Intervention de Laurence Muller-Bronn

Réunion du 6 février 2024 à 15h30
Violences intrafamiliales — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Laurence Muller-BronnLaurence Muller-Bronn :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail accompli sur ce texte important par notre rapporteure, Marie Mercier, ainsi que les apports de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences faites aux enfants, dont nous venons d'entendre les louanges, lesquels ont permis d'enrichir ce texte.

Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, le plus souvent dans le cercle familial, comme l'a rappelé l'ancien président de la Ciivise, le juge des enfants Édouard Durand. Parallèlement, le nombre de plaintes reste beaucoup trop faible pour lutter contre ce système d'impunité intrafamiliale, qui profite toujours aux agresseurs.

Monsieur le garde des sceaux, pourquoi avons-nous perdu tant de temps pour protéger ces enfants, pour les mettre à l'abri de parents destructeurs ? Pourquoi leur statut de victimes a-t-il été si longtemps ignoré, alors qu'il devait être au centre de nos préoccupations ?

Le temps est venu de prendre conscience de la gravité et des conséquences de ces violences sur le développement de l'enfant.

Le présent texte va enfin permettre de renforcer la procédure de retrait de l'autorité parentale : c'est une mesure de bon sens, qui doit devenir la règle pour les cas de crimes et d'agressions sexuelles.

Alors députée, notre collègue Valérie Boyer avait d'ailleurs proposé une mesure identique à l'Assemblée nationale dès 2019, préconisant de faire du retrait de l'autorité parentale le principe et de son maintien l'exception. Mais ladite disposition a hélas ! toujours été rejetée par le Gouvernement.

Grâce à la mobilisation du président Retailleau en commission mixte paritaire, une version remaniée de cette mesure a pu être inscrite dans la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. C'était en 2019.

Nous pouvons remercier nos deux collègues du travail accompli, tout en déplorant une nouvelle fois le temps perdu depuis lors par le Gouvernement pour renforcer la protection des enfants.

Nous sommes en 2024 et l'accumulation des textes législatifs a entraîné une inertie insupportable pour les victimes.

Tous les jours ou presque, des conjoints violents se servent des enfants. Tous les jours ou presque, ces enfants sont réduits au rang d'objets de transaction, qui permettent aux parents violents de maintenir une tyrannie quotidienne.

Ces enfants, qui vivent dans un foyer violent, sont restés trop longtemps invisibles et inaudibles pour les pouvoirs publics et les institutions judiciaires. Pourtant – nous le savons tous –, ces violences créent un stress post-traumatique. Leurs victimes s'en trouvent marquées pendant des années, voire pour toute leur vie.

En maintenant ces enfants sous l'autorité de parents abusifs, incestueux et criminels, nous les condamnons à voir se multiplier non seulement les atteintes de leurs agresseurs, mais aussi les atteintes qu'ils s'infligent à eux-mêmes – dépression, addictions ou même suicide –, ainsi que les atteintes aux autres.

On ne le répétera jamais assez : un parent violent ne peut être considéré comme un bon parent. Une société qui ne sait pas protéger ses enfants est une société malade et la violence faite à ces enfants relève aussi de notre responsabilité en tant que législateur.

Je souhaite que ce texte provoque une prise de conscience telle que chacun se sente investi d'une responsabilité face à ces problèmes, bien trop longtemps passés sous silence.

Le combat pour la protection des enfants est l'affaire de tous. Je voterai donc cette proposition de loi, qui replace l'enfant au centre du système judiciaire.

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