Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 4 mars 2009 à 21h30
Loi pénitentiaire — Article 11 ter

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

Je n’abuserai pas de mon temps de parole pour présenter l’ensemble des modifications apportées par la commission, mais il me semble que l’obligation d’activité mérite quelques mots, ne serait-ce que pour informer ceux de nos collègues qui appartiennent à d’autres commissions que la commission des lois ou la commission des affaires sociales, et qui n’ont pas nécessairement suivi nos travaux avec la même attention.

L’article 11 ter du projet de loi tend à instituer une obligation d’activité pour la personne condamnée.

La réinsertion des détenus passe par l’exercice, pendant la détention, d’une activité destinée à favoriser la socialisation de la personne, qu’il s’agisse d’emploi, de formation professionnelle, de cours, d’alphabétisation, d’activité socio-culturelle ou sportive ou de participation à un groupe de parole dans le cadre de la prévention de la récidive.

Or, comme j’ai pu le constater à l’occasion de nombreuses visites dans les établissements pénitentiaires, une majorité de détenus suit très peu d’activités, voire aucune. Ainsi, le temps de la peine risque de rester un temps mort. Sans doute, dans les maisons d’arrêt surpeuplées, cette inactivité des détenus est-elle plus souvent subie que choisie. Cependant, cette oisiveté se rencontre aussi, bien que dans une moindre mesure, dans les établissements pour peine, qui ne sont pourtant pas soumis aux mêmes contraintes de démographie carcérale.

Depuis la suppression par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire de l’obligation, au reste peu appliquée, de travailler, aucune disposition ne contraint le détenu à exercer une activité, quelle qu’elle soit. Lorsque vous visitez les prisons, il est relativement choquant de trouver, quelle que soit l’heure de la journée, les personnes allongées en train de regarder la télévision. Je précise au passage que, parfois, un seul détenu regarde pendant que trois « subissent »…

Sous couvert du principe libéral mis en place par la loi de 1987, comme le soulignait le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, « la tentation peut ainsi être grande pour les surveillants, les directeurs d’établissement, les travailleurs sociaux ou les médecins d’attendre la “demande”, laissant ainsi de côté les détenus les plus fragiles ou les plus dangereux ».

À cet égard, j’observe que la situation française se singularise par rapport à celle qui est observée dans d’autres démocraties. J’ai pu constater, lors de visites d’établissements pénitentiaires au Royaume-Uni et au Canada, notamment, que la journée du détenu y était beaucoup plus occupée qu’en France. Plusieurs pays, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, imposent d’ailleurs aux personnes condamnées à une peine privative de liberté de travailler, même s’ils ne sont pas toujours en mesure d’offrir les emplois nécessaires.

J’ajoute que, contrairement à ce que d’aucuns avaient supposé, cette disposition n’est nullement contraire aux conventions européennes, notamment à la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce n’est pas une obligation de travail que la commission propose ; c’est une obligation d’activité. Dès lors que l’établissement pénitentiaire est en mesure de proposer plusieurs formes d’activités au détenu, il paraît très contestable de laisser à celui-ci la faculté de n’en exercer aucune. Il ne s’agit pas de rétablir l’obligation de travail et, en tout état de cause, l’obligation d’activité ne saurait être imposée qu’à quatre conditions.

Premièrement, elle ne s’appliquerait que si l’établissement est en mesure de proposer plusieurs activités.

Deuxièmement, l’activité ou les activités obligatoires devraient avoir pour finalité la réinsertion du détenu et être déterminées par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Troisièmement, elle ne vaudrait que pour les personnes condamnées et non pour les prévenus dont le statut en détention relève par priorité de l’autorité judiciaire.

Enfin, quatrièmement, cette obligation serait adaptée à l’âge, aux capacités et à la personnalité de chacun.

De manière complémentaire, la commission propose, d’une part, que les détenus puissent être consultés sur les activités qui leur seraient proposées, d’autre part, que les plus démunis puissent bénéficier, en contrepartie de cette activité, d’une aide versée partiellement ou intégralement en numéraire. Cela permettrait à un jeune de suivre une formation professionnelle et d’obtenir une aide financière pour pouvoir cantiner, ce qui le dispenserait de devoir s’adonner éventuellement à un travail non qualifiant.

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