Intervention de Marc Fesneau

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 décembre 2023 à 16h35
Agriculture et pêche — Actualité européenne en matière agricole - Audition de M. Marc Fesneau ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Sur le glyphosate, plutôt que d'être dogmatiques, nous essayons de réduire l'usage partout où c'est possible. C'est une façon de sortir de ce débat clivant, où le glyphosate est devenu un totem de combat. Cette capacité à éviter le piège des extrêmes nous permettra de progresser.

Vous évoquez les questions d'eau. On ne se demande jamais, quand on pose ces questions, si nous sommes capables de produire. La baisse constante de la production agricole européenne sur une décennie est alarmante, surtout vu l'importation massive de céréales en Europe, qui atteint cette année 40 millions de tonnes. Comme le disait Charles Péguy du kantisme, « ils ont les mains pures, mais ils n'ont pas de mains » ! Cette dépendance accrue vis-à-vis des importations soulève des questions cruciales sur notre capacité à maintenir une sécurité alimentaire robuste, surtout dans un espace géographique limité comme celui de l'Union européenne, d'autant que nous avons besoin de plus de biomasse, pour les biomatériaux, les biocombustibles, les bioénergies... Il faut un Green Deal, certes, mais pas aux dépens de notre sécurité alimentaire. Nous avons donc besoin d'outils et de systèmes plus productifs. Les Américains ou les Brésiliens peuvent avoir une production à faible rendement, puisqu'ils ont des surfaces immenses. Les Ukrainiens jouissent de terres d'une grande qualité, leur assurant de forts rendements. Puisque qu'en Europe, nous avons des espaces contraints, il nous faut parvenir à une productivité très forte. Sinon, la production est amenée à baisser, ce qui accroît notre dépendance.

Vous avez également abordé la question du bio. Cette production doit surtout susciter la demande des consommateurs, plutôt que de dépendre uniquement des politiques publiques. Près de 800 millions d'euros sont dépensés dans le cadre de la PAC et des dispositifs nationaux pour favoriser le maintien ou la transition vers l'agriculture biologique. Nous avons évidemment besoin de la production biologique. Néanmoins, passer entièrement au bio pourrait soulever des défis de production et d'importation encore plus importants.

Concernant l'eau, la couverture permanente, qui assure l'occupation continue des sols par les cultures, permet de mieux stocker, et d'éviter que s'échappent les nitrates, entre autres. Nous devons favoriser l'agroécologie, car la rotation des cultures permet de mieux fixer l'azote, et réduit le recours aux engrais et donc aux produits phytosanitaires. Dans la PAC, les écorégimes viennent conforter une stratégie d'évolution des assolements et de réduction des produits phytosanitaires. Là encore, il faut trouver un équilibre pour ne pas pénaliser excessivement les producteurs.

En ce qui concerne l'agrivoltaïsme, une réflexion sur la répartition de la valeur générée par ces innovations paraît nécessaire, afin de ne pas favoriser une partie au détriment d'une autre et d'éviter les opportunismes. Nous devons aussi limiter la baisse de production induite par ces projets. Sur tout cela, nous devons travailler avec le monde agricole.

Vous m'interrogez enfin sur l'importation de volaille ukrainienne et ses conséquences sur le marché européen. La réévaluation régulière de cette ouverture aux importations ukrainiennes est essentielle pour assurer la stabilité des marchés agricoles européens. Il faudra donc documenter les choses, comme nous le disions tout à l'heure. On me dit que l'impact est marginal, mais je vois des importations françaises importantes. Les Ukrainiens ont bénéficié de la baisse de notre production, liée notamment à la grippe aviaire. J'irai en Ukraine souligner que, si nous parlons d'adhésion, nous ne pouvons pas ainsi nous faire tailler des croupières... C'est au Gouvernement ukrainien de prendre ses dispositions pour que ses céréales soient exportées hors de l'Europe, afin que les marchés y trouvent leur équilibre.

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