Cœur de la transposition de la directive 2008/6/CE, l'article 14 met fin au monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes. Il modifie dans sa quasi-totalité l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques et supprime, en conséquence, les dispositions relatives au secteur réservé.
Certes, La Poste est encore désignée dans le projet de loi comme le prestataire du service universel postal, mais pour une durée de quinze ans, avec une évaluation prévue tous les trois ans.
La suppression du secteur réservé est imposée par la nouvelle rédaction de l'article 4 proposée par la directive, qui laisse aux États membres le soin de déterminer la durée de la mission confiée au prestataire du service universel. En décidant de fixer cette dernière à quinze ans, le Gouvernement a sans doute jugé qu’il s’agissait d’une période suffisamment longue pour assurer la rentabilité des investissements consentis par le prestataire du service universel postal.
Or, aux termes de l'article L. 5-1 du code des postes et des communications électroniques, l’autorisation délivrée par l’ARCEP à tout prestataire a une durée de validité de dix ans. Il y a donc un évident problème de cohérence.
En outre, le caractère « éphémère » du prestataire du service universel constitue, de manière générale, une menace pour les investissements postaux. Il faut le rappeler, la directive ne prévoit aucune durée limite, mais précise simplement que celle-ci doit être « suffisante pour permettre la rentabilité des investissements ». Dès lors que La Poste aura réussi ses objectifs en la matière, elle pourra donc se voir écartée au profit d’un autre prestataire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, est-ce là le modèle que l'Union européenne souhaite donner ?
Dans sa seconde partie, l’article 14 du projet de loi reprend quasiment mot pour mot les dispositions déjà introduites par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, décrivant les obligations particulières auxquelles le prestataire du service universel postal est soumis, en plus de celles qui sont prévues par l’autorisation nécessaire à tout prestataire de services postaux.
Lors de l’examen de cette loi, nous avions déjà souligné combien ces obligations se limitaient au strict minimum et dénotaient une transposition purement libérale de la directive, plus encline à favoriser l’entrée de nouveaux acteurs qu’à défendre le service public.
Pourtant, la directive de 2008 n’interdit pas d’ajouter des obligations supplémentaires pour permettre, par exemple, selon les termes de l’article 5 de la directive de 1997 qu’elle tend à modifier, « d’offrir aux utilisateurs se trouvant dans des conditions comparables un service identique ». Seraient ainsi sauvegardées les exigences essentielles du service public, notamment la garantie d’une présence postale territoriale pérenne, équilibrée et adaptée aux besoins des usagers.
Dans la motion qu’elle a adoptée le 25 octobre dernier au cours de son assemblée générale, l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, demande en particulier que la mission d’aménagement du territoire confiée au prestataire du service universel postal fasse l’objet de « véritables garanties législatives ».
Mes chers collègues, plusieurs de nos amendements vont dans ce sens. Si vous les acceptez, nous pourrons non seulement répondre favorablement au souhait exprimé par l’AMRF, mais aussi rendre la transposition de la troisième directive postale un peu moins libérale.
Enfin, comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion de l’article 13, bien qu’il s’agisse de la transposition d’une directive, les sénateurs socialistes sont fermement opposés à la suppression du secteur réservé qui en est le corollaire. En effet, ce secteur assure aujourd’hui une part non négligeable du financement du service universel postal, ce qui ne sera plus le cas à l’avenir.
Nous le savons, de nombreux États membres de l'Union européenne souhaitent désormais le maintien du monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes.
Ainsi, alors que le Gouvernement nous propose un modèle fondé sur un financement du service universel postal externe à La Poste, dont on sait déjà que le niveau sera contesté et le montant, à terme, insuffisant, peut-on nous reprocher de souhaiter conserver un modèle économique garantissant le financement endogène, par le prestataire, des obligations du service universel postal ?
Nous reviendrons, bien sûr, sur ces points lors de l'examen des amendements.