On voit effectivement ce qu’il en est ! « Ils vont partir – disiez-vous – aux Pays-Bas, au Luxembourg… » Mais aujourd’hui, avec des rémunérations moyennes annuelles qui dépassent 4, 5 millions d’euros, les dirigeants du CAC 40 sont parmi les mieux lotis d’Europe.
Comment peut-on concevoir, dans une société qui se dit soucieuse de l’égalité, que les dirigeants des sociétés du CAC 40 puissent gagner chaque année – sur ce point, les chiffres divergent – plus de 380 fois le salaire minimum ? Nous attendons des clarifications de la commission pour avoir le chiffre exact : 310, 350, 380. De toute façon, comme cela a été dit, c’est 20 % d’augmentation tous les ans, tout dépend à quel mois on a regardé le pourcentage !
Quel cynisme de protéger ces mêmes dirigeants par un contrat de travail, des stock-options, des parachutes dorés, alors qu’ils n’hésitent pas, pour augmenter les profits de leurs actionnaires, à mettre en place des plans de licenciements « économiques » alors même que leurs entreprises gagnent de l’argent !
Comment peut-on imaginer accorder des indemnités de départ, représentant plusieurs centaines de fois le SMIC annuel, à des dirigeants qui ont conduit leurs entreprises et notre économie dans une situation de crise profonde ?
Et parlons de responsabilité. Quel paradoxe que des dirigeants, qui perçoivent des rémunérations astronomiques et qui, par leur mauvaise gestion, mettent en péril les entreprises qu’ils dirigent, – vous l’avez reconnu, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre – s’en sortent avec des parachutes dorés et tous les privilèges qui vont avec, alors que les salariés, victimes de cette mauvaise gestion, sont menacés d’être licenciés avec, pour partir, deux mois de salaire ! Mais ce ne sont pas deux mois de salaire des dirigeants, ce sont deux mois de « leur » salaire, c’est-à-dire presque rien.
Mais il y a aussi une responsabilité collective de cette caste de dirigeants qui, par leur quête effrénée du profit à court terme, ont conduit l’économie mondiale dans la crise actuelle.
Selon le Bureau international du travail, cette crise mettra au chômage vingt millions de salariés dans le monde d’ici à deux ans et fera augmenter de plus de cent millions le nombre de personnes vivant avec moins de deux dollars par jour d’ici à la fin 2009.
Le postulat sur lequel repose votre politique, monsieur le ministre, c’est de dire que plus les dirigeants gagnent d’argent, plus il y aura de retombées sur l’économie et sur l’emploi.
Mais ce postulat ne résiste pas à l’épreuve de la réalité. Notre pays a déjà connu des périodes de plein-emploi, notamment durant les « Trente Glorieuses ». Le taux de chômage était à peine de 3 % en 1975. Pourtant, l’écart entre les rémunérations des dirigeants et les salaires des employés était bien moindre qu’aujourd'hui.
Prenons l’exemple des sociétés coopératives de production, les SCOP, où les écarts de salaire varient en moyenne de 1 à 10, non de 1 à 380. Ces sociétés sont aujourd’hui en plein développement, créent des emplois et défendent des valeurs sociales et humaines. D’ailleurs, ce ne sont pas que de petites entreprises, puisque la société Chèque déjeuner emploie plus de mille salariés. Dans cette entreprise, l’écart maximal entre la rémunération la plus forte et la rémunération la plus faible n’excède pas un rapport de 1 à 5. Cet exemple prouve que l’on peut diriger, et bien diriger, une entreprise avec une rémunération décente et raisonnable.
Peut-être me direz-vous – en tout cas, vous l’avez dit lors des discussions sur le bouclier fiscal – que ce n’est pas grave s’il y a des riches du moment qu’il y a de moins en moins de pauvres. Mais, justement, cette lecture est fausse. Qu’est-ce qui caractérise un riche ? C’est qu’il est riche par rapport aux pauvres. Donc, de façon littérale, plus il y a de très riches, plus il y a de très pauvres, nécessairement, puisque c’est l’écart qui fait la richesse. Le pouvoir se concentre, la richesse se concentre dans les coffres de quelques-uns, et cela crée des déséquilibres graves pour notre société.
Faute de temps, je ne prendrai qu’un exemple : la mixité sociale, dont vous avez parlé lors de l’examen du projet de loi sur le logement.
Comment faire respecter la mixité sociale ? Si des personnes, qui sont de plus en plus riches, peuvent acheter plusieurs appartements à Paris, cela aboutit à faire monter les loyers et les prix d’achat des appartements. Seuls les dirigeants et les professions les plus riches peuvent se les payer, tandis que les salariés les plus modestes, les professions moyennes sont obligés de quitter Paris et d’aller habiter en banlieue, parfois en très lointaine banlieue. Si l’on veut garantir la mixité sociale, on doit donc s’assurer que les écarts de salaire ne dépassent pas une certaine limite.
Cette proposition de loi vise à borner un système aberrant, immoral et incapable de se responsabiliser. C’est bien le rôle du politique que de mettre des limites, de poser des barrières à ces inégalités flagrantes.
Vous dites, monsieur le ministre, que vous agissez alors que, nous, nous parlons. Alors, permettez-moi d’abord de vous faire observer que nous avons, à diverses reprises, présenté de nombreux amendements, mais qu’ils n’ont pas été retenus. Si vous les aviez acceptés, vous n’auriez pu nier que nous agissions ! De même, lorsqu’il s’agit de propositions de loi, vous les rejetez.
Cela étant, c’est vrai, vous agissez : vous avez mis en place le bouclier fiscal pour favoriser les plus riches, vous avez privatisé, vous avez apporté des garanties aux banques, ...