Chaque fois, le Gouvernement nous répondait avec une certaine morgue qu’il fallait « respecter la grammaire du monde des affaires » et qu’il n’appartenait pas aux pouvoirs publics de se mêler de la finance. La grammaire du monde des affaires ! Merveilleuse expression qui ne voulait à peu près rien dire, si ce n’est que l’État s’était résigné au « laisser-faire »...
Il a fallu une crise financière d’une ampleur inédite pour que les choses évoluent ! Car, pour nos concitoyens, mes chers collègues, la question des rémunérations des dirigeants d’entreprise constitue aujourd’hui un véritable scandale : le jackpot réservé à quelques-uns et un pouvoir d’achat en berne pour tous les autres ! La revue Capital soulignait ces derniers jours que le salaire des cinquante patrons français les mieux payés a bondi de 20 % en 2007 : ils ont touché en moyenne 310 fois l’équivalent du SMIC ! C’est particulièrement visible dans le cas du patron le mieux payé, Jean-Philippe Thierry, mais aussi dans celui du deuxième du palmarès, Pierre Verluca, patron de Vallourec, dont la rémunération a bondi de 32 %, avec 12, 4 millions d’euros, alors que les bénéfices de sa société augmentaient d’à peine 8 %. Que dire des stock-options qui, grâce à la flambée de la bourse, ont vitaminé les revenus des patrons en leur rapportant 70 % de plus qu’en 2006 !
Comment en est-on arrivé là ? Les raisons de fond sont bien connues : la dérive de la gouvernance des entreprises, la financiarisation de l’économie, la recherche de la rentabilité à court terme. Bref, nous connaissons aujourd’hui, comme le souligne Daniel Cohen, une révolution financière qui a arraché les managers au salariat et les a rendus actionnaires. D’où une attention soutenue de la gouvernance à la maximisation des profits boursiers.
Je rappelle que la France est le pays au monde où la part des stock-options dans la rémunération totale est la plus élevée, même par rapport aux États-Unis. Mais on notera que, si 80 % des entreprises du CAC 40 proposent des stock-options, cela ne concerne que 1 % à 2 % des salariés.
Selon le journal allemand du 22 juin 2006, les chefs des grandes entreprises françaises sont les mieux payés d’Europe.