Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme cela a été indiqué précédemment, en France, près de 400 000 enfants vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent. Dans 21 % des cas, les enfants sont directement victimes de ces violences qui leur laissent des séquelles psychologiques et physiques graves.
Cette proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, déposée par notre collègue députée Isabelle Santiago après un travail avec la Chancellerie, nous revient en deuxième lecture, après avoir été de nouveau adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Ce texte constitue un pas de plus vers la protection des enfants. Il s'inscrit dans un continuum législatif qui, peu à peu, se consolide. Si nous sommes à chaque fois au rendez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous continuons d'espérer une grande loi sur la protection des femmes et des enfants, ainsi que sur les violences intrafamiliales, comme le soulignait ma collègue Laurence Rossignol en première lecture.
La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste a opéré un changement attendu dans l'appréhension pénale des violences sexuelles perpétrées sur des victimes mineures en insérant dans le code pénal de nouvelles infractions d'agressions sexuelles autonomes sur mineurs de moins de 18 ans dans le cas de l'inceste.
Rappelons que c'est le groupe socialiste qui avait, par amendement, proposé de relever l'âge du non-consentement de 15 à 18 ans dans le cadre du crime d'inceste.
Lors de l'examen de cette loi, de nombreuses associations avaient reproché au Parlement de ne pas être allé assez loin, notamment sur la question du retrait de l'autorité parentale, autorité trop souvent instrumentalisée par le parent auteur de crime ou d'inceste afin de garder une emprise sur la ou les victimes.
Lors de l'examen de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, notre groupe, par la voix de Michelle Meunier – je salue au passage l'ensemble des travaux relatifs à la protection de l'enfance de la commission des affaires sociales –, avait proposé par amendement le retrait de l'autorité parentale, notamment dans le cadre de l'ordonnance de protection. Cette disposition avait alors été rejetée. C'est regrettable, car de nombreux mois ont été perdus.
Le cœur du dispositif de cette proposition de loi est bien l'article 1er – tous les orateurs qui m'ont précédée l'ont souligné – relatif à la suspension de l'autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d'hébergement pendant toute la durée présentencielle, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant, soit enfin pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits.
Alors que l'article 1er a été voté à l'unanimité par les députés dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat, sur l'initiative de notre rapporteure, a vidé cet article de l'essentiel de son contenu en première comme en deuxième lectures.
Les dispositions relatives aux violences conjugales sont ainsi supprimées, comme la suspension de l'autorité parentale de plein droit pendant toute la durée de la procédure.
Nous le regrettons, et nos regrets sont partagés par d'autres groupes au Sénat, comme nous avons pu l'entendre. Un vote conforme aurait par ailleurs permis d'appliquer le nouveau dispositif plus rapidement.
Je rappellerai qu'une procédure peut durer plusieurs années, et qu'il est indispensable de protéger l'enfant pendant l'intégralité de cette période. Cette protection doit du reste être étendue de manière à inclure la protection du parent victime et la protection contre l'emprise du parent violent sur la victime par l'instrumentalisation de l'enfant.
Protéger l'enfant est primordial, mais cela emporte aussi de protéger le parent victime, la plupart du temps la mère. Rappelons que le nombre de féminicides a augmenté de près de 20 % lors des trois dernières années, et que pour l'année en cours, quatorze victimes sont déjà à déplorer, alors que nous ne sommes qu'au début du mois de février.
Notre groupe a donc déposé un amendement visant à rétablir l'article 1er dans sa version issue de l'Assemblée nationale, et ce afin de recentrer le texte sur son objet initial. La démonstration faite par le garde des sceaux précédemment montre que cette version du texte est équilibrée.
Je ferai deux remarques pour conclure.
Nous attendons encore des évolutions en termes de droit de l'enfant, notamment le droit pour celui-ci d'être entendu ou d'être automatiquement assisté par un avocat lors de toute procédure judiciaire le concernant.