis de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite portant directement ou indirectement atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs.

« Sauf dispositions contraires figurant au présent titre, cette action est exercée selon les modalités fixées au titre Ier de la loi n° … du … précitée. » ;

ter À l'article L. 621-9, les mots : « à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale » sont supprimés et, après la référence : « L. 621-1 », sont insérés les mots : « et les organismes mentionnés au I bis de l'article 1er bis de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe » ;

2° À la fin de l'article L. 652-1, les mots : « à l'article L. 623-1 » sont remplacés par les mots : « au 1° du I de l'article 1er bis de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe » ;

(Supprimé) –

Adopté.

L'article L. 77-10- 1 du code de justice administrative est ainsi rédigé :

« Art. L. 77 -10 -1. – L'action de groupe est régie par le titre Ier de la loi n° … du … relative au régime juridique des actions de groupe. » –

Adopté.

(Supprimé)

Chapitre IV

(Division supprimée)

(Supprimé)

Chapitre IV bis

Dispositions relatives à l'outre-mer

(Division nouvelle)

La présente loi, à l'exception de l'article 1er quindecies, est applicable aux îles Wallis et Futuna. –

Adopté.

Chapitre V

Entrée en vigueur et abrogation des régimes spécifiques d'action de groupe

I. –

Non modifié

1° Le chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation ;

2° L'article L. 142-3-1 du code de l'environnement ;

bis Les articles L. 77-10- 2 à L. 77-10- 25 du code de justice administrative ;

3° Le chapitre XI du titre VII du livre VII du même code ;

bis L'article L. 211-9-2 du code de l'organisation judiciaire ;

4° Les articles L. 1143-1 à L. 1143-13 du code de la santé publique ;

5° La section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail ;

6° L'article 37 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

7° L'article 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

8° Le chapitre Ier du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

I bis

II. –

Non modifié

III. – La présente loi est applicable aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l'entrée en vigueur de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 14

Rédiger ainsi ces alinéas :

II. – Les dispositions mentionnées au I demeurent applicables aux actions introduites avant la publication de la présente loi.

III. – La présente loi, à l'exception de l'article 2 undecies, est applicable aux seules actions intentées après sa publication.

L'article 2 undecies est applicable aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité du défendeur est postérieur à la publication de la présente loi.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Nous proposons de rétablir l'article 3 dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Ainsi, dès l'entrée en vigueur du texte, ses dispositions seront applicables à toutes les actions de groupe actuellement pendantes devant les juridictions françaises.

À rebours, notre rapporteur souhaite que cette proposition de loi ne s'applique qu'aux seules actions de groupe dont le fait générateur serait postérieur à son entrée en vigueur.

Voter l'article 3 en l'état ne conduirait qu'à ralentir l'essor et le succès des actions de groupe en France, ce qui serait antinomique avec le constat que nous avons toutes et tous dressé au cours de cette discussion sur les insuffisances de la loi de 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon.

Il est temps de faire un saut tant qualitatif que quantitatif dans la législation applicable aux actions de groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

L'amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

I bis. – Le code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 532-2 est ainsi modifié :

a) Les mots : « des articles L. 211-9-2, L. 211-10 et L. 211-12 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 211-10, L. 211-12 et L. 211-15 » ;

b) Les mots : « loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice » sont remplacés par les mots : « loi n° du relative au régime juridique des actions de groupe » ;

2° Aux articles L. 552-2 et L. 562-2, la référence : « L. 211-9-2, » est supprimée.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Marie Lebec

Il s'agit d'un amendement de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

L'amendement n° 57, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

introduites avant la publication

par les mots :

dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est antérieur à l'entrée en vigueur

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Cet amendement vise à répondre aux craintes et interrogations évoquées en commission.

Afin de parer tout effet d'éviction, le régime antérieur à la loi doit demeurer applicable aux actions dont le fait générateur est antérieur à son entrée en vigueur.

À titre d'exemple, des actions de groupe pourraient toujours être engagées en matière de lutte contre les discriminations sur des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi, mais elles seraient soumises au régime procédural antérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 15 est présenté par Mme N. Goulet.

L'amendement n° 40 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Il faut apprendre des erreurs du passé. Si nous limitons le nouveau régime juridique des actions de groupe aux seuls faits postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi, ce régime ne s'appliquera de manière effective que dans plusieurs années.

On pourrait penser que le législateur n'a pas le droit d'édicter des normes rétroactives, mais tel n'est pas le cas. Nous souhaitons non pas créer une nouvelle infraction pénale s'appliquant de manière rétroactive, mais modifier une procédure pour saisir la justice, ce qui est parfaitement licite.

Quand les actions de groupe en matière de droit de la consommation et en matière de santé ont été instituées, elles pouvaient viser des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi.

Il n'existe donc aucun obstacle juridique. Au contraire, prévoir une entrée en vigueur rapide relève de l'obligation. D'une part, parce que nous sommes déjà en retard : la France, comme tous les États membres de l'Union européenne, avait jusqu'au 26 décembre 2022 pour transposer la directive européenne sur les actions de groupe. D'autre part, parce que nous devons offrir aux personnes lésées un accès effectif à la justice : nous sommes donc dans l'obligation de faciliter le recours aux actions de groupe.

Pour autant, la droite sénatoriale a voulu, en commission, repousser l'entrée en vigueur effective de cette proposition de loi. Au travers de cet amendement, mes chers collègues, nous vous appelons à changer d'avis. Force aux actions de groupe ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. P. Joly et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Lurel et Kanner, Mmes Artigalas, Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mmes Briquet, Brossel et Canalès, M. Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet, Gillé, Jacquin, Jeansannetas et Jomier, Mmes G. Jourda et Le Houerou, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Ouizille et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

III. – La présente loi est applicable aux seules actions intentées après sa publication.

La parole est à M. Patrice Joly.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Laouedj et Masset, Mme Pantel et M. Bilhac.

