Cet article tire les conséquences des obligations posées par la directive communautaire de 2008, qui, dans une logique inébranlable, dispose que « la désignation du prestataire de service universel fait l’objet d’un réexamen périodique ».
Cette injonction doit se comprendre ici comme une obligation pour la puissance publique de contrôler la bonne exécution par le prestataire désigné de cette mission.
Le cas échéant, la périodicité de ce réexamen devrait permettre de changer de prestataire. Dans cette logique, cela se comprend.
Avant toute chose, replaçons cet article dans le contexte national.
L’État français disposait d’un formidable outil de contrôle des missions confiées à La Poste au titre du service universel. Cet outil, c’est évidemment le statut confié à La Poste, statut d’établissement public à caractère industriel et commercial ou EPIC.
Ce statut permet au ministre en charge des postes de disposer de leviers suffisants afin d’assurer que le service universel est rendu dans des conditions satisfaisantes, voire de modifier le cahier des charges de La Poste.
Pour atteindre ces objectifs de performance du service rendu, nous considérons qu’il est plus facile de conserver le statut actuel d’EPIC que d’instaurer une périodicité de la délégation du service universel.
Cette périodicité est également assortie d’une obligation faite au Gouvernement d’informer le Parlement des conditions d’exécution par La Poste de sa mission du service universel postal.
Or, nous le savons avant même d’examiner ces rapports, les conditions seront particulièrement difficiles pour La Poste.
Le monopole postal était nécessaire pour le financement des obligations de service public et pour la préservation de la péréquation tarifaire.
La fin du monopole postal constitue aussi la fin du service public postal et a fortiori la fin du service universel postal. La mise en place d’un fonds de compensation, préconisée par la Commission européenne, ne permettra pas de résoudre ce problème de manière positive. Nous y reviendrons.
À quoi sert un tel fonds dit de compensation ?
Il sert à compenser, pour l’opérateur historique, les pertes résultant de la captation par les opérateurs privés des créneaux rentables de l’activité du secteur, autrement dit à compenser l’écrémage auquel ne manqueront pas de se livrer les opérateurs privés en s’installant sur des niches particulièrement rentables.
Rien ne contraint l’opérateur privé à respecter l’obligation de desservir l’ensemble du territoire. Il reviendra donc à La Poste d’assumer seule les obligations de service public, sans aucune garantie de ressources pérennes.
Bref, nous en revenons toujours au même point : la question du service public, plus spécifiquement du service universel et de sa qualité est intimement liée à la question des financements dont le prestataire dispose pour remplir ses missions.
Vous continuez pourtant de faire comme si tout cela n’existait pas.
Certes, la commission a apporté deux précisions importantes. D'une part, elle a maintenu la compétence du ministre en charge des postes pour élaborer ou modifier les conditions d’exercice des missions de service public de La Poste, comprenant le régime applicable à la presse. D'autre part, elle a restreint le champ de compétences ouvert à l’ARCEP par cet article.
Pour autant, ces interventions positives ne changent rien à la philosophie générale : le service universel postal est clairement un service public au rabais puisqu’il ne correspond qu’à l’une des quatre missions de service public auxquelles est assujettie La Poste.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est, pour nous, une question fondamentale.
Au niveau européen et, donc, progressivement au sein des États membres, les services publics à caractère industriel et commercial sont progressivement détachés de la notion même de service public. Par ce processus, cette dernière perd progressivement de sa consistance au fur et à mesure de la réalisation d’un grand marché unique européen, où toute entrave à la libre circulation des biens, des hommes et des services est bannie, dans la droite ligne de l’Accord général sur le commerce des services.
Une telle dilution s’opère au profit de la notion de service universel, qui représente un véritable socle commun a minima pour l’ensemble de l’Union européenne, une limite au-dessous de laquelle on reconnaît qu’il ne faudrait pas descendre.
Autrement dit, pour les pays les plus développés, il s’agit d’une harmonisation par le bas des normes et de la réglementation sociale ; pour les pays les moins avancés, le gain est bien faible sur le plan social.
La notion de service universel est très réductrice et ne permet pas de répondre de façon satisfaisante aux besoins des populations et aux exigences de la modernité.
Il est en ce sens vital, pour les sénateurs du groupe CRC-SPG, de combattre l’orientation prise actuellement par la construction européenne, que le Gouvernement et sa majorité appliquent avec zèle. Il importe de maintenir un monopole postal suffisant pour garantir le financement pérenne du service public.