Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 6 février 2024 à 15h30
Régime juridique des actions de groupe — Article 1er bis A

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

La principale avancée de cette proposition de loi est d'éviter une liste à la Prévert des matières pouvant faire l'objet d'actions de groupe ; elle ne procède pas non plus, dans sa version initiale, à des restrictions trop importantes qui excluraient des pans entiers du contentieux.

L'article 1er prévoit ainsi qu'une action de groupe peut être légitimement intentée pour le compte de plusieurs personnes placées dans une situation « résultant d'un même manquement ou d'un manquement de même nature » commis par une personne morale de droit public ou privé.

Feignant de s'en accommoder, la commission des lois en a accepté le principe, mais a imposé une double limitation : en matière de droit de la santé, elle cantonne l'action de groupe aux obligations légales et contractuelles des producteurs et fournisseurs de produits de santé ; en matière de droit du travail, elle la restreint aux discriminations à l'emploi.

Cette dévitalisation de deux pans majeurs de l'action de groupe laisse penser que la commission « protège », si je puis dire, les entreprises, en particulier les plus grandes, contre les justiciables lésés par des comportements hautement répréhensibles. La résorption de l'asymétrie des rapports de force, que l'action de groupe a justement vocation à permettre, serait ainsi entravée par l'article 1er bis A.

On relève au surplus une brèche, source d'insécurité juridique, entre cet article et l'article 1er bis, qui détaille les cas dans lesquels les syndicats peuvent engager des actions de groupe. Quel article faut-il croire ? Celui qui limite le champ des actions de groupe à la lutte contre les discriminations ou celui qui ouvre la possibilité d'agir collectivement en matière de protection des données personnelles et pour obtenir la cessation d'un manquement et la réparation de tout dommage causé à des personnes sous l'autorité d'un employeur ?

L'argument qui consiste à déplorer que les syndicats soient dépossédés du contentieux en matière de droit du travail ne résiste pas à l'épreuve des faits, dès lors que ceux-ci sont seuls à pouvoir engager une action de groupe en la matière lorsque les conditions sont réunies.

Le présent article ne répond en réalité qu'à une ambition, dévitaliser la proposition de loi ; aussi en proposons-nous la suppression.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion