Par conséquent, même si l’auteur du message d’origine l’enlève de la Toile, cela n’implique évidemment pas que disparaîtra la longue chaîne des autres messages identiques au premier. Il ne peut donc, de fait, y avoir de date de cessation de la mise à disposition, indépendamment même de la question des archives sur Internet.
Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs censuré cette disposition.
Pour autant, cela ne doit pas nous dispenser d’adapter la loi aux spécificités d’Internet, car la situation actuelle du droit régissant la prescription de l’action publique sur ce réseau informatique mondial n’est pas satisfaisante. C’est d’ailleurs le constat dressé en 2007 dans le rapport de la mission que nous avions conduite, le président Hyest, notre collègue Hugues Portelli et moi-même.
L’évolution technologique et le développement d’Internet posent des problèmes considérables. Les infractions de presse sont considérées comme des infractions instantanées, mais, lorsqu’elles sont commises sur la Toile, elles se réalisent par une action qui se prolonge dans le temps, et ce temps est d’ailleurs, dans la plupart des cas, indéfini. Autant dire qu’elles deviennent permanentes.
Le réseau offre donc la possibilité de donner davantage de publicité aux diffamations, aux attaques, aux injures ou aux provocations. De ce fait, la publication sur Internet constitue un facteur d’aggravation des infractions.
Le législateur a commencé à s’occuper de ce problème en 2004. Vous le savez, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a fait passer le délai de prescription de l’action publique de trois mois à un an lorsque l’infraction commise par voie de presse concerne une provocation à la discrimination ou à la violence à caractère raciste, une contestation de crimes contre l’humanité ou une diffamation ou injure commise en raison de la race.
Dans la mesure où ces dispositions laissaient de côté la question des autres infractions de presse, qui restaient soumises au délai spécial de trois mois, notre ami Robert Badinter et notre très regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt avaient fait adopter, par souci de cohérence, un amendement visant à étendre à tous les messages diffusés sur Internet l’allongement à un an du délai de prescription de l’action publique.
Lors du débat du 20 janvier 2004, Michel Dreyfus-Schmidt affirmait en effet que « ce qui est vrai pour les messages racistes diffusés sur Internet vaut pour tous les messages diffusés sur Internet ». Malheureusement, cet excellent amendement avait été « retoqué » en commission mixte paritaire. On avait alors argué qu’il fallait…