Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée vise à allonger le délai de prescription de l’action publique pour les diffamations, injures ou provocations commises par l’intermédiaire d’Internet.
L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 fixe, pour les délits de presse, un délai de prescription dérogatoire au droit commun puisqu’il est de trois mois. Les auteurs de la proposition de loi nous proposent de le porter à un an, au motif que ce régime juridique serait déséquilibré et trop défavorable aux victimes lorsque la diffamation ou l’injure s’opère par la voie d’Internet.
À titre liminaire, j’observe que, en matière de délais de prescription, il y a un écart de plus en plus prononcé entre le domaine pénal et le domaine civil.
D’un côté, en matière civile, la tendance est à un raccourcissement des délais de prescription : depuis le vote de la loi du 17 juin 2008, il est désormais de cinq ans et non plus de trente ans.
D’un autre côté, en matière pénale, l’évolution est strictement inverse : l’allongement des délais est toujours plus important, par le biais de dérogations adoptées au fil des textes modifiant le code pénal.
Ainsi, dans son rapport d’information de juin 2007 intitulé « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent », M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, préconisait d’allonger les délais de prescription de l’action publique applicables aux délits et aux crimes, en fixant ces délais à cinq ans en matière délictuelle et à quinze ans en matière criminelle.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cet état d’esprit. Il faudrait prévoir un délai de prescription différent selon que le délit s’effectue par voie de presse ou sur Internet.
Cette question n’est pas nouvelle. Cela a été dit, plusieurs tentatives ont eu lieu afin de créer un régime juridique différencié pour les délits commis par voie de presse, pour lesquels le délai de prescription commence à courir au jour de la première publication, et pour les délits commis par l’intermédiaire d’Internet, pour lesquels le délai de prescription commencerait à courir le jour où cesse la publication.
L’amendement de notre ancien collègue René Trégouët, adopté lors de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique, tendait à fixer le point de départ du délai de prescription au moment où cesse la mise en ligne de l’article litigieux et non plus au moment où elle commence. Dans les faits, cela revenait à créer une sorte de délit continu, les articles publiés sur Internet pouvant y rester un nombre d’années indéterminé.
Lors de la discussion en séance publique de cet amendement, le président de la commission des lois avait exprimé un avis défavorable, …