L'amendement n° 42 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l'entrée en vigueur de la présente loi

par les mots :

intentées après sa publication

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, je suis soulagée que le Gouvernement et la commission des lois aient présenté un amendement à l'article 3.

Si la rédaction de notre amendement ne convient pas, je le retirerai. Il importe surtout de traiter efficacement ce problème, car les attentes sont fortes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 42.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

J'émets un avis favorable sur l'amendement de coordination présenté par le Gouvernement.

En outre, l'amendement n° 57 de la commission me semble préférable aux amendements n° 20 rectifié, 15, 40, 22 rectifié, 13 rectifié bis et 42.

Outre une disposition d'entrée en vigueur de l'article 2 undecies supprimé à l'amendement n° 20 rectifié de M. Bourgi, l'ensemble de ces amendements tendent à revenir sur la position adoptée par la commission visant à n'ouvrir le régime principal instauré par le présent texte que pour les faits générateurs postérieurs à la publication de la loi.

Certes, le législateur est libre de décider de la rétroactivité de dispositions de procédures civiles, ce que je n'ai jamais remis en cause. Il est également possible de faire le choix contraire – ce que je vous propose –, sans que cela pose de problème de constitutionnalité.

Il ne résulterait de ce régime aucune rupture d'égalité.

D'une part, ce régime d'entrée en vigueur a été prévu par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle pour les actions de groupe en matière de discriminations ou de questions environnementales, sans que le Conseil constitutionnel ait à s'en émouvoir particulièrement.

D'autre part, il existe déjà des différences entre le justiciable recherchant la réparation du préjudice à titre individuel et celui la recherchant à titre collectif, la possibilité de prétendre à une réparation dépendant du domaine dans lequel l'action est engagée. Par ailleurs, le législateur est parfaitement libre de prévoir des modalités procédurales distinctes en fonction du nombre de demandeurs et de la nature de l'affaire en question, ce qu'il a déjà fait dans le cadre du régime actuel de l'action de groupe.

Ensuite, à supposer qu'un opérateur n'étant pas en situation de manquement n'ait pas à craindre une action de groupe, il n'en demeure pas moins que les contrats d'assurance le couvrant en cas de réalisation de ce risque – qui ne résulte pas toujours d'une intention malveillante – ne sont pas nécessairement calibrés pour les conditions d'engagement de la responsabilité prévues par la présente proposition de loi : en raison de l'universalisation de son champ, l'action de groupe risque d'être engagée à l'encontre de certains opérateurs dont les contrats d'assurance n'ont pas été conçus pour faire face à ce risque juridique selon une telle fréquence.

Enfin, j'y insiste, le fait que nous ne modifiions pas le fond du droit de la responsabilité n'enlève en aucun cas le coût réputationnel important que peut induire sur un opérateur, y compris de petite taille, une action de groupe. Or, en universalisant le champ de ladite action, nous allons soumettre des pans entiers du droit à cette procédure : des personnes vertueuses pourront ainsi faire l'objet de procédures longues, qui aboutiront simplement à reconnaître leur absence de responsabilité. Nous devons aussi faire la loi pour eux. Or, pour revenir à la problématique de l'assurance, les contrats de protection juridique de ces personnes n'ont logiquement pas été calibrés à cette fin, dans des domaines qui n'y étaient jusqu'à présent pas soumis. Le coût qui va en résulter ne saurait être mésestimé.

Pour l'ensemble de ces raisons, je demande à mes collègues de retirer leurs amendements au profit de celui de la commission ; à défaut, j'y serai défavorable.

Debut de section - Permalien
Marie Lebec

Je vous épargnerai de plus amples explications, étant donné la clarté et la précision de l'avis rendu par le rapporteur.

Le Gouvernement préfère la rédaction de l'amendement n° 57, qui vise à préciser le sort des actions de groupe dont le fait générateur de responsabilité est antérieur à l'entrée en vigueur du présent texte, mais qui n'ont pas été introduites avant sa publication. Pour celles-ci, il est prévu la survivance de la loi ancienne, compte tenu du lien étroit avec les amendements en discussion commune.

En raison des arguments précédemment avancés, sur les amendements n° 20 rectifié, 22 rectifié, 13 rectifié bis et 42, le Gouvernement émet un avis défavorable ; sur l'amendement n° 57, il s'en remet à la sagesse du Sénat.

Les amendements n° 15 et 40, qui prévoient la suppression pure et simple de l'alinéa 14, posent des difficultés juridiques : avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hussein Bourgi

Je remercie notre rapporteur d'avoir modifié sa position sur l'article 3. Nos débats au sein de la commission des lois et les interventions de plusieurs de nos collègues ont permis d'éclairer nos travaux. Je salue en particulier la contribution de Francis Szpiner et la sagesse du président Buffet, qui ont amené le rapporteur à changer de regard sur cet article.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 3 est adopté.

(Suppressions maintenues)

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :

Le Sénat a adopté.

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 7 février 2024 :

À quinze heures :

Questions d'actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique (texte de la commission n° 305, 2023-2024) ;

Projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (procédure accélérée ; (texte de la commission n° 301, 2023-2024) et projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (procédure accélérée ; texte de la commission n° 302, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Khalifé Khalifé est proclamé membre de la délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de M. Yves Bouloux, démissionnaire.

RegardsCitoyens.org