Intervention de Marc Fesneau

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 décembre 2023 à 16h35
Agriculture et pêche — Actualité européenne en matière agricole - Audition de M. Marc Fesneau ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Il n'existe pas d'interdiction européenne des nitrites dans l'alimentation des chats et des chiens. Pour une raison que j'ignore encore, les entreprises du secteur ont décidé d'elles-mêmes de retirer les nitrites de leurs produits. Vous savez, par ailleurs, que l'on peut parfois donner à nos animaux des aliments que nous n'imaginerions pas consommer nous-mêmes. Du fait de leur biologie, ils sont en effet moins sujets au risque de botulisme par exemple, qui justifie l'utilisation des nitrites.

Les décisions relatives aux nitrites dans les charcuteries ont été éclairées par l'Anses. Nous appliquons ses recommandations et tâchons de réduire l'utilisation des nitrites tout en conservant le souci de la santé publique. Il faut savoir qu'un accident mortel est survenu récemment à la suite de l'ingestion d'un jambon artisanal qui n'avait pas été traité aux nitrites.

Je ne défends ici aucun lobby. Nous avons pris nos décisions en conscience sur le fondement de l'avis de l'Anses. Permettez-moi également de signaler que les grandes firmes ne seraient pas spécialement gênées par l'interdiction des nitrites. Elles savent faire en masse. Ce n'est donc pas principalement une question de lobbies.

Monsieur Vogel, vous m'interrogez sur la mise en oeuvre de la PAC. Un certain nombre de prérogatives en matière de politique agricole commune ont en effet été confiées aux régions.

Étant un pur produit de la démocratie locale, je suis plutôt décentralisateur dans l'âme. Et pourtant, partout où je me rends, dès que l'on aborde le sujet de la dotation jeunes agriculteurs (DJA), on me demande de la recentraliser. Tel agriculteur considère comme plus attractif le dispositif mis en oeuvre dans la région voisine, tel autre juge les conditions d'éligibilité trop strictes dans sa région... C'est toute la question de la différenciation et de la décentralisation. Comment mener une politique agricole commune nationale ? La question se pose. Il est étonnant de voir qu'on peut aujourd'hui nous reprocher d'être allés trop loin dans la décentralisation.

En ce qui concerne le transfert des effectifs et des dossiers DJA, les régions m'avaient demandé, dès mon arrivée au ministère, de m'assurer que les effectifs transférés seraient suffisants. On peut toujours en débattre, mais Régions de France reconnaîtrait volontiers que nous avons fait un effort. Il a été proposé à des fonctionnaires des directions départementales des territoires (DDT) d'aller travailler en région, selon les modalités offertes par les régions. Tous ne l'ont pas fait. Il a donc été nécessaire, parfois, pour instruire les dossiers, de recruter ex nihilo des personnes qui n'avaient pas cette expérience. Dans d'autres régions, les choses se sont bien passées. Voilà qui explique certaines différences et des retards plus importants par endroits.

En Bourgogne-Franche-Comté en particulier, les tensions étaient telles entre les jeunes agriculteurs et la région que nous avons pris l'engagement de reprendre 200 dossiers, puis 250 supplémentaires en instruction, afin d'écouler les stocks. En bonne intelligence avec la présidente de région, l'État a donc mis les moyens pour permettre l'instruction des dossiers.

Monsieur Cadec, je suis sensible à vos remerciements pour les mesures agroenvironnementales. Elles couvrent, selon moi, les besoins, en particulier ceux de la Bretagne.

Vous avez raison par ailleurs, l'intégration de l'Ukraine changerait bien entendu la donne. Mon propos était de dire que, avec ou sans adhésion, la présence de cette puissance agricole à nos frontières produit déjà - et depuis plusieurs années - ses effets sur le marché.

Même si la question se pose non pas pour la PAC 2027, mais pour la suivante, nous devons réfléchir à une évolution de la PAC. Le dérèglement climatique, les bouleversements géopolitiques incessants, les crises économiques et l'arythmie des revenus qui en découlent doivent être pris en compte. Une exploitation de 40 000 hectares doit-elle bénéficier du même soutien qu'une exploitation de 100 hectares ? Poser la question, c'est déjà y répondre.

Les Ukrainiens, d'ailleurs, ne cherchent pas spécialement à bénéficier des crédits de la PAC. Ils n'en ont pas besoin pour être compétitifs. Il ne faudrait pas que nous nous liions les mains et que nous ne parvenions plus à produire suffisamment de céréales. Le besoin serait alors couvert par l'Ukraine.

Dans le processus d'adhésion qui sera long et dont nous ne connaissons pas l'issue, il nous faut donc entrer dans un dialogue et considérer l'Ukraine non pas comme un concurrent, mais comme un partenaire. Nous avons besoin de construire avec les Ukrainiens une stratégie européenne non pas nécessairement dans le cadre de l'« Union », mais du « continent », sur la question agricole.

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