Est-ce raisonnable ? Est-ce supportable ?
Afin de prévenir les abus concernant à la fois l’ensemble des rémunérations différées des dirigeants et les indemnités de départ, les fameux « parachutes dorés », nous proposons une fiscalité plus forte et plus juste qui incitera fortement à la modération des pratiques dans ces domaines.
Dans son rapport écrit, le président de la commission des lois fait remarquer que les dispositions fiscales doivent figurer dans la loi de finances. Certes, mais il devrait prodiguer cette recommandation au Gouvernement, puisque vous venez d’introduire la semaine dernière, monsieur le ministre, un crédit d’impôt dont le montant en régime de croisière peut atteindre un milliard d’euros pour encourager les entreprises à développer intéressement et participation. Vous avez ensuite refusé que nous supprimions, avec notre collègue Serge Dassault, ce crédit d’impôt. À bon entendeur, salut !
Toujours en matière d’activisme gouvernemental, jeudi dernier, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, votre collègue Éric Woerth a encore une fois écarté l’application d’une fiscalité équitable sur les stock-options en refusant des amendements pourtant adoptés par les députés en commission.
Le Gouvernement n’a même pas accepté l’application immédiate de la contribution salariale de 2, 5 %, décidée en 2007, sur les avantages résultant des stock-options et des attributions gratuites d’actions.
La Cour des comptes avait pourtant évalué à 3 milliards d’euros la perte de recettes pour la sécurité sociale. Nous vous proposons de porter cette taxation à 11 %, et la contribution patronale à 28, 2 %, ce qui correspond exactement aux cotisations patronales famille, maladie, chômage et retraite appliquées aux salaires.
Pour ce qui concerne les « parachutes dorés », le Gouvernement a accepté, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement de M. Bur assujettissant les indemnités de départ de plus d’un million d’euros aux cotisations sociales. Ce n’est pas de nature à limiter les excès. Nous vous proposons donc d’appliquer la législation en vigueur chez nos voisins hollandais, soit une fiscalité de 30 % pour les dirigeants dont le salaire annuel dépasse 500 000 euros, lorsque les indemnités sont supérieures au salaire annuel net. Comme vous pouvez le constater, le seuil retenu est élevé ; notre proposition est modérée.
Enfin, nous avons tous été témoins des défauts de l’encadrement des rémunérations différées lorsqu’elles sont détenues par les dirigeants de grandes sociétés.
Par ce texte, nous souhaitons prévenir de nouvelles affaires de délits d’initiés, pour que l’opprobre ne soit plus jeté sur des sociétés de dimension internationale. Nous vous proposons d’encadrer les modalités d’octroi et de réalisation des stock-options et des actions gratuites par l’établissement d’un calendrier régulier de leurs cessions.
Cependant, on ne peut pas s’attaquer au problème des rémunérations et à leur fiscalité sans réformer la gouvernance.
Les défaillances de gouvernance – nos diagnostics diffèrent sans doute sur ce point – n’ont pas pour seule source l’augmentation exagérée de la part variable et différée de la rémunération des dirigeants. Elles sont aussi la conséquence de l’ambiguïté du statut de dirigeant de société, qui permet de cumuler les avantages liés à un contrat de travail, notamment en cas de départ de la société, et les rémunérations de mandataire social.
C’est pourquoi nous vous proposons de réformer le statut de dirigeant en interdisant ce cumul. Cette proposition a déjà été longuement débattue, notamment par des clubs de réflexion proches de la majorité actuelle. Le code de bonne conduite du MEDEF y fait du reste référence. Depuis le temps qu’on en parle, inscrivons-là enfin dans la loi !
Ces dérives sont aussi la conséquence d’un manque de transparence des pratiques de rémunération des dirigeants de sociétés à l’égard de l’assemblée générale des actionnaires.
C’est pourquoi nous vous proposons, dans ce texte, que le conseil d’administration assume ses choix devant les actionnaires, que la loi donne enfin un contenu précis à la mission du comité des rémunérations, qui ne pourra plus être cantonné, lorsqu’il existe, à un rôle « cosmétique ».
Les actionnaires et les dirigeants actionnaires sont-ils, pour autant, les seuls à se contrôler mutuellement sur le partage de la plus-value née de la création de richesse ? Nous ne le pensons pas.
Les actionnaires et les dirigeants ne sont pas les seules parties prenantes de l’entreprise. Les salariés doivent aussi exercer leur droit de regard. C’est pour cela que nous prévoyons l’avis conforme du comité d’entreprise pour l’augmentation de la rémunération du président du conseil d’administration, ainsi que l’entrée d’un représentant des salariés au conseil d’administration.
Doit-on s’étonner que nous proposions aussi de renforcer la responsabilité personnelle du dirigeant de société ? En temps de crise, les salariés et les petits actionnaires doivent-ils supporter seuls les mauvais choix stratégiques de leurs dirigeants, surtout lorsque ceux-ci s’engagent dans des prises de risques démesurées et sans rapport avec la réalité de l’entreprise ?
Nous répondons « non », en vous proposant de mettre en œuvre la responsabilité des dirigeants, comme cela existe dans d’autres législations, par le biais d’une procédure de recours individuel et collectif qui pourra être exercée par les actionnaires. Vous voyez que nous ne sommes pas des révolutionnaires ; nous sommes des réformateurs conséquents et avons proposé cette solution plusieurs fois sans succès depuis 2005.
Aujourd’hui, mes chers collègues, il est grand temps que le législateur soit le réformateur qui donne un coup d’arrêt à des pratiques insupportables. Nous le devons aux Français, et plus particulièrement à ceux qui sont les plus exposés à la crise, dont on sent monter la colère et le dépit.
M. le président de la commission des lois a choisi, dans son rapport, de nous opposer un argument de procédure : le renvoi à la commission.