Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, notre discussion d'aujourd'hui prend un relief tout particulier avec la disparition de l'abbé Pierre. Son altruisme, son dévouement passionné sont une leçon de vie, un modèle d'humanité. Le souvenir de son action inlassable en faveur des exclus nous oblige ; il nous rappelle notre devoir d'agir et de tout faire pour venir en aide à nos concitoyens les plus en difficulté.
Ce devoir s'impose avec d'autant plus de force que l'actualité nous montre à quel point l'exclusion, comme le « mal-logement », peut entraîner certaines personnes dans des situations d'où il est à la fois long et difficile de s'extraire.
Quand un certain nombre de ceux qui détiennent un emploi n'ont plus les moyens d'emménager, quand la fragilité de la cellule familiale menace un nombre croissant de nos concitoyens de se retrouver du jour au lendemain à la rue, quand le moindre accident de la vie est susceptible de nous plonger dans le dénuement le plus complet, c'est que l'exclusion est devenue la principale menace sociale de notre société.
Une partie significative de la population y est directement confrontée. C'est le cas des titulaires de minima sociaux. Ils sont aujourd'hui 3, 5 millions. Si l'on ajoute les membres de leur famille à charge, le nombre de personnes couvertes par ces minima avoisine les 6 millions.
C'est dire si la mobilisation du Sénat sur ces questions est particulièrement bienvenue et importante.
Je tiens d'emblée à saluer, madame le rapporteur, la qualité exceptionnelle du travail que vous avez effectué avec votre groupe depuis plus de deux ans. Cette proposition de loi en constitue un indiscutable point d'orgue.
Votre rapport de mai 2005 et celui de MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier de décembre 2005 comportent une analyse de l'état actuel de nos dispositifs de minima sociaux et d'intéressement à la reprise d'emploi, et des propositions de réforme pertinentes, détaillées et globales y sont formulées.
Ces rapports, comme l'ensemble des études qui ont été conduites sur ces questions, montrent que les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne suffisent pas pour remédier à la pauvreté et à l'exclusion sociale ; elles ont même tendance à enfermer dans leurs dispositifs ceux qui en bénéficient.
Ces rapports montrent également que les mesures d'intéressement à la reprise d'emploi prises jusqu'ici étaient inefficaces. Ainsi, en juin 2005, seuls 11, 5 % des allocataires du RMI bénéficiaient d'un intéressement à la reprise d'emploi, et ce chiffre était en baisse par rapport aux années antérieures ; il était de 12, 5 % en 2004.
Cette situation est entretenue par les incohérences du dispositif de minima sociaux et par les effets pervers dus aux seuils fixés pour le versement des allocations ou résultant de la combinaison de ces allocations et de leurs droits connexes.
N'ajoutons pas aux ruptures professionnelle ou familiale un motif institutionnel, l'exclusion ayant pour cause les dispositifs de lutte contre l'exclusion eux-mêmes !
L'exclusion est une souffrance, n'en faisons pas un piège !
Se contenter de verser un minimum social, c'est, quelque part, entretenir une forme d'exclusion.