Intervention de Richard Yung

Réunion du 4 mars 2009 à 21h30
Loi pénitentiaire — Article 11 quater

Photo de Richard YungRichard Yung :

Nous nous réjouissons de l’avancée que constitue l’article 11 quater.

Nous considérons néanmoins qu’il est possible d’aller plus loin dans la logique proposée par M. le rapporteur, qui écrit dans son rapport qu’il ne faut pas « laisser les détenus dans une situation de passivité mais, au contraire, les responsabiliser dans le cadre d’un dialogue avec l’administration pénitentiaire ».

Il nous apparaît nécessaire d’offrir un cadre à la consultation qui est prévue. À défaut, on pourrait se demander quelles seront les modalités de cette consultation : les détenus seront-ils consultés séparément, par cellule, par couloir ?

Les règles européennes, je le rappelle, même si elles n’ont pas toujours l’heur de plaire, précisent que les administrations peuvent permettre aux détenus d’élire des représentants et de constituer des commissions capables d’exprimer les sentiments et les intérêts de leurs codétenus.

Plusieurs pays européens n’ont d’ailleurs pas attendu l’adoption de ces règles pour octroyer aux personnes détenues un droit d’expression collective et autoriser la création de groupes ou de comités consultatifs. C’est notamment le cas en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède. La liste est, vous pouvez le constater, assez étoffée.

La question de l’expression collective des détenus reste, dans notre pays, un sujet difficile, délicat, parfois même tabou, et l’on peut le comprendre. Elle suscite différentes craintes, en particulier que ce droit d’expression ne soit instrumentalisé, détourné par un groupe donné à l’intérieur de la prison, et ce risque est réel. On redoute également que cette expression collective ne suscite des revendications qui iraient trop loin.

Néanmoins, les expériences étrangères ont démontré que ces comités ou ces groupes, selon la terminologie que l’on choisira, sont en fait très utiles. Contrairement à ce que l’on serait tenté croire, ils concourent au maintien de l’ordre et empêchent le développement de conduites que l’on pourrait qualifier de défiantes.

Une étude conduite en Grande-Bretagne montre que 75 % des directeurs d’établissement pénitentiaire consultent leur comité de détenus avant d’effectuer des changements dans les régimes de détention. Les réunions avec les représentants des détenus sont décrites comme ayant fourni un cadre sécurisant, dans lequel les questions controversées ont pu être discutées et contestées.

Ainsi, ce mode d’expression collective a, en réalité, un effet régulateur, « désamorçeur » de crise. Il devrait aider considérablement les chefs d’établissement et les différents responsables dans leur difficile travail.

C’est ce qui nous a amenés à déposer le présent amendement, qui encadre soigneusement les sujets susceptibles d’être abordés dans ce dialogue entre les détenus et l’administration pénitentiaire, dialogue qui constitue un progrès de la démocratie à l’intérieur de la prison. Puisqu’il faut préparer les détenus à la sortie, ne pas les couper de la réalité du monde extérieur, nous avons là une occasion de faire entrer un peu plus de démocratie dans la prison.

Enfin, nous proposons que les modalités d’application de cette disposition soient fixées par décret, ce qui garantit qu’elles seront avalisées par Mme le garde des sceaux et son administration.

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